Depuis le mardi dernier, Laurent Gbagbo a été inculpé par la CPI. Et le lendemain mercredi il a été transféré à la Haye. Dans cette interview réalisée par les services de l’institution judiciaire internationale, Gilbert Bitti, Conseiller juridique principal à la Section préliminaire de la Cour pénale internationale se prononce sur la suite de l’affaire.
Comment se fait-il que la Cour enquête sur la situation en Côte d’Ivoire?
La Côte d’Ivoire n’est pas un Etat partie au Statut de Rome. Elle a en revanche accepté la compétence de la Cour, en application de l’article 12, paragraphe 3 du Statut, et elle l’a acceptée au mois d’avril 2003. Cette acceptation de la compétence de la Cour a été confirmée au mois de décembre 2010, puis de nouveau au mois de mai 2011. Et cette acceptation comporte l’acceptation de la compétence de la Cour pour tous les crimes commis depuis septembre 2002. Donc cela confirme la compétence de la Cour. Ensuite, le Procureur a décidé, après un examen préliminaire, de demander l’autorisation à la Chambre préliminaire d’enquêter en Côte d’Ivoire. Et cette autorisation lui a été donnée le 3 octobre 2011 par la Chambre préliminaire III. Et c’est ce qui commence l’enquête en Côte d’Ivoire par la Cour pénale internationale.
Comment le Procureur a-t-il obtenu l’autorisation d’ouvrir des enquêtes?
Le Procureur a obtenu l’autorisation parce qu’il a présenté suffisamment d’éléments pour prouver qu’il y avait une base raisonnable pour penser que des crimes relevant de la compétence de la Cour avaient été commis. Et ces crimes peuvent être soit des crimes contre l’humanité, soit des crimes de guerre, soit le génocide. Il a présenté suffisamment d’éléments, et ces éléments ont convaincu les juges que des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre avaient été commis en Côte d’Ivoire à partir, pour l’instant – puisque la décision du 3 octobre 2011 est limitée à cela –, du 28 novembre 2010 jusqu’au mois de mai 2011. Mais le Procureur a aussi été autorisé à enquêter sur les crimes qui pourraient être commis après le mois de mai 2011 s’ils sont dans le contexte de la même situation – autrement dit, les violences postélectorales commises en Côte d’Ivoire à partir de décembre 2010.
Dans la décision autorisant l’ouverture d’enquêtes, quelles étaient les conclusions de la Chambre?
Alors, ce qui est important de comprendre, c’est que lorsque la Chambre préliminaire autorise l’ouverture d’une enquête, elle ne discute pas de la responsabilité pénale des individus. Elle discute simplement de savoir, et elle décide, si des crimes ont été commis. Savoir qui est responsable pour ces crimes n’est pas pour l’instant du ressort de la Chambre préliminaire au niveau de l’autorisation de l’enquête. La responsabilité pénale des individus intervient à partir du moment où le Procureur demande un mandat d’arrêt ou une citation à comparaître. La seule chose que la Chambre avait à faire, c’est de vérifier qu’il y avait une base raisonnable pour penser que des crimes relevant de la compétence de la Cour avaient été commis, et c’est ce que la Chambre a constaté. Elle a constaté, au vu des éléments présentés par le Procureur et au vu des éléments présentés par les victimes, qu’il y avait une base raisonnable pour penser que des crimes relevant de la compétence de la Cour avaient été commis depuis le 28 novembre 2010. Peu importe qui les a commis, et peu importe à qui on peut attribuer, à quel groupe armé ou à quelle force armée, on peut attribuer ces crimes. Mais la Chambre a dit que des crimes ont été commis. La Chambre a estimé qu’on pouvait, eu égard aux éléments présentés par le Procureur, estimer qu’il y avait deux forces en présence : les forces qu’on a estimées être pro- Gbagbo, et les forces qu’on a estimées être pro-Ouattara. Et la Chambre préliminaire a estimé que des crimes avaient été commis par ces deux forces, sans les attribuer à une personne. Il s’agit simplement de dire quelles sont les forces en présence et est-ce que ces forces ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Et la Chambre préliminaire a dit «oui». On a des éléments suffisants pour penser, à ce stade de la procédure où la norme d’administration de la preuve est très basse –parce qu’on n’a pas besoin de beaucoup d’éléments; le Procureur n’a pas encore commencé son enquête, donc les éléments sont réellement les premiers éléments qu’il a pu recueillir –, eu égard à cette norme très basse, très peu élevée d’administration de la preuve, la Chambre préliminaire a estimé que des crimes avaient été commis par les différentes forces en présence en Côte d’Ivoire.
