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Politique Publié le samedi 3 septembre 2011 | Le Nouveau Réveil

Réconciliation nationale, déstabilisation du régime Ouattara, vie des réfugiés ivoiriens au Ghana…

Yaké Evariste, militant Lmp réfugié au Ghana (président du Comité national des réfugiés ivoiriens pour la réconciliation et le retour en Côte d'Ivoire) : “Nous avons décidé de saisir la main tendue du président Alassane Ouattara”

Ex-chargé de missions à la présidence de la République sous Laurent Gbagbo, Yaké Evariste, irréductible admirateur du chef de la refondation, vit à Accra au Ghana, depuis l'arrestation du candidat de Lmp. Au regard des rapports de force défavorables à son camp, Yaké croit que les militants Lmp réfugiés au Ghana doivent saisir la main tendue du président Alassane Ouattara et tourner le dos à toute tentative de déstabilisation du régime ADO. Dans l'interview qu'il nous a accordée à Accra, Evariste Yaké, président du Comité national des réfugiés ivoiriens pour la réconciliation et le retour en Côte d'Ivoire, refuse de jouer dans le camp des ultras de la refondation et assène ses vérités.

M. Evariste Yaké, vous êtes bien connu dans le paysage politique ivoirien pour avoir battu campagne pour le président Gbagbo, dans l'Ouest de la Côte d'Ivoire. Peut-on avoir les raisons de votre présence ici au Ghana ?

Le membre de la galaxie patriotique, ex-chargé d'Etudes à la présidence de la République sous le président Laurent Gbagbo, directeur de campagne jeunes pour les clans du candidat Lmp dans les dix huit Montagnes, je me suis retrouvé au Ghana le 22 avril suite à la défection des Forces de défense et de sécurité de Côte d'Ivoire. Lorsque le président a été capturé et vu l'intensité des combats, pour sauver ma vie, j'ai préféré, grâce à certains amis, prendre la poudre d'escampette pour me retrouver au Ghana.

Vous étiez donc dans le bunker avec le président de la République ?

Je n'étais pas dans le bunker. J'étais plutôt du côté de Yopougon, mais je me suis rendu à la
résidence. Etant à Yopougon, je changeais de domicile à chaque fois parce que l'heure était devenue grave. En tant que l'un des orateurs qui rassemblaient les foules, nous étions les premières cibles. Il fallait se protéger et c'est ce que j'ai fait.

Comment aviez-vous réussi à sortir du pays pendant les heures chaudes ?

Ecoutez, dans la vie, il y a des amitiés partout et je suis sorti grâce à la bénédiction de Dieu, grâce à la bénédiction de certains amis. C'est tout ce que je peux vous dire. Grâce à Dieu, j'ai pu sortir.

Vous êtes là depuis un certain temps. Que faites-vous exactement ici au Ghana ?

Dès que nous sommes arrivés au Ghana dans des conditions extrêmement difficiles, nous avions trouvé des Ivoiriens désabusés, des Ivoiriens inconsolables et nous avions décidé, lors du tout premier discours du président de la République, d'essayer de nous organiser parce que la vie au Ghana était très très très difficile. C'est ainsi que j'ai créé le Comité national des réfugiés ivoiriens pour la réconciliation et le retour en Côte d'Ivoire (Cnrrci) dont je suis le président et le vice- président est Amos Béonaho, qui est un de vos confrères.

Ex-Conseiller du président déchu, vous êtes certainement arrivé au Ghana avec de l'argent. Puisque beaucoup d'argent circulait autour de lui, dit-on.

Je vais être très honnête avec vous, je ne sais pas mentir. J'étais chargé d'Etudes auprès du conseiller Franck Guéi à la présidence de la République. Nous ne sommes pas arrivés au Ghana avec beaucoup d'argent comme on veut le faire croire. Ceux qui sont entrés avec beaucoup d'argent se connaissent.
La preuve, je ne fais pas partie des hommes les plus nantis de la Côte d'Ivoire ni de la galaxie. Pour moi, je pense que dans la précipitation et dans l'orgueil, pensant que le régime ne changera jamais, nous avions dû fuir rien qu'avec nos chaussures pour nous retrouver au Ghana.

Vous êtes donc sorti sans rien du tout ?

Nous sommes sorti sans rien. Pour ce qui me concerne, je me suis retrouvé au Ghana avec 1000 Fcfa, c'est-à-dire 3 cedis du Ghana.

Comment vivez-vous donc aujourd'hui au Ghana, d'où vient votre soutien ?

