x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Politique Publié le lundi 5 décembre 2011 | Soir Info

Gbagbo à La Haye, et après ?

Au nom de la réconciliation nationale, amorcée depuis quelque temps, nombreux sont ceux qui pensaient que l’ex-chef de l’Etat, Laurent Gbagbo, échapperait à la Cours pénale internationale (Cpi). Il y avait plusieurs raisons d’y croire, notamment le retour en masse des exilés, la candidature aux prochaines législatives de certains de ses partisans…ajoutés au souhait de Gbagbo lui-même, sous la forme d’une supplication, de se voir juger sur le lieu de ce qu’on lui reproche. Il y avait peu de raisons de croire qu’il serait conduit à la Cpi. Mais depuis, le mardi 29 novembre 2011, c’est chose faite. Son transfèrement à La Haye s’est fait, on ne dira pas dans la discrétion, mais sans tambour ni trompète, même s’il continue de susciter beaucoup de réaction à travers le monde. Toutefois, il faut noter que depuis quelque temps, tous les puzzles de l’envoi de l’ancien homme fort d’Abidjan se mettaient doucement en place sans que l’on y prête véritablement attention. «Je pense que c’est inévitable après les tueries dans notre pays. M. Laurent Gbagbo est quand-même responsable de plus de 3000 morts. Dans cette crise postélectorale il lui appartenait de laisser le pouvoir en sortant par la grande porte, en le refusant, en utilisant l’armée contre la population, évidemment, il mérite d’aller à la Cpi… Laissons la Cpi faire son travail à son rythme et que ceux qui seront épinglés à l’issue des enquêtes répondent de leurs actes», avait déclaré Soro Guillaume, le chef du gouvernement, le 7 octobre 2011 à Radio France internationale démontrant toute la détermination des nouvelles autorités du pays à traduire Laurent Gbagbo devant cette juridiction qui a pour vocation de juger les personnes accusées de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Aujourd’hui, quand le procureur de la Cpi égrènera le chapelet des horreurs contenues dans le dossier d’inculpation, Laurent Gbagbo, on l’imagine, aura certainement des larmes dans la voix. Non pas parce qu’il s’est directement saisi d’un pistolet pour loger une ou plusieurs balles dans la tête d’un innocent, non pas parce qu’il a orienté le canon du blindé sur les femmes d’Abobo, non pas parce qu’il a directement participé à l’application de l’article 125 (pétrole 100 Fcfa-une boite d’allumette à 25 Fcfa) ou encore au supplice du pneu enflammé… mais parce qu’il réalisera en ce moment là qu’il aurait dû écouter le monde entier qui lui parlait au lendemain des élections… C’est le Président Ouattara qui, en mai 2011, avait demandé à la Cpi d’ouvrir une enquête sur les violences postélectorales, indiquant que les tribunaux ivoiriens seraient dans l’incapacité de mener à bien des poursuites à l’encontre des personnes aux plus hauts niveaux de l’État pour les crimes les plus graves qui ont été perpétrés. Mais de là à dire que c’est lui qui a ordonné l’arrestation de Laurent Gbagbo, c’est méconnaitre le fonctionnement de la justice internationale. Le procureur de la Cpi est alors arrivé en Côte d’Ivoire le 15 octobre 2011 et a promis une enquête "impartiale" qui ciblerait "trois à six" personnes" ayant les plus lourdes responsabilités dans les crimes commis lors de la crise, sans toutefois dévoiler ni leurs noms ni leur camp. Laurent Gbagbo apparaissait comme le plus gros poisson qui devrait ouvrir les portes du cachot de la Cpi avant de faire suivre les autres. Qui sont-ils ? De quels bords sont-ils ? Une chose est claire, les deux camps, notamment celui de Gbagbo et de Ouattara sont soupçonnés de crimes contre le droit humanitaire, crimes contre l’humanité, violation des droits de l’Homme, viols… Selon Elise Keppler, juriste senior au programme de Justice internationale de Human Rights