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Économie Publié le mercredi 30 novembre 2011 | L’Inter

Souleymane Diarrassouba, président de l`APBEF-CI: « Le secteur bancaire a enregistré plus de 100 milliards FCFA de perte liées à la crise post- électorale»

« Les banques enregistrent dans leurs livres environ 50% de créances douteuses issues de cette crise »
Compensation: Des opérations doivent être dénouées au plus tard le 31 décembre
La crise de la zone Euro aura un impact sur les économies africaines
Le taux de bancarisation doit être revu à la hausse

La crise post-électorale a eu un impact considérable sur les banques implantées en Côte d'Ivoire. Ajouté à cela, il y a la crise de l'Euro qui menace les Etats africains et singulièrement la Côte d'Ivoire. Sur ces diverses questions, le président de
l'Association professionnelle des banques et établissements financiers de Côte d'Ivoire (APBEF-CI), Souleymane Diarrassouba se prononce. Interview.

Quel est l'état des lieux du secteur bancaire aujourd'hui?
Le secteur bancaire se remet progressivement des effets de la crise post-électorale. Ce secteur a été fortement impacté par la crise post-électorale. Cet impact se situe à trois niveaux. Les destruction des agences, l'impact sur les portefeuilles de crédits et les pertes de revenus. Lorsque nous additionnons le tout, l'impact provisoire s'estime aujourd'hui à 100 milliards de FCFA dont 50% portant sur les créances douteuses et compromises. Ce qui a un impact sur la situation structurelle des banques et établissements financiers de côte d’Ivoire.
Face à cette situation, les établissements de crédit ne sont pas restés inactifs. Elles ont continué, comme vous le constatez, à faire le maximum pour offrir les services bancaires aux différents clients aussi bien en terme d'offre de produits classiques que de produits de crédits afin que les populations puissent couvrir leurs besoins d'exploitation et d'investissement. Nous profitons chaque fois des tribunes qui nous sont offertes pour solliciter les autorités afin qu'elles puissent prendre des mesures pour pouvoir accompagner les banques pour leur permettre d'amortir les chocs qu'elles ont subis au cours de la période de crise. Le développement d’un pays rime avec un système bancaire fort et puissant.

Quelles sont vos attentes concrètes vis-à-vis des autorités ivoiriennes?
Nous avons transmis il y a quelques semaines, un mémorandum post-crise aux différentes autorités. Notamment notre autorité de tutelle, le ministre de l'Economie et des finances. Nous avons également transmis lors d'une cérémonie officielle un livre blanc concernant les préoccupations et préconisations du système bancaire par rapport à la justice que nous avons remis au ministre d'Etat, ministre de la Justice. Je pense que par rapport à ces préconisations, il y a un événement majeur qui pourra se réaliser très bientôt à travers la mise en place effective des tribunaux de commerce, et nous avons également sollicité les autorités locales et sous-régionales, notamment au niveau de la Banque centrale, concernant toutes les mesures à prendre concernant la flexibilité à observer sur les règles de déclassement et de provisionnement relatives aux créances nées de la crise post-électorale. Nous insistons sur le fait que la côte d’Ivoire a traversé une période de crise qui a négativement impacté notre activité et nous souhaitons que nos autorités en tiennent compte dans leurs prises de décisions aussi bien au niveau local que régional et ce dans un souci d’équité et de soutien à l’économie nationale et au système. Cependant, les banques devront se doter de fonds propres consistants afin d’une part de respecter l’ensemble du dispositif prudentiel et d’autre de se donner les moyens appropriés pour le financement de l’économie de la période de reconstruction qui s’annonce.

Pourquoi tous ces changements constatés au niveau des banques en ce qui concerne les numéros de compte bancaire?
Il y a un an, la Banque centrale a voulu mettre en place un nouveau système de télécompensation dans sa version 3, que nous appelons SICA V3. Cette mesure devait rentrer en application à compter du 31 octobre 2011. Mais avant cette date, compte tenu de la spécificité de la Côte d'Ivoire, (nous avons eu trois mois et demi de fermeture des agences et établissements bancaires), l'APBEF-CI a sollicité la direction nationale de la Banque centrale Côte d'Ivoire pour qu'elle puisse intervenir auprès du siège à Dakar, Sénégal afin que compte tenu de notre spécificité on puisse reporter la mise en application de cette décision importante afin de permettre aux banques implantées en Côte d'Ivoire d'être conformes aux standards internationaux. Notre préoccupation a été prise en compte et nous attendons dans les prochains jours, une nouvelle décision de la Banque centrale pour donner le nouveau délai. Ce délai supplémentaire permettra aux banques de continuer de sensibiliser leurs clients afin qu'ils puissent se procurer très rapidement des nouveaux chéquiers. C’est un changement partiel du numéro de compte avec la modification du code pays et de la clé RIB. Aujourd'hui, dans nos actions, il s'agit de renforcer la confiance entre les banques et les clients. Nous continuons d'accepter les anciens chéquiers jusqu’à nouvel ordre et que les grandes surfaces (supermarchés, magasins …) en fassent autant . Lorsque la décision officielle nous sera communiquée, les nouvelles mesures seront appliquées. Nous sommes donc dans l’attente de la nouvelle date butoir concernant la mise en marche de SICA V3.

