En affaire en 2004 avec une société de négoce dans la filière café-cacao, pour les nommés Kida et Ousmane, délégués consulaires du Burkina Faso à Fresco, les choses n’ont pas tourné rond. Selon notre interlocuteur, le ministre Henri Damanan César s’est invité dans l’affaire en faisant main basse sur les biens des Sawadogo. Nous avons tenté en vain de joindre le ministre mais toutes ses lignes téléphoniques sont interrompues. L’on nous apprend que celui-ci s’est exilé après la chute de Laurent Gbagbo, le 11 avril dernier. Toutefois, la partie adverse donne à travers cet entretien sa version des faits. Explications.
Voici une affaire qui sent le roussi, comment ?
C’est une société de financement dénommée « Socaténé », spécialisée dans l’achat et la vente de café et cacao. Pour la compagne 2004-2005, elle nous a préfinancés à hauteur de 10 millions Fcfa. Ceci étant, au fur à mesure que nous effectuions les chargements, nous défalquions directement des 10 millions Fcfa nos parts. Quand la crise armée de 2002 est survenue, il s’est trouvé que nous étions redevables à Socaténé à hauteur de 2.400.000Fcfa. La crise aidant, toutes les activités économiques tournaient au ralenti et la société ne s’est pas manifestée. En 2006, nous avons reçu un huissier de justice en la personne de Me Pierre Kadio. Celui-ci avait été commis par la société pour encaisser les 2.400.000Fcfa. Nous avons mis en garantie les documents de la maison. Une villa à valeur de 16 millions Fcfa. Nous lui devons 2.400.000Fcfa. La maison ne peut être prise à la place du crédit. Donc, il fallait trouver un terrain d’entente. Il a refusé une proposition que garantissait largement la camionnette. Me Kadio nous a donné la possibilité de payer à l’amiable. Nous nous sommes mis d’accord sur les modalités de règlement. J’ai informé mon cousin depuis le Burkina. Il m’a dit d’aller voir le ministre Henri César Damanan Sama.
Pourquoi ?
La raison est simple. Lorsque celui-ci était en disgrâce et qu’il avait plein de problèmes, il s’était replié à Fresco, sa ville natale. Quand il était au village, c’est nous qui nous occupions en grande partie de lui. Par exemple, quand il doit organiser des funérailles, il venait prendre de la boisson à crédit chez nous. Lorsqu’il avait besoin d’argent, c’est nous qu’il venait voir. Le cousin lui donnait entre 50.000Fcfa et 100.000 Fcfa. Donc, mon cousin le dépannait jusqu’à ce que le général Robert Guéi prenne le pouvoir en décembre 1999. Il a été le tout- puissant ministre de l’information du régime de Guéi. Bref, quand l’huissier est revenu, je lui ai dit de patienter car le délai de deux mois n’avait pas encore expiré.
Que s’est-il passé par la suite ?
Je me suis fait accompagner par l’un de mes conseillers. Nous nous sommes rendus chez le ministre Henri Sama. Je lui ai expliqué le problème. Je lui ai dit que le cousin lui proposait la maison à 12 millions Fcfa au lieu de 16. Je lui ai dit qu’il pouvait payer d’abord le crédit de la société et qu’on s’arrangerait pour le reste de l’argent.
Soyez plus clair ?
Il devait rembourser la dette de la société et le reliquat de 10 millions nous revenait. Il m’a dit qu’il est partant et comme l’affaire se trouvait dans la main d’un huissier, alors le ministre Henri César a exigé que je lui donne la copie de sommation de payer. Ce que j’ai fait. Il devait se rendre chez l’huissier pour verser le reliquat et après on devait se retrouver pour le reste des formalités c’est-à-dire qu’il devait nous verser les 10 millions. En son temps, il était attaché militaire à l’ambassade de Côte d’Ivoire en Afrique du Sud. Il est parti et je n’ai plus eu de ses nouvelles. Quelques mois plus tard, il est revenu au pays.
Comment le ministre a réagi lorsqu’il est rentré d’Afrique du Sud ?
Il ne nous a rien dit. Puis, il est reparti encore. Deux mois plus tard, il revient. C’est ainsi que je suis allé le voir à la maison, à Fresco. Il m’a dit de lui accorder un temps et qu’il devait se rendre à Abidjan pour mettre de l’ordre dans certaines affaires. Deux semaines après, je vois le ministre qui revient avec des militaires, armes au poing. Ce jour-là, on me réveille pour me dire que le ministre a besoin de moi. Ce sont cinq militaires, l’air farouche, à bord d’un véhicule de type 4x4 qui sont venus me chercher. Le ministre aussi était armé, il m’a annoncé que désormais notre maison lui appartenait et qu’il me donne une semaine pour quitter les lieux. Je lui dis mais comment ; il m’a répondu en affirmant que l’affaire était conclue avec Me Kadio. Il a appelé l’huissier de son téléphone portable. Celui-ci m’a confirmé que la maison appartenait maintenant au ministre. Et, il m’a dit d’exécuter les ordres de l’ancien attaché militaire sinon j’aurais des problèmes car il s’agit d’un militaire et pas n’importe lequel. C’est ce que l’huissier m’a exprimé au téléphone. Le ministre a réitéré les mêmes déclarations.
