Législatives : Le Rdr a-t-il peur de ses indépendants ?

Les propos que tient le secrétaire général, Amadou Soumahoro à l’endroit des indépendants, depuis l’amorce du dernier virage qui conduit aux législatives, pourraient créer beaucoup de tort au Rassemblement des républicains (Rdr).


Amadou Soumahoro travaille-t-il contre le Rassemblement des républicains (Rdr)? C’est que le secrétaire général du Rdr a décidé de croiser le fer avec plusieurs cadres du parti. Leur tort, avoir décidé de solliciter le suffrage du peuple en affrontant notamment les candidats officiels oints par la direction intérimaire du parti. Et, en attendant l’heure de la bataille, sans doute pour terroriser ses adversaires, M. Soumahoro, comme dans un ring, ne rate aucune occasion pour les défier. Après qu’il a déclaré, le 12 novembre dernier, que leur décision de se présenter aux législatives équivaut à une déclaration de guerre, l’homme-orchestre du parti d’Alassane Ouattara s’est engagé à mener la vie dure à ces cadres ‘’indisciplinés’’. « Si les candidats indépendants ont pris leur responsabilité, la direction du parti prendra également les siennes. Nous combattrons avec détermination et sans faiblesse les candidats indépendants issus de nos rangs. Et nous, nous donnerons les moyens pour leur mener la vie dure partout où ils seront. C’est une déclaration de guerre à la direction et nous n’aurons pas le choix que de les combattre », s’est-il fait menaçant, lors de l’investiture des candidats parrainés par le parti. Pis, M. Soumahoro a promis poursuivre sa répression contre les indisciplinés, bien au-delà du scrutin législatif. « Si les candidats indépendants issus de nos rangs ne gagnent pas, on les écrasera. C’est l’exemple de l’indiscipline dans un parti et nous ne pouvons l’accepter. Avec nous, l’indiscipline et l’impunité, c’est terminé », a-t-il encore sorti ses griffes le 12 novembre dernier. En homme qui respecte sa parole, le secrétaire général par intérim du Rdr a donc commencé son combat contre ses cadres. A quelques jours de l’ouverture de la campagne, il a décidé d’initier une tournée dont l’objectif est incontestablement de déstabiliser les indépendants ‘’républicains’’, avec l’appui des militants. « Nous avons décidé de combattre résolument les candidats indépendants parce que ce sont des torpilleurs. Si un indépendant vient vers vous, chassez-le. C’est un voyou, c’est un voleur, ils veulent vous tromper. Je demande à tous les militants de les combattre », a-t-il encouragé lors d’un meeting qu’il a animé, mercredi dernier, à Marcory. En transmettant sa haine envers les indépendants, aux militants, c’est manifestement une ligne de fracture que M. Soumahoro veut créer à l’intérieur du Rdr. « Sa réaction à l’égard des cadres qui ont choisi de se présenter aux législatives en indépendant frise la frilosité. Il se comporte comme nos camarades d’en-face qui ont décidé de boycotter l’élection des députés et qui, pour ce faire, ont lancé une chasse aux sorcières contre leurs cadres qui ont décidé de prendre part au scrutin », raconte un sympathisant du Rdr. Pour lui, Amadou Soumahoro doit attendre après les législatives pour se faire une nette idée sur la loyauté des cadres républicains qui se présentent en indépendants. « Ils annoncent tous qu’ils veulent donner une majorité au président Ouattara. Cela ne suffit-il pas pour calmer le jeu ? N’est-ce pas grâce aux cadres du parti qui se sont présentés en indépendants en 2000 que certaines réformes ont pu être votées à l’Assemblée nationale dans le cadre des différents accords de sortie de crise que nous avons signés ? », s’interroge encore notre interlocuteur qui pense qu’Amadou Soumahoro a sa part dans l’indiscipline des cadres autour des législatives.

Une dérive dangereuse

« Les mécanismes de désignation des candidats du parti ont-ils toujours été démocratiques ? Le secrétaire général, Amadou Soumahoro a raté le coche dans le choix des candidats. S’il avait réussi à faire participer tout le monde à la désignation de nos candidats, il n’y aurait pas tous ces problèmes », se persuade un militant du parti à Cocody. Toute chose que tentent de confirmer les indépendants républicains d’Adjamé. « L’homme qui veut mettre à mal le Rdr, c’est bien Amadou Soumahoro. Quand on est à la tête d’un parti politique, il faut être un rassembleur », ont-ils implicitement accusé M. Soumahoro, lors d’une conférence de presse animée, jeudi dernier, à Adjamé.
Manifestement, le secrétaire général par intérim du Rdr (qui court après une confirmation à son poste) veut marquer son passage à la tête de son parti. Il a donc opté pour la rupture avec ses prédécesseurs. Et, assurément, ses dérives verbales font partie de sa stratégie pour rompre avec la gestion de Djéni Kobina et d’Henriette Dagri-Diabaté. Que pensent les autres membres de la direction du parti de ces déclarations fracassantes de M. Soumahoro ? Pour l’heure, personne n’a osé remonter les bretelles à l’ancien vice-président de la Commission électorale indépendante, réputé être grand bagarreur. Mais, les militants, eux, semblent ne pas s’accommoder de ses coups de sang. « Même quand nous étions dans l’opposition, nous n’avons eu besoin d’un secrétaire général aussi agressif. On ne gère pas un parti avec ses émotions », réagit un militant républicain, donnant l’impression de regretter, Djéni Kobina et Henriette Dagri Diabaté, les anciens secrétaires généraux du parti. « S’ils s’étaient montrés aussi belliqueux, sans doute que le parti aurait déjà volé en éclats. Notre secrétaire général devrait s’inspirer du calme olympien de notre président », conseille notre interlocuteur, avant de s’interroger, à son tour. « Pour maintenir intacte la cohésion du parti, le Pdci a opté pour la subtilité dans la gestion du dossier de ses indépendants. Pourquoi ne pourrions-nous pas faire pareil ? Si notre allié a choisi cette stratégie, c’est parce qu’il a déjà une histoire avec les candidats indépendants. Il faut donc faire attention aux propos que nous tenons. Quelle sera la réaction d’Amadou Soumahoro quand ces indépendants vont siéger au parlement ? », se demande-t-il. « Evitons de nous fabriquer nous-mêmes nos premiers opposants à l’Assemblée nationale car, il n’y a pas moins de 440 indépendants en lice pour les législatives », conseille-t-il


Marc Dossa