Après trois années passées en Côte d’Ivoire, vous partez pour un poste à Dakar. Vous quittez ce pays avec le sentiment du devoir accomplit ?
Il y a six mois, lorsque je postulais pour le poste de Dakar, je me suis dit qu’il fallait que je parte parce que la situation en Côte d’Ivoire n’était pas prête de s’améliorer. Aujourd’hui, j’ai un autre sentiment. Celui du retour du pays sur la scène avec la mise en place d’une nouvelle administration et l’espoir qui renait chez les Ivoiriens. C’est donc avec quelques regrets que je pars. Par contre, je pense avoir aidé la Côte d’Ivoire à rétablir la stabilité macroéconomique et avancer sur certains dossiers, notamment la reforme de la filière café cacao, l’appui budgétaire de l’ordre de 150 millions de dollars (soit plus 70 milliards de Fcfa) passé au mois de décembre.
La reforme de la filière café-cacao cadre-t-elle avec les attentes de la Banque mondiale ?
Nous sommes, dans un premier temps, satisfaits de la réduction de la fiscalité et la parafiscalité pour améliorer le prix bord champ du cacao. Deuxièmement, nous sommes satisfaits des audits qui ont été initiés pour clarifier les abus dans le passé. Quant à la nouvelle stratégie de la filière, elle n’est pas encore totalement terminée, mais déjà bien avancée. Il y a quelques détails à régler. Mais nous sommes satisfaits de la direction générale de la stratégie qui reflète les points forts de la filière, c'est-à-dire un partenariat entre un secteur privé fort et un secteur public fort.
La Banque mondiale a-t-elle pesé dans la mise en place de la reforme et comment ?
Je voudrais préciser que c’est une stratégie propre aux Ivoiriens. Nous n’étions pas impliqués dans la rédaction du rapport. Ce que nous avons fait, c’est de donner nos avis et faire des commentaires sur la stratégie.
Est-il envisageable que la Banque intervienne pour aider à l’application de la stratégie sur le terrain, notamment le respect du prix bord champ fixé à 1.100 Fcfa ?
Nous comptons sur la compétition pour que le prix bord champ soit appliqué. Il faut que les paysans aient accès à l’information sur le taux du prix mondial du cacao. Il faut les organiser pour qu’ils aient une capacité de négociation. Ce sont des éléments importants pour le respect du prix.
Le Ghana est très souvent cité en exemple dans la gestion de la filière café cacao. Pensez-vous que la nouvelle reforme permettra de rattraper ce pays voisin et dans combien de temps ?
La Côte d’Ivoire a des avantages que le Ghana n’a pas. Le secteur public est très présent à travers le Cocoabord au Ghana. Ce qui fait que certains opérateurs privés n’aiment pas travailler au Ghana préférant le contexte ivoirien. La Côte d’Ivoire pourra donc garder sa place et améliorer la situation des planteurs dans les prochaines années. Ceci dit, je ne vois pas une grande augmentation de la production du cacao. Il y a d’autres cultures qui sont plus rentables. Il faut encourager la diversification. L’hévéaculture est très avantageuse pour les paysans, tout comme l’huile de palme. Il faut donc aider quelques planteurs de cacao à investir dans ces cultures.
Outre la reforme café-cacao, quelles sont les nouvelles conditionnalités pour que la Banque continue d’assister ce pays?
Il n’y a pas de conditions en tant que telles. Nous espérons que le budget sera géré convenablement, que l’inflation sera maitrisée et qu’il y aura une amélioration de la transparence, notamment dans le domaine des industries extractives en suivant les procédures de l’initiative de transparence sur le pétrole, le gaz et aussi les mines.
Aujourd’hui, la volonté du gouvernement est d’atteindre le point d’achèvement du Ppte au premier trimestre 2012. Cela est-il possible ?
On entend des dates un peu différentes. Certains parlent de juin 2012, d’autres du premier trimestre. C’est écrit noir sur blanc dans le papier qui appuie le point d’achèvement qu’il faudra une nouvelle stratégie dans le domaine du cacao, la mise en œuvre d’un cadre institutionnel et réglementaire pour six mois. Alors, faisons le calcul. Ça dépend de quand on commence la mise en place du cadre institutionnel et réglementaire. Je crains que le premier trimestre soit un peu difficile. Mais, du côté de la Banque mondiale, nous faisons tout pour aider la Côte d’Ivoire à aller de l’avant.
Le gouvernement Ouattara a fait le bilan de ses 100 premiers jours. Pensez-vous qu’il y a eu des acquis ?
Mes impressions sont encourageantes. Il y a un Président qui veut reformer les choses. Il y a un nouveau comportement. En termes de service public, il y a une amélioration au niveau de la police. Beaucoup de barrages routiers ont été levés. Les investisseurs devraient revenir nombreux dans les prochains jours.
