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Politique Publié le mardi 6 décembre 2011 | Le Patriote

Première comparution de l’ancien chef d’Etat devant la CPI / Laurent Gbagbo : “Si on m’accuse, je sais qu’on a des preuves pour m’accuser”

© Le Patriote
Justice: Laurent Gbagbo devant la Cour pénale internationale
Photo: M. Laurent Koudou Gbagbo lors de l’audience de comparution initiale devant la CPI le 5 décembre 2011
Silvia Fernandez de Gurmandi : Je demande à l’équipe de la défense de bien vouloir se présenter.

Emmanuel Altit : Bonjour Mme la présidente …

SFG : Je vous prie de laisser votre client M. Gbagbo se présenter. Plus tard.
Emmanuel Altit : Mme la présidente, je crois que vous connaissez M. Keita, conseiller principal de l’office de la défense. A côté de moi, Jennifer Lahory, assistante légale. Derrière moi, Me David Coupet qui est inscrit à la Cour pénale internationale. A ses côtés PM, quant à moi je suis Emmanuel Altit, conseiller du président Gbagbo inscrit au barreau de Paris. Je vous remercie.

SFG : Merci, je me tourne maintenant vers le greffe, Mme Arpyr
Mme Arpyr : Avec moi, il y a Sylvie Loati, Conseiller juridique et le coordonnateur juridique.

SDFG: Je voudrais m’adresser à M. Gbagbo et lui demander de bien vouloir se présenter. Je vous prie monsieur de vous levez et je vous invite à nous dire quel est votre nom, ainsi que votre date et lieu de naissance et votre profession actuelle.
Laurent Gbagbo : Bonjour Mme la présidente. Je vous remercie de me donner la parole. Je m’appelle Laurent Gbagbo. Je vois ici à l’écran Laurent Koudou Gbagbo. Koudou, c’est aussi mon nom. Mais officiellement, sur le papier, c’est Laurent Gbagbo. Mais Koudou, c’est aussi mon nom. Donc l’affaire indique bien qu’il s’agit de moi.

SFDG : Je vous remercie, mais il nous faut aussi connaitre votre date et lieu de naissance, ainsi que votre profession.

LG : Je suis né le 31 mai 1945 à Gagnoa, en République de Côte d’Ivoire. Gagnoa (Il épelle les lettres composant Gagnoa, ndlr).

SFG : Merci beaucoup. Je constate que vous parlez le français. Vous le comprenez parfaitement.

LG : Oui, je ne parle que français. Malheureusement.

SFG : Votre langue maternelle ?

LG : Oui

SFDG : Ok, merci beaucoup monsieur, vous pouvez vous asseoir.

LG : Merci.

