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Politique Publié le lundi 10 octobre 2011 | Nord-Sud

Jean-Félicien Gbamnan Djidan, maire de Yopougon : « Je renonce à la mairie »

Dans cet entretien qu’il a accordé, en marge de la visite du chef de l’Etat, Alassane Ouattara, au Ghana, Jean-Félicien Gbamnan Djidan, un baron de l’ancien régime au pouvoir, se démarque. Tout en réaffirmant reconnaître la légitimité de M. Ouattara, il trouve incongru, de la part de ses anciens camarades, de poser des conditions à tout dialogue ou à toute collaboration avec le nouveau président de la République.

On vous a vu en première ligne, lors de la rencontre que le président Ouattara a eue avec les Ivoiriens du Ghana. Qu’est-ce qui a motivé votre participation ?
J’ai tenu à être présent d’abord, parce que c’est le chef de l’Etat de Côte d’Ivoire qui arrive dans un pays étranger où, par la force des choses, je me trouve. C’était donc normal qu’en tant que fils de la Côte d’Ivoire, je vienne à l’accueil de mon président. Deuxièmement, j’étais présent parce que nous qui sommes en exil, avons des préoccupations. Nous voulons être rassurés par le message du chef de l’Etat. De nombreuses personnes qui sont ici (au Ghana, ndlr) pour des raisons diverses, veulent rentrer mais il y a quelquefois la peur. Tout cela fait que beaucoup de gens hésitent. Le chef de l’Etat est venu et a parlé aux Ivoiriens. Il a dit sa bonne disposition à accueillir tous les Ivoiriens, pour qu’ils rentrent chez eux. Je suis venu et j’ai écouté. Je suis un peu rassuré par le message du chef de l’Etat. Voilà donc les deux raisons qui m’ont amené à être présent à la rencontre. En ce qui concerne la troisième raison de ma présence, il y a parmi les exilés, de nombreux habitants de Yopougon. Or, vous savez que ma commune a été particulièrement meurtrie. Moi, je suis en exil depuis le 29 mars 2011, c’est-à-dire bien avant les graves événements qui se sont produits dans le pays. Je pense avoir fait ma part dans la sensibilisation. Malheureusement, ma commune a vécu un drame et beaucoup de personnes qui y vivaient, ont été contraintes à l’exil. Si le maire ne vient pas au-devant de ces difficultés pour essayer de rassurer ces populations, c’est sûr que le retour sera difficile et la réconciliation qu’on veut, sera tout aussi difficile. Je suis venu pour me mettre à la disposition de mon pays, de ma commune, de sorte que ceux qui me voient à une réunion avec le chef de l’Etat de Côte d’Ivoire, soient rassurés et envisagent le retour. Bien sûr, il y a un minimum de conditions à remplir mais, il faut déjà commencer à se préparer pour ce retour parce qu’on n’est mieux que chez soi.

Qu’est-ce que vous attendez pour être totalement rassuré puisque les autorités ne cessent de vous donner des garanties ?
Pour prendre mon cas, je suis là depuis le 29 mars, j’ai donné toutes les preuves que je n’ai pas été impliqué dans ces conflits. J’ai fait des déclarations, accordé des interviews, etc. J’ai tout simplement été le directeur de campagne de Laurent Gbagbo à Yopougon. Tout le monde le sait. Il y a eu beaucoup d’accusations gratuites, beaucoup de délations, de méchanceté. Aujourd’hui, ma résidence est occupée. Il y a eu onze délégations différentes des Frci (Forces républicaines de Côte d’Ivoire, ndlr) qui se sont rendues à ma résidence qui est complètement saccagée. J’ai un réceptif hôtelier qui me rapportait un peu d’argent et qui a également été complètement mis à sac. Mon compte est aussi gelé depuis plusieurs mois. Vous savez, j’ai longtemps travaillé dans des institutions internationales. J’avais donc un minimum avant de m’engager dans la politique. Fondamentalement, je ne suis pas un politicien mais, je me retrouve dans une situation où je suis l’objet d’accusations aussi fantaisistes que fallacieuses. Des gens ne veulent pas que je rentre, y compris dans mon propre camp.

Vous faites partie des premiers partisans de Laurent Gbagbo à avoir reconnu le régime du président Ouattara. Qu’est-ce qui coince pour votre retour ?
J’ai fait toutes les démarches qu’il faut. J’ai donné les preuves des réunions que j’ai tenues avec les jeunes à Yopougon pour leur demander de déposer les armes et de démanteler les barrages où j’ai été agressé. J’ai été dans des mosquées qui ont subi des attaques pour appeler à l’apaisement. Malgré tout cela, il y a encore des gens pour dire que j’ai armé les miliciens. Il y a donc des accusations mensongères qui ne sont pas faites pour rassurer le maire ou le citoyen que je suis. A côté de cela, il y a des problèmes de sécurité qu’il faut régler. Moi, je ne m’inscris plus dans les discours politiques. Je suis un citoyen libre qui veut retourner dans son pays pour le servir. Malheureusement, ce discours n’est pas compris ou apprécié de tous. Incontestablement, le chef de l’Etat est dans une bonne disposition d’esprit pour notre retour mais, tout le monde dans son entourage n’affiche pas cette même disposition d’esprit. C’est pour cela que nous avons encore des appréhensions. Fort heureusement, sa venue au Ghana nous rassure un peu. Il y a des gestes simples qu’on peut poser. Si on nous reproche quelque chose de manière véritable, pourquoi ne pas ouvrir des enquêtes en bonne et due forme ? Comment peut-on laisser un citoyen comme moi huit mois sans une possibilité d’avoir accès à son argent ? J’ai travaillé avant de faire de la politique et je me retrouve dans une situation où on m’accuse de tout. La Côte d’Ivoire avance et je suis heureux des actions de développement qui sont entreprises par le gouvernement du président Ouattara. Je m’inscris dans les actions de développement. En venant à la tête de la commune de Yopougon, ce n’était pas pour faire de la politique. J’espère que les conditions seront créées pour que le maximum d’Ivoiriens rentre au pays parce que les gens vivent ici dans des conditions extrêmement difficiles. Voyez-vous, je suis obligé de faire moi-même la cuisine pour pouvoir manger. Je fais aussi la vaisselle et la lessive. J’essaie de m’adapter parce que ce sont des leçons de la vie.

