Cadre de l’aviation civile et de la météorologie à la retraite, Gougnan Georges a été député de Duékoué entre 1990 et 1995. Il a fait toutes ses classes au PDCI, parti dans lequel il a gravi plusieurs échelons. Membre du Bureau politique du PDCI, ex-conseiller économique et social, Gougnan Georges dénonce, dans cet entretien, les agissements du délégué départemental PDCI de Duékoué, M. Touré Ahoua, à qui il reproche de semer les germes de la division entre les communautés Wê, Malinké et Baoulé vivant à Duékoué et dans les villages environnants.
Comment se porte le PDCI à Duékoué, après la crise postélectorale ?
Le PDCI, en tant que structure, se porte bien en dehors du comportement un peu cavalier de notre délégué, qui veut rééditer ce qui s’est passé en 1995. A cette époque, j’étais candidat à ma propre succession, mais en face, je n’avais aucun adversaire au sein du PDCI. Il ne restait qu’aux secrétaires de sections de parapher le document d’investiture à adresser à la direction du parti, pour lui signifier que j’étais le seul candidat du parti dans la circonscription électorale de Duékoué, en 1995. A ma grande surprise, les secrétaires de sections qui étaient à la solde du délégué, ont fait un revirement à 180°, me demandant de reporter à 15 heures, la signature de ce document qui devait se faire à 12 heures, le temps pour eux de disparaître dans la nature. La supercherie a été découverte, les populations se sont saisies du dossier, le président Bédié, président du PDCI-RDA, a été saisi. Il a demandé que nous allions aux primaires. Mais, quand le peuple Wê ne veut pas de quelque chose, il dit non et il a dit non. Le peuple a rejeté le principe selon lequel un fils originaire de la région devait aller à des primaires. Le président Bédié, qui avait toujours été très mal informé, a décidé de mettre les deux candidats que nous étions, Touré Ahoua et moi, dos à dos, pour choisir un autre candidat.
Est-ce le cas aujourd’hui encore ?
Peut-être même dans un esprit plus grave et malsain. Le peuple de Duékoué a payé le plus lourd tribut dans cette sale guerre et meurtri dans sa chair. Ce qui lui reste pour se consoler, c’est l’élection de ses fils à l’hémicycle pour défendre leurs intérêts. Mais, le délégué a convoqué une réunion, dont le but était de lancer la campagne et amener les instances dirigeantes à plancher sur les candidatures. Les militants ont plutôt eu droit à un monologue, au cours duquel le délégué a choisi un poste de député pour les Baoulé, un autre pour les Malinké et un poste pour les Guéré, alors que les Baoulé et les Malinké ne sont pas demandeurs. Il y a quatre ou cinq candidats qui sont Guéré et ceux-là étaient appelés à des primaires pour dégager une candidature. Sans vraiment être xénophobe, mais nulle part cela n’existe sur l’étendue du territoire national.
Est-ce que le délégué PDCI de Duékoué est autorisé à agir ainsi ?
Nos textes sont clairs. Le délégué sert d’interface entre la direction du parti et la base et au plan local, il est le coordonnateur des activités du parti et des différentes structures qui composent sa délégation. Il n’y a pas eu de primaires à Duékoué, d’autant plus que nous sommes tous partants pour le consensus et ce consensus est possible, s’il n’y a pas d’immixtion comme le fait actuellement le délégué. Le peuple Baoulé est travailleur, nous le savons, il est venu chercher refuge et accueil chez ses frères Guéré avec qui il vit en parfaite intelligence, depuis la nuit des temps. Quand la chose politique arrive, ils nous aident à résoudre les équations, mais jamais l’idée de partager des postes avec nous ne leur est venue. Ce n’est pas maintenant, pour satisfaire un besoin inavoué, qu’on va les opposer aux Guéré. Les conseils généraux et les conseils municipaux ont un objectif purement économique et la richesse n’a pas d’ethnie ni de tribu. Qu’un frère allogène qui vit avec nous et qui a des intérêts dans notre région, veuille briguer un poste de maire ou de président de Conseil général, nous aviserons si toutes les conditions sont réunies. Mais, tout cela doit se faire de manière consensuelle et par le dialogue, parce que nous sommes dans un pays de dialogue. Mais, qu’on ne s’asseye pas dans une tour d’ivoire pour dire : « Voilà ce que j’ai décidé ». Tout peuple épris de paix ne peut que rejeter cela et le peuple Wê, comme tout autre peuple, préfère sa dignité dans la pauvreté.
