C’est à un véritable feuilleton de ruse impliquant chacun des acteurs, notamment le pouvoir, à travers le ministre d’Etat-ministre de l'intérieur, Hamed Bakayoko et le Cnrd, auquel nous assistons, depuis le début de cette semaine, relativement à la libération des ministres et cadres pro-Gbagbo. Tant du côté du gouvernement que du Fpi, on craint une trahison. L’Etat de Côte d’Ivoire a engagé des négociations avec le Congrès national de la résistance pour la démocratie ( Cnrd), en vue d’amener cette coalition regroupant les partis de l’ex-majorité présidentielle à participer aux prochaines législatives du 11 décembre 2011. Le Cnrd et le Fpi ont fait de la libération de leurs dirigeants, à commencer par le couple présidentiel déchu, une condition non négociable pour prendre part à cette élection. Evidemment, le gouvernement a fait une promesse de taille en échange de l’acceptation du Fpi à aller à ce scrutin crucial pour la démocratie en Côte d’Ivoire. Selon notre source, ainsi que nous l’écrivions dans notre livraison d’avant-hier, la mise en liberté de ces ministres, y compris l’ancien Premier ministre Aké N’Gbo Jean-Marie, et Michel Gbagbo, fils de Laurent Gbagbo, est un acquis. Le président de la République a instruit le ministre de la Justice, Garde de Sceaux, Ahoussou Kouadio Jeannot dans ce sens. Le ministre Hamed Bakayoko l’aurait dit, ouvertement, à la délégation du Cnrd lors de leur rencontre, le mercredi dernier. Mais là où les choses coincent, en ce moment, c'est que le gouvernement ( peut-être échaudé par des promesses non tenues) exigerait du Fpi, avant la libération de ces ministres, qu’il s’engage, officiellement, devant la nation, « de prendre part, effectivement aux législatives du 11 décembre 2011 par une déclaration publique ». Seule condition avant que ces ministres de Gbagbo ne recouvrent la liberté. Mais le Fpi n'entend pas les choses de cette oreille… En ce qui les concerne, les partisans de Gbagbo veulent, plutôt, qu’on inverse la pyramide. Ils exigent, du gouvernement, d’abord la libération des ministres, avant qu’ils ne s’engagent, publiquement, à aller aux élections. C’est ce jeu de cache-cache qui plombe en ce moment les négociations. Chaque camp craint, en effet, de se faire « enfariner », ce d’autant qu’en politique, les promesses n’engagent que ceux qui y croient. On le voit, chacune des deux parties cache, habilement, son jeu, dissimule ses intentions réelles dans cette affaire hautement politique, dans la crainte de se faire avoir. Mais, apprend-on depuis hier, le Front populaire ivoirien vient de rallonger ses exigences. De fait, le parti de Gbagbo veut maintenant, outre la libération des ministres, que ses principaux dirigeants, notamment Pascal Affi N’guessan (président du parti), Abou-Dramane Sangaré (ancien inspecteur d’Etat), Martin Sokoury Bohui (député), Géneviève Bro Grebé ( leader des femmes patriotes ), soient touchés par cette mesure de mise en liberté provisoire. « Ne nous demandez pas l’impossible », se serait emporté le ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko. Depuis hier donc, les choses se sont tassées. Mais, dans un camp comme dans l’autre, on ne désespère pas. Pour la paix et la réconciliation, aucun sacrifice n’est de trop.
Armand B. DEPEYLA
Armand B. DEPEYLA