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Société Publié le jeudi 17 novembre 2011 | L’intelligent d’Abidjan

Reportage / Centre National de Floristique de Cocody : Ruines et désolations au cœur d’un centre de recherches

La crise postélectorale, avec son corollaire de pillages et de destruction du patrimoine de l’Etat et des biens privés, n’a pas encore fini de faire couler encre et salive. Le CNF (Centre National de Floristique) a été une fois de plus visité par les pillards, le 24 octobre 2011. Nous y avons passé une journée pour constater le désarroi dans lequel est plongé cet espace de conservation des données sur la flore.

Le Centre National de Floristique est un espace de recherches sur les diversités floristiques de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique de l’Ouest. Bâti sur une surface de 13 hectares au sein de l’université de Cocody-Abidjan, le centre est une véritable forêt qui apporte de l’oxygène au ‘’temple du savoir’’, tout en permettant la recherche sur les diverses essences nobles. Il abrite aussi le siège de l’ONG ‘’SOS Forêt’’.
Jeudi 27 Octobre 2011, il est 09 heures. Il y règne un calme plat. Quelques éléments des FRCI veillent au grain pendant que les maçons s’attèlent à monter les briques pour la construction de nouveaux amphithéâtres, en attendant l’ouverture prochaine de l’espace universitaire aux étudiants et aux enseignants. Après seulement quelques pas, nous sommes interpellés par des éléments des FRCI : « Monsieur, vous êtes étudiants ? L’espace est interdit à la presse et aux étudiants. Vous n’avez pas le droit de prendre des photos ». A la question de savoir les raisons de cette interdiction, ils répondent: «Ici, n’ont qu’accès que les maçons et les entrepreneurs». Qu’à cela ne tienne ! Notre appareil photo, bien dissimulé, nous trouvons un alibi de taille pour nous rendre au Centre National de Floristique et constater les dégâts, selon les informations reçues.

La forêt intacte mais…
L’ombrage et le calme plat qui y règnent, montrent bien qu’il fait bon vivre en forêt. Les chants des oiseaux rappellent les souvenirs des anciennes forêts denses de la région ouest montagneuse de Côte d’Ivoire ou de Guiglo. Malheureusement, ce beau cadre devant servir de lieu de réflexion et de recherche ne sert à plus rien. Pis, il est souillé par la faute des personnes de mauvais aloi qui y entrent pour déféquer. Le premier dysfonctionnement dans cet espace, c’est le siège de ‘’SOS Forêt’’. Ici, tout est à refaire. Aucun vent impétueux n’a soufflé en ce lieu, sinon que celui des pillards qui ont tout emporté : du toit aux sanitaires, tout est parti. Décoiffé, le siège ressemble désormais à un vestige. Çà et là, on peut retrouver quelques travaux de recherches trempés dans l’eau et complètement irrécupérables. Le matériel technique et informatique ainsi que les meubles n’existent que de nom. L’huissier commis pour faire l’inventaire ne peut que râler sa colère : « ceux qui ont fait ça, ne sont que des analphabètes ». En s’attaquant à la direction, le constat est alarmant : des branches de raphia, des échantillons de fruits, des vitres et les meubles sont sens dessus, sens dessous. Quant à la bibliothèque, son contenu est intact mais les empreintes des quidams sont visibles. Avaient-ils une aversion particulière pour les livres au point de les laisser en l’état ? Dans le bâtiment qui abrite la direction, il fait une chaleur infernale, les climatiseurs et déshumidificateurs qui servaient à la conservation des différentes espèces de la flore ont servi de butin aux pillards.

Le labo du Pr Aké Assi Laurent profané

Qui n’a jamais affiché sa fierté d’être ivoirien, à la vue des documentaires sur le travail de recherche du professeur Aké Assi Laurent sur la flore ? Eh bien, l’espace de conception de ses travaux n’existe que de nom. La porte qui donne sur son bureau, toujours les impacts des coups violents qui ont permis d’y avoir accès. Les bocaux gisent sur le sol, les meubles n’existent plus et des ouvrages traînent dans tous les sens. Les odeurs provenant de la pièce finissent de convaincre que le professeur s’y est aventuré, il y a bien longtemps. Comme son bureau, le bâtiment qui abrite la direction, est en train de perdre son âme. Tant il est devenu insalubre. Les chercheurs présents à notre passage, impuissants face à la destruction du patrimoine scientifique, ne peuvent que collectionner ce qui reste d’important pour des lieux plus sûr et plus sécurisés. Toutefois, face à la chaleur et à la fluctuation de température, ils sont unanimes qu’il faut sauver l’herbier.

SOS pour l’herbier du CNF
L’herbier peut être considéré comme la mémoire de la diversité végétale ivoirienne et africaine. La Côte d’Ivoire avec ce musée composé des échantillons de toutes les espèces de plantes qu’on peut trouver en Afrique, possède l’un des plus grands herbiers. Mais le matériel technique et les climatiseurs qui ont été emportés, mettent à mal la conservation de toutes les collections. « L’action la plus urgente, c’est de sauver l’herbier. C’est toute l’histoire de la flore de Côte d’Ivoire qui est en danger », fait savoir le docteur Ipou Ipou Joseph, directeur du CNF. L’herbier est un conservatoire composé de grandes armoires où sont rangés les échantillons de plantes dans de grandes chemises cartonnées, par famille et par ordre ou encore selon leur provenance. « Ce conservatoire qui doit être en permanence climatisé pour empêcher l’humidification, ne l’est plus. Il y a un risque énorme que les insectes attaquent les plantes ou que la chaleur occasionne la pourriture de certaines espèces. Il faut sauver l’herbier », interpelle-t-il.
K. Hyacinthe
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