Nous vivons au Ghana grâce à nos parents et à nos amis qui se rappellent un tant soit peu nos largesses d'hier à l'égard des autres. Ils nous font des mandats grâce auxquels nous arrivons à survivre. Mais ce n'est pas le cas pour tout le monde parce qu'ici, nous avons trois catégories de déplacés. Il y a les exilés fortunés qui sont les caciques du Fpi. Certains vivent dans des maisons luxueuses. Il y a une seconde catégorie qui a les moyens et qui vit dans des hôtels et la troisième catégorie qui vit dans des camps. Cette catégorie constitue la quasi-totalité des refugiés. Ils vivent dans des conditions tristes. Il y en a aussi dans des familles d'accueil. Je fais partie de ceux qui vivent dans des familles d'accueil. Cette famille me connaît depuis la Côte d'Ivoire. Avec elle, j'ai des relations antérieures à la politique. Cette famille a décidé de me rendre la monnaie de ma pièce, elle me prend en charge.

Vous avez créé le Comité national des refugiés ivoiriens pour la réconciliation et le retour en Côte d'Ivoire. Vous dirigez cette structure avec M. Amos Béonaho. Que recherchez-vous à travers cette structure. Combien d'Ivoiriens trouve-t-on dans les camps et il y a combien de camps ?

En créant cette structure, nous avons voulu répondre à la main tendue du chef de l'Etat, Son
Excellence Alassane Dramane Ouattara, et du Premier ministre qui ont demandé aux Ivoiriens de retourner chez eux. Pour moi, je le dis, en tant que gbagboiste et cadre Lmp, le président Laurent Gbagbo nous a dit " asseyons-nous et discutons ". Nous, nous pensons que si le président Alassane Ouattara nous a tendu la main, nous acceptons cette main tendue afin de permettre à nos frères qui souffrent, qui vivent dans des conditions difficiles, nos sœurs qu'on appelle aujourd'hui les "one cedi", nos sœurs qui, jadis, étaient la beauté et la qualité de la femme africaine sont traitées aujourd'hui comme des femmes à moins de 300 Fcfa de rentrer au pays. Je crois qu'il y avait quelque chose à faire et je crois que ce pays ne peut se construire que grâce à une opposition forte, une opposition constructive. Je fais partie des gens modérés qui croient à la main tendue du président qui dit que la politique est comme un jeu de football. Aujourd'hui, vous nous avez gagnés, nous allons nous entraîner pour battre Alassane Ouattara dans les urnes. Pour moi, la démocratie n'a de sens que lorsque tous les enfants de la Côte d'Ivoire sont réunis.

Votre discours n'est pas celui de la plupart des militants de Lmp qui posent des conditions et qui donnent des préalables à toute réconciliation avant de répondre à la main tendue du président. Ils exigent la libération d'abord du président Laurent Gbagbo et de tous les militants Lmp qui sont emprisonnés.

J'ai beaucoup de compassion pour mon chef, le président Laurent Gbagbo, et tous les frères qui sont emprisonnés. Cependant, je rejoins ceux qui pensent comme Mamadou Koulibaly. Le président Gbagbo nous a dit, lui-même, quand vous êtes dans un combat que quelqu'un tombe, il faut enjamber son corps et continuer le combat. Si le président Gbagbo est arrêté, j'ai mal au cœur mais je pense que la meilleure manière de demander d'abord la libération ou de négocier la mise en liberté de Laurent Gbagbo, c'est d'accepter la main tendue, de s'asseoir et de pouvoir discuter.
Parce que si vous n'acceptez pas la main tendue, comment pouvez-vous discuter de la libération de Laurent Gbagbo ? Je ne fais pas partie de ceux qui posent des préalables. Au Cnrrci, nous faisons des doléances et des suggestions. Nous disons que nous voulons un minimum de sécurité, un Etat de droit comme ce que nous sommes en train de voir avec les commissariats qui sont en train d'être libérés par les Frci. Et que la gendarmerie et la police dignes de ce nom, formées pour cela reprennent leur poste. Nous disons que nous avons des fonctionnaires qui, hier, engagés pour Laurent Gbagbo et fiers de le suivre et de suivre son idéologie, sont aujourd'hui à la touche. Nous demandons au gouvernement de les réintégrer. Nous avons des doléances. La main qui demande est en dessous. Les gens ici nous ont traités de tous les maux. Mais je suis Lmp, je suis gbagboiste pur et dur. Je voudrais saluer tous ceux qui aiment Laurent Gbagbo. Je pense que dans la vie, il y a des
modérés. Je fais partie de ceux qui croient que la meilleure manière de libérer Laurent Gbagbo, de négocier sa libération, c'est de suivre ce que Miaka Oureto, ce que Mamadou Koulibaly ont fait en acceptant la main tendue du président pour ensuite négocier si possible la libération de nos frères.

