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Société Publié le lundi 3 octobre 2011 | Notre Voie

Attaque du village de Gnagbodougnoa (Gagnoa), 3 femmes violées, 30 maisons brûlées, des blessés : le film du drame

24 h après l’attaque par les Lobi du village de Gnagbodougnoa, notre équipe de reportage s’est rendu sur les lieux du drame. Voici la vérité des faits vécus par les populations de la bourgade.
Deux femmes violées dont une fillette de 13 ans. Deux blessés dont une femme. 30 maisons brulées ou saccagées. Tel est le bilan de l’attaque du village de Gnagbodougnoa, dans la nuit du jeudi 29 au vendredi 30 septembre dernier, par des membres de la communauté Lobi qui vit pourtant dans le dit-village depuis des lustres. Les assaillants, selon des témoignages recueillis surplace, ont intégrés les rangs des Frci aux premières heures de la prise du département de Gagnoa, en avril dernier, par les forces armées pro-Ouattara. Village de la tribu Guébié, Gnagbodougnoa a été érigé en sous-préfecture sous le régime Henri Konan Bédié en 1999.

La communauté Lobi indexée

Samedi 1er aout, il est 9h50 mn. Notre véhicule en partance pour Gnagbodougnoa rencontre sur l’axe Dodougnoa-Gnagbodougnoa, un taxi communal de Gagnoa surchargé, ayant à son bord, une dizaine de personnes. A notre demande, le taxi fait demi-tour afin que nous puissions discuter avec les passagers qui disent se rendre à Gagnoa pour porter plainte contre leurs agresseurs Lobi-Frci à la gendarmerie. 10 h, nous arrivons à Gnagnodougnoa au domicile du chef du village, Kokolou Bawa Denis, qui est entouré de tous ses notables. Les populations sont également rassemblées. Tous étaient déjà informés de l’arrivée de notre équipe de reportage. Après les civilités, le chef du village relate les faits. Selon ses explications, il y a 13 communautés étrangères qui vivaient, avant la prise du village par les forces pro-Ouattara, en harmonie avec les populations autochtones Guébié. Parmi ces allochtones et allogènes, seules les communautés Lobi et Sénoufo ont intégré l’ex-rébellion armée. Depuis, vêtus en tenues dozos (chasseurs traditionnels malinké pro-Ouattara, supplétifs des Frci), les ressortissants de ces deux communautés narguent les populations qui les ont accueillies sur leurs terres et menacent même de les exproprier, soutient le chef du village, Kokolou Bawa Denis. « Votre Gbagbo est en prison. C’est maintenant notre tour avec Ado. Nous allons prendre vos forêts et il n’y aura rien. Ne cessent-ils de nous menacer », précise-t-il. Avant d’ajouter que ce sont les Lobi ayant rejoint les Frci qui ont attaqué le village dans la nuit du jeudi au vendredi dernier en mettant le feu à plusieurs maisons. « Ils ont aussi violé une femme de plus de 50 ans et une fillette de 13 ans, puis blessé deux personnes », accuse le chef du village. Mais comment en est-on arrivé à telle situation déplorable ?

Le chef de village relate le désastre

Selon les explications du chef du village, tout est parti d’une bagarre entre un élément des Frci postés à l’entrée du village non loin des bureaux de la Sous-préfecture répondant au nom de Sidibé Soumaïla et un jeune autochtone dénommé Djatchi Sylvain qui revenait de la plantation. Djatchi Sylvain est, en effet, instituteur à Téhiri, un village de la sous-préfecture de Bayota. En vacances dans son village, il revenait du champ à vélo avec des régimes de bananes. A l’entrée du village, selon le chef du village en l’absence de l’intéressé qui avait été conduit à l’hôpital au moment où nous arrivions dans la lo-calité, Djatchi Sylvain voit le soldat Frci, Sidibé Soumaïla, en compagnie de trois jeunes filles, non loin du barrage des Frci. Comme il était sur une pente et que les freins de son vélo sont défaillants, Djatchi serre sur le côté gauche pour éviter l’élément Frci et les filles. Alors qu’il les avait presque dépassés, le soldat Frci le pousse et le jeune Guébié se retrouve à terre. Il se relève péniblement et demande à l’élément Frci, les raisons d’un tel agissement. Mal lui en prit. Sidibé Soulaïmane qui a trouvé inacceptable que le jeune Djatchi lui demande des explications, lui administre une gifle. Celui-ci réplique immédiatement. Une bagarre éclate entre les deux hommes. Les autres éléments Frci se joignent à leur collège et, ensemble, ils battent sauvagement Djatchi Syvain avant de le ligote alors que grièvement blessé, ce dernier saignait abondamment du nez. Les jeunes du village ayant trouvé l’attitude des éléments Frci inacceptable, détruisent, en guise de représailles, l’apatam de fortune sous lequel les éléments Frci s’asseyent. Informé, le chef du village, pour éviter tout débordement, fait évacuer Djatchi Sylvain à l’hôpital de Gagnoa. Il fait ensuite appel au commandant Frci de Gagnoa, le lieutenant Diomandé. Selon le chef du village, le commandant Frci n’a pas apprécié le comportement de ses hommes et a demandé pardon aux populations. « J’ai fortement apprécié l’attitude responsable du commandant Diomandé. Il a désapprouvé le comportement de ses hommes et a même menacé de les sanctionner. Il a ensuite demandé pardon aux populations », a affirmé le chef du village.