Quelle a été la réaction des autorités administratives et militaires face au comportement du ministre ?
Elles m’ont dit que c’était de l’injustice. Compte tenu que le ministre Henri était un homme fort de l’ancien régime et qu’il avait droit de vie et de mort sur les faibles, alors la réaction est restée au stade des déclarations. Les autorités m’ont dit qu’elles ne pouvaient forcer les choses. Elles m’ont dit de prendre mon mal en patience. Le consul m’a conseillé d’engager une procédure judiciaire contre l’huissier. J’ai déposé une plainte contre ce dernier à la police économique. Il a été appréhendé et écroué dans la cellule de la police. Après la confrontation, l’officier de police l’a mis au frais ; il était prévu qu’on fasse un sous-jugement au sixième cabinet, au palais de justice d’Abidjan-Plateau. Contre toute attente, le ministre a fait libérer l’huissier en téléphonant simplement. Je n’ai rien compris. Je suis retourné à la police économique. Le lieutenant de police me dit que le dossier est trop fort pour lui. J’ai les documents qui attestent mes propos. Je suis allé au sixième cabinet ; j’ai trouvé sur place la secrétaire qui m’a dit que mon dossier est un casse-tête chinois. D’après elle, le dossier a été transféré au juge. J’ai donné tous mes contacts. Mais on m’a tourné en bourrique jusqu’à aujourd’hui
.
Que comptez-vous faire maintenant ?
Je veux qu’il me restitue ma maison. C’est l’ex-ministre qui a tout manigancé. Je veux que justice soit rendue ; je n’habite plus la maison depuis 2007. Il y avait logé sa petite-sœur. Trois mois plus tard, elle est morte. Donc, il considère que la maison est hantée. Elle est inhabitée actuellement. Mon cousin est revenu mais il se trouve présentement à Bouaké. Il est constamment informé de la situation. Il m’a donné une procuration pour poursuivre devant les tribunaux le ministre Henri César et Me Kadio pour les faits d’abus de pouvoir, expropriation de biens, confiscation de biens d’autrui. Je demande à la justice de dire le droit. Nous sommes victimes d’une injustice, le ministre Henri César s’est accaparé de notre maison. Les autorités compétentes doivent réagir pour rétablir la justice. La Côte d’Ivoire a quitté la jungle nous en sommes sûrs.
Interview réalisée par Ouattara Moussa
Voici une affaire qui sent le roussi, comment ?
C’est une société de financement dénommée « Socaténé », spécialisée dans l’achat et la vente de café et cacao. Pour la compagne 2004-2005, elle nous a préfinancés à hauteur de 10 millions Fcfa. Ceci étant, au fur à mesure que nous effectuions les chargements, nous défalquions directement des 10 millions Fcfa nos parts. Quand la crise armée de 2002 est survenue, il s’est trouvé que nous étions redevables à Socaténé à hauteur de 2.400.000Fcfa. La crise aidant, toutes les activités économiques tournaient au ralenti et la société ne s’est pas manifestée. En 2006, nous avons reçu un huissier de justice en la personne de Me Pierre Kadio. Celui-ci avait été commis par la société pour encaisser les 2.400.000Fcfa. Nous avons mis en garantie les documents de la maison. Une villa à valeur de 16 millions Fcfa. Nous lui devons 2.400.000Fcfa. La maison ne peut être prise à la place du crédit. Donc, il fallait trouver un terrain d’entente. Il a refusé une proposition que garantissait largement la camionnette. Me Kadio nous a donné la possibilité de payer à l’amiable. Nous nous sommes mis d’accord sur les modalités de règlement. J’ai informé mon cousin depuis le Burkina. Il m’a dit d’aller voir le ministre Henri César Damanan Sama.
Pourquoi ?
La raison est simple. Lorsque celui-ci était en disgrâce et qu’il avait plein de problèmes, il s’était replié à Fresco, sa ville natale. Quand il était au village, c’est nous qui nous occupions en grande partie de lui. Par exemple, quand il doit organiser des funérailles, il venait prendre de la boisson à crédit chez nous. Lorsqu’il avait besoin d’argent, c’est nous qu’il venait voir. Le cousin lui donnait entre 50.000Fcfa et 100.000 Fcfa. Donc, mon cousin le dépannait jusqu’à ce que le général Robert Guéi prenne le pouvoir en décembre 1999. Il a été le tout- puissant ministre de l’information du régime de Guéi. Bref, quand l’huissier est revenu, je lui ai dit de patienter car le délai de deux mois n’avait pas encore expiré.
