L'existence du parc zoologique d'Abidjan est comparable à la vie sociopolitique ivoirienne de la décennie dernière. Après ses années d'attraits, ce site touristique et scientifique a sombré dans un long coma duquel, il se relève petit à petit. Nous y avons fait un tour. Constat d'une journée d'inspection.
Le parc zoologique d'Abidjan, situé en face de l'hôpital militaire, n'attire plus de visiteurs comme par le passé. Deux raisons essentielles expliquent la désaffection du public. La vétusté des installations, qui semblent n'avoir jamais été réhabilitées depuis la prise en main par l'Etat de Côte d'Ivoire du site en 1978, et le dégraissement du cheptel. Ce sont les deux aspects saisissants qui retiennent l'attention. Les bâtiments des primates (les Chimpanzés et les babouins) sont dans un état de dégradation avancée. Idem pour les cages des hyènes. Mais à côté de ces clichés dignes de vestiges coloniaux, la voirie, elle-même, est dans un piteux état. L'érosion y a fait ses effets. Et Dieu seul sait combien de fois des visiteurs se sont foulés la cheville sur les lieux. Des 150 espèces en 1972, il n'en reste plus qu'une cinquantaine à ce jour. Plus de lions ni de panthères, plus de phacochères ni de zèbres, plus de tigres ni d'espèces aquatiques. Sur trois éléphants, il n'en reste plus qu'un seul à ce jour. Can, c'est le nom de ce dernier qui a aujourd'hui 22 ans. Si l'on tient compte de l'espérance de vie des éléphants qui est de 75 ans, Can pourrait encore vivre plusieurs années. Derrière le domaine de Can, on rencontre la cage de « Pâques » et de « Noël », les deux seuls buffles du Zoo dont les noms font référence à leur jour de naissance. Numériquement, l'espèce la plus étoffée du parc est la marre des crocodiles qui en compte 70. Et en l'absence des lions, c'est l'espèce actuelle la plus budgétivore en termes d'alimentation.
De 98 à 2011, le Zoo d'Abidjan a perdu près des 2/3 de ses pensionnaires. Au point où il y a plus de cages vides que d'animaux. Les maladies liées au cadre de vie des animaux et à l'insuffisance de l'alimentation, ont certainement contribué à décimer le cheptel. Privant les usagers, aujourd'hui, d'une variété des espèces. Les travailleurs du site ne distinguent des visiteurs par aucune tenue.
Une structure qui refuse de mourir
Avec un budget annuel de 22 millions de FCFA, en grande partie engloutie dans l'achat de la nourriture des animaux, leurs soins et les salaires du personnel contractuel (24 agents), les anciens directeurs du Zoo, ont tous eu du mal à entretenir les locaux, qui se sont considérablement dégradés au fil des années. « On manquait même parfois d'équipements de travail, comme des bottes et des protèges-nez. Il fut même un moment où nous n'avions pas d'électricité ici parce que le transformateur avait pris feu», confie un agent. Selon lui, les recettes atteignent rarement 10 millions de FCFA l'année. « Or, il faut une tonne de viande le mois pour l'alimentation des carnivores ; sans compter que les pythons et les crocodiles mangent en moyennent chacun entre deux à trois poulets par jour », précise t-il.
L'actuel directeur général, Dr Yapo Ayékoé impute le taux de mortalité élevé des animaux, ces dernières années, aux déversements des déchets toxiques mais surtout à la crise postélectorale au cours de laquelle beaucoup d'animaux sont morts de faim. En effet, la liste des animaux manquants est bien longue au point où l'on se demande si ce site mérite encore l'appellation de parc zoologique. A cette interrogation, Dr Yapo Ayékoé répond par la négative. «Les animaux qui meurent ne sont pas, malheureusement, remplacés. Mais, il faut aussi dire que le zoo d'Abidjan est dépassé. La tendance internationale veut que les animaux soient en semi-liberté et non confinés dans des cages comme c'est le cas actuellement», reconnaît-il. Mais en attendant la création d'un Zoo plus moderne, le professeur en Zoologie à l'Université d'Abobo-Adjamé s'attèle à sauver l'existant. «Aujourd'hui, il y a urgence à renforcer le cheptel. J'ai soumis au ministère de tutelle un projet dans ce sens pour un budget estimatif de 108 millions de FCFA», explique t-il.