N’êtes-vous pas en train de réveiller une ancienne plaie qui a plongé la Côte d’Ivoire dans le chaos, surtout que, vous le dites vous-mêmes, la région de Duékoué a payé un lourd tribut dans la crise postélectorale ?
Le danger se trouve dans les candidatures que le délégué Touré Ahoua a décidé de mettre entre nos mains. Les propositions de Touré Ahoua sont dangereuses pour la paix à Duékoué. Ses propositions sont dangereuses, parce que c’est sous le président Houphouët-Boigny, il y a plus de quarante ans, qu’on parlait de comités Baoulé, Malinké… Tout cela a été banni de nos usages au PDCI, depuis des décennies. Touré Ahoua n’est pas candidat pour l’instant. Il n’y a donc pas une certaine phobie de sa candidature ni de celle de toute autre personne dont le nom a telle ou telle consonance. Je ne fais que prévenir les uns et les autres, sur ce qui va se passer chez nous. La guerre nous a tout pris, il y a des villages de moins de 150 habitants, où il y a eu 50 morts, 200 maisons et cases incendiées… Au moment où nous recherchons nos repères, on vient nous enlever la seule voie par laquelle nous devons passer pour ressurgir. Quoi de plus normal qu’un Baoulé, pharmacien de son état résidant à Bouaké puisqu’il y a ses intérêts, en l’occurrence une pharmacie, qui rend d’énormes services à la population, veuille être député à l’Assemblée nationale ? Mais, on le renvoie à ses premières amours, on lui rappelle en ce moment qu’il est Baoulé certes, pas de Bouaké mais de Toumodi. C’est ce qui est arrivé à l’honorable René Brou, qui a été élu député de Toumodi sous-préfecture et qui siège actuellement à l’hémicycle, parce que ses parents ne pouvaient que l’accueillir de façon unanime et le voter massivement.
Vous vous opposez à une quelconque candidature d’un allogène, mais, M. le député, il y a aussi le cas de Bamba Moriféré, qui a été candidat aux législatives à Daloa, en 1995…
Nous sommes dans un pays de paix et tout s’obtient par consensus. Le peuple Malinké est par excellence un peuple de commerçants qui contribuent efficacement à l’essor économique de nos régions. On arrive aisément à concevoir que quelqu’un dise « je suis Dioula de Duékoué ou de Daloa », contrairement à celui qui dit « je suis Abron de Duékoué ». Nous allons nous adapter aux nouvelles conditions de brassage et nous allons devenir une véritable nation ivoirienne avec le brassage culturel. Moriféré a été élu député de Daloa-commune par consensus. Mais, je ne sais pas si des députés non tributaires de nos coutumes locales, qui ont pu acquérir le poste de député d’une sous-préfecture, existent en Côte d’Ivoire. Je prends par exemple une sous-préfecture de Daloa, où l’un de leurs fils est candidat. Les populations vont-ils laisser leur fils et voter pour un autre candidat ? Cela peut exister, mais je n’en ai pas encore connaissance.
Que demandez-vous concrètement au président Bédié ?