SFG : Je crois qu’il est utile, avant de commencer de qualifier la nature et la portée de cette audience. Il est important de rappeler qu’il ne s’agit pas aujourd’hui d’un procès ni d’une audience de confirmation des charges. Aucun élément de preuves ne sera recueilli ni présenter. Il n’y aura pas non plus de question touchant à la culpabilité ou l’innocence de M Gbagbo. La portée de cette comparution initiale est limitée à trois questions conformément à l’article 60 paragraphe 1 du statut de Rome et la règle 121 paragraphe 1 du règlement des procédures et des preuves qui définissent l’objet de la présente audience de la façon suivante. Premièrement, la chambre préliminaire doit s’assurer que la personne ayant fait l’objet du mandat d’arrêt a été informée des crimes qui lui sont reprochés. Deuxièmement, la chambre préliminaire doit s’assurer que cette personne a été informée de ses droits tels que garantis par le statut. Et enfin, la chambre préliminaire doit fixer une date à laquelle elle à l’intention de tenir une audience relative à la confirmation des charges. Par conséquent, la chambre va aborder de façon consécutive les trois questions qui font l’objet de l’audience d’aujourd’hui. Premièrement, mes collègues et moi, avons besoin de savoir si vous avez été informé des crimes qui vous sont reprochés. M. Gbagbo, s’il vous plait.
LB : Oui madame. J’ai été informé.
SFG: Est- ce que vous souhaitez qu’on vous relise les crimes qui vous sont reprochés dans le mandat d’arrêt ?
LB : Je pense que ce n’est pas nécessaire madame.
SFG : M. Gbagbo, merci.
SFG : M. Gbagbo, la chambre doit aussi s’assurer que vous avez été informé de l’ensemble de vos droits tels qu’ils sont rapportés par le statut de Rome, notamment en son l’article 507. Est-ce que vous avez été informé de vos droits ?
LG : Oui madame.
SFG : Je vous remercie. Vous pouvez vous asseoir. De toute façon, je vais vous récapituler certains de ces droits qui sont d’une importance particulière à ce stade de la procédure. Je vais rappeler que vous avez entre autres, les droits suivants : vous avez le droit à être informé dans le plus court délai et de façon détaillée de la nature et de la cause et de la teneur des charges dans une langue que vous parlez et comprenez parfaitement. Vous pouvez également disposer de l’assistance gratuite d’un interprète, si jamais vous en avez besoin. Vous bénéficiez d’une traduction nécessaire pour satisfaire aux exigences de l’équité. Vous avez le droit de disposer du temps et de facilité nécessaire à la préparation de votre défense et communiquer librement et confidentiellement avec les conseils de votre choix. Vous avez le droit de garder le silence. Vous ne pouvez pas être forcé de témoigner contre vous-même ou de vous avouer coupable. Vous pouvez également faire des déclarations dans le cadre de votre réponse sans que cela se fasse sous serment. Finalement, je ne veux pas être exhaustive avec quelques uns de vos droits, outre toute autre communication prévue par le Statut, le procureur doit communiquer, dès que cela est possible, les éléments de preuves en sa disposition qui vous disculpent ou qui tendent à vous disculper ; ou à atténuer votre culpabilité ou qui pourrait entamer la crédibilité des éléments des preuves en charge. M Gbagbo, je m’adresse à vous une nouvelle fois pour savoir si vous avez des observations à formuler sur les conditions de votre remise à la Cour pénale internationale ainsi que sur les conditions de votre détention au siège de la Cour à La Haye depuis votre arrivée.
LB : Madame, les conditions de ma détention à la Cour ici à La Haye, sont correctes. Ce sont les conditions normales de détention d’un être humain. Mais, c’est mes conditions d’arrestation qui elles, le sont moins. J’ai été arrêté le 11 avril 2011 sous les bombes françaises. Président de la République, la résidence du Président de la République a été bombardée du 31 mars au 11 avril. Et c’est dans ces décombres-là que j’ai été arrêté le 11 avril, pendant qu’on bombardait la résidence qui était déjà à terre. Nous-mêmes, nous nous sommes cachés dans les trous de la résidence. Une cinquantaine de chars français encerclaient la résidence pendant que les hélicoptères bombardaient. C’est dans ces conditions-là que j’ai été arrêté. J’ai vu devant moi mourir mon ministre de l’Intérieur Tagro. J’ai vu mon fils aîné, qui est encore détenu en Côte d’Ivoire. Je ne sais d’ailleurs pas pourquoi on l’a arrêté. C’est peut être parce qu’il est mon fils. Je l’ai vu battu. J’ai eu mon médecin personnel qui était avec moi, le Dr Blé qui est encore à Korhogo, battu. J’ai cru même qu’il allait mourir. Mais, Dieu merci, il a survécu. Tagro lui a eu moins de chance. C’est dans ces conditions que ça s’est fait. Je ne veux pas continuer, parce que nous ne sommes pas dans le procès. Mais je veux dire les conditions de l’arrestation qui sont celles là. C’est l’armée française qui a fait le travail. Et elle nous a remis aux forces d’Alassane Ouattara qui n’étaient pas encore les forces régulières de Côte d’ Ivoire. Puisque les forces régulières travaillaient aves moi. On m’a donc amené à l’hôtel du Golf qui était le siège de campagne et le siège d’Alassane Ouattara, le 11 avril. Le 13, l’ONUCI nous a transférés moi et mon médecin personnel à Korhogo à peu près à 600 km au nord de la Côte d’Ivoire. J’étais logé dans une maison. J’avais un lit, une moustiquaire, une douche. J’avais deux repas par jour à ma demande. Parce qu’on m’avait proposé trois. Généralement, je ne mange pas trois repas par jour. Je n’en mange que deux. Le problème n’était pas là. Mais je ne voyais pas le soleil. Je ne savais ce qui se passait dans le ciel que quand il pleuvait sur le toit. Je ne voyais pas le soleil. Les quelques rares fois où j’ai vu le soleil, c’est quand les avocats sont venus. Ils sont venus