Au cours de notre visite, nous avons constaté que les cages des biches, des singes, des tortues et des civettes, la marre des hippopotames, et le bassin des crocodiles ont été rénovées. La salle de stockage des aliments, celle des soins des animaux et la chambre froide, ont été aménagées. Elles ont aujourd'hui fière allure. De nouvelles installations ont même été construites, notamment un bloc sanitaire à usage payant. « Nous prévoyons la création d'un laboratoire pour permettre aux étudiants qui le voudraient de venir travailler sur les animaux sauvages et la création d'une bibliothèque du Zoo», projette Dr Yapo.
La nécessité d'une rallonge budgétaire
Mais d'où provient l'argent qui sert à l'aménagement du parc ? Il s'agit, selon Dr Yapo, d'un montant de 300 millions de FCFA alloués au Zoo par la présidence au titre du dédommagement lié au déversement des déchets toxiques. « Nous avons monté un projet et l'argent nous a été accordé en 2008. Mais, nous n'avons pas reçu l'argent en espèces. La présidence l'a logé au Trésor et pour les travaux que nous avons indiqués, ils ont aussi souhaité qu'ils soient suivis par le Bnetd», précise Dr Yapo.
Aujourd'hui, les travaux entamés en février 2010 ont permis la rénovation d'une partie du Zoo, mais il reste encore de nombreux bâtiments qui attendent de recevoir, ne serait-ce qu'un coup de pinceau. Aussi, les ruelles menant aux cages nécessitent-elles d'être réhabilitées. Car, en l'état actuel, les handicapés moteurs n'y ont pas accès. Pour ces travaux qui participent de la viabilisation des 4 hectares exploités du parc sur les 20, Dr Yapo demande à l'Etat une rallonge budgétaire. « Il nous faut davantage de moyens pour rendre notre parc attractif. Les Abidjanais n'ont pas trop d'endroits où se récréer, remettre ce parc en état servirait sûrement à leur épanouissement», plaide t-il. Mieux, l'expert en Zoologie estime que l'Etat ivoirien devrait songer à la création dans chaque région d'un parc tenant compte des espèces animales du terroir. Mais en dépit de cette situation peu reluisante, les Abidjanais continuent de visiter le Zoo. Faute de mieux, sans doute.
Alexandre Lebel Ilboudo
Le parc zoologique d'Abidjan, situé en face de l'hôpital militaire, n'attire plus de visiteurs comme par le passé. Deux raisons essentielles expliquent la désaffection du public. La vétusté des installations, qui semblent n'avoir jamais été réhabilitées depuis la prise en main par l'Etat de Côte d'Ivoire du site en 1978, et le dégraissement du cheptel. Ce sont les deux aspects saisissants qui retiennent l'attention. Les bâtiments des primates (les Chimpanzés et les babouins) sont dans un état de dégradation avancée. Idem pour les cages des hyènes. Mais à côté de ces clichés dignes de vestiges coloniaux, la voirie, elle-même, est dans un piteux état. L'érosion y a fait ses effets. Et Dieu seul sait combien de fois des visiteurs se sont foulés la cheville sur les lieux. Des 150 espèces en 1972, il n'en reste plus qu'une cinquantaine à ce jour. Plus de lions ni de panthères, plus de phacochères ni de zèbres, plus de tigres ni d'espèces aquatiques. Sur trois éléphants, il n'en reste plus qu'un seul à ce jour. Can, c'est le nom de ce dernier qui a aujourd'hui 22 ans. Si l'on tient compte de l'espérance de vie des éléphants qui est de 75 ans, Can pourrait encore vivre plusieurs années. Derrière le domaine de Can, on rencontre la cage de « Pâques » et de « Noël », les deux seuls buffles du Zoo dont les noms font référence à leur jour de naissance. Numériquement, l'espèce la plus étoffée du parc est la marre des crocodiles qui en compte 70. Et en l'absence des lions, c'est l'espèce actuelle la plus budgétivore en termes d'alimentation.
De 98 à 2011, le Zoo d'Abidjan a perdu près des 2/3 de ses pensionnaires. Au point où il y a plus de cages vides que d'animaux. Les maladies liées au cadre de vie des animaux et à l'insuffisance de l'alimentation, ont certainement contribué à décimer le cheptel. Privant les usagers, aujourd'hui, d'une variété des espèces. Les travailleurs du site ne distinguent des visiteurs par aucune tenue.