Le nom du président Bédié est utilisé à tout va, par le délégué Touré Ahoua : « Bédié m’a dit ceci, Bédié m’a dit cela, j’ai appelé Bédié… » Nous nous inscrivons en faux contre toutes ces allégations de M. Touré Ahoua. Bédié est un homme sage, un homme de paix. C’est un fils de Duékoué, parce que fils de Guiglo, ville où il a fait ses premières armes. Bédié n’est donc pas capable, dans l’esprit du peuple Wê, au sortir de cette crise postélectorale dans laquelle nous avons tout perdu, de susciter une nouvelle querelle entre les autochtones et les allogènes ni la rééditer. Bédié ne peut pas non plus la soutenir. En notre qualité d’élu et de responsable politique, nous prenons sur nous l’engagement de tirer la sonnette d’alarme, parce que nous entendons des bruits. Nous faisons modestement ce que nous pouvons pour calmer les esprits, mais en son temps, nous irons voir le président Bédié. Aujourd’hui à Duékoué, nous avons tout perdu, nos cases ont été détruites alors que généralement ceux qui détruisent s’attaquent plutôt aux biens les plus en vue. Nos cases ont été détruites, pendant que des châteaux continuent de rayonner à Duékoué. Qui est derrière cette flamme qui va encore embraser le peuple ? Pourquoi s’acharne-t-on à faire de quelqu’un qui n’a pas d’ambition politique, un député ? C’est notre préoccupation et nous lançons un appel au président Bédié, à la direction du parti, notamment le comité électoral, pour que la part des choses soit faite, pour qu’on n’embrase pas une énième fois la ville de Duékoué. Si Touré Ahoua maintient sa besogne que je me garde de qualifier, nous demandons que le président Bédié, au nom de la paix et de tous les militants PDCI de Duékoué, mette immédiatement fin aux agissements du délégué Touré Ahoua. Peut-être que plus tard on pourra agir comme il le souhaite, mais pour l’instant, les populations ne sont pas préparées à cela. La situation de crise aidant, il faut éviter de mettre de l’huile sur le feu.
Etes-vous candidat à Duékoué?
Pas du tout. Il y a déjà dans notre région, des candidats beaucoup plus âgés que moi qui ont été députés, qui ont eu deux ou trois mandats, mais qui, après un passage à vide, sont encore candidats. J’ai déjà annoncé publiquement, depuis le 30 juillet dernier, que je ne suis pas candidat. Je suis ancien député, je suis prêt à offrir mes conseils et ma petite expérience.
Que voulez-vous insinuer quand vous dites que vos cases sont détruites pendant que des châteaux rayonnent à Duékoué, alors que nous savons que les cadres RHDP de Duékoué étaient soudés pendant les campagnes pour le premier et le second tour de l’élection présidentielle ?
Prenons par exemple le cas des électrons. Ils ont l’air d’être soudés dans un noyau, mais à la lumière d’une loupe, on se rend compte que ces électrons tournent, ils ne sont pas solidaires l’un de l’autre. Il fallait être à Duékoué pour constater que cette soudure n’était qu’artificielle. Les cadres, ceux qui ont le PDCI à cœur, les fils d’Houphouët-Boigny, sont les seuls qui étaient présents à Duékoué et qui ont mené une campagne, pratiquement sans moyens. Ceux qui pouvaient être là dans ces conditions, étaient là.
Nous avons pourtant appris que M. Touré Ahoua était un véritable pourvoyeur de fonds lors de ces campagnes et qu’il aurait même dégagé de gros moyens…
Je suis membre du bureau politique pour le compte de Duékoué, membre de la délégation départementale de Duékoué, mais je n’ai pas connaissance des gros moyens dégagés par M. Touré Ahoua. Ce que je sais, par contre, c’est que le président Alassane Ouattara a donné au second tour des présidentielles, pour la région du Moyen-Cavally, une enveloppe de 20 millions de FCFA qui a été partagée au prorata des effectifs de chaque département composant la région. C’est à ce titre que Duékoué a eu 7 millions de FCFA, Toulepleu a eu 3 millions de FCFA et Bloléquin, 4 millions de FCFA. La part qui revenait au département de Bloléquin a été partagée, sous le contrôle du ministre Banzio, dans le bureau du secrétaire général du PDCI à Cocody. Les cadres ont exprimé leurs besoins en location de véhicules, en carburant et les 4 millions de FCFA ont été répartis pour la logistique et l’argent leur a été remis avant qu’ils ne prennent la route. Ce qui n’a pas été le cas pour Duékoué.
Voulez-vous dire que votre délégué n’a pas été actif dans cette campagne ?
