Le chef de l’Etat ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, clame depuis son arrivée au pouvoir, dans les conditions calamiteuses, le 11 avril dernier, sa volonté de lutter « contre l’impunité » en Côte d’Ivoire. Qui serait, selon lui, la source de toutes les dérives constatées dans ce pays depuis plusieurs années. Il entend se démarquer, dans son entendement, de la gestion jugée trop paternaliste de l’ancien régime incarné par le Président Laurent Gbagbo. « Je suis contre l’impunité », a-t-il martelé, le vendredi 29 juillet dernier, dans un entretien à l’agence américaine, Associated Press (Ap). Dans le contexte de son voyage entamé, le mardi 26 juillet dernier, aux Etats Unis. Ce bel idéal, qui en réalité n’est pas une première en terre ivoirienne, souffre d’une terrible contradiction. Suscitée et entretenue par Ouattara, lui-même, alors qu’il n’a pas véritablement donné naissance à cette ambition. La lutte contre l’impunité, pour le nouveau Chef de l’Etat, n’est valable que pour ses adversaires. Ses partisans, pourtant reconnus coupables de graves exactions dans la crise post électorale, bénéficient de son silence. Ils sont parfois félicités. Dans ses entretiens, Alassane Ouattara, tel un procureur de la République qui instruit un dossier à charge, ne rate aucune occasion pour tirer à boulet rouge sur le camp Laurent Gbagbo. Il attribue à chacun des membres de ce camp, un délit en l’absence d’enquêtes préalables et de procès ; et il va jusqu’à donner des orientations à la justice ivoirienne dans ce sens. Le mercredi 27 juillet, au siège des Nations Unies à New York (Etats Unis), Ouattara a affirmé à la surprise générale que l’ancien président Laurent Gbagbo, déchu par la force des armes, sera jugé en Côte d’Ivoire pour les «crimes économiques ». D’où tient-il une telle information ? Sur quelle base affirme t-il pareille chose ? Le procureur de la République ivoirienne a-t-il diligenté une telle enquête ? Quand ? Et pourquoi les conclusions n’ont pas été rendues publiques ? A moins qu’Alassane Dramane Ouattara ait décidé de faire fi de la séparation du pouvoir (exécutif et législatif) pour se substituer à la justice. Alassane Ouattara se rebiffe quand on évoque les exactions commises par ses troupes à Abidjan et dans l’Ouest du pays. Il écarte du revers de la main les conclusions des enquêtes de l’Onu, des organisations des droits de l’homme telles que d'Amnesty International et Human Rights Watch (HRW). Sans compter les organisations humanitaires à l’image du Cicr qui ont conclu à la violation des droits de l’homme par les forces pro-Ouattara avant et après sa prise de pouvoir, par la force, le 11 avril dernier. En effet, un rapport d'Amnesty International publié, cette semaine, accuse les Frci, forces pro-Ouattara, de toujours s'en prendre à des populations favorables à Laurent Gbagbo. Un demi-million de personnes déplacées, appartenant à un même groupe ethnique, serait ainsi menacées. En outre, autre rapport de Human Rights Watch (HRW), daté de juin dernier, accuse les forces pro-Ouattara d'avoir tué 149 partisans de Gbagbo depuis son arrestation, le 11 avril dernier. Le document pointe du doigt Chérif Ousmane, chef de guerre dans la région de Bouaké (nord) et pilier de la rébellion armée, qui aurait ordonné l'exécution de 29 personnes. "ça ne peut pas être vrai (...) Chérif Ousmane est l'un de nos meilleurs soldats", a rétorqué Alassane Ouattara à l’Ap, sans fournir un début de preuve. Il a défendu Chérif Ousmane, juste parce que c’est son chien de guerre qui lui a été d’une aide précieuse pour sa prise de pouvoir. Par la force. C’est l’entretien exclusif d’Alassane Dramane Ouattara accordé, le dimanche 22 mai dernier, à Rfi et à la chaîne française France 24, au lendemain de son investiture et après un mois et demi de sa prise de pouvoir, qui nous situe sur le sort qu’il entend réserver à Laurent Gbagbo et à ses collaborateurs. Cette interview nous permet également de mieux cerner sa psychologie du pouvoir. Alassane Ouattara affirme ceci devant les questions de France 24 et de RFI. Sur la question des violations des droits de l’homme après la guerre survenue à partir du 28 novembre 2010. Et ce, avant même qu’une instruction soit ouverte de façon officielle par le procureur de la République. « Il y aura deux catégories (de procès). La corruption, la déstabilisation, la confiscation du pouvoir après les résultats des élections, les forfaitures etc… Tout ça peut être jugé par les tribunaux ivoiriens. Mais à côté, nous avons tout de même des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des crimes de sang. Nous pensons et nous demandons que ce soit la Cour pénale internationale », a-t-il déclaré. En ce qui concerne le sort de l’ancien président Laurent Gbagbo,voici l’échange entre Alassane Ouattara et la journaliste de France 24 : « France 24 : Donc Laurent Gbagbo ira à la CPI.
