La crise postélectorale a causé un déplacement massif des populations vivant en Côte d’Ivoire. Beaucoup de personnes sont refugiées dans des Paroisses. Dans cet entretien, le représentant-résident de l’UNHCR, Jacques Franquin, explique que ces centres de transit ne sont pas encore vides.
Le Patriote : Quelle est la situation des réfugiés ivoiriens ?
Jacques Franquin : Les réfugiés ivoiriens bénéficient d’un immense effort de la part du gouvernement libérien. Qui a renvoyé un peu l’ascenseur à son homologue ivoirien pour tout ce qu’il a fait pour les réfugiés libériens pendant la guerre du Libéria. En tout cas, ils ont accueilli les Ivoiriens avec la même chaleur et la même gratitude comme les Ivoiriens l’avaient fait, il y a quelques années, avec eux. Aujourd’hui, il est évident que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) soutient le gouvernement libérien dans cet effort. Certains réfugiés se sont perdus au milieu de la forêt. Et avec l’état des routes en cette saison pluvieuse, nous mettons du temps pour pouvoir les retrouver. Et la meilleure réponse que nous avons pu trouver, c’est d’organiser des camps.
L.P. Combien de camps avez-vous justement pu dresser ?
J.F : Nous avons pu organiser assez de camps dans la région de Saklepéha (Libéria) pour pouvoir réinstaller les réfugiés. Nous avons cinq à six camps de réfugiés ivoiriens déjà installés.
L.P. : Quel est leur effectif ?
J.F. : Aujourd’hui, on estime à près de 182 mille, les réfugiés ivoiriens enregistrés par les autorités du HCR au Libéria. Mais, il y a déjà des personnes qui sont arrivées de façon spontanée et qui n’ont pas été enregistrées par nos services. Par simple refus ou pour des raisons personnelles. Ils attendent que la situation sociopolitique s’améliore pour rentrer de leur propre chef. C’est pourquoi, entre Danané et Toulépleu, une vingtaine de milliers de réfugiés ivoiriens sont rentrés spontanément.
L.P. : Qu’en est-il de ceux qui sont réfugiés au Ghana ?
J.F. : Du côté du Ghana, l’afflux a eu lieu beaucoup plus tard, précisément quand la bataille a éclaté à Abidjan. Petit à petit, des Ivoiriens sont rentrés au Ghana. Certains ont loué des maisons. Ce sont pour la plupart des personnes déjà aisées qui n’ont pas besoin de l’aide du HCR. L’accès est très facile du côté de la frontière ivoiro-ghanéenne. Les autorités ghanéennes ont été flexibles durant cette crise postélectorale au niveau des frontières. Au début du mois d’avril dernier, on a commencé à recevoir des gens qui sont venus demander l’asile. Nous les avons reçus et hébergés dans les camps.
L.P. : Combien sont-ils exactement à vivre au Ghana ?
J.F. : Officiellement, nous avons répertorié à ce jour environ 14.100 personnes. Il y a encore des gens qui viennent demander l’asile et qui pour la plupart sont de Yopougon. Puisque c’est là où il y a eu les combats entre les FRCI (Forces Républicaines de Côte d’Ivoire) et les miliciens. Nous savons que cette commune était politiquement favorable à l’ex-chef de l’Etat. Donc ces gens ont plus de raison de se sentir en danger. C’est pourquoi, nombre d’entre eux ont pris la décision d’aller au Ghana.
L.P. : Comment se fait la demande d’asile ?
J.F. : Jusqu’à présent, les autorités ghanéennes ont décidé de reconnaître tout le monde sur une base qu’on appelle ‘’prima faciès’’ (C`est-à-dire le fait que les gens se présentent explique qu’on peut considérer qu’ils ont été sujets à certaines persécutions, automatiquement, on leur donne le statut de réfugié). Mais, ce statut est temporaire. A partir d’un certain moment, les autorités ghanéennes demanderont à ces demandeurs d’asile de justifier la raison de la persécution pour pouvoir les reconnaître comme réfugiés. C’est une procédure qui peut prendre du temps, elle peut s’étendre sur plusieurs mois. Mais le moment venu, on interrogera chacun des concernés et on statuera après sur les différents cas.
L.P. : Comment se comportent ces réfugiés ivoiriens au Ghana et au Libéria ?
J.F : Je pense qu’ils se comportent bien. Il n’y a pas de tensions au sein des différents camps entre les réfugiés issus de diverses obédiences politiques. Ils vivent en parfaite harmonie.
L.P. : Il y a aussi les déplacés internes. Que faîtes-vous pour eux ?
J.F. : Il y a eu d’énormes déplacements des populations. Je dirai qu’il y a eu deux vagues. La première, c’était l’exode d’Abobo où la moitié de la population a fui au moment des combats. Environ un million de personnes ont quitté cette commune. La première phase a été très difficile pour nous parce que nous avons vu des gens passer devant notre siège avec leurs bagages sur la tête. Il y a eu un grand élan de solidarité. Par contre, d’autres sont allés se réfugier dans des centres de transit que sont : les paroisses, les mosquées, les missions catholiques… Ceux-là, nous avons essayé de les aider, mais le début a été très difficile.