Que s’est-il passé par la suite ?
Je me suis fait accompagner par l’un de mes conseillers. Nous nous sommes rendus chez le ministre Henri Sama. Je lui ai expliqué le problème. Je lui ai dit que le cousin lui proposait la maison à 12 millions Fcfa au lieu de 16. Je lui ai dit qu’il pouvait payer d’abord le crédit de la société et qu’on s’arrangerait pour le reste de l’argent.
Soyez plus clair ?
Il devait rembourser la dette de la société et le reliquat de 10 millions nous revenait. Il m’a dit qu’il est partant et comme l’affaire se trouvait dans la main d’un huissier, alors le ministre Henri César a exigé que je lui donne la copie de sommation de payer. Ce que j’ai fait. Il devait se rendre chez l’huissier pour verser le reliquat et après on devait se retrouver pour le reste des formalités c’est-à-dire qu’il devait nous verser les 10 millions. En son temps, il était attaché militaire à l’ambassade de Côte d’Ivoire en Afrique du Sud. Il est parti et je n’ai plus eu de ses nouvelles. Quelques mois plus tard, il est revenu au pays.
Comment le ministre a réagi lorsqu’il est rentré d’Afrique du Sud ?
Il ne nous a rien dit. Puis, il est reparti encore. Deux mois plus tard, il revient. C’est ainsi que je suis allé le voir à la maison, à Fresco. Il m’a dit de lui accorder un temps et qu’il devait se rendre à Abidjan pour mettre de l’ordre dans certaines affaires. Deux semaines après, je vois le ministre qui revient avec des militaires, armes au poing. Ce jour-là, on me réveille pour me dire que le ministre a besoin de moi. Ce sont cinq militaires, l’air farouche, à bord d’un véhicule de type 4x4 qui sont venus me chercher. Le ministre aussi était armé, il m’a annoncé que désormais notre maison lui appartenait et qu’il me donne une semaine pour quitter les lieux. Je lui dis mais comment ; il m’a répondu en affirmant que l’affaire était conclue avec Me Kadio. Il a appelé l’huissier de son téléphone portable. Celui-ci m’a confirmé que la maison appartenait maintenant au ministre. Et, il m’a dit d’exécuter les ordres de l’ancien attaché militaire sinon j’aurais des problèmes car il s’agit d’un militaire et pas n’importe lequel. C’est ce que l’huissier m’a exprimé au téléphone. Le ministre a réitéré les mêmes déclarations.
Quelle a été la réaction des autorités administratives et militaires face au comportement du ministre ?
Elles m’ont dit que c’était de l’injustice. Compte tenu que le ministre Henri était un homme fort de l’ancien régime et qu’il avait droit de vie et de mort sur les faibles, alors la réaction est restée au stade des déclarations. Les autorités m’ont dit qu’elles ne pouvaient forcer les choses. Elles m’ont dit de prendre mon mal en patience. Le consul m’a conseillé d’engager une procédure judiciaire contre l’huissier. J’ai déposé une plainte contre ce dernier à la police économique. Il a été appréhendé et écroué dans la cellule de la police. Après la confrontation, l’officier de police l’a mis au frais ; il était prévu qu’on fasse un sous-jugement au sixième cabinet, au palais de justice d’Abidjan-Plateau. Contre toute attente, le ministre a fait libérer l’huissier en téléphonant simplement. Je n’ai rien compris. Je suis retourné à la police économique. Le lieutenant de police me dit que le dossier est trop fort pour lui. J’ai les documents qui attestent mes propos. Je suis allé au sixième cabinet ; j’ai trouvé sur place la secrétaire qui m’a dit que mon dossier est un casse-tête chinois. D’après elle, le dossier a été transféré au juge. J’ai donné tous mes contacts. Mais on m’a tourné en bourrique jusqu’à aujourd’hui
.
Que comptez-vous faire maintenant ?
Je veux qu’il me restitue ma maison. C’est l’ex-ministre qui a tout manigancé. Je veux que justice soit rendue ; je n’habite plus la maison depuis 2007. Il y avait logé sa petite-sœur. Trois mois plus tard, elle est morte. Donc, il considère que la maison est hantée. Elle est inhabitée actuellement. Mon cousin est revenu mais il se trouve présentement à Bouaké. Il est constamment informé de la situation. Il m’a donné une procuration pour poursuivre devant les tribunaux le ministre Henri César et Me Kadio pour les faits d’abus de pouvoir, expropriation de biens, confiscation de biens d’autrui. Je demande à la justice de dire le droit. Nous sommes victimes d’une injustice, le ministre Henri César s’est accaparé de notre maison. Les autorités compétentes doivent réagir pour rétablir la justice. La Côte d’Ivoire a quitté la jungle nous en sommes sûrs.
Interview réalisée par Ouattara Moussa