Pour vous donc, il n'est pas question de poser comme préalable la libération de Laurent Gbagbo et des autres détenus pour aller à la réconciliation ?

Oui, je l'ai dit et je le réitère. Pour nous, la main tendue du chef de l'Etat est le début d'un processus de paix qui peut nous amener, qui sait, demain, à libérer Laurent Gbagbo.

Si le comité que vous dirigez se trouvait en face du président Ouattara, que lui diriez-vous ?

Je lui dirais merci d'avoir permis à une catégorie d'Ivoiriens de pouvoir rentrer chez eux. Merci d'avoir ouvert la porte. Et comme le disait le président Houphouët-Boigny, quand votre enfant fait une bêtise et qu'il s'enfuit, ne bouclez pas la porte quand vous la fermez. Parce que si l'enfant retourne, qu'il trouve la porte bouclée, il restera dans la rue. Il peut devenir autre chose qui peut vous surprendre. Mais si la porte n'est pas fermée, il sait qu'il y a un espoir de retour. C'est une fois entré qu'il demandera pardon soit à son père et il négociera. Je dirais merci au président, merci de sécuriser les Ivoiriens, de pardonner, d'avoir une hauteur. Aujourd'hui, il est le président de Lmp, Rhdp, il est le président de tous les Ivoiriens toutes tendances confondues. Il doit faire parler son cœur et montrer aux yeux de l'Ivoirien et du monde qu'il aime ses frères comme il l'a toujours dit. Même si nous lui avons dénié cela, hier. J'assume. Je dirais au président de nous accepter afin que nous puissions nous asseoir pour discuter des conditions de réintégration et de libération de
nos différents chefs, de nos différents frères incarcérés. Je crois que dans la vie, tant que l'homme s'asseoit, tout se discute.

Que dites-vous aux caciques du Fpi qui posent donc le préalable de la libération de Gbagbo et des autres cadres Lmp ?

Je voudrai profiter de votre micro pour dire et je souligne et je voudrais que vous l'écriviez en gros caractères, que Yaké Evariste est un gbagboïste inconditionnel. Mais que je ne suis pas un traître.
Dans une famille, tout le monde ne peut pas être extrémiste. Il faut qu'il y ait des modérés. Je leur dis que chez moi, on ne rêve pas debout. Pour rêver, il faut se coucher. Je leur demande de nous rejoindre, d'accepter de discuter, la main tendue du chef de l'Etat et de son gouvernement, de poser de doléances, de rentrer au pays. La rentrée arrive, on a des cadres Lmp dont les comptes sont bloqués. Le président Ouattara a levé la main sur certains comptes. Mais il n'y a que dans la discussion qu'il l'a fait. Il n'était pas obligé, il pouvait ne pas le faire puisque c'est lui qui est au pouvoir. Je pense donc que la meilleure manière pour pouvoir lutter pour la libération de nos frères Lmp, c'est de montrer un signe d'apaisement au président Ouattara, de répondre à son appel pour que lui aussi puisse dire : " j'ai appelé mes frères, ils sont venus, j'ai le droit de leur rendre la monnaie en les écoutant et en discutant avec eux ". Je leur dis d'enlever toute velléité parce que toute tentative par les armes ou par quoi que ce soit est suicidaire. Je le dis et je crois en l'avenir de ce pays.

Il y a une commission dialogue, vérité et réconciliation qui a été mise en place en Côte d'Ivoire et dirigée par le Premier ministre Banny. Avez-vous des contacts avec la commission de Charles Konan Banny ?

A dire vrai, non. Mais nous voulons profiter de votre micro pour dire au président Banny que son travail est le nôtre. Et que nous nous engageons dans le travail qu'il est en train de faire et que nous nous engageons à ses côtés et que nous sommes prêts à nous mettre à sa disposition pour lui faciliter la tâche. Nous savons que réconcilier des hommes n'est pas facile et il a besoin de toutes les énergies. Récemment, il a reçu certains membres de la galaxie patriotique avec pour porte-parole Eugène Djué. Nous félicitons le comportement de nos amis et nous disons qu'ici au Ghana, au niveau de notre comité, nous nous inscrivons dans la même ligne de la Commission, dialogue vérité et réconciliation et nous nous mettons à sa disposition. Nous disons que nous avons besoin de lui, nous avons besoin de son soutien, nous avons besoin de ses encouragements parce que vivre au Ghana n'est pas facile. Vous savez, c'est le seul pays au monde où l'argent rentre et ne sort pas. Imaginez- vous des gens qui ne travaillent pas, qui ne font rien, qui ne vivent qu'à la mendicité des mandats de leurs camarades. A la volonté de celui qui doit lui rendre service. Et quand il n'en a pas, pas parce qu'il ne veut pas. Que devient-il ?

