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Société Publié le jeudi 27 octobre 2011 | Nord-Sud

Rouba Daléba, procureur de la République près le tribunal de Yopougon : “Pourquoi les assises ne se tiennent plus”

Quelques semaines avant son affectation à la cour d’appel de Bouaké, le procureur Rouba Daléba nous a accordé un entretien.
Il donne les raisons de la non-tenue des assises depuis l’affaire des déchets toxiques, en 2004.

Comment expliquez-vous la non-tenue des assises depuis l’affaire des déchets toxiques, en 2004 ?
En principe, c’est le procureur général près la cour d’appel qui est habilité à répondre à cette question. Mais avec l’autorisation tacite de mes chefs, je vais y répondre. La cour d’assises est une juridiction qui siège normalement deux fois dans l’année c’est-à-dire tous les six mois. Ce qui n’est pas le cas actuellement et nous sommes les premiers peinés par cette situation quand nous voyons des gens en détention préventive de longue durée, la stagnation des dossiers qui ne sont pas jugés. Mais l’organisation de la cour d’assises requiert des moyens financiers importants dont nous ne disposons pas. Les témoins qui comparaissent aux assises sont taxés et payés obligatoirement contrairement à ceux qui viennent devant un tribunal correctionnel. Il en va de même pour les jurés, les experts et les avocats. Devant la cour d’assises, l’accusé doit être obligatoirement assisté d’un avocat ; s’il n’en a pas, alors l’Etat est tenu de lui en trouver. Or, à cause des difficultés financières que connaît l’Etat depuis des années, il n’a pas dégagé les moyens afin que les assises se tiennent deux fois par an. C’est la seule raison de la non-tenue de la cour d’assises.

Combien coûte l’organisation des assises ?
Tout dépend d’abord du nombre de cours d’assises. La cour d’assises est certes une émanation de la cour d’appel mais elle se tient au siège des tribunaux de première instance. C’est donc en principe neuf cours d’assises qui doivent se tenir tous les six mois. Le coût dépend aussi du nombre de dossiers à juger parce qu’aux assises, on ne juge qu’une affaire par jour. Donc autant d’affaires que de jours auxquels il faut ajouter les week-ends et jours fériés. Je vous ai dit tout à l’heure que les jurés, les avocats et les témoins sont payés. Les magistrats et les jurés titulaires et suppléants qui sont tenus de séjourner au lieu où se tiennent les assises pendant toute la durée de la session sont également rémunérés. Par exemple, si le procureur général près la cour d’appel d’Abidjan doit se déplacer à Abengourou avec son avocat général et le président de chambre qui doit présider la cour d’assises, il faut couvrir leurs frais de séjour et d’hébergement. Donc, le coût varie selon les cours d’assises. En principe, la première cour d’assises doit se tenir en janvier et la seconde en juin ou juillet de l’année en cours.

Que signifie placer un individu sous mandat de dépôt ?
C’est décerner à son encontre un titre de détention qui va permettre au régisseur de la maison d’arrêt de le garder dans son établissement. Il est décerné par le parquet, par le magistrat-instructeur ou par le tribunal. Pour le parquet, c’est le cas où la police ou la gendarmerie nous défère quelqu’un. Lorsque l’étude de la procédure nous révèle qu’il existe à l’encontre de cette personne des indices graves et concordants de nature à motiver son inculpation, si les faits constituent un délit et qu’ils sont simples à comprendre, le parquet ouvre dans ce cas un dossier de flagrant délit. Dans ce dossier, le procureur inclut un mandat de dépôt à l’encontre de la personne qui est alors conduite le même jour devant la juridiction de jugement si elle a une audience. Dans le cas contraire, la personne passe devant le tribunal correctionnel lors de l’audience suivante ; si le tribunal ne peut pas juger l’affaire ce jour-là, il renvoie donc le dossier à une autre audience en conformité avec les dépositions légales. Il confirme alors le mandat de dépôt inclus au dossier.

Quel est le délai d’un mandat de dépôt ?

Dans une procédure de flagrant délit, le mandat de dépôt est valable pour quinze jours seulement ; si dans ce délai, la personne n’a pas été jugée alors ce mandat de dépôt devient caduc. Elle devra être remise en liberté si elle n’est pas retenue pour autre cause. Mais dans l’hypothèse où les faits portés à la connaissance du procureur seraient par exemple des faits criminels, le procureur est obligé de porter la procédure devant un juge d’instruction. Le procureur saisit donc le juge d’instruction par un réquisitoire introductif. Dans ce réquisitoire, le procureur peut requérir un mandat de dépôt s’il pense que l’individu peut se soustraire à la justice ; lorsque le juge d’instruction reçoit la procédure et qu’il est d’accord avec le procureur de la République, alors c’est le juge d’instruction qui prépare et signe le mandat de dépôt. Le procureur n’intervient que pour contresigner ce mandat afin de le rendre exécutoire.