L.P : Pourquoi ?
J.F. : Parce qu’ils étaient très nombreux. Et les besoins étaient énormes. Je pense que ça été une période pénible pour tous. On a compté entre 50 et 100 mille personnes qui étaient dans ces centres de transit. Nous avons essayé de les aider en fonction de nos moyens, en leur donnant des bâches, des jerricans, des ustensiles de cuisine,…etc. Le PAM (Programme Alimentaire Mondial) leur a également donné de la nourriture. Mais, il est très difficile à l’heure actuelle de vous donner le nombre exact de personnes déplacées. Puisque nous savons que beaucoup sont déjà rentrés. Les populations d’Abobo étaient divisées, aujourd’hui, il faudra du temps pour que tous ceux qui étaient étiquetés pro-Gbagbo puissent retourner chez eux dans des conditions de sécurité. Yopougon a été également défigurée et pour beaucoup, il est encore difficile de rentrer dans cette commune. D’une part pour leur sécurité, et d’autre part, il y a eu des destructions importantes. Certes, nous sommes-là pour les aider. Mais ils ne doivent pas attendre que nous les humanitaires et l’Etat, réglions tous leurs problèmes. C’est un effort de solidarité, de tolérance. Il faut que chacun puisse accepter l’autre. On ne va pas remettre aux gens des maisons déjà construites. Mais, nous ne pourrons jamais réparer tout ce qui a été cassé. Il faut remarquer que le nombre de déplacés dans les centres de transit est en train de diminuer. Nous avons environ 15.000 déplacés répartis dans une trentaine de centres dont seulement une vingtaine est opérationnelle. Et nous avons encore 40.000 déplacés que nous assistons et qui vivent chez les gens. Soit au total 55 000 personnes que le HCR assiste.
L.P. : Quels sont ces centres de transit?
J.F. : Il y a la paroisse St-Bernard (Yopougon Niangon), l’Eglise du Christianisme Céleste. L’Eglise St-Ambroise du Jubilé (Cocody) qui enregistre près de 358 déplacés. Ce n’est plus grande chose, comparativement au passé. A Dabou, nous avons 114 déplacés au Centre culturel, 1124 au centre social. A St-Augustin de Bingerville, il reste environ 2000 déplacés dans ce centre. Les gestionnaires de ces sites sont les ONG et des partenaires. Nous donnons de la nourriture par le biais du PAM, des médicaments et des produits hygiéniques par l’entremise de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Je tiens à rendre hommage aux catholiques et aux musulmans qui ont accueilli tous ces déplacés. Nous donnons ce qu’on peut avec les moyens dont nous disposons.
Réalisée par Anzoumana Cissé
Le Patriote : Quelle est la situation des réfugiés ivoiriens ?
Jacques Franquin : Les réfugiés ivoiriens bénéficient d’un immense effort de la part du gouvernement libérien. Qui a renvoyé un peu l’ascenseur à son homologue ivoirien pour tout ce qu’il a fait pour les réfugiés libériens pendant la guerre du Libéria. En tout cas, ils ont accueilli les Ivoiriens avec la même chaleur et la même gratitude comme les Ivoiriens l’avaient fait, il y a quelques années, avec eux. Aujourd’hui, il est évident que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) soutient le gouvernement libérien dans cet effort. Certains réfugiés se sont perdus au milieu de la forêt. Et avec l’état des routes en cette saison pluvieuse, nous mettons du temps pour pouvoir les retrouver. Et la meilleure réponse que nous avons pu trouver, c’est d’organiser des camps.
L.P. Combien de camps avez-vous justement pu dresser ?
J.F : Nous avons pu organiser assez de camps dans la région de Saklepéha (Libéria) pour pouvoir réinstaller les réfugiés. Nous avons cinq à six camps de réfugiés ivoiriens déjà installés.
L.P. : Quel est leur effectif ?
J.F. : Aujourd’hui, on estime à près de 182 mille, les réfugiés ivoiriens enregistrés par les autorités du HCR au Libéria. Mais, il y a déjà des personnes qui sont arrivées de façon spontanée et qui n’ont pas été enregistrées par nos services. Par simple refus ou pour des raisons personnelles. Ils attendent que la situation sociopolitique s’améliore pour rentrer de leur propre chef. C’est pourquoi, entre Danané et Toulépleu, une vingtaine de milliers de réfugiés ivoiriens sont rentrés spontanément.
L.P. : Qu’en est-il de ceux qui sont réfugiés au Ghana ?
J.F. : Du côté du Ghana, l’afflux a eu lieu beaucoup plus tard, précisément quand la bataille a éclaté à Abidjan. Petit à petit, des Ivoiriens sont rentrés au Ghana. Certains ont loué des maisons. Ce sont pour la plupart des personnes déjà aisées qui n’ont pas besoin de l’aide du HCR. L’accès est très facile du côté de la frontière ivoiro-ghanéenne. Les autorités ghanéennes ont été flexibles durant cette crise postélectorale au niveau des frontières. Au début du mois d’avril dernier, on a commencé à recevoir des gens qui sont venus demander l’asile. Nous les avons reçus et hébergés dans les camps.
