La politique est, dit-on, la saine appréciation des réalités du moment. L’expression est intéressante à plus d’un titre. Elle sous-entend, en effet, l’idée de clarté dans la vision des choses, d’à-propos dans les décisions, le juste milieu entre le dogmatisme qui tue le consensus et la naïveté qui supprime toute productivité du système. L’idée présente d’autant plus d’intérêt qu’elle s’applique très facilement au système politique des pays africains. Saine appréciation emporte l’idée de propreté, de salubrité, aussi bien au niveau des vues politiques qu’au plan de l’aménagement de l’environnement physique. En l’occurrence, de la voirie. Or, en Afrique en général, et en Côte d’ivoire en particulier, les voies qui mènent au pouvoir sont à peine plus saines que les rues que les élus politiques ont longtemps arpentées pour se hisser au sommet, et qu’ils sont censés débarrasser de leurs détritus dans le cadre de l’exécution du portefeuille dont ils ont la charge. De ce point de vue, jusqu’à une certaine époque, à peine éloignée, la politique servait à apprécier les réalités en les orientant dans un sens ou dans l’autre, selon leur malléabilité, pourvu que cela serve l’intérêt de celui qui "apprécie". Cependant, si on considère que le pouvoir est le parachèvement d’un parcours (l’idée d’accession et l’état d’esprit de bien de nos élus le supposent), il faut craindre que le "malheureux" qui arrive au terme de celui-ci soit tout entier marqué par la gadoue qu’il a du traverser, tellement les voies de la politique en Afrique (au propre comme au figuré) sont sales. Ce qu’on doit au régime actuel en Côte d’Ivoire c’est de lui reconnaître une quasi obsession de la propreté. Les voies sont à nouveau propres, ou presque. A Adjamé comme à Koumassi grand carrefour, l’on est moins contraint de slalomer entre les tas d’immondices. Les piétons ne se disputent pratiquement plus le trottoir avec les véhicules. D’autant plus, d’ailleurs, que ceux-ci ont du se trouver d’autres lieux devant leur servir de parcs. Le pouvoir en place, semble-t-il, est résolu à dégager les voies (du pouvoir). Et ce, sans être obligé d’actionner ce reflexe "aplaventriste" propre aux africains qui les pousse à tendre la main pour acheter même un balai, comme si les cocotiers de Bassam n’étaient plus très chauds pour fournir leurs palmes. Beaucoup diront qu’il ne s’agit là que d’une manœuvre pour "tuer un moustique avec un obus", en somme, un dénivellement par le bas qui suppose que les dirigeants actuels prennent le citoyen lambda pour un idiot. En effet, annoncé comme "La solution", le programme de gouvernement du président Ouattara ne devrait pas se limiter au balayage des rues. Mais, entre nous, il semble normal qu’un chef d’Etat entretienne l’espace qu’il préside. Une maison, fut-elle somptueuse à l’intérieur repousserait n’importe quel visiteur, aussi courageux fut-il, si ce dernier devait, pour y pénétrer, jouer à "saute ordures". Il est même incompréhensible qu’un chef d’Etat qui se réclame de bord socialiste, jusqu’aux oreilles, ait pu ignorer, à ce point, le délabrement (moral et physique) dans lequel les citoyens (qui justement constituent la base) vivaient. Le pouvoir politique a ceci d’impressionnant qu’il réussit même à aveugler le commun peuple qui escalade (et c’est peu de le dire) les monticules de détritus pour se rendre aux "agoras" et autres "parlements" afin de se délecter d’éternels « je nettoierai », « je balaierai ». Vivement que les voies du pouvoir conservent leur fraîcheur. Pour le bonheur du peuple, à tout le moins pour sa bonne heure…
Une contribution de
Alain Desclerc Nienmien
alaindesclerc@yahoo.fr
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