Les problèmes de compensation nés de la crise post-électorale sont-ils réglés?
Les problèmes de compensation ne sont pas entièrement réglés, mais partiellement. Au sein de l’APBEF CI, les banques ont librement décidé via un protocole de procéder à compensation dites bilatérales dans le souci de dégonfler le niveau des montants en suspens, de satisfaire les clients et de régler des problèmes de trésorerie. Selon les informations en notre possession, les aspects techniques relatifs à la reconstitution des soldes au niveau de la BCEAO et du TRESOR seraient achevés , un audit externe serait en cours pour confirmer lesdits soldes et des décisions devraient être prises sur cette base. Il est crucial aussi pour les banques, l’ETAT et la BCEAO que ce problème puisse être réglé avant le 31 décembre 2011. A défaut , nous serons dans l’incapacité d’arrêter nos comptes et les commissions aux comptes pourraient exiger le provisionnement des encours en suspens. Ce qui aura pour incidence la dégradation des fonds propres de base des établissements de crédit et par conséquent de leur capacité à octroyer de nouveaux concours bancaires. Nous comprenons que la résolution de ce problème a beaucoup d’implications ; une décision s’impose cependant pour permettre aux acteurs du système bancaire de continuer de jouer pleinement leur rôle.

Est-ce qu'il peut y avoir des pertes de créances?
Nous ne l’envisageons pas. Nous avons confiance en nos autorités (locale et sous régionale) et en leur capacité à prendre leurs responsabilités et à prendre des décisions judicieuses même dans des périodes difficiles et ce dans l’intérêt du développement économique du pays.

Beaucoup de clients ont porté plainte contre des banques du fait de la situation créée par la crise. Qu'est-ce qu'il en est aujourd'hui?
C’est vrai que les banques malgré elles mêmes ont dû fermer pour la majorité, les agences sur le territoire ivoirien. Cette situation est simplement liée aux contraintes réglementaires de la profession. Les banques ivoiriennes ne sauraient être en dehors de la règlementation bancaire. Cette situation assimilable à un cas de force majeure nous a amenés à prendre cette décision douloureuse pour tous. Croyez moi, les banquiers ont souffert de cette décision pendant cette période difficile de notre histoire commune. Il y a eu ici et là quelques tentatives d’assignation mais nous restons sereins car la réglementation et la loi sont de notre côté.

Au niveau monétaire, il y a des informations qui circulent sur un chamboulement au niveau de la parité du Franc CFA et de l'Euro. Quelle disposition avez-vous prise pour amortir le choc?
C’est vous qui m’en informer. Je pense qu’il y a des rumeurs qui circulent et trop d’amalgames et de confusion à cause de la crise de dette souveraine en Europe. Je n’ai pas l’habitude de me prononcer sur les rumeurs. A mon humble, la question qu’il faut se poser est de savoir si le régime de change actuel est compatible avec la diversification, le poids et l’évolution de nos économies (dont commerce international) ? Il y a lieu d’engager des réflexions profondes sur de tels sujets qui comportent des volets techniques et politiques.

Si cette information est avérée, est-ce que ça pourrait perturber le système financier ivoirien?
Quand on prend une mesure d’ajustement monétaire ou de dévaluation, c'est pour plusieurs objectifs. Adapter le niveau de l’économie au commerce international, permettre aux populations de pouvoir se procurer des biens et services à moindre coût et maîtriser l’inflation, donner de ressources supplémentaires à l’ETAT. Il n'y aura donc pas que des relents au niveau financier, il y aura naturellement un impact sur l’économie en général. Je ne partage pas beaucoup cette préoccupation car les indicateurs macroéconomiques aussi bien de l’UEMOA (malgré la crise en CI) que de la CEMAC sont globalement positifs ; les fondamentaux restent solides et les réserves des banques centrales sont suffisantes pour amortir tout choc extérieur. Nos économies (Afrique de l’ouest et centrale) ne sont pas en crise ; elles sont plutôt en croissance.