Un regard sur le cadre juridique. D’aucuns parlent de « justice des vainqueurs » qui se met en place…
Ce n’est pas trop mon domaine. Je sais qu’il y avait des problèmes dans le système judiciaire. Mais, il est aujourd’hui important qu’on fasse savoir aux Ivoiriens que la justice n’est pas contre un certain groupe, et que tout le monde est traité de manière égale. Certes, se sera difficile dans le contexte qu’on connaît, mais je pense que c’est la volonté du président Ouattara de rendre cela possible.
L’ex-chef de l’Etat, Laurent Gbagbo, doit-il passer devant une juridiction nationale ou la Cour pénale internationale ?
Je ne suis qu’un pauvre économiste. Je préfère ne pas commenter cela.
Le ministre de l’Economie et des Finances, Charles Diby Koffi, disait récemment que la collaboration n’a pas toujours été facile avec vous. Quelle impression gardez-vous des trois années de cohabitation ?
C’est normal qu’on ait des différences d’opinions. Mais, de manière globale, ça été constructif. Le ministre de l’Economie et des Finances partageait les mêmes objectifs que nous. Il a fait un grand effort pour nettoyer la gestion macroéconomique. C’est à saluer.
Qu’est-ce que la Banque mondiale gagne concrètement en Côte d’Ivoire, vu qu’elle est toujours prompte dans les décaissements?
Il faut préciser que c’est la banque de tout le monde. Il est de notre responsabilité d’aider tous les pays africains qui ont une bonne gestion. Malheureusement, il y a eu un moment des arriérés de paiement à la Banque mondiale, donc nous avons arrêté notre aide. Mais, dès que les autorités ont repris en 2008 le paiement, nous avons redémarré nos activités. La Côte d’Ivoire est un pays très important dans la sous-région.
A combien peut-on évaluer l’aide de la Banque mondiale depuis les élections ?
Il y a eu l’appui budgétaire de 150 millions de dollars et, en septembre, nous avons approuvé un projet pour la création d’emploi de 50 millions de dollars. Actuellement, il y a deux nouveaux projets pour un total de 200 millions, sans oublier neuf projets qui sont déjà en cours. En définitif, nous espérons décaisser dans l’ordre de 70 millions de dollars cette année.
Quels sont les chantiers à l’ordre du jour ?
Il y a, bien entendu, le point d’achèvement Ppte sur lequel on doit encore travailler. En suite, des grands projets de développement de l’agriculture, des projets de développement des infrastructures routières où il n’y a pas eu d’investissement depuis dix ou quinze ans. Un autre projet important : c’est le développement du corridor entre Abidjan et Lagos pour faciliter le trafic entre les pays.
Kuyo Anderson
Il y a six mois, lorsque je postulais pour le poste de Dakar, je me suis dit qu’il fallait que je parte parce que la situation en Côte d’Ivoire n’était pas prête de s’améliorer. Aujourd’hui, j’ai un autre sentiment. Celui du retour du pays sur la scène avec la mise en place d’une nouvelle administration et l’espoir qui renait chez les Ivoiriens. C’est donc avec quelques regrets que je pars. Par contre, je pense avoir aidé la Côte d’Ivoire à rétablir la stabilité macroéconomique et avancer sur certains dossiers, notamment la reforme de la filière café cacao, l’appui budgétaire de l’ordre de 150 millions de dollars (soit plus 70 milliards de Fcfa) passé au mois de décembre.
La reforme de la filière café-cacao cadre-t-elle avec les attentes de la Banque mondiale ?
Nous sommes, dans un premier temps, satisfaits de la réduction de la fiscalité et la parafiscalité pour améliorer le prix bord champ du cacao. Deuxièmement, nous sommes satisfaits des audits qui ont été initiés pour clarifier les abus dans le passé. Quant à la nouvelle stratégie de la filière, elle n’est pas encore totalement terminée, mais déjà bien avancée. Il y a quelques détails à régler. Mais nous sommes satisfaits de la direction générale de la stratégie qui reflète les points forts de la filière, c'est-à-dire un partenariat entre un secteur privé fort et un secteur public fort.
La Banque mondiale a-t-elle pesé dans la mise en place de la reforme et comment ?
Je voudrais préciser que c’est une stratégie propre aux Ivoiriens. Nous n’étions pas impliqués dans la rédaction du rapport. Ce que nous avons fait, c’est de donner nos avis et faire des commentaires sur la stratégie.
Est-il envisageable que la Banque intervienne pour aider à l’application de la stratégie sur le terrain, notamment le respect du prix bord champ fixé à 1.100 Fcfa ?
Nous comptons sur la compétition pour que le prix bord champ soit appliqué. Il faut que les paysans aient accès à l’information sur le taux du prix mondial du cacao. Il faut les organiser pour qu’ils aient une capacité de négociation. Ce sont des éléments importants pour le respect du prix.
Le Ghana est très souvent cité en exemple dans la gestion de la filière café cacao. Pensez-vous que la nouvelle reforme permettra de rattraper ce pays voisin et dans combien de temps ?
