«Le chien aboie, la caravane passe». La presse nationale a relevé cela dans le discours d’Alassane Ouattara, chef de l’Etat, Président de la République. C’était vendredi, en présence du Premier ministre français, François Fillon. Celui dont la présence réjouit le Président ivoirien car, explique-t-il « votre présence parmi nous aujourd’hui, au moment où votre pays célèbre sa fête nationale, est un signe de haute portée, qui témoigne de la qualité des relations historiques d’amitié et de coopération entre la Côte d’Ivoire et la France ». Exit la vérité implacable qui enseigne qu’un pays n’a pas d’amis, mais plutôt des intérêts à protéger ! Bref. On l’imagine aisément, ces piques à tête porteuse d’invectives sont destinées aux Refondateurs dont le souverainisme du chef de file, Laurent Gbagbo, a fait de ce dernier un paria aux yeux de la Françafrique. Le chien aboie, la caravane de la Françafrique passe. C’est l’une des interprétations qu’on peut tirer de ce bout de phrase. Parce qu’au moment où la Côte d’Ivoire se livre à la génuflexion pour payer ses fonctionnaires, là où avec 40% du territoire, Laurent Gbagbo a géré l’entièreté de l’Etat, sacrifiant régulièrement au rituel des virements bancaires, la situation convoque qu’on reste affranchi de l’influence aliénante de la parole. Le chien aboie, la caravane passe est aux antipodes de l’art de parler qui exigent que « certains mots ne soient prononcés, s’ils doivent déplaire ou rompre l’harmonie de l’atmosphère ». Hélas, que ça plaise ou pas, Alassane Ouattara avait dans l’auditoire le Premier ministre français. Un hôte de marque. Celui dont le pays l’a fait roi. En lançant ses légionnaires à l’assaut de la résidence de Laurent Gbagbo. Qu’il traite ses opposants de « chiens », peu importe. L’objectif, c’est de rassurer la France qu’on n’empruntera jamais le sinueux et rocailleux chemin de défaire le cordon ombilical qui lie la Côte d’Ivoire à la (l’ancienne) puissance tutélaire. Dans ces conditions, on est assuré de conduire une présidence tranquille, mais docile, sous le parapluie nucléaire de la France. Qu’à cela ne tienne ! Alassane Ouattara est malgré tout Président de la République de Côte d’Ivoire. Donc miroir de la société. Comme tel, chacun de ses mots doit être pesé et soupesé. Son lexique doit être « aseptisé » de certains vocabulaires incompatibles avec la noble fonction de chef d’Etat. Au risque d’apporter de l’eau au moulin de ceux qui disent de lui qu’il a la rancune tenace.
Politique Publié le lundi 18 juillet 2011 | Le Temps