L’actualité à l’Ouest est encore marquée par des violences meurtrières. Qu’est-ce qui se passe avec l’Ouest de la Côte d’Ivoire ?
Cet endroit précis, c’est-à-dire la frontière ivoiro-libérienne est un foyer d’instabilité dû, de mon point de vue, à la rencontre de plusieurs facteurs. C’est la présence au Libéria et dans les zones frontalières d’éléments qui ont participé à toutes les guerres en Sierra-Leone, au Libéria, enCôte d’Ivoire et même à des attaques en Guinée. Ce sont des éléments errants qui cherchent continuellement à trouver les moyens de leur survie. Ces éléments-là sont à la recherche constante d’emploi et puis la crise post-électorale en Côte d’Ivoire a donné la possibilité à certains de ces éléments de participer à la crise ici, au conflit. Au Libéria même, il y a aujourd’hui les forces onusiennes qui quadrillent le terrain, donc il n’y a pas tout à fait possibilité pour ces éléments de se replier totalement au Libéria. Et donc, il y a une espèce de ‘’no man’s land’’ qui existe-là dans lequel ces éléments traînent et lorsque qu’il y a manque de moyens de ravitaillement, évidemment ils s’attaquent à des villages.
Qu’est-ce qui fait qu’on peine à trouver une solution au problème sécuritaire dans cette partie de la Côte d’Ivoire ?
C’est parce que d’abord ce ne sont pas des militaires normaux ; ce sont des civils qui ont été armés à un moment donné ; certains ont utilisé à propos les moyens qui leur ont été donnés. D’autres les ont bradés et donc sont constamment à la recherche de moyens de survie. C’est le lot de tous les conflits. Maintenant tout dépend de la capacité des forces régulières qui sont dans la zone à empêcher de telles exactions. Si on leur laisse le champ libre, effectivement ils vont continuer.
Le gouvernement a en projet de redéployer la police, la gendarmerie dans les zones Cno, pensez-vous que cela pourrait contribuer à résorber le problème ?
Je ne crois pas que ce soit la police et la gendarmerie qui règleraient ce type de problème. La police et la gendarmerie dans ces conditions-là sont des structures d’information. C’est une armée qui peut combattre une armée. Je pense que le rôle de ces structures d’Etat qui vont être redéployées, sera plutôt d’informer, d’être des organismes d’éveil qui vont informer les forces militaires régulières normales pour que ces phénomènes soient contenus. Mais ce redéploiement en lui-même ne mettra pas fin, à mon avis, à ce phénomène-là.
C’est au lendemain d’une réunion des chefs d’états-majors de la sous-région que l’attaque a eu lieu. Que faudrait-il en plus de ces réunions-là ?
Il y a là des populations qui, indépendamment des tracées de frontières qui datent de 1885, se déplacent selon leur gré d’une zone à l’autre, qui parlent souvent la même langue. Donc les frontières n’ont pas beaucoup d’impact sur leurs mouvements. D’autant plus qu’ils parlent la même langue, ils vivent dans les mêmes localités. Mais la nuit tombée, dans les endroits isolés, ils peuvent s’emparer d’armement et, en ce moment-là, ils deviennent une troupe extrêmement redoutable. Toute la question est de savoir le rapport que ces types de gens entretiennent avec les populations en question. Parce que partout où il y a conflit, il y a deux types de liens : un type de lien de terreur qui permet aux insurgés de maintenir les autres dans une situation de léthargie, mais il y a aussi une adhésion volontaire parce qu’on partage quelque chose ensemble donc on ne dénonce pas, on ne montre pas qui fait quoi. Donc de ce point de vue, s’il n’y a pas de possibilité de distinguer clairement ces gens et de dénoncer leur mouvement, ils peuvent rester là encore très longtemps.
Est-ce que vous êtes en train de dire qu’il y a une subtile complicité entre les populations et les assaillants ?
Non ! Je ne parle pas de complicité. Si vous êtes dans une région, vous parlez la même langue, vous êtes les mêmes populations, il est assez difficile de dénoncer son propre fils ou comme étant membre d’un réseau, etc., même si on le sait, quelquefois on ferme les yeux dessus. Ce n’est pas une complicité active, c’est l’état de chose normale dans les relations familiales, régionales, etc. Ce n’est pas une volonté de libérer ou d’être complice de quoi que ce soit.