Ce mandat est-il aussi concerné par le délai de quinze jours fixé par la loi ? Le procureur intervient-il toujours dans toutes les procédures ?

Le parquet est toujours concerné par toutes les procédures pénales qui se déroulent au tribunal parce qu’il est la partie poursuivante même dans le cas où il n’a initié que les poursuites. Qu’une procédure pénale soit criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle, le parquet est toujours concerné. Le tribunal correctionnel arrive toujours à vider sa saisine dans les quinze jours. Les faits sont toujours jugés dans ce délai. Si par extraordinaire la personne n’est pas jugée dans ces quinze jours prescrits, alors le mandat de dépôt est caduc. La personne est mise en liberté mais le tribunal correctionnel reste saisi de la procédure. Donc, le prévenu pourra être jugé après. Nous sommes dans le cas de la procédure de flagrant délit.

En ce qui concerne la procédure criminelle devant le juge d’instruction tout comme les procédures qui ne sont pas criminelles mais dans lesquelles le parquet a dû ouvrir une information, soit parce que la loi l’y oblige comme dans les cas de détournement de deniers publics, soit parce que le procureur estime que les faits sont assez complexes, le mandat de dépôt décerné par le juge d’instruction a un délai de validité qui varie entre six mois s’il s’agit d’une procédure correctionnelle et dix-huit mois si la procédure est criminelle. Dans certains cas, la validité de ces mandats peut être prolongée pour un nouveau délai de quatre mois par le juge d’instruction en accord avec le procureur. Il faut enfin préciser que ce mandat de dépôt peut être décerné par le juge d’instruction même quand le procureur ne l’a pas requis dès lors que le juge l’estime nécessaire au bon déroulement de l’enquête qu’il doit mener.

Qu’appelle-t-on flagrant délit dans la mesure où il y a des procès où des individus ont été condamnés par le juge correctionnel pour des faits d’attaques à main armée, de braquages et de meurtres ?

En effet, au cours d’un braquage, s’il y a des pertes en vie humaine, on poursuit les auteurs pour les faits de vol aggravé et de meurtre ou assassinat. Il est donc possible que ces individus soient jugés pour ces charges. Mais si une telle procédure va devant le juge correctionnel, cela veut dire que le parquet s’est contenté de les poursuivre seulement pour les faits de vol aggravé. Dès lors que le parquet ajoute aux faits de vol aggravé des faits d’assassinat ou de meurtre, il est obligé de saisir un juge d’instruction parce qu’il y a eu un crime. Si le juge après ses investigations n’a pas pu imputer les faits de meurtre aux personnes arrêtées parce que l’instruction aura révélé qu’elles ne sont pas les auteurs ou complices du coup fatal et que le véritable auteur serait en fuite, ceux qui ont été appréhendés ne sont donc pas les meurtriers et on les jugera seulement pour les faits de vol aggravé. Si donc vous voyez une procédure aller devant un tribunal correctionnel, c’est que des faits criminels n’ont pas été retenus à l’encontre des prévenus. Mais des faits criminels peuvent être jugés par un tribunal correctionnel lorsqu’après l’investigation du juge d’instruction, au moment du règlement définitif de la procédure, les faits qui étaient au début criminels ont été correctionnalisés. Par exemple, au début quelqu’un peut être poursuivi pour viol. Donc on saisit un juge d’instruction. Mais après ses investigations, le magistrat-instructeur ou la chambre d’accusation peut dire qu’il s’agit plutôt d’un attentat à la pudeur au lieu d’un viol, c’est donc une correctionnalisation judiciaire.

Soyez plus explicite.

Le flagrant délit, c’est la procédure qu’on applique aux infractions évidentes. C’est-à-dire que ce sont les infractions dont la preuve ne fait l’objet d’aucun doute. Parce que soit l’auteur a été pris sur les faits ou bien il vient de les commettre et il était encore poursuivi par la clameur publique. Ou bien les faits se sont produits dans une maison et l’individu a été appréhendé par le propriétaire. Ce sont des infractions dont la preuve est évidente. Seulement, lorsque la loi est obscure sur un point ou qu’elle a omis de légiférer sur un point, les juges font preuve d’intelligence et de sagacité pour créer une jurisprudence applicable à ce cas.

Réalisée par Ouattara Moussa
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