Une structure qui refuse de mourir
Avec un budget annuel de 22 millions de FCFA, en grande partie engloutie dans l'achat de la nourriture des animaux, leurs soins et les salaires du personnel contractuel (24 agents), les anciens directeurs du Zoo, ont tous eu du mal à entretenir les locaux, qui se sont considérablement dégradés au fil des années. « On manquait même parfois d'équipements de travail, comme des bottes et des protèges-nez. Il fut même un moment où nous n'avions pas d'électricité ici parce que le transformateur avait pris feu», confie un agent. Selon lui, les recettes atteignent rarement 10 millions de FCFA l'année. « Or, il faut une tonne de viande le mois pour l'alimentation des carnivores ; sans compter que les pythons et les crocodiles mangent en moyennent chacun entre deux à trois poulets par jour », précise t-il.
L'actuel directeur général, Dr Yapo Ayékoé impute le taux de mortalité élevé des animaux, ces dernières années, aux déversements des déchets toxiques mais surtout à la crise postélectorale au cours de laquelle beaucoup d'animaux sont morts de faim. En effet, la liste des animaux manquants est bien longue au point où l'on se demande si ce site mérite encore l'appellation de parc zoologique. A cette interrogation, Dr Yapo Ayékoé répond par la négative. «Les animaux qui meurent ne sont pas, malheureusement, remplacés. Mais, il faut aussi dire que le zoo d'Abidjan est dépassé. La tendance internationale veut que les animaux soient en semi-liberté et non confinés dans des cages comme c'est le cas actuellement», reconnaît-il. Mais en attendant la création d'un Zoo plus moderne, le professeur en Zoologie à l'Université d'Abobo-Adjamé s'attèle à sauver l'existant. «Aujourd'hui, il y a urgence à renforcer le cheptel. J'ai soumis au ministère de tutelle un projet dans ce sens pour un budget estimatif de 108 millions de FCFA», explique t-il.
Au cours de notre visite, nous avons constaté que les cages des biches, des singes, des tortues et des civettes, la marre des hippopotames, et le bassin des crocodiles ont été rénovées. La salle de stockage des aliments, celle des soins des animaux et la chambre froide, ont été aménagées. Elles ont aujourd'hui fière allure. De nouvelles installations ont même été construites, notamment un bloc sanitaire à usage payant. « Nous prévoyons la création d'un laboratoire pour permettre aux étudiants qui le voudraient de venir travailler sur les animaux sauvages et la création d'une bibliothèque du Zoo», projette Dr Yapo.
La nécessité d'une rallonge budgétaire
Mais d'où provient l'argent qui sert à l'aménagement du parc ? Il s'agit, selon Dr Yapo, d'un montant de 300 millions de FCFA alloués au Zoo par la présidence au titre du dédommagement lié au déversement des déchets toxiques. « Nous avons monté un projet et l'argent nous a été accordé en 2008. Mais, nous n'avons pas reçu l'argent en espèces. La présidence l'a logé au Trésor et pour les travaux que nous avons indiqués, ils ont aussi souhaité qu'ils soient suivis par le Bnetd», précise Dr Yapo.
Aujourd'hui, les travaux entamés en février 2010 ont permis la rénovation d'une partie du Zoo, mais il reste encore de nombreux bâtiments qui attendent de recevoir, ne serait-ce qu'un coup de pinceau. Aussi, les ruelles menant aux cages nécessitent-elles d'être réhabilitées. Car, en l'état actuel, les handicapés moteurs n'y ont pas accès. Pour ces travaux qui participent de la viabilisation des 4 hectares exploités du parc sur les 20, Dr Yapo demande à l'Etat une rallonge budgétaire. « Il nous faut davantage de moyens pour rendre notre parc attractif. Les Abidjanais n'ont pas trop d'endroits où se récréer, remettre ce parc en état servirait sûrement à leur épanouissement», plaide t-il. Mieux, l'expert en Zoologie estime que l'Etat ivoirien devrait songer à la création dans chaque région d'un parc tenant compte des espèces animales du terroir. Mais en dépit de cette situation peu reluisante, les Abidjanais continuent de visiter le Zoo. Faute de mieux, sans doute.
Alexandre Lebel Ilboudo