Il y a certains qui parlent de manipulation de l’ancien régime ; quel est votre analyse de politologue ?
De toute façon, tant que la situation sera comme cela, on trouvera toujours matière à en imputer la responsabilité à Pierre ou à Paul. Mais je crois que le conflit qui a opposé l’ancien régime à celui qui est là, est pour l’essentiel terminé. Les affrontements militaires ont pris fin. Et par conséquent, s’il y a des bandes organisées ou non qui sont sur le territoire national, il revient à l’armée régulière de faire en sorte que ces bandes ne soient plus nuisibles. En mettant avant la théorie des instigateurs, on perd de vue l’essentiel et puis on s’égare sur des terrains qui peuvent conduire à d’autres choses.
A quand le retour définitif de la paix dans cette partie de l’Ouest, pour parler comme vous ?
Les gens n’ont pas une compréhension suffisante des problèmes qui se posent à l’Ouest. L’Ouest aujourd’hui s’est déconstruit complètement.
…par la faute de ses propres fils également
Oui, mais moi je ne pose pas le problème de cette façon-là. Ce ne sont pas des fils, ce ne sont pas des régions qui se sont affrontées. Ce ne sont pas les musulmans qui ont affronté les catholiques, ni les nordistes qui ont affronté les sudistes… Donc, il faut éviter de rechercher à travers les conflits socio-politiques des aspects ethniques, régionalistes, etc., qui ne nous aident pas à avancer dans la compréhension des problèmes qui se posent. Je pense qu’il faut être patient, parce qu’il y a beaucoup de problèmes à résoudre. L’Ouest dans l’essentiel a été détruit, il y a tout un projet de reconstruction à mettre en œuvre là-bas. Une reconstruction mentale, une reconstruction économique, une reconstruction sociale, c’est la mise en place de tous ces projets-là qui vont permettre petit-à-petit de résorber la possibilité qu’il y ait des conflits de cette nature.
Interview réalisée par Marc Dossa
Cet endroit précis, c’est-à-dire la frontière ivoiro-libérienne est un foyer d’instabilité dû, de mon point de vue, à la rencontre de plusieurs facteurs. C’est la présence au Libéria et dans les zones frontalières d’éléments qui ont participé à toutes les guerres en Sierra-Leone, au Libéria, enCôte d’Ivoire et même à des attaques en Guinée. Ce sont des éléments errants qui cherchent continuellement à trouver les moyens de leur survie. Ces éléments-là sont à la recherche constante d’emploi et puis la crise post-électorale en Côte d’Ivoire a donné la possibilité à certains de ces éléments de participer à la crise ici, au conflit. Au Libéria même, il y a aujourd’hui les forces onusiennes qui quadrillent le terrain, donc il n’y a pas tout à fait possibilité pour ces éléments de se replier totalement au Libéria. Et donc, il y a une espèce de ‘’no man’s land’’ qui existe-là dans lequel ces éléments traînent et lorsque qu’il y a manque de moyens de ravitaillement, évidemment ils s’attaquent à des villages.
Qu’est-ce qui fait qu’on peine à trouver une solution au problème sécuritaire dans cette partie de la Côte d’Ivoire ?
C’est parce que d’abord ce ne sont pas des militaires normaux ; ce sont des civils qui ont été armés à un moment donné ; certains ont utilisé à propos les moyens qui leur ont été donnés. D’autres les ont bradés et donc sont constamment à la recherche de moyens de survie. C’est le lot de tous les conflits. Maintenant tout dépend de la capacité des forces régulières qui sont dans la zone à empêcher de telles exactions. Si on leur laisse le champ libre, effectivement ils vont continuer.
Le gouvernement a en projet de redéployer la police, la gendarmerie dans les zones Cno, pensez-vous que cela pourrait contribuer à résorber le problème ?
