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Société Publié le vendredi 30 septembre 2011 | Soir Info

Frontière ivoiro-libérienne / Deux semaines après : L’attaque de Ziriglo livre ses secrets / Un rescapé parle

23 morts, 5 blessés graves, dont 2 par balles. Voici le tableau macabre de l’attaque du vendredi 15 septembre 2011 qu’ont subie les populations de Ziriglo. Village situé à 36 km de Tai, sur la route menant à Tabou et à Nigré, dans la sous-préfecture de Grabo. L’expédition punitive fut celle d’un commando lourdement armé qui, ce jour-là, aux environs de 1h du matin, a attaqué le check-point des Frci situé à l’entrée de Ziriglo. Le déluge de feu du commando a fait reculer les éléments des Frci qui étaient en nombre insuffisant et faiblement armés. Le combat a duré jusqu’à 6h du matin. Selon le lieutenant Yaha Roger, le chef du détachement des Frci basées à Ziriglo et Nigré, l’attaque des mercenaires libériens était ciblée, et les personnes qui ont été froidement exécutées dans leur sommeil, sont, pour la plupart, de nationalité étrangère et de grands producteurs de café-cacao. Les assaillants, bien organisés et connaissant parfaitement la zone, n’avaient aucune peine pour mettre à exécution leur sinistre besogne. A en croire le lieutenant Yaha Roger, « la majorité de ceux qui ont attaqué, vivait dans le village de Ziriglo et sont identifiés comme étant les enfants du chef du village de Nigré ». Ce qu’a confirmé Zana Prosper, habitant du village, qui a réussi à s'échapper, quand la fusillade a commencé du côté du corridor. Selon lui, des bandits armés ont exécuté 23 personnes, dont des femmes enceintes, des enfants et des hommes. Des femmes ont été violées, des boutiques et habitations pillées. Le carnage a cessé à 6 h 30 du matin . Ces derniers ont pris la direction du Liberia, en passant par le fleuve Cavally. Présentement, aucun autochtone ne réside dans les deux villages. Tous ont fui en masse pour se réfugier dans la brousse ou à Taï. Plus de 50 maisons ont été incendiées, uniquement celles des Oubi, une ethnie minoritaire Guéré. Même la résidence du chef du village de Ziriglo, Pomin Maurice, n’a pas échappé à la furie des assaillants, qui ont emporté des biens et de l’argent appartenant aux riches allogènes et allochtones qui résident dans le village. C’est la peur totale dans la région. La quiétude des populations est perturbée, les activités agricoles (café, cacao, hévéa) sont arrêtées. Les populations ne se sentent plus en sécurité. Il faut rappeler que la production du cacao dans ce patelin d’environ 2000 âmes avoisine les 5000 tonnes par an. Ces « chiens de guerres » qui ont un penchant pour l’argent, sont présentement dans les forêts qui jouxtent la frontière ivoiro-libérienne ou ils sont retranchés, et d’où ils partent pour mener des attaques sporadiques dans les campements et villages de la sous-préfecture de Taï. L’attaque de Norbertkro, près du village de Ponan Tai qui a fait 11 morts, le mois dernier, en est la parfaite illustration. Ces bandes armées présumées semblent déterminées à semer le chaos et la destruction systématique au sein des communautés qui ont payé un lourd tribut à la crise post électorale et qui n’aspirent qu’à la paix. La prouesse au combat, et les massacres que ces hommes armés ont commis cette nuit-là dans les villages de Ziriglo et Nigré, indiquent clairement qu’ils sont bien organisés et prêts à récidiver si besoin était, car, soutenus par des autochtones, hostiles à la présence des allogènes venus faire fortune dans la région, et qui se réclament partisans de l’ex-président Laurent Gbagbo. Ces derniers seraient en relation avec les mercenaires libériens qui ont combattu aux côtés des forces de défense et de sécurité dans la commune de Yopougon et qui se sont retranchés dans les forêts du Moyen Cavally à la frontière du Liberia, pour créer une situation d’insécurité généralisée dans la zone de Taï. La route qui mène à Ziriglo est un véritable calvaire pour les rares automobilistes qui l’empruntent. Parcourir les 36 km reste un exercice compliqué. Il faut plus de 6 heures de temps pour la parcourir à partir de Taï. Pour bien mener la mission de sécurisation de la frontière ivoiro-libérienne, il faut que le gouvernement se penche résolument sur l’épineux problème de route. Cela profite aux bandes armées qui savent qu’elles ne seront pas inquiétées, en cas d’attaque car régnant en maîtres absolus de cette frontière qu’ils maîtrisent. Malgré la présence d’un bataillon pour renforcer la sécurité dans cette zone instable de Tai à Tabou et de Tai à Danané. Le renforcement des troupes dans la région permettra d’intensifier les patrouilles. De manière à améliorer la sécurité de la population. Cette action sera très difficile à mener, car les routes secondaires sont impraticables dans la zone. Il faut nécessairement les profiler.
Plusieurs réfugiés que nous avons rencontrés à Taï pointent un doigt accusateur sur les allogènes et les allochtones qui, en représailles à l’attaque des assaillants, n’ont pas hésité à incendier toutes les maisons leur appartenant.

Chancelle Goudalet (envoyé spécial à Ziriglo)

L’un des rescapés : « Nous avons toujours peur »

« Aux environs de 1h30 du matin , ce vendredi-là, pendant la cérémonie de mariage de mon voisin, nous avons entendu des tirs. Les Frci avaient l’habitude de manifester leur joie, en tirant des coups de feu en l’air. C’est ce à quoi on a pensé pendant que nous dansions. Nous étions loin de penser que c’était une attaque, quand 4 assaillants ont fait éruption dans la cour. En ce moment-là, nous ne pouvions plus fuir et la plupart des invités ont trouvé refuge dans la maison du marié. Etant devant ma porte, j’ai bondi dans la mienne, en compagnie d’un des invités. La scène a été suivie par l’un des assaillants qui nous a fait sortir pour nous faire coucher sur le sol, et sans autre forme de procès, il a tiré à bout portant sur nous. J’ai eu la chance, car les balles m’ont atteint aux mains. Quant à mon compagnon de fortune, il a eu la tête éclatée. J’ai reconnu la voix d’un jeune Oubi du village prénommé Thomas, c’est un braconnier. Moi-même, je n’arrive pas à comprendre cette attaque. Présentement, quand il fait nuit, nous ne dormons pas dans nos maisons. Nous nous regroupons un peu plus haut, sous un hangar pour passer la nuit et le matin, chacun regagne son domicile. Nous avons toujours peur ». Ce rescapé s'est ouvert à nous en dévoilant son identité. Mais pour des raisons évidentes de sécurité, nous nous gardons de la révéler.

Propos recueillis par Chancelle Goudalet
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