Etre au pouvoir et à la tête de certains ministères stratégiques permet de régler des choses, mais aussi de faire des abus. Il y en a eu au cours des législatives du 11 décembre 2011. La force et la puissance de l'Etat ont failli s'exercer et s'exprimer à Cocody. La sagesse et la vigilance du Président de la République, ont empêché le drame. Après un long dépouillement, et une grande vigilance des deux camps, Yasmina Ouégnin parvenait à une victoire à Cocody avec un peu plus de 500 voix d'avance. Seulement cinq cent voix. Dans la douleur et les larmes, le petit poucet que le Président Bédié a du mal à soutenir, a réussi à se faire un prénom à côté du nom de famille. Mais la liste RDR conduite par madame Kanaté n'est pas en tête. Elle introduit un recours en annulation pour deux résultats obtenus dans deux bureaux de vote. Les PV auraient été signés par la même personne, les suffrages exprimés seraient plus élevés que les inscrits dans le centre, les PV auraient été remplis au crayon. Des anomalies que le RDR veut mettre dans sa réclamation. L'enjeu est réel : il permet la victoire de Mme Kanaté. Mais en en même temps, c'est dérisoire: dans un tel cas de figure, le Rdr ne gagne qu'avec 78 voix d'avance. C'est si maigre! Les délégués du Pdci et de Yasmina mettent en garde contre un hold-up. Ils rappellent le Rhdp et la famille houphouëtiste. Mais le Rdr Cocody veut aider le parti à réaliser le grand chelem partout. La tension a commencé à monter. Au Pdci, on digère déjà mal d'avoir perdu le bastion historique de Treichville, lieu de création du parti, on prend aussi mal la défaite à Yamoussoukro. On accepte parce que le Rdr est Houphouëtiste. Mais Cocody est le nouveau symbole de la résistance et du renouveau Pdci. En l'absence de LMP arrivée premier même au second tour de la présidentielle, avec le Rhdp réuni, le Pdci qui a eu seulement deux mille voix d'avance sur le Rdr à l'époque, reste sur le pied de guerre. L'affaire est portée à la connaissance du Ministre Hamed Bakayoko, parrain de la liste Kanaté-Nguessan. "Si nous perdons à Cocody, avec le soutien des présidents Ouattara et Bédié, c'est que nous n'avons pas d'avenir ", avait dit le ministre pour galvaniser, mettant en garde les démons de la division. En portant à la connaissance du parrain de la liste, le contentieux, le Rdr espérait avoir son soutien. Hamed Bakayoko a pour principe d'avertir le chef de l'Etat quand il s'agit de prendre des décisions importantes d'Etat, pour éviter de mettre Ouattara en situation de le désavouer ou d'endosser une décision dont il ignore les motivations et les justifications. Sur cette base, le ministre d'Etat, Hamed Bakayoko, consulte le président Alassane Ouattara. Et lui présente la situation du terrain. Quand il part vers ses filleuls, le ministre de l'Intérieur n'a pas une bonne nouvelle: " Il faut laisser tomber et accepter la victoire de Yasmina. L'écart est si mince que ça ne vaut pas la peine d'annuler les résultats litigieux. Après tout, le Pdci est un allié, et la majorité est acquise partout. Ensuite en 90, Cocody avait bien eu un député de l'opposition. Même allié, le Pdci reste un peu dans l'opposition". La mort dans l'âme, Mme Kanaté et son staff, au sein duquel l'apport de Daniel Nguessan a été décrié, accepte la décision. L'on apprend aussi que le président Ouattara s'est appesanti sur le taux de 15 pour cent enregistré à Cocody. Il a donc demandé au parti de mener une réflexion pour connaître les causes de cette démobilisation, au-delà des explications convenues et nationales. Pour le président de la République, si les militants étaient sortis davantage, Mme Kanaté ne serait pas en train de batailler pour gagner avec 78 voix. On venait ainsi d'échapper à une crise postélectorale, grâce à la sagesse du Président Ouattara, sans oublier la vigilance du ministre de l'Intérieur qui a pu se départir du réflexe militant et partisan, que la bien nommée Yasmina Ouégnin dénonçait.
Charles Kouassi
Charles Kouassi