Je ne crois pas que ce soit la police et la gendarmerie qui règleraient ce type de problème. La police et la gendarmerie dans ces conditions-là sont des structures d’information. C’est une armée qui peut combattre une armée. Je pense que le rôle de ces structures d’Etat qui vont être redéployées, sera plutôt d’informer, d’être des organismes d’éveil qui vont informer les forces militaires régulières normales pour que ces phénomènes soient contenus. Mais ce redéploiement en lui-même ne mettra pas fin, à mon avis, à ce phénomène-là.
C’est au lendemain d’une réunion des chefs d’états-majors de la sous-région que l’attaque a eu lieu. Que faudrait-il en plus de ces réunions-là ?
Il y a là des populations qui, indépendamment des tracées de frontières qui datent de 1885, se déplacent selon leur gré d’une zone à l’autre, qui parlent souvent la même langue. Donc les frontières n’ont pas beaucoup d’impact sur leurs mouvements. D’autant plus qu’ils parlent la même langue, ils vivent dans les mêmes localités. Mais la nuit tombée, dans les endroits isolés, ils peuvent s’emparer d’armement et, en ce moment-là, ils deviennent une troupe extrêmement redoutable. Toute la question est de savoir le rapport que ces types de gens entretiennent avec les populations en question. Parce que partout où il y a conflit, il y a deux types de liens : un type de lien de terreur qui permet aux insurgés de maintenir les autres dans une situation de léthargie, mais il y a aussi une adhésion volontaire parce qu’on partage quelque chose ensemble donc on ne dénonce pas, on ne montre pas qui fait quoi. Donc de ce point de vue, s’il n’y a pas de possibilité de distinguer clairement ces gens et de dénoncer leur mouvement, ils peuvent rester là encore très longtemps.
Est-ce que vous êtes en train de dire qu’il y a une subtile complicité entre les populations et les assaillants ?
Non ! Je ne parle pas de complicité. Si vous êtes dans une région, vous parlez la même langue, vous êtes les mêmes populations, il est assez difficile de dénoncer son propre fils ou comme étant membre d’un réseau, etc., même si on le sait, quelquefois on ferme les yeux dessus. Ce n’est pas une complicité active, c’est l’état de chose normale dans les relations familiales, régionales, etc. Ce n’est pas une volonté de libérer ou d’être complice de quoi que ce soit.
Il y a certains qui parlent de manipulation de l’ancien régime ; quel est votre analyse de politologue ?
De toute façon, tant que la situation sera comme cela, on trouvera toujours matière à en imputer la responsabilité à Pierre ou à Paul. Mais je crois que le conflit qui a opposé l’ancien régime à celui qui est là, est pour l’essentiel terminé. Les affrontements militaires ont pris fin. Et par conséquent, s’il y a des bandes organisées ou non qui sont sur le territoire national, il revient à l’armée régulière de faire en sorte que ces bandes ne soient plus nuisibles. En mettant avant la théorie des instigateurs, on perd de vue l’essentiel et puis on s’égare sur des terrains qui peuvent conduire à d’autres choses.
A quand le retour définitif de la paix dans cette partie de l’Ouest, pour parler comme vous ?
Les gens n’ont pas une compréhension suffisante des problèmes qui se posent à l’Ouest. L’Ouest aujourd’hui s’est déconstruit complètement.
…par la faute de ses propres fils également
Oui, mais moi je ne pose pas le problème de cette façon-là. Ce ne sont pas des fils, ce ne sont pas des régions qui se sont affrontées. Ce ne sont pas les musulmans qui ont affronté les catholiques, ni les nordistes qui ont affronté les sudistes… Donc, il faut éviter de rechercher à travers les conflits socio-politiques des aspects ethniques, régionalistes, etc., qui ne nous aident pas à avancer dans la compréhension des problèmes qui se posent. Je pense qu’il faut être patient, parce qu’il y a beaucoup de problèmes à résoudre. L’Ouest dans l’essentiel a été détruit, il y a tout un projet de reconstruction à mettre en œuvre là-bas. Une reconstruction mentale, une reconstruction économique, une reconstruction sociale, c’est la mise en place de tous ces projets-là qui vont permettre petit-à-petit de résorber la possibilité qu’il y ait des conflits de cette nature.
Interview réalisée par Marc Dossa