Alassane Ouattara. : Oui mais pas seulement lui, d’autres aussi. J’ai d’ailleurs déjà fait une demande écrite. » Et Ouattara d’ajouter : « Pourquoi certains chefs d’Etat devraient être devant la Cour pénale internationale pour ce qu’ils ont fait et que Laurent Gbagbo ne le soit pas ? ». Un autre échange, cette fois relatif aux exactions de ses troupes à Duekoué. « France 24 : Vos hommes, les RFCI (Forces républicaines de Côte d'Ivoire), ont commis également des exactions, notamment dans l’ouest du pays à Duékoué. Vous avez dit qu’il n’y aura pas d’impunité pour ces hommes-là.
Alassane Ouattara. : Tout à fait.
France 24 : Ces hommes ont-ils déjà été arrêtés ?
A.O. : Non, il faut d’abord faire le point, que nous sachions ce qui s’est passé. Nous avons diligenté le procureur de cette région qui allait faire des investigations. J’ai demandé à la Commission des droits de l’homme de faire également une enquête. Et donc, à l’issue de ces enquêtes, tous ceux qui auront des choses à se reprocher, à qui on reprocherait des crimes seront jugés. Tous les Ivoiriens sont égaux devant la loi. Il n’y aura pas d’exception. ».Et pourtant Laurent Gbagbo et ses collaborateurs sur qui pèsent de simples soupçons sont arrêtés depuis 199 jours. On le constate, Ouattara demande une procédure en bonne et dû forme quand ses hommes sont mis en cause. Voici l’image de la nouvelle justice ivoirienne. Sous Alassane Ouattara.
Serge Armand Didi
Alassane Ouattara. : Oui mais pas seulement lui, d’autres aussi. J’ai d’ailleurs déjà fait une demande écrite. » Et Ouattara d’ajouter : « Pourquoi certains chefs d’Etat devraient être devant la Cour pénale internationale pour ce qu’ils ont fait et que Laurent Gbagbo ne le soit pas ? ». Un autre échange, cette fois relatif aux exactions de ses troupes à Duekoué. « France 24 : Vos hommes, les RFCI (Forces républicaines de Côte d'Ivoire), ont commis également des exactions, notamment dans l’ouest du pays à Duékoué. Vous avez dit qu’il n’y aura pas d’impunité pour ces hommes-là.
Alassane Ouattara. : Tout à fait.
France 24 : Ces hommes ont-ils déjà été arrêtés ?
A.O. : Non, il faut d’abord faire le point, que nous sachions ce qui s’est passé. Nous avons diligenté le procureur de cette région qui allait faire des investigations. J’ai demandé à la Commission des droits de l’homme de faire également une enquête. Et donc, à l’issue de ces enquêtes, tous ceux qui auront des choses à se reprocher, à qui on reprocherait des crimes seront jugés. Tous les Ivoiriens sont égaux devant la loi. Il n’y aura pas d’exception. ».Et pourtant Laurent Gbagbo et ses collaborateurs sur qui pèsent de simples soupçons sont arrêtés depuis 199 jours. On le constate, Ouattara demande une procédure en bonne et dû forme quand ses hommes sont mis en cause. Voici l’image de la nouvelle justice ivoirienne. Sous Alassane Ouattara.
Serge Armand Didi