La chaîne de télévision du Qatar, Al Jazeera, après la 1ère audition de Laurent Gbagbo, à la Cpi, a interviewé Luis Moreno Ocampo, procureur de la cour pénale de La Haye. Nous vous proposons l'entretien.
Les partisans de Laurent Gbagbo disent qu’il est victime d'un système judiciaire qui est plus politique que judiciaire, que répondez-vous à cette allégation?
L.O. : Je pense que ceci est très important pour la Côte d’Ivoire. La Cpi est en train d’aider la Côte d’Ivoire à déterminer les auteurs des crimes contre l’humanité commis durant la crise post-électorale. Et savoir si Gbagbo est responsable de crimes ou pas.
Vous dites que ceci est important pour la Côte d’Ivoire, mais comment un tel processus peut être crédible si seulement le leader d’un seul camp, dans une crise où il y a eu des violations graves d’atteinte à liberté publique accompagnées de massacres, est accusé et jugé?
L.O. : Écoutez, cette Cour est impartiale et elle n’a rien à voir avec les parties impliquées dans ce conflit, et cela montre un changement complet dans ce qui se passe dans le monde.
Dans le passé, les chefs d’Etat pouvaient commettre des crimes sans être poursuivis.
Éventuellement, ils vont en exil. Maintenant, Gbagbo, ex-chef d’Etat, fait face à la justice. Cela montre que nous sommes dans une nouvelle époque. Plus de crime impuni, plus d’atrocité impunie.
M. Ocampo, jusque-là, les gens se demandent si cette Cour n’est pas une cour pénale africaine au lieu d’une cour pénale internationale.
L.O. : Il y a plusieurs allégations de tous les côtés, la Cour a pour objectif d’être impartiale, nous faisons des investigations pour tous les crimes commis et nous présentons différents dossiers dès que nous avons obtenu des preuves et des évidences. Le cas de M. Gbagbo est le premier cas et ce n’est pas le dernier cas. Nous continuons nos investigations et nous allons continuer de rendre justice.
Mais depuis que vous êtes devenu procureur de la Cpi depuis 2003, avez-vous une fois ouvert une enquête en dehors de l’Afrique?
L.O. : Nous avons le devoir d’enquêter sur des crimes…
(…) Selon mes comptes, sur la base des documents en ma possession, il y a eu 7 cas, et tous en Afrique, la Rdc, l’Ouganda, la Centrafrique, la Libye, le Darfour, le Kenya et aujourd’hui la Côte d’Ivoire. Y a-t-il eu d’autres cas?
L.O. : Croyez-vous qu’il n’y a pas eu de crime au Darfour, au Congo, en Ouganda? Dans tous ces pays, nous devons trouver les gens qui ont commis des crimes contre l’humanité, violant et tuant des centaines des femmes, donc je ne vais pas ignorer tous ces crimes. Le génocide du Rwanda avait été négligé, la guerre du Congo a été ignorée en Europe. Je ne vais pas faire cela, je vais rendre justice là où personne n’a voulu rendre justice et c’est cela mon boulot.
M. Ocampo, donc vous insinuez qu’aucun crime n’a été commis en dehors de l’Afrique ? C’est cela?
L.O. : Écoutez, j’ai une juridiction, je dois investiguer des crimes là où personne ne voulait faire quelque chose. En Espagne, Al Quaida a commis un crime contre l’humanité mais le procureur d’Espagne a instruit sa juridiction à enquêter. Alors dans ce cas, je ne peux pas le faire en même temps. Dans le passé, il y avait la justice internationale pour la Yougoslavie, pour le nazisme, les Allemands, mais maintenant les crimes sont commis en Afrique et je ne vais pas ignorer les victimes africaines.
Allez-vous poursuivre les crimes commis en Irak, juste pour donner un exemple ou dans d’autres pays, récemment ? Nous pouvons citer l’Irak, l’Afghanistan. Engagerez-vous des poursuites dans de tel cas?
