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Politique Publié le mardi 6 décembre 2011 | Le Patriote

Les canulars de Gbagbo

Laurent Gbagbo est sans doute dans la logique – qui lui est si chère – du « film Western » où il faut dégainer et tirer le premier pour neutraliser l’ennemi. Hier, lors de sa première comparution devant la Cpi, il a lâché les premières rafales, en espérant qu’elles fassent mouche. Les téléspectateurs du monde entier, grâce à la magie des ondes, l’ont en tout cas vu à l’œuvre et pour l’essentiel, ont redécouvert un Gbagbo tel qu’en lui-même, prêt à user de l’arme dont il sait le mieux se servir, celle de la mystification, de la manipulation langagière, de la contrevérité. Le dessein étant connu de tous : parvenir à retourner l’opinion contre ceux qui l’accusent aujourd’hui des crimes perpétrés lors de la crise postélectorale. Mais aussi, personne n’est dupe à ce sujet, attendrir au maximum les juges chargés de statuer sur son sort.
La première « offensive », c’est la France, comme très peu d’observateurs pouvaient du reste s’y tromper, qui l’a essuyée. « J’ai été arrêté sous les bombes de la France », a lancé le pensionnaire du centre de détention de la Haye, accusant l’ancienne puissance coloniale d’avoir « fait le travail » et d’indiquer surtout que « pendant une semaine, une cinquantaine de chars français encerclaient la résidence (présidentielle, ndlr) pendait que les hélicoptères la bombardaient ».
Si c’est à peu près l’ambiance qui a précédé l’arrestation de Gbagbo, il faut cependant préciser que c’est sous mandat de l’ONU et conformément à la résolution 1975, qui donnait l’autorisation aux forces impartiales de détruire les armes lourdes de Laurent Gbagbo que la Licorne a dû intervenir par des tirs précis, pendant que dehors, les forces pro-Gbagbo massacraient les civils ivoiriens, dont 3000 sont tombés sous les balles meurtrières de ces soldats de la mort. Mais mieux, et tous les observateurs en sont témoins, aucun char français n’a été aperçu dans les environs de la résidence où Gbagbo et ses proches, avec sa famille nucléaire comme bouclier humain, s’étaient calfeutrés, sourds aux appels incessants à la raison de la planète entière. A la vérité, seuls trois hélicoptères, et cela en deux petits jours – les 4 et 10 avril –, ont suffi pour permettre aux Forces républicaines ivoiriennes de mener l’ultime offensive qui a abouti à la capture de l’ex-dictateur.
S’agissant de ses conditions de détention à Korhogo, Gbagbo enfonce le clou de la contrevérité jusqu’à laisser croire qu’il était traité comme un véritable condamné à mort, qui « ne savait ce qui se passait dans le ciel que quand il pleuvait dehors ». C’est à croire que ce n’est pas le même Gbagbo qui, lors de la visite que lui ont rendu, lundi 2 mai 2011, le groupe des Elder (Koffi Annan, Mgr Desmond Tutu, Mary Robinson) déclarait devant les caméras du monde entier qu’il « dormait bien et mangeait bien ». C’est aussi à se demander qui était l’homme dont les Ivoiriens, il y a quelques mois, ont découvert les images, entouré de ses proches le sourire aux lèvres.
A la vérité, en près de quarante ans de vie politique, Laurent Gbagbo n’a jamais été aussi cruellement dans la posture qui est la sienne aujourd’hui, celle d’un homme presque nez à nez avec son destin. Un destin plus que jamais prêt, tel un ogre affamé, à le dévorer.
Car, s’il avait plus ou moins sous-estimé, voire banalisé la portée réelle des conséquences de son arrestation le 11 avril à Abidjan, puis de sa détention à Korhogo, mais surtout de l’ouverture par la Cour pénale internationale d’une enquête sur les massacres postélectorales en Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo appréhende sans doute aujourd’hui, dans toute sa gravité, le sort qui pourrait être le sien, à l’issue de son déferrement à la Haye.
Hier, la première comparution de l’ex-chef de l’Etat ivoirien devant la Cpi a donné déjà les premiers grands signaux d’un marathon judiciaire, qui n’est pas prêt de prendre fin de sitôt. Quinze longs mois se seraient alors écoulés entre cette date fatidique (le 11 avril 2011) et la toute première véritable occasion (le 18 juin 2012, lors de l’audience de confirmation des charges qui pèsent contre lui) où il lui sera loisible de se défendre des atrocités dont il est accusé.
La route est donc bien plus longue que ne l’avaient peut-être cru l’homme et bon nombre de ses partisans. Et pour être longue, elle n’en demandera pas moins beaucoup d’endurance et surtout d’imagination créatrice, notamment dans le suivi scrupuleux d’une ligne de défense qui doit pouvoir balayer la montagne d’accusations qui s’amoncellent sur le chemin (pour la liberté) de Laurent Gbagbo.
Il n’y a donc pas plus conscient que l’ancien chef de file de la refondation pour comprendre que si la meilleure défense demeure l’attaque, encore faut-il attaquer le plus tôt possible.
C’est tout le sens de la brève « offensive » – mais bien retentissante, au regard de la surmédiatisation de l’événement – qu’il a cru mener dès sa prise de parole.
KORE EMMANUEL
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