Touré Ahoua sait qu’il n’a pas été un pourvoyeur de fonds pour cette campagne, que ce soit pour la tournée du président Bédié au premier tour et lors de la campagne au deuxième tour. Je n’ai pas connaissance des fonds qui ont été mobilisés quand le président Bédié a demandé que les militants du PDCI votent pour le candidat Ouattara au deuxième tour. Mais, j’ai pu remarquer que certains cadres ont reçu une aide personnelle du ministre Banzio pour aller vers leurs parents. Le ministre Banzio est celui-là même qui a financé la tournée du président Bédié dans le Moyen Cavally au premier et au deuxième tour de l’élection présidentielle. Mais pendant toute la campagne du deuxième tour, je n’ai pas vu le délégué Touré Ahoua en activité puisque, disait-on, il souffrirait d’un mal au pied qui l’a immobilisé dans son immeuble. Et pourtant, on reproche à certains cadres de ne pas être suffisamment RHDP. Je m’élève contre cela. Vous êtes RHDP, vous prétendez être le champion du RHDP, pourtant au sortir des élections, c’est votre fils qui est nommé ministre du Commerce dans un autre gouvernement. Il y a quelque chose qui cloche. Ceux qui sont candidats aujourd’hui pour le compte du PDCI, sont des militants purs teints.
M. Touré Ahoua n’est donc pas un militant convaincu du PDCI, selon vous ?
Ce que je sais, c’est que M. Touré Ahoua dit être un grand ami au président Bédié.
Quel appel lancez-vous aux militants et à la direction du PDCI, face à ce qui pourrait mettre le feu dans la maison PDCI à Duékoué ?
J’insiste toujours sur la crise postélectorale, une crise qui nous a tout enlevé, tout ce que nous avons de légitime. Nous voulons que nos dignes enfants nous représentent dans l’hémicycle, le temple de la démocratie. On n’est mieux servi que par soi-même et ce sont eux qui peuvent défendre nos intérêts. Imaginez un instant qu’au cours d’une réunion publique, le délégué Touré Ahoua a annoncé que le ministre Adama Toungara, qui est tout pour nous, qui nous aime comme ses propres enfants, est ministre pour le compte d’Abobo et non pour Duékoué. Adama Toungara est né à Duékoué, toute sa famille est à Duékoué ; il a construit dans cette ville et la seule salle de cinéma de la commune est sa propriété. Qu’est-ce qu’il lui faut encore pour dire qu’il est de Duékoué ? Mais, on ne peut pas être à l’hémicycle à tous les prix. Il faut que ce soit nos enfants, parce qu’ils savent interpréter nos problèmes, nos préoccupations. Je profite de l’occasion pour présenter mes condoléances aux peuples Wê, Malinké et Baoulé, qui ont souffert pendant la crise postélectorale. Je leur demande de rester sourds aux appels de Aoua Touré. Nous demandons une forte mobilisation des populations, pour réserver un accueil chaleureux au Président Alassane Ouattara.
Réalisé par Huberson Digbeu, Coll : Olivier Dion
Comment se porte le PDCI à Duékoué, après la crise postélectorale ?
Le PDCI, en tant que structure, se porte bien en dehors du comportement un peu cavalier de notre délégué, qui veut rééditer ce qui s’est passé en 1995. A cette époque, j’étais candidat à ma propre succession, mais en face, je n’avais aucun adversaire au sein du PDCI. Il ne restait qu’aux secrétaires de sections de parapher le document d’investiture à adresser à la direction du parti, pour lui signifier que j’étais le seul candidat du parti dans la circonscription électorale de Duékoué, en 1995. A ma grande surprise, les secrétaires de sections qui étaient à la solde du délégué, ont fait un revirement à 180°, me demandant de reporter à 15 heures, la signature de ce document qui devait se faire à 12 heures, le temps pour eux de disparaître dans la nature. La supercherie a été découverte, les populations se sont saisies du dossier, le président Bédié, président du PDCI-RDA, a été saisi. Il a demandé que nous allions aux primaires. Mais, quand le peuple Wê ne veut pas de quelque chose, il dit non et il a dit non. Le peuple a rejeté le principe selon lequel un fils originaire de la région devait aller à des primaires. Le président Bédié, qui avait toujours été très mal informé, a décidé de mettre les deux candidats que nous étions, Touré Ahoua et moi, dos à dos, pour choisir un autre candidat.
Est-ce le cas aujourd’hui encore ?