La Côte d’Ivoire a des avantages que le Ghana n’a pas. Le secteur public est très présent à travers le Cocoabord au Ghana. Ce qui fait que certains opérateurs privés n’aiment pas travailler au Ghana préférant le contexte ivoirien. La Côte d’Ivoire pourra donc garder sa place et améliorer la situation des planteurs dans les prochaines années. Ceci dit, je ne vois pas une grande augmentation de la production du cacao. Il y a d’autres cultures qui sont plus rentables. Il faut encourager la diversification. L’hévéaculture est très avantageuse pour les paysans, tout comme l’huile de palme. Il faut donc aider quelques planteurs de cacao à investir dans ces cultures.
Outre la reforme café-cacao, quelles sont les nouvelles conditionnalités pour que la Banque continue d’assister ce pays?
Il n’y a pas de conditions en tant que telles. Nous espérons que le budget sera géré convenablement, que l’inflation sera maitrisée et qu’il y aura une amélioration de la transparence, notamment dans le domaine des industries extractives en suivant les procédures de l’initiative de transparence sur le pétrole, le gaz et aussi les mines.
Aujourd’hui, la volonté du gouvernement est d’atteindre le point d’achèvement du Ppte au premier trimestre 2012. Cela est-il possible ?
On entend des dates un peu différentes. Certains parlent de juin 2012, d’autres du premier trimestre. C’est écrit noir sur blanc dans le papier qui appuie le point d’achèvement qu’il faudra une nouvelle stratégie dans le domaine du cacao, la mise en œuvre d’un cadre institutionnel et réglementaire pour six mois. Alors, faisons le calcul. Ça dépend de quand on commence la mise en place du cadre institutionnel et réglementaire. Je crains que le premier trimestre soit un peu difficile. Mais, du côté de la Banque mondiale, nous faisons tout pour aider la Côte d’Ivoire à aller de l’avant.
Le gouvernement Ouattara a fait le bilan de ses 100 premiers jours. Pensez-vous qu’il y a eu des acquis ?
Mes impressions sont encourageantes. Il y a un Président qui veut reformer les choses. Il y a un nouveau comportement. En termes de service public, il y a une amélioration au niveau de la police. Beaucoup de barrages routiers ont été levés. Les investisseurs devraient revenir nombreux dans les prochains jours.
Un regard sur le cadre juridique. D’aucuns parlent de « justice des vainqueurs » qui se met en place…
Ce n’est pas trop mon domaine. Je sais qu’il y avait des problèmes dans le système judiciaire. Mais, il est aujourd’hui important qu’on fasse savoir aux Ivoiriens que la justice n’est pas contre un certain groupe, et que tout le monde est traité de manière égale. Certes, se sera difficile dans le contexte qu’on connaît, mais je pense que c’est la volonté du président Ouattara de rendre cela possible.
L’ex-chef de l’Etat, Laurent Gbagbo, doit-il passer devant une juridiction nationale ou la Cour pénale internationale ?
Je ne suis qu’un pauvre économiste. Je préfère ne pas commenter cela.
Le ministre de l’Economie et des Finances, Charles Diby Koffi, disait récemment que la collaboration n’a pas toujours été facile avec vous. Quelle impression gardez-vous des trois années de cohabitation ?
C’est normal qu’on ait des différences d’opinions. Mais, de manière globale, ça été constructif. Le ministre de l’Economie et des Finances partageait les mêmes objectifs que nous. Il a fait un grand effort pour nettoyer la gestion macroéconomique. C’est à saluer.
Qu’est-ce que la Banque mondiale gagne concrètement en Côte d’Ivoire, vu qu’elle est toujours prompte dans les décaissements?
Il faut préciser que c’est la banque de tout le monde. Il est de notre responsabilité d’aider tous les pays africains qui ont une bonne gestion. Malheureusement, il y a eu un moment des arriérés de paiement à la Banque mondiale, donc nous avons arrêté notre aide. Mais, dès que les autorités ont repris en 2008 le paiement, nous avons redémarré nos activités. La Côte d’Ivoire est un pays très important dans la sous-région.
A combien peut-on évaluer l’aide de la Banque mondiale depuis les élections ?
Il y a eu l’appui budgétaire de 150 millions de dollars et, en septembre, nous avons approuvé un projet pour la création d’emploi de 50 millions de dollars. Actuellement, il y a deux nouveaux projets pour un total de 200 millions, sans oublier neuf projets qui sont déjà en cours. En définitif, nous espérons décaisser dans l’ordre de 70 millions de dollars cette année.
Quels sont les chantiers à l’ordre du jour ?
Il y a, bien entendu, le point d’achèvement Ppte sur lequel on doit encore travailler. En suite, des grands projets de développement de l’agriculture, des projets de développement des infrastructures routières où il n’y a pas eu d’investissement depuis dix ou quinze ans. Un autre projet important : c’est le développement du corridor entre Abidjan et Lagos pour faciliter le trafic entre les pays.
Kuyo Anderson