L.O. : Je pense que c’est du néocolonialisme que d’essayer de protéger ceux qui ont commis des atrocités parce que c’est en Afrique. Vous pouvez dire qu’il y a eu d’autres cas qui auraient dû connaître une poursuite judiciaire mais qui ne l’ont pas été, cela est vrai. Mais malheureusement, je n’ai aucune juridiction en Irak, ni au Sri Lanka, ni au Liban, ni dans d’autres pays du monde où sont commis des crimes. Je ne peux pas faire cela car je n’ai aucune juridiction là-bas. Je suis les cas que je dois suivre….
Revenons au cas de M. Laurent Gbagbo. Je voudrais mentionner que selon les statuts de la Cpi, un cas est transféré à la Cpi lorsque le pays est incapable de juger le cas. Est-ce le cas en Côte d’Ivoire, où, lorsque nous nous referons à la décision que vous avez prise dans le cas de la Libye, où vous autorisez le système judiciaire du pays dans le cadre du fils de Kadhafi de le poursuivre. Alors qu'à tout point de vue, le système judiciaire n’existe pas du tout dans ce pays? Comment comparez-vous ces deux cas? Voulez vous nous dire que le système judiciaire ivoirien s’est totalement effondré au point qu’il ne soit pas capable de juger un tel cas et que celui de la Libye présente une situation beaucoup plus meilleure?
L.O. : C’est un débat intéressant que vous soulevez là, mais je ne sais pas quoi dire, c’est impossible pour moi de vous entendre, donc je suis désolé pour cela. Mais je vous invite à continuer le débat un autre jour où sûrement le système de communication sera meilleur, mais en ce moment je ne peux pas comprendre ce que vous dites. Cependant je voudrais insister sur le fait que la Cpi est une justice internationale qui est là pour rendre justice, là où personne d’autre ne voulait rendre justice. Rendre justice aux victimes là où cela avait été négligé, contre les ex-chefs d’État qui ont commis des crimes et atrocités lorsqu’ils étaient au pouvoir. Ceci n’arrivera plus encore. Nous sommes là pour rendre justice.
Source : Al Jazeera
Les partisans de Laurent Gbagbo disent qu’il est victime d'un système judiciaire qui est plus politique que judiciaire, que répondez-vous à cette allégation?
L.O. : Je pense que ceci est très important pour la Côte d’Ivoire. La Cpi est en train d’aider la Côte d’Ivoire à déterminer les auteurs des crimes contre l’humanité commis durant la crise post-électorale. Et savoir si Gbagbo est responsable de crimes ou pas.
Vous dites que ceci est important pour la Côte d’Ivoire, mais comment un tel processus peut être crédible si seulement le leader d’un seul camp, dans une crise où il y a eu des violations graves d’atteinte à liberté publique accompagnées de massacres, est accusé et jugé?
L.O. : Écoutez, cette Cour est impartiale et elle n’a rien à voir avec les parties impliquées dans ce conflit, et cela montre un changement complet dans ce qui se passe dans le monde.
Dans le passé, les chefs d’Etat pouvaient commettre des crimes sans être poursuivis.
Éventuellement, ils vont en exil. Maintenant, Gbagbo, ex-chef d’Etat, fait face à la justice. Cela montre que nous sommes dans une nouvelle époque. Plus de crime impuni, plus d’atrocité impunie.
M. Ocampo, jusque-là, les gens se demandent si cette Cour n’est pas une cour pénale africaine au lieu d’une cour pénale internationale.
L.O. : Il y a plusieurs allégations de tous les côtés, la Cour a pour objectif d’être impartiale, nous faisons des investigations pour tous les crimes commis et nous présentons différents dossiers dès que nous avons obtenu des preuves et des évidences. Le cas de M. Gbagbo est le premier cas et ce n’est pas le dernier cas. Nous continuons nos investigations et nous allons continuer de rendre justice.
Mais depuis que vous êtes devenu procureur de la Cpi depuis 2003, avez-vous une fois ouvert une enquête en dehors de l’Afrique?
