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Politique Publié le mardi 6 décembre 2011 | Nord-Sud

Laurent Gbagbo devant les juges : «Je ne regrette pas d’être à la Cpi »

© Nord-Sud
Justice: Laurent Gbagbo devant la Cour pénale internationale
Photo: M. Laurent Koudou Gbagbo lors de l’audience de comparution initiale devant la CPI le 5 décembre 2011
30 minutes chrono ! C’est le temps qu’a duré l’audience de première comparution de l’ancien président Laurent Gbagbo, hier, en début d’après-midi devant les juges de la Cpi à la Haye (Hollande). Face à la présidente de la Chambre préliminaire, Silvia Fernandez de Gurmendi (Argentine), Laurent Gbagbo, impeccablement habillé dans un costume bleu-nuit, chemise blanche et cravate assortie, a compris que la partie sera très serrée pour lui, au vu des charges qui sont retenues contre lui. En effet, dans le mandat d’arrêt qu’il a reçu avant de prendre l’avion pour la Hollande, il lui a été clairement signifié qu’il est « responsable en tant que coauteur indirect, de quatre chefs de crimes contre l’humanité qui auraient été perpétrés dans le contexte des violences postélectorales survenues en Côte d’Ivoire entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011». Entendez par-là les accusations de meurtres, de viols et d’autres violences sexuelles, des actes de persécutions et d’autres actes inhumains commis par les forces de l’ordre sous sa houlette. Il s’agit, selon nos informations, des charges de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre.

Pour ne pas perdre la face d’entrée de jeu, le natif de Mama a affirmé ne rien regretter de sa présence à La Haye et s’est dit « prêt à aller jusqu’au bout». Maniant l’ironie parfois, il a signifié à la juge qu’il s’exprimait parfaitement en français, regrettant presque de ne pas savoir parler la langue de Shakespeare.

Mais pour l’heure, les débats de fond ne sont pas prévus avant six mois. Il y a, en effet, toute une procédure à conduire par la Cpi avant d’en arriver au procès.

Comme l’a annoncé Mme Fernandez de Gurmendi, l’audience d’hier, très brève, n’avait que trois objectifs. A savoir : s’assurer que la personne qui fait l’objet de poursuite est bien celle qui est présente à La Haye, qu’elle a été bien informée de ses droits et fixer une date acceptable par les différentes parties. Répondant aux trois questions guidant la procédure des juges, Laurent Gbagbo, visiblement bien en forme, n’a pas soulevé d’objections. Au contraire, il a profité de l’occasion pour régler ses comptes avec la France et aussi ses geôliers à Korhogo. Pendant près d’une quinzaine de minutes, l’ex-président ivoirien, arrêté le 11 avril 2011 par les forces pro-Ouattara est revenu sur les conditions de son arrestation et sa longue détention dans la cité du Poro. « Mes conditions de détention à la Cour ici sont correctes. Mais les conditions d’arrestation le sont moins », a-t-il fait remarquer d’emblée, sous l’œil attentif de son conseil, Me Emmanuel Altit, avocat au barreau de Paris. Pour M. Gbagbo, ce sont les forces françaises qui ont bombardé sa résidence de Cocody et facilité son arrestation par les forces du président Alassane Ouattara. Quant à son séjour à Korhogo, il a déploré les conditions de son confinement dans la résidence, regrettant au passage de ne pouvoir voir le soleil et être en contact avec ses avocats. Laurent Gbagbo a profité aussi de la tribune de la Cour pénale pour fustiger la duplicité de ses geôliers, qui auraient usé de stratagèmes pour le conduire directement à l’aéroport à destination de La Haye. « J’ai été trompé » n’a-t-il cessé de répéter aux trois juges, Mmes Silvia Fernandez de Gurmendi, Elizabeth Odio Benito (Costa Rica) et Adrian Fulford (Royaume-Uni). Au dire du nouveau pensionnaire de Scheveningen (le centre de détention de La Haye), la Cpi aussi n’aurait pas joué franc-jeu dans la phase de son transfèrement. Un juge de cette juridiction serait arrivé dans la foulée pour présenter « un papier que je n’ai d’ailleurs pas lu », en l’occurrence le mandat d’arrêt. Une séance aurait été immédiatement improvisée aboutissant à son transfèrement.

Au terme de l’audience, la Chambre préliminaire qui statue sur la bonne conduite du processus a fixé au 18 juin 2012, le prochain rendez-vous de Laurent Gbagbo devant la Cpi.

C’est ce jour-là que les charges retenues contre lui seront confirmées. D’ici-là, M. Gbagbo et ses avocats disposent de suffisamment de temps pour se préparer à affronter le procureur Luis Moreno-Ocampo et ses hommes.
Karim Wally, envoyé spécial à La Haye (Hollande)

Ce qui attend Gbagbo et les autres auteurs de crimes

C’est une véritable bataille judiciaire qui attend l’ancien président, Laurent Gbagbo face à la Cour pénale internationale. Selon nos informations, la suite de la procédure risque d’être très longue et promet sans nul doute des joutes bien enlevées. En effet, entre l’audience de première comparution et le déroulement du procès lui-même, il risque de s’écouler près d’une année. En attendant l’échéance fatidique, Laurent Gbagbo rongera ses freins dans une cellule de 10 mètres carrés située dans le quartier pénitentiaire de Scheveningen où il aura à sa disposition des livres et des journaux, un équipement informatique et un terrain de sport en plein air. Ce sont surtout ses avocats qui ont fort à faire vu les charges très lourds qui pèsent contre lui. Pour le moment, il est assisté d’un seul avocat, le Français Me Emmanuel Altit qui est appuyé par des Conseils publics pour la défense (Sorte d’avocats commis d’office), conduits par Me Xavier-Jean Kéïta. La Cpi doit absolument valider la liste des autres avocats de la défense en s’assurant de leur crédibilité surtout.

Sur le dossier ivoirien, la Cpi se sait très attendue. Déjà, les questions fusent de partout sur la suite des personnes à poursuivre en Côte d’Ivoire depuis l’année 2002, date de l’entrée en vigueur de ses textes. Sur ce point, des sources très bien informées indiquent que le procureur Ocampo (qui sera remplacé courant juin 2012 par son adjoint, Fatou Bensouda de la Gambie) compte poursuivre d’autres auteurs de crimes contre l’humanité et de crimes de guerres dans le camp de l’ex-rébellion. Aucun nom n’est pour l’instant cité. Mais des chefs militaires pourraient avoir des soucis à se faire. Ceux-ci sont spécifiquement visés par la Cour qui estime qu’ils sont pénalement responsables des crimes des forces placées sous leur commandement. « Ils auraient dû savoir que leurs forces commettaient ou allaient commettre des crimes ». Enfin, à la Cpi, on est formel : aucune immunité quelle qu’elle soit n’est recevable devant la juridiction. En clair, l’amnistie générale de 2007 ne tiendra pas face aux assauts des juges de la Cpi. A moins que les autorités actuelles ne consentent à livrer ceux qui seront nommément cités.

K. W., envoyé spécial à La Haye
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