Peut-être même dans un esprit plus grave et malsain. Le peuple de Duékoué a payé le plus lourd tribut dans cette sale guerre et meurtri dans sa chair. Ce qui lui reste pour se consoler, c’est l’élection de ses fils à l’hémicycle pour défendre leurs intérêts. Mais, le délégué a convoqué une réunion, dont le but était de lancer la campagne et amener les instances dirigeantes à plancher sur les candidatures. Les militants ont plutôt eu droit à un monologue, au cours duquel le délégué a choisi un poste de député pour les Baoulé, un autre pour les Malinké et un poste pour les Guéré, alors que les Baoulé et les Malinké ne sont pas demandeurs. Il y a quatre ou cinq candidats qui sont Guéré et ceux-là étaient appelés à des primaires pour dégager une candidature. Sans vraiment être xénophobe, mais nulle part cela n’existe sur l’étendue du territoire national.
Est-ce que le délégué PDCI de Duékoué est autorisé à agir ainsi ?
Nos textes sont clairs. Le délégué sert d’interface entre la direction du parti et la base et au plan local, il est le coordonnateur des activités du parti et des différentes structures qui composent sa délégation. Il n’y a pas eu de primaires à Duékoué, d’autant plus que nous sommes tous partants pour le consensus et ce consensus est possible, s’il n’y a pas d’immixtion comme le fait actuellement le délégué. Le peuple Baoulé est travailleur, nous le savons, il est venu chercher refuge et accueil chez ses frères Guéré avec qui il vit en parfaite intelligence, depuis la nuit des temps. Quand la chose politique arrive, ils nous aident à résoudre les équations, mais jamais l’idée de partager des postes avec nous ne leur est venue. Ce n’est pas maintenant, pour satisfaire un besoin inavoué, qu’on va les opposer aux Guéré. Les conseils généraux et les conseils municipaux ont un objectif purement économique et la richesse n’a pas d’ethnie ni de tribu. Qu’un frère allogène qui vit avec nous et qui a des intérêts dans notre région, veuille briguer un poste de maire ou de président de Conseil général, nous aviserons si toutes les conditions sont réunies. Mais, tout cela doit se faire de manière consensuelle et par le dialogue, parce que nous sommes dans un pays de dialogue. Mais, qu’on ne s’asseye pas dans une tour d’ivoire pour dire : « Voilà ce que j’ai décidé ». Tout peuple épris de paix ne peut que rejeter cela et le peuple Wê, comme tout autre peuple, préfère sa dignité dans la pauvreté.
N’êtes-vous pas en train de réveiller une ancienne plaie qui a plongé la Côte d’Ivoire dans le chaos, surtout que, vous le dites vous-mêmes, la région de Duékoué a payé un lourd tribut dans la crise postélectorale ?
Le danger se trouve dans les candidatures que le délégué Touré Ahoua a décidé de mettre entre nos mains. Les propositions de Touré Ahoua sont dangereuses pour la paix à Duékoué. Ses propositions sont dangereuses, parce que c’est sous le président Houphouët-Boigny, il y a plus de quarante ans, qu’on parlait de comités Baoulé, Malinké… Tout cela a été banni de nos usages au PDCI, depuis des décennies. Touré Ahoua n’est pas candidat pour l’instant. Il n’y a donc pas une certaine phobie de sa candidature ni de celle de toute autre personne dont le nom a telle ou telle consonance. Je ne fais que prévenir les uns et les autres, sur ce qui va se passer chez nous. La guerre nous a tout pris, il y a des villages de moins de 150 habitants, où il y a eu 50 morts, 200 maisons et cases incendiées… Au moment où nous recherchons nos repères, on vient nous enlever la seule voie par laquelle nous devons passer pour ressurgir. Quoi de plus normal qu’un Baoulé, pharmacien de son état résidant à Bouaké puisqu’il y a ses intérêts, en l’occurrence une pharmacie, qui rend d’énormes services à la population, veuille être député à l’Assemblée nationale ? Mais, on le renvoie à ses premières amours, on lui rappelle en ce moment qu’il est Baoulé certes, pas de Bouaké mais de Toumodi. C’est ce qui est arrivé à l’honorable René Brou, qui a été élu député de Toumodi sous-préfecture et qui siège actuellement à l’hémicycle, parce que ses parents ne pouvaient que l’accueillir de façon unanime et le voter massivement.