L.O. : Nous avons le devoir d’enquêter sur des crimes…
(…) Selon mes comptes, sur la base des documents en ma possession, il y a eu 7 cas, et tous en Afrique, la Rdc, l’Ouganda, la Centrafrique, la Libye, le Darfour, le Kenya et aujourd’hui la Côte d’Ivoire. Y a-t-il eu d’autres cas?
L.O. : Croyez-vous qu’il n’y a pas eu de crime au Darfour, au Congo, en Ouganda? Dans tous ces pays, nous devons trouver les gens qui ont commis des crimes contre l’humanité, violant et tuant des centaines des femmes, donc je ne vais pas ignorer tous ces crimes. Le génocide du Rwanda avait été négligé, la guerre du Congo a été ignorée en Europe. Je ne vais pas faire cela, je vais rendre justice là où personne n’a voulu rendre justice et c’est cela mon boulot.
M. Ocampo, donc vous insinuez qu’aucun crime n’a été commis en dehors de l’Afrique ? C’est cela?
L.O. : Écoutez, j’ai une juridiction, je dois investiguer des crimes là où personne ne voulait faire quelque chose. En Espagne, Al Quaida a commis un crime contre l’humanité mais le procureur d’Espagne a instruit sa juridiction à enquêter. Alors dans ce cas, je ne peux pas le faire en même temps. Dans le passé, il y avait la justice internationale pour la Yougoslavie, pour le nazisme, les Allemands, mais maintenant les crimes sont commis en Afrique et je ne vais pas ignorer les victimes africaines.
Allez-vous poursuivre les crimes commis en Irak, juste pour donner un exemple ou dans d’autres pays, récemment ? Nous pouvons citer l’Irak, l’Afghanistan. Engagerez-vous des poursuites dans de tel cas?
L.O. : Je pense que c’est du néocolonialisme que d’essayer de protéger ceux qui ont commis des atrocités parce que c’est en Afrique. Vous pouvez dire qu’il y a eu d’autres cas qui auraient dû connaître une poursuite judiciaire mais qui ne l’ont pas été, cela est vrai. Mais malheureusement, je n’ai aucune juridiction en Irak, ni au Sri Lanka, ni au Liban, ni dans d’autres pays du monde où sont commis des crimes. Je ne peux pas faire cela car je n’ai aucune juridiction là-bas. Je suis les cas que je dois suivre….
Revenons au cas de M. Laurent Gbagbo. Je voudrais mentionner que selon les statuts de la Cpi, un cas est transféré à la Cpi lorsque le pays est incapable de juger le cas. Est-ce le cas en Côte d’Ivoire, où, lorsque nous nous referons à la décision que vous avez prise dans le cas de la Libye, où vous autorisez le système judiciaire du pays dans le cadre du fils de Kadhafi de le poursuivre. Alors qu'à tout point de vue, le système judiciaire n’existe pas du tout dans ce pays? Comment comparez-vous ces deux cas? Voulez vous nous dire que le système judiciaire ivoirien s’est totalement effondré au point qu’il ne soit pas capable de juger un tel cas et que celui de la Libye présente une situation beaucoup plus meilleure?
L.O. : C’est un débat intéressant que vous soulevez là, mais je ne sais pas quoi dire, c’est impossible pour moi de vous entendre, donc je suis désolé pour cela. Mais je vous invite à continuer le débat un autre jour où sûrement le système de communication sera meilleur, mais en ce moment je ne peux pas comprendre ce que vous dites. Cependant je voudrais insister sur le fait que la Cpi est une justice internationale qui est là pour rendre justice, là où personne d’autre ne voulait rendre justice. Rendre justice aux victimes là où cela avait été négligé, contre les ex-chefs d’État qui ont commis des crimes et atrocités lorsqu’ils étaient au pouvoir. Ceci n’arrivera plus encore. Nous sommes là pour rendre justice.
Source : Al Jazeera