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Société Publié le mardi 16 août 2011 | Le Patriote

Reportage / Opération “pays propre” Sur les traces des déguerpis !

Dans le but d’assainir le cadre de vie des populations, le ministère de la Salubrité urbaine, a entrepris le déguerpissement des commerçants installés archaïquement sur la chaussée. Si l’initiative est à saluer, en revanche dans sa conduite, elle fait grincer des dents.
A la Rue princesse de Yopougon, c’est actuellement l’amertume et la consternation chez les gérants et propriétaires de bars et maquis. L’opération de déguerpissement initiée par le ministère de la Salubrité urbaine leur a été fatale. Depuis le vendredi 5 août dernier, les bars géants, maquis et autres night-clubs qui foisonnaient le long de cette rue ne sont plus que de vieux souvenirs. En lieu et place, il ne reste que des tas de gravas. Les bulldozers commis à la tâche par le ministère de la Salubrité urbaine ont défiguré la rue princesse. Les maquis, bars géants et autres caves de boissons se sont effondrés sous les dents dévoratrices des machines. Et l’opération de déguerpissement se poursuit. Mercredi 10 août, Konan Yao Hervé assiste impuissant à la démolition d’une grande partie de son bar, « le Recto Verso ». Ne voulant pas interrompre son activité, il s’est remis immédiatement à la tâche dès que la machine s’est attaquée à un autre bar. « On nous a demandé de nous aligner sur les immeubles. Je suis donc en train de refaire la façade de mon bar », nous confie t-il. Le déguerpissement des tenanciers de bars, fulmine t-il, a été brusque. « C’est seulement le jeudi 5 août que le ministère de la Salubrité urbaine nous a apporté des convocations aux environs de 20 h, pour nous informer que le lendemain, nos maquis et bars seront cassés. Vous conviendrez avec moi que nous n’étions pas préparés à cela. Ce maquis, je le loue à 250 000 FCFA par mois. Normalement, c’est au propriétaire d’engager ces travaux, mais je suis obligé de le faire, si je ne veux pas me retrouver au chômage », confie t-il, le visage fermé. Gérant du maquis « Abidjan VIP », Alexis Amadi, ne dit pas autre chose. « Nous ne sommes pas contre l’assainissement, mais il faut dire que ce déguerpissement est mal venu. Nous sortons d’une crise qui a éprouvé toute la population. On nous envoie une convocation entre 19 h et 20h pour nous informer que nos maquis seront rasés. C’est une manière de nous mettre au chômage, sinon, ils auraient pu nous accorder un délai raisonnable », proteste Alexis Amadi. Tout comme lui, Noël Fodé Doukouré, propriétaire du « Play-off bar » pense que le gouvernement a usé de la loi du plus fort. Certes, les maquis, reconnaît-il, occupaient le domaine public, mais c’était moyennant une contrepartie financière. « La mairie savait bien qu’on occupait ces espaces. Mais, on payait la taxe pour ODP (occupation du domaine public). En fonction de la taille de ton activité, tu payais des taxes à la mairie. Aujourd’hui, on vient casser nos entreprises comme si nous n’avions pas investis dans ces projets. Ce n’est pas du tout normal », s’indigne-t-il. Son préjudice, Noël Doukouré l’évalue entre 6 et 7 millions de FCFA, tandis que les propriétaires des maquis « Jackpot » et « Abidjan VIP » évaluent leurs pertes à plus de 60 millions de FCFA. « Dans ces maquis, l’investissement était colossal. Il y avait des jeux de lumières partout », justifie Alexis Amadi. Les propriétaires des maquis comptent-ils entamer une action en justice pour dédommagement ? Noël Doukoué est pessimiste sur la portée d’une telle action. « Nous avons en face de nous l’Etat qui est le plus fort. Dans un pays développé, peut-être que nous serions dédommagés, mais en Côte d’Ivoire ici, ce n’est pas sûr. J’ai déjà perdu de l’argent, si je dois en perdre encore dans une procédure judiciaire qui n’aboutira pas, ce n’est pas la peine », lance t-il laconiquement. Les propriétaires et gérants des maquis disent attendre ce que décidera le gouvernement, car, pour eux, il n’est pas question que la rue princesse meure.
Autre lieu, même indignation. Le boulevard Valéry Giscard d’Estaing (VGE). Ce boulevard, depuis un moment, présente un autre visage. Les vendeurs de véhicules d’occasion qui avaient élu domicile tout le long du VGE ont été sommés de partir. Ceux qui avaient construit leur local en dur ont bénéficié d’un délai d’un mois. Les autres ont dû trouver d’autres points de chute. Cela, contre leur gré. « Nous sommes installés depuis l’ère Henri Konan Bédié. Certes, nous occupons le domaine public. Mais c’est avec le consentement de la mairie. Nous payons les ODP », proteste un opérateur libanais.

Pas de proposition
de recasement

Pour Ousmane, également vendeur de véhicules d’occasion, le tout n’est pas de les chasser, mais de leur trouver de sites de recasement. « Le ministère nous fait savoir qu’il ne fait qu’appliquer un arrêté pris depuis 2008. Mais durant tout ce temps, personne ne nous a proposé où partir. Nous avons toujours payé nos taxes. Nous sommes quand même des opérateurs économiques qui payons les taxes de douane. Ces taxes s’élèvent à des millions de FCFA. Si nous arrêtons notre activité, c’est un manque à gagner et pour l’Etat et pour nous-mêmes. Car nous employons du personnel. Que deviendrons donc ces personnes», s’interroge Ousmane.
« Chassés », tout comme les vendeurs de véhicules d’occasion, les commerçants installés aux différents carrefours, sur la chaussée pleurent également. Tous ont les mêmes lamentations. « Vu la taille de notre commerce, nous n’avons pas les moyens de louer des magasins. Pour seulement le pas de porte, la mairie demande de payer entre deux et cinq millions de CFA. Pour quelqu’un qui ne vend que des ceintures de friperies, où voulez-vous que je trouve cet argent », demande un commerçant du grand carrefour de Koumassi, contraint de jouer à cache- cache avec les forces de l’ordre. Et son voisin, vendeur de montres et de lunettes d’ajouter : « tout commerçant souhaiterait avoir une place au marché. Mais nous n’avons pas les moyens de louer les magasins. Si on nous propose une place au marché où les magasins sont à notre portée, nous ne serons plus sur la route ». Pour les commerçants rencontrés, le déguerpissement ne résoudra pas le problème d’occupation anarchique des chaussées. En tout cas, pas tant que le gouvernement et les collectivités ne construiront pas de nouveaux marchés, avec des prix des places qu’ils pourront supporter.
Dao Maïmouna
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