Vous vous opposez à une quelconque candidature d’un allogène, mais, M. le député, il y a aussi le cas de Bamba Moriféré, qui a été candidat aux législatives à Daloa, en 1995…
Nous sommes dans un pays de paix et tout s’obtient par consensus. Le peuple Malinké est par excellence un peuple de commerçants qui contribuent efficacement à l’essor économique de nos régions. On arrive aisément à concevoir que quelqu’un dise « je suis Dioula de Duékoué ou de Daloa », contrairement à celui qui dit « je suis Abron de Duékoué ». Nous allons nous adapter aux nouvelles conditions de brassage et nous allons devenir une véritable nation ivoirienne avec le brassage culturel. Moriféré a été élu député de Daloa-commune par consensus. Mais, je ne sais pas si des députés non tributaires de nos coutumes locales, qui ont pu acquérir le poste de député d’une sous-préfecture, existent en Côte d’Ivoire. Je prends par exemple une sous-préfecture de Daloa, où l’un de leurs fils est candidat. Les populations vont-ils laisser leur fils et voter pour un autre candidat ? Cela peut exister, mais je n’en ai pas encore connaissance.
Que demandez-vous concrètement au président Bédié ?
Le nom du président Bédié est utilisé à tout va, par le délégué Touré Ahoua : « Bédié m’a dit ceci, Bédié m’a dit cela, j’ai appelé Bédié… » Nous nous inscrivons en faux contre toutes ces allégations de M. Touré Ahoua. Bédié est un homme sage, un homme de paix. C’est un fils de Duékoué, parce que fils de Guiglo, ville où il a fait ses premières armes. Bédié n’est donc pas capable, dans l’esprit du peuple Wê, au sortir de cette crise postélectorale dans laquelle nous avons tout perdu, de susciter une nouvelle querelle entre les autochtones et les allogènes ni la rééditer. Bédié ne peut pas non plus la soutenir. En notre qualité d’élu et de responsable politique, nous prenons sur nous l’engagement de tirer la sonnette d’alarme, parce que nous entendons des bruits. Nous faisons modestement ce que nous pouvons pour calmer les esprits, mais en son temps, nous irons voir le président Bédié. Aujourd’hui à Duékoué, nous avons tout perdu, nos cases ont été détruites alors que généralement ceux qui détruisent s’attaquent plutôt aux biens les plus en vue. Nos cases ont été détruites, pendant que des châteaux continuent de rayonner à Duékoué. Qui est derrière cette flamme qui va encore embraser le peuple ? Pourquoi s’acharne-t-on à faire de quelqu’un qui n’a pas d’ambition politique, un député ? C’est notre préoccupation et nous lançons un appel au président Bédié, à la direction du parti, notamment le comité électoral, pour que la part des choses soit faite, pour qu’on n’embrase pas une énième fois la ville de Duékoué. Si Touré Ahoua maintient sa besogne que je me garde de qualifier, nous demandons que le président Bédié, au nom de la paix et de tous les militants PDCI de Duékoué, mette immédiatement fin aux agissements du délégué Touré Ahoua. Peut-être que plus tard on pourra agir comme il le souhaite, mais pour l’instant, les populations ne sont pas préparées à cela. La situation de crise aidant, il faut éviter de mettre de l’huile sur le feu.
Etes-vous candidat à Duékoué?
Pas du tout. Il y a déjà dans notre région, des candidats beaucoup plus âgés que moi qui ont été députés, qui ont eu deux ou trois mandats, mais qui, après un passage à vide, sont encore candidats. J’ai déjà annoncé publiquement, depuis le 30 juillet dernier, que je ne suis pas candidat. Je suis ancien député, je suis prêt à offrir mes conseils et ma petite expérience.
Que voulez-vous insinuer quand vous dites que vos cases sont détruites pendant que des châteaux rayonnent à Duékoué, alors que nous savons que les cadres RHDP de Duékoué étaient soudés pendant les campagnes pour le premier et le second tour de l’élection présidentielle ?
Prenons par exemple le cas des électrons. Ils ont l’air d’être soudés dans un noyau, mais à la lumière d’une loupe, on se rend compte que ces électrons tournent, ils ne sont pas solidaires l’un de l’autre. Il fallait être à Duékoué pour constater que cette soudure n’était qu’artificielle. Les cadres, ceux qui ont le PDCI à cœur, les fils d’Houphouët-Boigny, sont les seuls qui étaient présents à Duékoué et qui ont mené une campagne, pratiquement sans moyens. Ceux qui pouvaient être là dans ces conditions, étaient là.