après des difficultés. Même Me Altit est allé à Korhogo, il a fait deux jours. On l’a empêché de me voir. Ça été tout le temps comme cela. Une bataille entre les avocats et mes geôliers pour que je puisse voir le ciel. Je pense que cela n’était pas correct. Là aussi je vais m’arrêter, parce que ce n’est pas une séance pour apitoyer les gens. J’essaie de décrire ce qu’il y a dit. L’enfermement sans pouvoir marcher, sans pouvoir voir le ciel, sans pouvoir sortir a fait que j’ai eu de nouvelles pathologies en plus de celles que j’avais déjà. Je ne suis plus un jeune homme, comme vous le voyez madame (Rires, ndlr). Je ne suis plus un jeune de 20 ans ni de 30 ans. J’ai aujourd’hui 66 ans. Aujourd’hui, j’ai mal à l’épaule. J’ai mal à tous les poignets. Ici même quand je suis arrivé, heureusement on m’a fait des radios. On me donne des médicaments. Voila donc ce que je souhaitais dire. Sur mon transfert à La Haye, Mme moi, je suis toujours surpris de certains comportements. Si on dit : « Gbagbo tu vas aller à La Haye. Je vais, je monte dans l’avion et je viens à La Haye. Mais là encore on nous a trompés. On m’a appelé. On m’a dit que je vais rencontrer un magistrat à Korhogo dans le cadre de, je ne sais plus quelle affaire. On a appelé mes avocats là-bas. Et pendant qu’on discutait, le juge des applications de peines est arrivé avec un papier que je n’ai d’ailleurs pas lu. Voila le mandat d’arrêt. Donc immédiatement, il faut qu’on fasse une séance. Ils ont improvisé là alors que mes avocats n’étaient pas préparés à cela, alors que moi-même je n’étais pas préparer à ça. Ils ont improvisé une séance de jugement pour que la Cour donne son autorisation à mon transfèrement. Madame je ne regrette pas d’être là. On va aller jusqu’au bout. Mais je veux dire qu’on peut faire les choses un peu plus normales. On n’a pas besoin de se cacher. J’ai dirigé ce pays pendant dix ans et je n’ai pas fait ça. Quand cette séance s’est achevée, mon geôlier m’a pris dans sa voiture pour me ramener à mon lieu de détention. En route, je vois qu’on dépasse le lieu de détention. Je lui dis : « Mais on a dépassé l’endroit ». Il me dit : « Non ! On va à l’aéroport, parce que l’aéroport n’était pas éclairé à partir de 18h30, il faut que l’avion s’envole ». Je dis : « Je vais où en avion». Il n’a même pas eu le courage de me dire : «Vous allez à La Haye». Il me dit : « Vous allez à Abidjan». J’ai ri, parce que je savais que je venais à La Haye. Je suis venu sans rien. Rien. Sauf mon pantalon. Sans rien du tout. Je signale cela pour que vous puissiez prendre les précautions pour que prochainement dans d’autres pays, dans d’autre cas que cela ne se répète plus. Parce que çà ne sert à rien. Cela fait croire qu’il y a des gens qui n’ont pas envie de comparaître. Si on m’accuse, je sais qu’on a des éléments de preuves pour m’accuser. Je comparais, je vais voir ces éléments de preuves. Je vais les confronter à ma vérité à moi et vous jugerez. Ce n’est pas beau qu’on essaie de jouer de petits tours de passe-passe. Madame, voilà ce que je voulais vous dire sur mes conditions d’arrestation, de transfèrement et de vie ici. Ici, je vis normalement. Je n’ai pas de problème. Voilà madame. Merci !
SFG : La chambre étant maintenant satisfaite que M. Gbagbo ait été informé des crimes retenus contre lui et des droits qui lui sont reconnu. Nous allons à présent fixer la date de confirmation des charges. C’est le troisième point qui figure à l’ordre du jour conformément à la règle 121.1. La chambre doit bien sûr donner suffisamment de temps pour que les partis puisent se préparer et participer efficacement à l’audience de confirmation des charges. En tenant compte de l’expérience préalable de cette Cour dans l’analyse en la matière, la chambre a décidé de fixer la date du début de l’audience de confirmation des charges au 18 juin 2012. Cette date peut être reportée en fonction de l’évolution de la procédure d’office par la chambre ou à la demande du procureur ou de la défense. La chambre espère que ce ne sera pas le cas et que le délai fixé sera suffisant pour assurer la divulgation des éléments de preuve et des pièces pour permettre aux partis de se préparer utilement pour cette audience . Je voudrais aussi ajouter que la règle 121 du règlement de procédure des preuves stipule que la chambre doit tenir des conférences de mise en état pour que les divulgations des éléments de preuve se déroulent dans de bonnes conditions. Et pour ce faire, un juge de la chambre préliminaire doit être désigné pour organiser ces conférences. Par conséquent, la chambre décide ce qui suit (je vais lire la décision de la chambre). C’est que la juge Silvia Fernandez de Gurmandi est désignée juge unique dans cette affaire pour toute question relevant du juge unique en application de l’article 57.2 du Statut y compris la divulgation des éléments de preuves. Je voudrais vous annoncer que j’ai l’intention de convoquer une première conférence de mise en l’état pour la divulgation dans les jours qui viennent. Je vais fixer la date en consultation avec les parties. Maintenant, je voudrais vous donner la parole pour savoir si vous avez des observations par rapport à la date fixée par la chambre ou d’autres questions dans ce que je viens de soulever. Je m’adresse d’abord à M. le procureur.
Le procureur, intervenant en anglais : pas de commentaire.

SFG : Je vous remercie. Me Altit ?
Me Altit : La défense n’a aucune observation sur la date.

SFDG : Je vous remercie. Nous signalons qu’il n’y a pas d’autres observations. Nous sommes arrivés au terme de cette audience. Je voudrais saisir cette occasion pour vous remercier tous. Je voudrais demander aux agents de sécurité d’attendre la sortie des juges avant qu’ils n’escortent M. Gbagbo en dehors du prétoire.
Thiery Latt
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