Watch, «c’est précisément en raison de l’absence d’efforts fournis au niveau national pour poursuivre les auteurs des crimes perpétrés par les forces alliées au Président Ouattara que le procureur de la Cpi devrait procéder sans délai à l’ouverture d’enquêtes sur leurs crimes graves et qu’il devrait encourager le gouvernement ivoirien à engager des poursuites nationales à l’encontre de tous les responsables de crimes graves, quel que soit le camp auquel ils appartiennent ». Elle a ajouté : « La justice pour les crimes commis par les deux camps s’avère cruciale pour rompre les cycles de violence qui ont frappé la Côte d’Ivoire au cours de la dernière décennie». De nombreux Ivoiriens suspectent le camp Ouattara de vouloir protéger ceux de son bord, impliqués dans les exactions, ou clairement identifiés par les Organisations de défense des droits de l’homme notamment Human Rights Watch, Amnesty international, mais, qui jusqu’à ce jour sont libres de tout mouvement. Donnant la nette impression que pour les actuels tenants du pouvoir, les bourreaux se trouvent seulement dans le camp d’en face, c'est-à-dire celui du président Laurent Gbagbo … Pour la majorité des Ivoiriens, le président Ouattara ne prendra pas le risque de retourner son propre couteau contre lui-même. Naturellement, le transfèrement de Laurent Gbagbo à La Haye va porter un coup, non pas d’accélérateur, mais de frein, peut-être même d’arrêt au processus de réconciliation engagé par le pouvoir au lendemain de la crise post-électorale. Même si le ministre des droits de l’Homme, Gnénéma Coulibaly, qui, à la suite d’une mission à la Cpi, avait déclaré que «le transfèrement de Laurent Gbagbo à la Cpi va faciliter le processus de réconciliation en Côte d’Ivoire». Le président de la Commission Dialogue Vérité et Réconciliation (Cdvr), Charles Konan Banny avait averti que «la réconciliation ne peut pas se faire sans Laurent Gbagbo». Du coup, une question taraude l’esprit des Ivoiriens : Laurent Gbagbo transféré à la Haye, la Cdvr va-t-elle mettre fin à ses activités ? Si non, qui sont ceux qu’elle va désormais réconcilier dès lors que la libération de Laurent Gbagbo était la condition primordiale de ses partisans ? On estime dans le camp Gbagbo que «même à son pire ennemi, on ne peut souhaiter la Cpi à plus forte raison l’y conduire». Pour ceux qui tiennent ce discours, la réconciliation est devenue, depuis mardi dernier, une vue de l’esprit, estimant que le président Ouattara a opté pour la justice des vainqueurs. Que va-t-il se passer maintenant, Laurent Gbagbo étant à La Haye ? C’est là que se situe toute la question quand on sait que l’ex-président ivoirien pourrait ne plus fouler le sol de ses ancêtres. Pour leur part, le Cnrd s’est retiré des législatives et le Front populaire ivoirien (Fpi), du processus de réconciliation. L’horizon n’est certes pas sombre, mais il n’est pas non plus rassurant. C’est dans cette atmosphère où les vainqueurs sont suspectés de faire leur propre justice que s’est ouverte la campagne pour les législatives 2011. L’objectif final est d’élire 255 députés qui auront pour mission de sortir la Côte d’Ivoire de l’étau de l’insécurité, du chômage, de la déscolarisation, du manque de logements, de l’insuffisance d’hôpitaux… en clair, de la misère. Mais les Ivoiriens restent encore traumatisés par ce qu’ils ont vécu après les élections présidentielles, censées ramener la paix. Et ils sont nombreux à se demander s’ils doivent encore consacrer leur dimanche à un autre scrutin…qui dans le fond, ne garantit rien du fait de l’adversité sur le terrain entre les deux alliés d’hier, le Pdci de Bédié et le Rdr de Ouattara.

COULIBALY Vamara
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Politique

Toutes les vidéos Politique à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