Est-ce à dire que votre famille est éparpillée ?
Oui ! Ma famille est éparpillée. Je vis seul ici. Mes enfants sont dispersés. Ce n’est donc pas facile. Il faut que tout le monde, y compris les hommes des médias, contribue au retour à la paix parce que lorsque je lis certains écrits, je me dis que nous sommes loin de cette paix-là. La Côte d’Ivoire a vécu des drames. Il faut que tout cela s’arrête. Voyez le Ghana, les gens sont en train de construire des routes et des sociétés. Tout ceci contribue au développement de leur pays.

Vous parlez des hommes des médias mais, il y a aussi le discours de vos camarades exilés qui ne tend pas à ramener la sérénité. En plus, ils posent des conditions telles que la libération de Laurent Gbagbo…
Moi, je ne parle pas au nom des représentants politiques. Je suis un militant politique et j’ai fait ma part. Je pense que dans l’élection que nous avons eue, il y a eu des résultats litigieux et la communauté internationale est venue arbitrer et nous a donné un verdict. Si cela ne tenait qu’à moi, à partir du 10 mars, cette crise serait terminée. Malheureusement, ç’a été géré autrement. Ceux qui ont décidé de gérer la situation de cette façon ont sans doute leurs raisons. Mais, je le répète, dès que le panel a donné les conclusions de ses évaluations le 10 mars, la crise se serait arrêtée, si cela ne tenait qu’à moi, pour voir comment les Ivoiriens pourraient se remettre ensemble pour travailler. Je regrette donc qu’on soit arrivé à cette situation dans laquelle nous avons perdu des vies humaines, des biens. Si on aime vraiment ce pays, nous devons faire des sacrifices.

Quels sont les rapports que vous entretenez avec les responsables du Fpi, notamment les caciques qui sont, comme vous, en exil au Ghana ?
Je n’ai aucun rapport avec eux parce que je suis dans un pays étranger.

Vous êtes donc tranquille dans votre coin ?
Exactement, je suis dans mon coin parce que je suis dans un pays étranger. Je ne suis pas venu au Ghana pour faire de la politique. La politique, pour les Ivoiriens, doit se faire en Côte d’Ivoire. Quand je rentrerai, je ferai la politique si j’en ai encore envie. Je ne peux pas venir à l’étranger et parler, parler… Si on veut parler, il faut retourner en Côte d’Ivoire. Je n’assiste à aucune réunion. Certains croient même que je suis à Abidjan. J’en connais qui disent que j’ai abandonné mes anciens camarades pour rallier le nouveau pouvoir. Dans une grande surface, un camarade, surpris, m’a dit « tu es là et puis on ne te voit pas ? Pourtant, on nous a dit que tu es rentré et que tu travailles avec le nouveau régime ». C’est donc vous dire que je ne suis pas dans cette disposition d’esprit parce que la Côte d’Ivoire n’a pas besoin de cela. Lorsque nous reconnaissons que c’est le président Ouattara qui est au pouvoir, cela ne veut pas forcément dire que nous négocions quelque chose. Je ne négocie rien surtout que je ne suis candidat à rien du tout. Aujourd’hui, nous devons avancer. Nous devons aller résolument vers la paix, avoir des discours apaisants, de part et d’autre. Cela n’arrangera personne que nous restions éternellement en crise. Je le dis, ceux qui ont des ambitions à Yopougon peuvent y aller.

Renoncez-vous alors à la direction de la mairie ?
Ce n’est pas une préoccupation pour moi.


Vous ne serez donc pas candidat à la députation ou aux municipales ?
Je n’ai jamais été candidat à quoi que ce soit. Ceux qui ont suivi mon entrée en politique à travers le poste de maire pourront témoigner. Je suis ingénieur agronome, j’étais directeur de projets et j’étais bien payé. Tout le monde le sait. Ces choses-là ne m’intéressent donc pas fondamentalement. A Yopougon, les jeux sont donc ouverts. Ceux qui sont intéressés par le poste de maire peuvent y aller. Mais, de grâce, qu’on pense à la réconciliation. Il y a des gens qui prennent le prétexte des tournées de réconciliation pour se positionner en dénigrant leurs adversaires politiques. Moi, je prêche pour une réconciliation sincère, pour que nous sortions de cette situation.

A quand alors votre retour au pays ?
J’ai parlé au président de la République quand il m’a salué. J’ai parlé à des gens proches de lui, qui me connaissent. J’ai parlé à l’ambassadeur, j’ai donné toutes les preuves et j’attends la réaction des autorités. Si on me donne les garanties sécuritaires pour mon retour, je suis prêt à rentrer. En ce qui concerne les biens, on peut les reconstituer sans problème. Je me propose même de travailler gratuitement pour le gouvernement en effectuant des missions pour son compte pour aller expliquer aux réfugiés que je suis rentré et qu’il ne m’est rien arrivé. Je suis prêt à faire ces missions de façon bénévole.

Interview réalisée à Accra par Marc Dossa
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