L’Organisation des femmes actives de Côte d’Ivoire (Ofaci) a organisé récemment un atelier de formation au terme duquel les participantes ont demandé que la durée du concubinage soit limitée à 5 ans. La présidente de l’Ong, Namizata Sangaré, explique le sens de cette requête.
Qu’est-ce qui motive des femmes à demander que le concubinage ne dépasse plus cinq ans?
Merci, pour l’opportunité que vous me donnez. Effectivement, nous avons organisé un atelier de 3 jours, à l’intention de 130 femmes venant de 80 localités de l’intérieur du pays et de 33 participantes d’Abidjan, pour être formées sur les instruments nationaux, régionaux et internationaux de protection des droits de la femme. A la fin de l’atelier, il y a eu beaucoup de recommandations, suite au témoignage des participantes. Le point sur le concubinage dont vous parlez est l’idée justement d’une dame présente dans la salle, qui a vécu avec un homme pendant 23 ans à qui elle a donné 8 gosses et, au décès du monsieur, elle a été mise à la porte par les parents du défunt. Aujourd’hui, elle est obligée de s’occuper, toute seule, de ses enfants. Plusieurs autres exemples ont été donnés au cours des échanges. On s’est donc posé la question de savoir ce qu’on pouvait faire. C’est ainsi que les participantes ont proposé à la future nouvelle Assemblée nationale, une loi portant limitation de la durée du concubinage. Nous nous sommes dit que la période était favorable pour faire cette proposition, surtout avec la volonté affichée par le chef de l’État et son gouvernement, de faire de la protection et du respect des droits humains une réalité. Et donc, les participantes au séminaire ont demandé de proposer à l’Etat de Côte d’Ivoire de limiter le concubinage à 5 ans, dans le plaidoyer que nous faisons, pour ne pas qu’on assiste à des situations déplorables que nous avons vécues par le passé.
Mais, est-ce la solution ?
Ça peut en être une.
Est-ce forcément lié au concubinage. Des femmes légalement mariées vivent la même situation après le décès de leurs époux.
Tout cela doit cesser. Les personnes qui se livrent à ces actes de spoliation injuste, le font par méconnaissance des lois. Les victimes également ignorent leurs droits en la matière. Il faut que chacun et tous comprennent que nous sommes dans une nouvelle ère. L’ère du respect des lois du pays et des droits de la personne. Les femmes n’ont que trop souffert de ces situations et continuent d’en souffrir. Il est temps de mettre fin à tout cela. Aussi, il faut que les femmes osent porter plainte, lorsque leurs droits sont froissés. Le mariage légal protège la femme et les enfants. Mais, à cause des pesanteurs sociales, elles n’osent pas en parler et préfèrent le silence avilissant. Il faut qu’elles comprennent qu’elles doivent contribuer à construire une société nouvelle où les uns sont respectueux des droits des autres. Il faut que les femmes utilisent tous les instruments en leur faveur. Sinon, ce sera inutile de créer des systèmes et de prendre des instruments qui protègent spécifiquement leurs droits.
Cette loi ne pourrait-elle pas se retourner contre les femmes dans la mesure où elle pourrait amener les hommes à se méfier du concubinage ?
La femme n’aspire qu’à être dans un foyer. Une femme dans un foyer est mieux vue dans la société. Le concubinage n’est reconnu ni par la loi ni par la religion. Il faut aller à la régularisation. En France, par exemple, il y a ce qu’on appelle le Pacte civil de solidarité (Pacs) qui est un contrat conclu entre deux personnes majeures, devant un juge, pour organiser leur vie commune. Ce n’est ni un concubinage, ni un mariage! C’est aussi une forme de protection pour la vie commune, pour la femme et les enfants. Cela n’existe pas en Côte d’Ivoire. Il n’y a que le mariage et c‘est aussi le droit des femmes.
Imposer le formalisme ne va-t-il pas faire fuir les hommes ?
Pourquoi ? C’est une insulte faite à l’homme ! Ils ne vont pas quand- même se promener de femme en femme. Quand vous n’êtes pas sûr de vos sentiments vis-à-vis d’une compagne, ne faites pas beaucoup d’enfants avec elle et la jeter à la rue après. Il faut vraiment être irresponsable pour fuir après 5 ans de vie commune avec une femme avec qui on a des enfants parce qu’il y a une loi qui contraint à régulariser la situation ! Les femmes vivent des situations difficiles. Et je vous dis, lorsqu’on lisait ce passage des recommandations, dans la salle, c’était le délire. C’est une des résolutions qui a retenu l’attention des participantes.
Les hommes ne verront-il pas cela comme une façon de les obliger à s’engager ?