Quelles sont les prochaines étapes dans l’affaire Gbagbo?
Alors, un mandat d’arrêt a été délivré par la Cour pénale internationale et a été exécuté par les autorités en Côte d’Ivoire. M. Gbagbo a été remis à la Cour pénale internationale. La première chose à faire maintenant, c’est l’application de l’article 60 du Statut et de la règle 121 du Règlement de procédure et de preuve : il s’agit d’avoir sa comparution initiale devant la Chambre préliminaire. Il doit comparaître dès que possible après son arrivée à la Cour devant la Chambre préliminaire. Cette audience est une audience assez courte, qui vise à l’informer de deux choses, essentiellement. La première chose, c’est de l’informer des crimes qui lui sont reprochés, parce que maintenant avec la délivrance d’un mandat d’arrêt, on reproche certains crimes à M. Gbagbo : donc maintenant, on parle de responsabilité pénale individuelle ; ce n’était pas le cas avec la décision du 3 octobre 2011, lorsque la Chambre a autorisé l’ouverture d’une enquête. Maintenant, on commence à discuter et à évaluer la responsabilité pénale individuelle dans cette affaire, la responsabilité pénale individuelle de M. Gbagbo. Donc on lui reproche certains crimes commis en Côte d’Ivoire entre décembre 2010 et avril 2011. Pour l’instant, on en est à ce stade de la procédure. On va l’informer des crimes, et ensuite on doit l’informer de ses droits au regard du Statut. Il a bien entendu le droit à un avocat, il a également le droit par exemple de demander sa remise en liberté. Ensuite, lors de cette audience, qui devrait avoir lieu dans les jours qui viennent, (Lundi NDLR) on va l’informer de la date à laquelle va commencer l’audience de confirmation des charges devant la Chambre préliminaire. Et c’est lors de cette audience que la Chambre préliminaire va réellement, en présence de la Défense– c’est-à-dire en présence de M. Gbagbo avec son avocat –, en présence également du Procureur qui devra présenter des éléments de preuve, va décider s’il y a des motifs suffisants pour croire que M. Gbagbo a commis les crimes qui lui sont reprochés. Au regard du mandat d’arrêt, la norme d’administration de la preuve, ses motifs raisonnables de croire, lorsqu’on arrivera à l’audience de confirmation des charges, il faudra que le Procureur présente suffisamment d’éléments pour prouver qu’il y a des motifs substantiels de croire que M. Gbagbo a commis les crimes qui lui sont reprochés.
Source: Document CPI
Comment se fait-il que la Cour enquête sur la situation en Côte d’Ivoire?
La Côte d’Ivoire n’est pas un Etat partie au Statut de Rome. Elle a en revanche accepté la compétence de la Cour, en application de l’article 12, paragraphe 3 du Statut, et elle l’a acceptée au mois d’avril 2003. Cette acceptation de la compétence de la Cour a été confirmée au mois de décembre 2010, puis de nouveau au mois de mai 2011. Et cette acceptation comporte l’acceptation de la compétence de la Cour pour tous les crimes commis depuis septembre 2002. Donc cela confirme la compétence de la Cour. Ensuite, le Procureur a décidé, après un examen préliminaire, de demander l’autorisation à la Chambre préliminaire d’enquêter en Côte d’Ivoire. Et cette autorisation lui a été donnée le 3 octobre 2011 par la Chambre préliminaire III. Et c’est ce qui commence l’enquête en Côte d’Ivoire par la Cour pénale internationale.
Comment le Procureur a-t-il obtenu l’autorisation d’ouvrir des enquêtes?
Le Procureur a obtenu l’autorisation parce qu’il a présenté suffisamment d’éléments pour prouver qu’il y avait une base raisonnable pour penser que des crimes relevant de la compétence de la Cour avaient été commis. Et ces crimes peuvent être soit des crimes contre l’humanité, soit des crimes de guerre, soit le génocide. Il a présenté suffisamment d’éléments, et ces éléments ont convaincu les juges que des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre avaient été commis en Côte d’Ivoire à partir, pour l’instant – puisque la décision du 3 octobre 2011 est limitée à cela –, du 28 novembre 2010 jusqu’au mois de mai 2011. Mais le Procureur a aussi été autorisé à enquêter sur les crimes qui pourraient être commis après le mois de mai 2011 s’ils sont dans le contexte de la même situation – autrement dit, les violences postélectorales commises en Côte d’Ivoire à partir de décembre 2010.
Dans la décision autorisant l’ouverture d’enquêtes, quelles étaient les conclusions de la Chambre?
