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Politique Publié le jeudi 10 novembre 2011 | Nord-Sud

Dr Geoffroy Julien Kouao, politologue : “Ouattara ne doit pas laisser le Fpi boycotter les législatives”

Dans cet entretien, Geoffroy Julien Kouao politologue, ancien membre du service juridique de la commission électorale indépendante encourage le régime d’Alassane Ouattara à ne pas commettre les mêmes erreurs que ses prédécesseurs en laissant le Front populaire ivoirien (Fpi), boycotter les législatives.


Vous êtes plutôt un partisan de la participation absolue du Fpi aux prochaines législatives. Qu’est-ce qui motive cela ?
Je suis pour la paix. Comme l’enseignement, la politique se fait par objectif, c’est dire que c’est moins un jeu qu’un enjeu. Et l’enjeu, aujourd’hui, au niveau de la politique nationale, c’est la réconciliation nationale après la crise post-électorale. Si nous faisons une petite analyse sociopolitique, nous verrons que, depuis la mort de Félix Houphouet-Boigny, nous avons des problèmes sérieux avec nos différents scrutins présidentiels et législatifs. En 1995, le Pdci est allé aux élections sans ses grands rivaux qu’étaient le Rdr et le Fpi qui formaient à l’époque, le Front populaire républicain. Ç’a discrédité de façon congénitale le pouvoir d’Henri Konan Bédié. Ce qui a justifié l’euphorie nationale et internationale lorsqu’il a été renversé par le général Guéï. En 2000, malgré le capital estime qu’il avait, M. Guéi a organisé des élections dans des conditions totalement lamentables. Ce qui l’a discrédité à son tour et, Laurent Gbagbo qui a pris le relais n’a pas jugé bon de convaincre le Rdr à participer aux élections législatives. C’est une faute politique grave qui l’a suivi jusqu’à sa chute le 11 avril dernier. Autrement dit, le jeu politique se définit par rapport aux voix démocratiques. Et la démocratie, c’est la participation de tout le monde. Les Occidentaux qui sont, qu’on le veuille ou non, aujourd’hui, les gardiens de la démocratie mondiale, la jugent à partir de la participation de tous les grands acteurs politiques. En Côte d’Ivoire, les trois grands acteurs politiques, c’est le Rdr, c’est le Pdci, c’est le Fpi. Les gouvernants actuels commettront les mêmes erreurs que leurs prédécesseurs s’ils partaient aux élections sans le Fpi. Et donc, pour ne pas entacher la belle victoire de M. Ouattara, lors du scrutin présidentiel, il faudrait qu’il se fasse extrêmement violence, qu’il fasse l’effort qu’il faut faire, qu’il fasse le sacrifice qu’il peut faire pour amener le Fpi aux législatives.

N’a-t-il pas fait assez de concessions pour amener le Fpi à participer aux législatives ? Combien de fois faudra-t-il reporter la clôture des candidatures pour que le Fpi vienne aux législatives ?
Pour la paix, on ne fait pas assez de sacrifice. Et en politique, tout est déterminé parce qu’on a le rapport de forces. C’est celui qui est en position de force qui fait le plus grand sacrifice. Il appartient donc au régime Ouattara de faire le plus gros sacrifice. C’est lui qui sera jugé, c’est lui qui agit, les autres peuvent être dans une posture mal-intentionnée. Or, si on veut aller à la réconciliation, il faut amener tout le monde à la table et donc les concessions il faut en faire.

Vous connaissez les revendications du Fpi ?
Il y a la libération de ses cadres politiques. Il faut voir dans quelle mesure les personnalités sur lesquelles il ne pèse pas de véritables soupçons d’actes infractionnels extrêmement graves, peuvent être libérées. Deuxième condition que pose le Fpi, c’est le dégel des avoirs, parce-que pour aller à des élections, il faut avoir les moyens. Et pour cela, il faut étudier la requête pour voir dans quelle mesure, certaines personnes à qui on ne reproche pas grand’chose, puissent entrer en possession de leurs avoirs. Il y a aussi la recomposition de la Cei. C’est vrai qu’une ordonnance serait prise dans ce sens pour attribuer un poste de vice-présidence au Fpi. C’est à saluer. Mais, il faut aller plus loin. Le Fpi n’a que deux représentants à la commission centrale sur 31 représentants. Si on prend l’Udcy qui apparaît comme la lignée naturelle du Fpi, cela fait 4 représentants, ce qui est vraiment déséquilibré. Alors qu’à l’époque, les représentants des différents ministères de l’Intérieur, de la Défense, de l’Economie et des finances, de la présidence, etc étaient proches du Fpi parce que le Fpi était au pouvoir. Ce qui n’est pas le cas, aujourd’hui. Les choses ont totalement changé parce que le pouvoir a changé. Ce qu’il faut faire, soit on donne la présidence de la Cei au Fpi, ce qui montrerait la hauteur de vue de M. Ouattara et qui obligerait le Fpi à accepter les nouvelles personnalités du pouvoir, soit on confie la Cei à une personnalité politiquement neutre pour conduire les législatives. Ces aménagements pourraient amener le Fpi à aller aux élections. Et si ces conditions sont réunies et que le Fpi refuse toujours d’aller aux élections, la communauté nationale et internationale aviseront et verront que le problème ne se situe pas au niveau politique mais ailleurs.

Etes-vous en train d’insinuer que les efforts que le pouvoir a faits ne sont pas suffisants pour que le Fpi aille aux législatives ?
Mais s’ils n’y sont pas, c’est que ce n’est pas encore suffisant.

Pourtant, il y a eu des cadres du Cnrd qui ont décidé d’y aller ?
C’est très bien, c’est la preuve que le gouvernement peut faire des efforts pour convaincre les uns et les autres. Mais comme je l’ai dit, ne nous trompons pas, la politique ivoirienne n’est pas bipolaire, mais tripolaire. Il y a le Rdr, le Pdci et le Fpi. Pour l’instant, aucune construction nationale allant dans le sens de la réconciliation et de la paix ne peut se faire sans l’une de ces trois grandes formations. Ne nous trompons pas, le Fpi représente encore quelque chose sur l’échiquier politique national. Je pense donc que le président de la République peut faire davantage d’efforts. C’est à son honneur, il faut qu’il montre à tout le monde qu’il est un homme d’Etat. La politique est un art qui suppose qu’on agisse avec la dextérité, l’habilité, la justesse dans les actions.

Avec tous les efforts que vous demandez au gouvernement, avez-vous conscience que l’on va inexorablement vers le report des législatives ? Cela ne constitue-t-il pas un problème qui va s’étirer en longueur ?
Nous nous sommes précipités pour aller à l’élection présidentielle, nous avons rencontré ce que nous avons rencontré. Trois mille morts. Il sert à quoi de précipiter des élections législatives pour avoir encore des morts ? Ça s’impose, il faut que le Fpi participe aux élections. Évidemment, ils vont faire de la surenchère, c’est normal. Ils vont demander des choses presque impossibles, c’est normal, mais nous sommes dans le jeu politique. C’est un peu comme le syndicalisme, on demande plus pour avoir le moins et il faut montrer à la communauté internationale que le pouvoir est de très bonne volonté, qu’il veut la paix et que si le Fpi ne veut pas la paix, la communauté internationale en tirera les conséquences. Mais, je pense que le pouvoir actuel a encore les moyens d’aller très loin dans les négociations avec le Fpi. Les autres satellites du Fpi qui sont membres du Cnrd sont certes des formations à ne pas négliger, mais en réalité, elles sont aussi des formations marginales.


Interview réalisée par Marc Dossa
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