Mais pourtant, il y a ici des barons Lmp qui sont vachement riches, ils peuvent vous apporter
assistance. Comment vivez-vous donc avec eux ici ?

Je peux vous dire qu'ici, chacun vit " dans son chacun ". Nous n'avons jamais, en tout cas en ce qui me concerne, je n'ai jamais eu le soutien de quelqu'un ainsi que les membres de mon association et je peux le dire haut et fort. Et cela me fait pleurer. Et je le dis, la seule personne, ce que j'ai le courage de dire, c'est le ministre d'Etat, Lida Kouassi Moïse, qui nous a soutenus. Je ne dois rien à personne et je le dis à qui veut le savoir. Seul Lida Kouassi nous a rencontrés et nous a aidés à survivre. J'ai été malade ainsi que ma famille. Par ailleurs, nous devons remercier l'ambassadeur Ehui Bernard qui se bat pour aider tous les Ivoiriens ici selon ses possibilités. Depuis que nous sommes ici, jamais un cadre Fpi n'a levé le doigt pour nous aider. Aujourd'hui, les gens nous taxent de vendus, de traîtres pour avoir saisi la main tendue d'Alasane Ouattara. Mais qu'ont-ils fait pour nous ? Rien et rien. Nous ne voulons pas veiller pour eux pour qu'on nous demande pourquoi nos yeux sont rouges. Nous pensons que Laurent Gbagbo est un homme d'amour, un homme de paix. Laurent Gbagbo leur a donné, ils ont le droit de donner aussi.

En tant que président d'une structure de refugiés dont les membres sont repartis dans différents camps, peut-on savoir comment vit tout ce monde ?

Nous avons plusieurs camps. Les Ivoiriens vivent dans des conditions de tristesse. Dans des conditions de désarroi, dans des conditions de pitié, sous des tentes, à même le sol. Certains sont obligés de devenir pêcheurs au risque des piqûres des insectes dangereux. Je peux vous assurer que mon téléphone crépite tous les jours pour des cas de Sos. Je peux vous dire que la Côte d'Ivoire est dénudée de son sens. Houphouët-Boigny doit être en train de se retourner dans sa tombe.
Je voudrais lancer un appel au gouvernement, au Premier ministre, au ministre de la Défense, au président de la République et à la Première dame d'avoir une compassion pour nous, avoir de la pitié pour les Ivoiriens. Nous sommes frères. Même les jumeaux peuvent ne pas avoir la même opinion.

Le président Alassane est le président des 322000 km². A ce titre, il a le droit et le devoir d'aider ses frères. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir avec les moyens, de ramener tous ceux qui, volontairement, veulent rentrer au pays.

Quel est donc votre message à l'endroit des Ivoiriens refugiés ici au Ghana qui par le biais de votre structure, sont sous votre contrôle ?

Je veux dire, d'entrée, qu'on est mieux chez soi. Un proverbe dan dit que la maison du poulet n'est pas dans la forêt. Le poulet a beau tourner, il finit par rentrer au village. Je dis à mes frères de venir librement et volontairement s'inscrire afin qu'on rentre chez nous dans des conditions de sécurité. La notion de sécurité zéro n'existant pas, mais nous ferons tout pour que les autorités nous garantissent au moins 90% de la sécurité. Afin de reprendre le train de l'évolution de la Côte d'Ivoire. Je dirai aux plus extrémistes de mettre un peu de l'eau dans leur vin. Car le devoir nous appelle dans notre pays.
Il n'y a que nous qui devons être là pour contrarier le Rhdp. Il n'y a que nous qui devons être là pour apporter la différence, pour prouver que nous aimons Laurent Gbagbo. Battre le Rhdp par les urnes, par des actions, être là pour être une opposition constructive et non pas une opposition qui détruit.
C'est cela la vraie démocratie. Je pense que la Côte d'Ivoire a assez pleuré. Que tous ceux qui veulent aller volontairement en Côte d'Ivoire, viennent s'inscrire car notre pays nous ouvre les mains. Parce que le train de la Côte d'Ivoire avance, les hommes passent mais la nation reste.

Propos recueillis par Patrice Yao
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