Alors, ce qui est important de comprendre, c’est que lorsque la Chambre préliminaire autorise l’ouverture d’une enquête, elle ne discute pas de la responsabilité pénale des individus. Elle discute simplement de savoir, et elle décide, si des crimes ont été commis. Savoir qui est responsable pour ces crimes n’est pas pour l’instant du ressort de la Chambre préliminaire au niveau de l’autorisation de l’enquête. La responsabilité pénale des individus intervient à partir du moment où le Procureur demande un mandat d’arrêt ou une citation à comparaître. La seule chose que la Chambre avait à faire, c’est de vérifier qu’il y avait une base raisonnable pour penser que des crimes relevant de la compétence de la Cour avaient été commis, et c’est ce que la Chambre a constaté. Elle a constaté, au vu des éléments présentés par le Procureur et au vu des éléments présentés par les victimes, qu’il y avait une base raisonnable pour penser que des crimes relevant de la compétence de la Cour avaient été commis depuis le 28 novembre 2010. Peu importe qui les a commis, et peu importe à qui on peut attribuer, à quel groupe armé ou à quelle force armée, on peut attribuer ces crimes. Mais la Chambre a dit que des crimes ont été commis. La Chambre a estimé qu’on pouvait, eu égard aux éléments présentés par le Procureur, estimer qu’il y avait deux forces en présence : les forces qu’on a estimées être pro- Gbagbo, et les forces qu’on a estimées être pro-Ouattara. Et la Chambre préliminaire a estimé que des crimes avaient été commis par ces deux forces, sans les attribuer à une personne. Il s’agit simplement de dire quelles sont les forces en présence et est-ce que ces forces ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Et la Chambre préliminaire a dit «oui». On a des éléments suffisants pour penser, à ce stade de la procédure où la norme d’administration de la preuve est très basse –parce qu’on n’a pas besoin de beaucoup d’éléments; le Procureur n’a pas encore commencé son enquête, donc les éléments sont réellement les premiers éléments qu’il a pu recueillir –, eu égard à cette norme très basse, très peu élevée d’administration de la preuve, la Chambre préliminaire a estimé que des crimes avaient été commis par les différentes forces en présence en Côte d’Ivoire.
Quelles sont les prochaines étapes dans l’affaire Gbagbo?
Alors, un mandat d’arrêt a été délivré par la Cour pénale internationale et a été exécuté par les autorités en Côte d’Ivoire. M. Gbagbo a été remis à la Cour pénale internationale. La première chose à faire maintenant, c’est l’application de l’article 60 du Statut et de la règle 121 du Règlement de procédure et de preuve : il s’agit d’avoir sa comparution initiale devant la Chambre préliminaire. Il doit comparaître dès que possible après son arrivée à la Cour devant la Chambre préliminaire. Cette audience est une audience assez courte, qui vise à l’informer de deux choses, essentiellement. La première chose, c’est de l’informer des crimes qui lui sont reprochés, parce que maintenant avec la délivrance d’un mandat d’arrêt, on reproche certains crimes à M. Gbagbo : donc maintenant, on parle de responsabilité pénale individuelle ; ce n’était pas le cas avec la décision du 3 octobre 2011, lorsque la Chambre a autorisé l’ouverture d’une enquête. Maintenant, on commence à discuter et à évaluer la responsabilité pénale individuelle dans cette affaire, la responsabilité pénale individuelle de M. Gbagbo. Donc on lui reproche certains crimes commis en Côte d’Ivoire entre décembre 2010 et avril 2011. Pour l’instant, on en est à ce stade de la procédure. On va l’informer des crimes, et ensuite on doit l’informer de ses droits au regard du Statut. Il a bien entendu le droit à un avocat, il a également le droit par exemple de demander sa remise en liberté. Ensuite, lors de cette audience, qui devrait avoir lieu dans les jours qui viennent, (Lundi NDLR) on va l’informer de la date à laquelle va commencer l’audience de confirmation des charges devant la Chambre préliminaire. Et c’est lors de cette audience que la Chambre préliminaire va réellement, en présence de la Défense– c’est-à-dire en présence de M. Gbagbo avec son avocat –, en présence également du Procureur qui devra présenter des éléments de preuve, va décider s’il y a des motifs suffisants pour croire que M. Gbagbo a commis les crimes qui lui sont reprochés. Au regard du mandat d’arrêt, la norme d’administration de la preuve, ses motifs raisonnables de croire, lorsqu’on arrivera à l’audience de confirmation des charges, il faudra que le Procureur présente suffisamment d’éléments pour prouver qu’il y a des motifs substantiels de croire que M. Gbagbo a commis les crimes qui lui sont reprochés.
Source: Document CPI