L.P. : Combien sont-ils exactement à vivre au Ghana ?
J.F. : Officiellement, nous avons répertorié à ce jour environ 14.100 personnes. Il y a encore des gens qui viennent demander l’asile et qui pour la plupart sont de Yopougon. Puisque c’est là où il y a eu les combats entre les FRCI (Forces Républicaines de Côte d’Ivoire) et les miliciens. Nous savons que cette commune était politiquement favorable à l’ex-chef de l’Etat. Donc ces gens ont plus de raison de se sentir en danger. C’est pourquoi, nombre d’entre eux ont pris la décision d’aller au Ghana.
L.P. : Comment se fait la demande d’asile ?
J.F. : Jusqu’à présent, les autorités ghanéennes ont décidé de reconnaître tout le monde sur une base qu’on appelle ‘’prima faciès’’ (C`est-à-dire le fait que les gens se présentent explique qu’on peut considérer qu’ils ont été sujets à certaines persécutions, automatiquement, on leur donne le statut de réfugié). Mais, ce statut est temporaire. A partir d’un certain moment, les autorités ghanéennes demanderont à ces demandeurs d’asile de justifier la raison de la persécution pour pouvoir les reconnaître comme réfugiés. C’est une procédure qui peut prendre du temps, elle peut s’étendre sur plusieurs mois. Mais le moment venu, on interrogera chacun des concernés et on statuera après sur les différents cas.
L.P. : Comment se comportent ces réfugiés ivoiriens au Ghana et au Libéria ?
J.F : Je pense qu’ils se comportent bien. Il n’y a pas de tensions au sein des différents camps entre les réfugiés issus de diverses obédiences politiques. Ils vivent en parfaite harmonie.
L.P. : Il y a aussi les déplacés internes. Que faîtes-vous pour eux ?
J.F. : Il y a eu d’énormes déplacements des populations. Je dirai qu’il y a eu deux vagues. La première, c’était l’exode d’Abobo où la moitié de la population a fui au moment des combats. Environ un million de personnes ont quitté cette commune. La première phase a été très difficile pour nous parce que nous avons vu des gens passer devant notre siège avec leurs bagages sur la tête. Il y a eu un grand élan de solidarité. Par contre, d’autres sont allés se réfugier dans des centres de transit que sont : les paroisses, les mosquées, les missions catholiques… Ceux-là, nous avons essayé de les aider, mais le début a été très difficile.
L.P : Pourquoi ?
J.F. : Parce qu’ils étaient très nombreux. Et les besoins étaient énormes. Je pense que ça été une période pénible pour tous. On a compté entre 50 et 100 mille personnes qui étaient dans ces centres de transit. Nous avons essayé de les aider en fonction de nos moyens, en leur donnant des bâches, des jerricans, des ustensiles de cuisine,…etc. Le PAM (Programme Alimentaire Mondial) leur a également donné de la nourriture. Mais, il est très difficile à l’heure actuelle de vous donner le nombre exact de personnes déplacées. Puisque nous savons que beaucoup sont déjà rentrés. Les populations d’Abobo étaient divisées, aujourd’hui, il faudra du temps pour que tous ceux qui étaient étiquetés pro-Gbagbo puissent retourner chez eux dans des conditions de sécurité. Yopougon a été également défigurée et pour beaucoup, il est encore difficile de rentrer dans cette commune. D’une part pour leur sécurité, et d’autre part, il y a eu des destructions importantes. Certes, nous sommes-là pour les aider. Mais ils ne doivent pas attendre que nous les humanitaires et l’Etat, réglions tous leurs problèmes. C’est un effort de solidarité, de tolérance. Il faut que chacun puisse accepter l’autre. On ne va pas remettre aux gens des maisons déjà construites. Mais, nous ne pourrons jamais réparer tout ce qui a été cassé. Il faut remarquer que le nombre de déplacés dans les centres de transit est en train de diminuer. Nous avons environ 15.000 déplacés répartis dans une trentaine de centres dont seulement une vingtaine est opérationnelle. Et nous avons encore 40.000 déplacés que nous assistons et qui vivent chez les gens. Soit au total 55 000 personnes que le HCR assiste.
L.P. : Quels sont ces centres de transit?
J.F. : Il y a la paroisse St-Bernard (Yopougon Niangon), l’Eglise du Christianisme Céleste. L’Eglise St-Ambroise du Jubilé (Cocody) qui enregistre près de 358 déplacés. Ce n’est plus grande chose, comparativement au passé. A Dabou, nous avons 114 déplacés au Centre culturel, 1124 au centre social. A St-Augustin de Bingerville, il reste environ 2000 déplacés dans ce centre. Les gestionnaires de ces sites sont les ONG et des partenaires. Nous donnons de la nourriture par le biais du PAM, des médicaments et des produits hygiéniques par l’entremise de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Je tiens à rendre hommage aux catholiques et aux musulmans qui ont accueilli tous ces déplacés. Nous donnons ce qu’on peut avec les moyens dont nous disposons.
Réalisée par Anzoumana Cissé