Nous avons pourtant appris que M. Touré Ahoua était un véritable pourvoyeur de fonds lors de ces campagnes et qu’il aurait même dégagé de gros moyens…
Je suis membre du bureau politique pour le compte de Duékoué, membre de la délégation départementale de Duékoué, mais je n’ai pas connaissance des gros moyens dégagés par M. Touré Ahoua. Ce que je sais, par contre, c’est que le président Alassane Ouattara a donné au second tour des présidentielles, pour la région du Moyen-Cavally, une enveloppe de 20 millions de FCFA qui a été partagée au prorata des effectifs de chaque département composant la région. C’est à ce titre que Duékoué a eu 7 millions de FCFA, Toulepleu a eu 3 millions de FCFA et Bloléquin, 4 millions de FCFA. La part qui revenait au département de Bloléquin a été partagée, sous le contrôle du ministre Banzio, dans le bureau du secrétaire général du PDCI à Cocody. Les cadres ont exprimé leurs besoins en location de véhicules, en carburant et les 4 millions de FCFA ont été répartis pour la logistique et l’argent leur a été remis avant qu’ils ne prennent la route. Ce qui n’a pas été le cas pour Duékoué.
Voulez-vous dire que votre délégué n’a pas été actif dans cette campagne ?
Touré Ahoua sait qu’il n’a pas été un pourvoyeur de fonds pour cette campagne, que ce soit pour la tournée du président Bédié au premier tour et lors de la campagne au deuxième tour. Je n’ai pas connaissance des fonds qui ont été mobilisés quand le président Bédié a demandé que les militants du PDCI votent pour le candidat Ouattara au deuxième tour. Mais, j’ai pu remarquer que certains cadres ont reçu une aide personnelle du ministre Banzio pour aller vers leurs parents. Le ministre Banzio est celui-là même qui a financé la tournée du président Bédié dans le Moyen Cavally au premier et au deuxième tour de l’élection présidentielle. Mais pendant toute la campagne du deuxième tour, je n’ai pas vu le délégué Touré Ahoua en activité puisque, disait-on, il souffrirait d’un mal au pied qui l’a immobilisé dans son immeuble. Et pourtant, on reproche à certains cadres de ne pas être suffisamment RHDP. Je m’élève contre cela. Vous êtes RHDP, vous prétendez être le champion du RHDP, pourtant au sortir des élections, c’est votre fils qui est nommé ministre du Commerce dans un autre gouvernement. Il y a quelque chose qui cloche. Ceux qui sont candidats aujourd’hui pour le compte du PDCI, sont des militants purs teints.
M. Touré Ahoua n’est donc pas un militant convaincu du PDCI, selon vous ?
Ce que je sais, c’est que M. Touré Ahoua dit être un grand ami au président Bédié.
Quel appel lancez-vous aux militants et à la direction du PDCI, face à ce qui pourrait mettre le feu dans la maison PDCI à Duékoué ?
J’insiste toujours sur la crise postélectorale, une crise qui nous a tout enlevé, tout ce que nous avons de légitime. Nous voulons que nos dignes enfants nous représentent dans l’hémicycle, le temple de la démocratie. On n’est mieux servi que par soi-même et ce sont eux qui peuvent défendre nos intérêts. Imaginez un instant qu’au cours d’une réunion publique, le délégué Touré Ahoua a annoncé que le ministre Adama Toungara, qui est tout pour nous, qui nous aime comme ses propres enfants, est ministre pour le compte d’Abobo et non pour Duékoué. Adama Toungara est né à Duékoué, toute sa famille est à Duékoué ; il a construit dans cette ville et la seule salle de cinéma de la commune est sa propriété. Qu’est-ce qu’il lui faut encore pour dire qu’il est de Duékoué ? Mais, on ne peut pas être à l’hémicycle à tous les prix. Il faut que ce soit nos enfants, parce qu’ils savent interpréter nos problèmes, nos préoccupations. Je profite de l’occasion pour présenter mes condoléances aux peuples Wê, Malinké et Baoulé, qui ont souffert pendant la crise postélectorale. Je leur demande de rester sourds aux appels de Aoua Touré. Nous demandons une forte mobilisation des populations, pour réserver un accueil chaleureux au Président Alassane Ouattara.
Réalisé par Huberson Digbeu, Coll : Olivier Dion