C’est l’histoire d’une famille, dont les frères vont à la chasse, chacun de son côté, mais pour une cause commune : ramener le gibier à la maisonnée. La compétition électorale qui se jouera dimanche aurait donc pu être une sorte de kermesse familiale, après la victoire du Rhdp à la présidentielle du 28 novembre 2010. A preuve, en lutte pour le même poste de député dans la même circonscription, des candidats rivaux du Pdci, du Rdr, de l’Udpci et des Indépendants (issus du Rhdp pour l’écrasante majorité), utilisent les mêmes symboles d’Houphouët. Des images du président républicain Alassane Ouattara sont affichées aux voitures de campagne du Pdci. Des banderoles des républicains agitent des posters de Bédié, le président du Pdci. Ceux qu’on dit indépendants viennent en réalité "du ventre du Pdci et du Rdr", les deux partis dominants. Résultat : ils font également leurs courses électorales au même "supermarché" idéologique de l’Houphouétisme. En l’absence du Fpi, de l’ancien président Laurent Gbagbo, c’est une bataille entre frères, nés de la même côte. Il n’empêche. Elle sera fratricide. C’est la loi en politique. On tue ou on est tué. Les enjeux mettent en jeu d’énormes intérêts personnels, l’ambition et l’égo. Des carrières de ministres sont mises à prix. Des dinosaures donneraient tout leur or pour confirmer leur notoriété, leur suprématie ou s’acheter une nouvelle réputation dans leur région. Le contexte le commande. En effet, la formation du gouvernement et les nominations aux hautes fonctions de l’Etat sont encore largement dictées par la géopolitique. Elections locales, les législatives sont de portée nationale puisqu’il s’agit aussi de partager le pouvoir avec l’exécutif tenu par le Président de la république, Alassane Ouattara. Après 10 ans de vide électoral, le moment est venu pour les challengers. Et ce n’est pas un hasard si la bannière indépendante réunit un tiers des 1182 candidats déclarés confirmés par le Conseil constitutionnel. C’est le moment de prendre, de bousculer la dynastie des dinosaures qui, eux, résistent au temps et aux piques. Epique, la compagne électorale déjà a montré la guerre des tranchées. Des brutalités militaires, des lynchages verbaux, des affiches de candidats déchirées, des partisans molestés, des appels au meurtre, le chiffon rouge des clivages ethniques, des achats de conscience, des trahisons, tout y est passé. Comme dans toute compétion qui met aux prises une opposition et un parti au pouvoir. Mais les caïmans des marigots l’ont déjà soupiré. Les Houphouétistes vont en rangs dispersés aux législatives de dimanche, pour mieux se mesurer afin de mieux se retrouver. La différence ici, ce ne sera pas une guerre pour avoir au parlement deux camps antagoniques pendant les cinq ans de mandat. Tous les petits ruisseaux éparpillés que constituent les futurs élus couleront vers un fleuve commun qui est le pouvoir d’Alassane Ouattara. En cela, existe une plate forme de gouvernement en commun. Signée entre les formations du Rhdp en 2005, elle a été consolidée avant la présidentielle de 2010. Témoins du duel entre le Rdr et le Pdci lors des campagnes qui se sont achevées à zéro heure, les Ivoiriens devraient être, sauf miracle, les spectateurs d’un duo à l’hémicycle entre ces deux poids lourds de l’arène politique de leur pays. Rien à voir avec les Ping-pong entre Gauche-droite à la Française. Très loin des rivalités à l’Américaine entre Républicains et Démocrates. Imaginez des supporters de la même équipe nationale se bousculer à mort au portillon du stade pour aller faire la même chose : participer à la victoire de leur équipe. Après les refondateurs qui ont contribué à effondrer les piliers économiques et les ressorts sociaux du pays, l’équipe des Houphouétsites entend bien gagner la bataille de la reconstruction. C’est-à-dire, « faire revenir la Côte d’Ivoire à l’époque où l’Ivoirien était fier de montrer son passeport en traversant la sous-région et le monde », selon l’expression du président ivoirien, qui fut aussi, signe des temps, l’unique premier ministre d’un certain Houphouët-Boigny. Alors, que le meilleur gagne, pour le meilleur !
Benoit HILI
Benoit HILI