Aujourd'hui il y a un chamboulement à l'échelle internationale. Est-ce qu'au niveau africain on peut s'attendre à un choc et singulièrement pour les africains de la zone CFA?
Aujourd'hui, il y a une crise globale au niveau de la zone Euro. Il y a plusieurs choses qui sont en cours. Il y a la crise de la dette souveraine. On a constaté le problème en Grèce, au Portugal, en Italie. Avec les décisions qui seront prises, tout cela aura une incidence sur les économies. Vous avez vu que les pays de la zone Euro ont dû revoir pour 2012 leurs différents taux de croissance. Donc, il y aura une baisse de la richesse qui sera générée dans ces pays. Ceci aura naturellement un impact sur l’économie réelle. Le volume de transferts des immigrés vers l’Afrique pourrait être impacté. L’impact sur le pouvoir d’achat de ces populations pourrait baisser la demande des produits d’origine africaine, avec également les IDE en provenance de ces pays.. Il y a donc lieu de diversifier un peu plus les exportations vers les pays émergents. Concernant les appuis budgétaires et l’aide à apporter à nos économies, lors de la conclusion de leurs travaux au cours du mois dernier , les pays du G20 ont pris l’engagement de ne pas baisser la proportion de leur PIB affectée aux pays africains. Nous espérons que cet engagement sera respecté. Cependant, nos pays devraient prendre plus d’initiatives pour transformer une bonne partie de leurs produits, d’amener leurs populations à consommer les produits fabriqués localement et à encourager la production au niveau local de produits alimentaires de base tels que le riz et revenir à la politique d’autosuffisance alimentaire. Ceci aura l’avantage de plus de valeur ajoutée à nos exportateurs, à limiter certaines importations et à disposer d’une balance commerciale largement excédentaire.

Qu'est-ce qui explique le faible taux de bancarisation en Côte d'Ivoire?
Je pense qu'il faut quand même actualiser les chiffres parce qu'il y a eu pas mal d'efforts qui ont été faits ces derniers temps par les banques et établissements financiers. Il y a eu également des innovations. On parle de bancarisation et maintenant de financiarisation parce qu'il y a d'autres produits qui existent: les produits M banking, les produits e-banking, les cartes prépayées. Toutes ces personnes détentrices de ces produits n’ont certes pas des comptes bancaires mais elles ont ces produits qui leurs permettent de faire des paiements. La côte d’ivoire a un niveau de bancarisation au dessus de la moyenne sous-régionale ; il y a cependant d’importants efforts à faire à tous les niveaux. Parce que tous ceux-là, c'est des personnes aujourd'hui qui n'ont pas ouvert de compte, mais qui utilisent des produits financiers. Plus le pouvoir d’achat augmentera plus il y aura de personnes bancarisées. Et l'autre point, il faut inciter les banques, à travers des mesures d'allégements fiscaux à investir dans les zones qui ne seront pas forcement profitables au terme de 3 à 5 ans d’activité. Il faut les amener par des mesures d'incitation fiscales à investir dans ces zones-là pour le développement de ces zones et le bien être des populations qui y vivent. La bancarisation des populations est un facteur clef de succès des pays car elle permet aux populations de bénéficier de financements bancaires, aux entreprises d’acquérir des matériels de production et à l’ETAT d’élargir son assiette fiscal. Elle va également permettre de diminuer les flux de monnaie fiduciaire au bénéfice des monnaies scripturales et électroniques. Les pays du Maghreb ont réussi ce challenge ; nous pouvons également le faire notre zone avec la mise en œuvre d’une politique volontariste suivie d’actions concrètes des différentes autorités.

Quel commentaire sur le fonctionnement des banques en zone CNO et le redéploiement des guichets automatiques dans ces zones?
Les banques commerciales sont présentes dans les zones CNO depuis au moins 3 à 4 ans ce malgré la période de crise. Certaines envisagent de créer de nouvelles agences et d’y renforcer leurs implantations. Nous profitions pour lancer à nouveau un appel à nos autorités de BCEAO pour l’ouverture des agences auxiliaires de Bouaké, de Man et de Korhogo. La situation actuelle crée des charges supplémentaires et importantes (frais de transport de fonds) aux banques ; ce qui impacte considérablement leur compte d’exploitation. Les banques en tant qu'entreprises citoyennes et instrument de développement n’ont pas attendus la fin de la crise en Côte d’Ivoire pour être présente sur tout le territoire national et même pendant les périodes les plus difficiles. C’est une occasion pour moi pour encourager les collègues qui chaque jour prennent des initiatives afin que les agences bancaires soient le plus proche des populations et également pour tous les investissements colossaux qui sont faits afin de mettre les outils modernes à la pointe de la technologie à la disposition des clients et des populations.

Interview réalisée par Félix BONY et Irène BATH
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