Pas vraiment. Mais aussi, vous ne pouvez pas vivre des années avec une femme sans avoir de sentiments pour elle, ce n’est pas possible. Peut-être qu’il y a des hommes qui n’intègrent pas le mariage mais, c’est une manière de les aider à prendre conscience qu’il faut consolider les liens à un moment donné pour protéger, et la femme, et les enfants. Je pense que celles qui ont fait la proposition au cours du séminaire étaient habitées par cette préoccupation : dire à l’homme, si tu le fais, tu me protèges et tu protèges notre progéniture. C’est tout ! C’est vrai que certains sujets restent tabous, même quand ça fait du mal à des personnes, mais il faut bien commencer un jour à aborder ces questions. De toutes façons, ce n’est qu’une proposition. Et, nous entendons rédiger un projet de loi dans ce sens, dès que le parlement est mis en place. Il va sans doute s’en suivre un débat. Si les députés estiment que c’est pertinent, ils vont voter.
Visiblement, il s’agit juste de protéger la femme et les enfants en cas de décès. L’homme ne peut-il pas décider de faire simplement un testament au lieu de s’ancrer dans un mariage à pesanteurs?
Je relève qu’on se met ensemble d’abord, parce qu’on a des sentiments l’un pour l’autre. Ensuite, quand cela dure, des enfants naissent, il y a des précautions à prendre. Le testament est un écrit dans lequel une personne indique les personnes auxquelles elle souhaite transmettre ses biens après son décès, dans les limites autorisées par la loi. D’un autre côté, vous avez l’acte de mariage qui unit deux personnes par une convention. Le testament d’un homme marié tient compte obligatoirement de la femme. Il permet de bien éclaircir certaines choses. C’est en cas de décès que le testament entre en vigueur. Le code du mariage, lui, entre en vigeur en cas de séparation, en cas de décès. Le testament ne prime pas sur l’acte de mariage. Par contre, là où je suis d’accord avec vous, c’est dans le cas où il n’y a pas de mariage légal entre l’homme et la femme. Il a alors, la possibilité de ne pas tenir compte de sa concubine dans le testament. Car c’est sa volonté, mais cela est méchant. C’est pour toutes ces raisons que les femmes choisissent le mariage, et à juste titre.
Etes-vous sûres d’être suivies par toutes les femmes
J’ai parcouru les commentaires d’un compte-rendu du séminaire sur internet. Il y a des femmes qui disaient, “encore ces femmes qui inventent encore des choses’’. Et puis, il y a un homme qui a répondu, “Mme, c’est pour ta propre protection’’.
Entretien réalisé par Anne-Marie Eba
Qu’est-ce qui motive des femmes à demander que le concubinage ne dépasse plus cinq ans?
Merci, pour l’opportunité que vous me donnez. Effectivement, nous avons organisé un atelier de 3 jours, à l’intention de 130 femmes venant de 80 localités de l’intérieur du pays et de 33 participantes d’Abidjan, pour être formées sur les instruments nationaux, régionaux et internationaux de protection des droits de la femme. A la fin de l’atelier, il y a eu beaucoup de recommandations, suite au témoignage des participantes. Le point sur le concubinage dont vous parlez est l’idée justement d’une dame présente dans la salle, qui a vécu avec un homme pendant 23 ans à qui elle a donné 8 gosses et, au décès du monsieur, elle a été mise à la porte par les parents du défunt. Aujourd’hui, elle est obligée de s’occuper, toute seule, de ses enfants. Plusieurs autres exemples ont été donnés au cours des échanges. On s’est donc posé la question de savoir ce qu’on pouvait faire. C’est ainsi que les participantes ont proposé à la future nouvelle Assemblée nationale, une loi portant limitation de la durée du concubinage. Nous nous sommes dit que la période était favorable pour faire cette proposition, surtout avec la volonté affichée par le chef de l’État et son gouvernement, de faire de la protection et du respect des droits humains une réalité. Et donc, les participantes au séminaire ont demandé de proposer à l’Etat de Côte d’Ivoire de limiter le concubinage à 5 ans, dans le plaidoyer que nous faisons, pour ne pas qu’on assiste à des situations déplorables que nous avons vécues par le passé.
Mais, est-ce la solution ?
Ça peut en être une.
Est-ce forcément lié au concubinage. Des femmes légalement mariées vivent la même situation après le décès de leurs époux.