L’expédition désastreuse des Lobi

Le calme était donc revenu dans le village suite à l’intervention du commandant Diomandé. Dans la nuit, aux environs de 22 h, alors que les populations autochtones ne s’y attendaient pas, le village est attaqué par des membres de la communauté Lobi. « Pour nous, l’incident était clos après l’intervention du commandant Diomandé. A 22 h, j’ai été réveillé par des pleurs. Je sors et je vois des maisons en flammes. Le village était ainsi l’objet d’attaque. J’ai immédiatement pensé à une action de représailles de la part des Frci dont les éléments venaient publiquement d’être désavoués par leur chef. Evidemment, les populations qui avaient déjà été très traumatisées lors de la prise du village par les combattants de l’ex-rébellion armée ont tous pris la fuite pour aller se mettre à l’abri en brousse. J’ai aussitôt fait à nouveau appel au commandant Diomandé et au Sous-préfet qui réside à Gagnoa », explique le chef du village. En effet, le sous-préfet de Gnagbodougnoa loge à Gagnoa parce que sa résidence a été détruite lors de la prise de la Sous-préfecture de Gnagbodougnoa par les forces pro-Ouattara. « C’est seulement quand les gendarmes et les éléments Frci sont arrivés et ont pu rétablir l’ordre que nous nous sommes rendus compte que notre village avait été attaqué par la communauté Lobi que nous avons librement accueillie sur nos terres. Ils l’ont d’ailleurs reconnu en présence du Sous-préfet par l’intermédiaire de Hien Ollo Dimé, porte-parole de leur chef Giessouoné dit Diklé », précise le chef de village. Pourquoi les Lobi ont-ils attaqué leurs bienfaiteurs ? Le chef du village, Kokolou Bawa Denis, répond : « Ils ont dit clairement en présence du Sous-préfet qu’ils ont décidé de brûler le village parce que les jeunes du village ont détruit l’apatam qu’ils ont construit pour que les éléments Frci qu’ils soutiennent s’abritent ».

La communauté Lobi refuse de parler
Comme on le voit, la communauté Lobi a décidé de détruite le village de ses bienfaiteurs parce que de jeunes autochtones, non contents de ce qu’un des leurs a été sauvagement battus par un élément des Frci, ont détruit un apatam. Alors même que le commandant des Frci à Gagnoa a condamné l’action de ses hommes, les Lobi seraient donc devenus plus royalistes que le roi. Heureusement que tous ceux qui ont mis le feu au village de Gnagbodougnoa au nom des Frci sont détenus, depuis samedi dernier, à la brigade de gendarmerie de Gagnoa. D’ailleurs, non seulement toutes les victimes ont individuellement porté plainte, mais le chef du village, lui-même, s’est constitué au nom du village. Et comme si cela ne suffisait pas, cinq hommes de la communauté Lobi ont, vendredi dernier, après le départ du Sous-préfet du village, violé une femme de plus de 50 ans et blessé à la machette une autre qui a pu s’échapper. Ces hommes ont rencontré les deux femmes sur l’axe Gnagbodougnoa-Olibribouo alors qu’elles s’en allaient à des funérailles à Dikuéipalégnoa. Les deux femmes qui nous ont été présentées et dont nous taisons les noms sont encore sous l’effet du traumatisme qu’elles ont subi de la part de leurs bourreaux.
Après nos échanges avec le chef de village de Gnagbadougnoa et ses notables, nous tentons en vain de rencontrer les responsables de la communauté Lobi afin d’avoir leur version des faits. Toutes nos tentatives se sont avérées sans succès. Ni le chef de la communauté ni son porte-parole ne veulent nous parler. Nous mettons alors le cap sur Gagnoa. Direction, la brigade de gendarmerie. Il était 12 h 05 mn, samedi dernier. Le Commandant de brigade nous indique seulement qu’un dossier a été ouvert et qu’il reçoit les plaintes des victimes. Cependant, nous indique-t-il, seul le Commandant de compagnie peut nous parler. Malheureusement, ce dernier est absent. Le commandant Frci, le lieutenant Diomandé, nous reçoit, quelque temps plus tard, à son domicile de la cité du Fromager. « Je partais voir le Sous-préfet de Bayota quand j’ai reçu l’appel du chef du village de Gnagbodougnoa. Je m’y suis rendu immédiatement. Et quant les faits m’ont été rapportés, je n’ai pas apprécié le comportement de mes éléments. J’ai donc réuni les populations pour leur présenter des excuses et sur le champ, j’ai relevé les éléments qui se sont mal comportés. Le calme était donc revenu quand je suis parti du village. Ce qui s’est passé après n’est donc pas le fait des Frci. Ce sont des palabres entre communautés du village. J’estime donc que cela relève de la compétence du chef du village. Il y a des communautés qui pensent, à tort, que nous sommes-là pour elles. Et nous devons régler les problèmes fonciers qu’elles ont avec ceux qui les ont accueillis. Ce n’est pas notre rôle. Je peux donc vous dire que je ne sais pas pourquoi le village a été attaqué par les Lobi. Une seule chose est sûre, ce ne sont pas les Frci qui attaqué le village. Notre rôle, c’est de protéger les populations ».

Boga Sivori
bogasivo@yahoo.fr
envoyé spécial à Gnagbodougnoa
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