Tout cela doit cesser. Les personnes qui se livrent à ces actes de spoliation injuste, le font par méconnaissance des lois. Les victimes également ignorent leurs droits en la matière. Il faut que chacun et tous comprennent que nous sommes dans une nouvelle ère. L’ère du respect des lois du pays et des droits de la personne. Les femmes n’ont que trop souffert de ces situations et continuent d’en souffrir. Il est temps de mettre fin à tout cela. Aussi, il faut que les femmes osent porter plainte, lorsque leurs droits sont froissés. Le mariage légal protège la femme et les enfants. Mais, à cause des pesanteurs sociales, elles n’osent pas en parler et préfèrent le silence avilissant. Il faut qu’elles comprennent qu’elles doivent contribuer à construire une société nouvelle où les uns sont respectueux des droits des autres. Il faut que les femmes utilisent tous les instruments en leur faveur. Sinon, ce sera inutile de créer des systèmes et de prendre des instruments qui protègent spécifiquement leurs droits.
Cette loi ne pourrait-elle pas se retourner contre les femmes dans la mesure où elle pourrait amener les hommes à se méfier du concubinage ?
La femme n’aspire qu’à être dans un foyer. Une femme dans un foyer est mieux vue dans la société. Le concubinage n’est reconnu ni par la loi ni par la religion. Il faut aller à la régularisation. En France, par exemple, il y a ce qu’on appelle le Pacte civil de solidarité (Pacs) qui est un contrat conclu entre deux personnes majeures, devant un juge, pour organiser leur vie commune. Ce n’est ni un concubinage, ni un mariage! C’est aussi une forme de protection pour la vie commune, pour la femme et les enfants. Cela n’existe pas en Côte d’Ivoire. Il n’y a que le mariage et c‘est aussi le droit des femmes.
Imposer le formalisme ne va-t-il pas faire fuir les hommes ?
Pourquoi ? C’est une insulte faite à l’homme ! Ils ne vont pas quand- même se promener de femme en femme. Quand vous n’êtes pas sûr de vos sentiments vis-à-vis d’une compagne, ne faites pas beaucoup d’enfants avec elle et la jeter à la rue après. Il faut vraiment être irresponsable pour fuir après 5 ans de vie commune avec une femme avec qui on a des enfants parce qu’il y a une loi qui contraint à régulariser la situation ! Les femmes vivent des situations difficiles. Et je vous dis, lorsqu’on lisait ce passage des recommandations, dans la salle, c’était le délire. C’est une des résolutions qui a retenu l’attention des participantes.
Les hommes ne verront-il pas cela comme une façon de les obliger à s’engager ?
Pas vraiment. Mais aussi, vous ne pouvez pas vivre des années avec une femme sans avoir de sentiments pour elle, ce n’est pas possible. Peut-être qu’il y a des hommes qui n’intègrent pas le mariage mais, c’est une manière de les aider à prendre conscience qu’il faut consolider les liens à un moment donné pour protéger, et la femme, et les enfants. Je pense que celles qui ont fait la proposition au cours du séminaire étaient habitées par cette préoccupation : dire à l’homme, si tu le fais, tu me protèges et tu protèges notre progéniture. C’est tout ! C’est vrai que certains sujets restent tabous, même quand ça fait du mal à des personnes, mais il faut bien commencer un jour à aborder ces questions. De toutes façons, ce n’est qu’une proposition. Et, nous entendons rédiger un projet de loi dans ce sens, dès que le parlement est mis en place. Il va sans doute s’en suivre un débat. Si les députés estiment que c’est pertinent, ils vont voter.
Visiblement, il s’agit juste de protéger la femme et les enfants en cas de décès. L’homme ne peut-il pas décider de faire simplement un testament au lieu de s’ancrer dans un mariage à pesanteurs?
Je relève qu’on se met ensemble d’abord, parce qu’on a des sentiments l’un pour l’autre. Ensuite, quand cela dure, des enfants naissent, il y a des précautions à prendre. Le testament est un écrit dans lequel une personne indique les personnes auxquelles elle souhaite transmettre ses biens après son décès, dans les limites autorisées par la loi. D’un autre côté, vous avez l’acte de mariage qui unit deux personnes par une convention. Le testament d’un homme marié tient compte obligatoirement de la femme. Il permet de bien éclaircir certaines choses. C’est en cas de décès que le testament entre en vigueur. Le code du mariage, lui, entre en vigeur en cas de séparation, en cas de décès. Le testament ne prime pas sur l’acte de mariage. Par contre, là où je suis d’accord avec vous, c’est dans le cas où il n’y a pas de mariage légal entre l’homme et la femme. Il a alors, la possibilité de ne pas tenir compte de sa concubine dans le testament. Car c’est sa volonté, mais cela est méchant. C’est pour toutes ces raisons que les femmes choisissent le mariage, et à juste titre.
Etes-vous sûres d’être suivies par toutes les femmes
J’ai parcouru les commentaires d’un compte-rendu du séminaire sur internet. Il y a des femmes qui disaient, “encore ces femmes qui inventent encore des choses’’. Et puis, il y a un homme qui a répondu, “Mme, c’est pour ta propre protection’’.
Entretien réalisé par Anne-Marie Eba