Cette déclaration est préliminaire. Un rapport final sera publié quelques mois après la fin du processus électoral.
Les élections législatives du 11 décembre 2011 sont une étape important pour le rétablissement de la normalité institutionnelle en Côte d’Ivoire. Elles marquent aussi l’achèvement du processus de sortie de crise de l’Accord politique de Ouagadougou. Le Centre Carter tient à souligner le caractère généralement apaisé du vote et l’absence d’incidents sécuritaires majeurs lors du scrutin, qui s’est pourtant tenu dans un contexte fragilisé par les conséquences politiques et sociales de la crise post¬électorale de 2010¬2011.
La participation de l’opposition aux élections a fait l’objet de négociations entre celle¬ci et le gouvernement. Le résultat des négociations a été diversement apprécié. Des formations politiques et personnalités ont décidé de prendre part aux élections, tandis que d’autres, notamment le Front Populaire Ivoirien (FPI), ont refusé.
Le Centre tient à saluer la population ivoirienne, tout comme les acteurs politiques, pour la retenue observée lors du scrutin, indépendamment de leurs points de vue respectifs et ce malgré les tensions observées au plan local, dans certaines circonscriptions, à l’approche du scrutin. Le taux de participation, qui n’a pas encore été communiqué mais sera vraisemblablement peu élevé, est attribuable à de multiples facteurs et ne doit pas faire l’objet d’interprétations abusives.
Le Centre Carter encourage toutes les parties ivoiriennes à poursuivre le dialogue et à s’inscrire dans une dynamique de réconciliation nationale. Le Centre estime que d’importantes réformes électorales devraient être envisagées dans un futur proche, bien que s’ouvre un nouveau cycle électoral national. Le Centre appelle aussi les acteurs ivoiriens à se saisir de l’opportunité des futures élections locales pour entretenir la réconciliation. Enfin, il rappelle que la reprise du processus d’identification des populations devra également figurer parmi les priorités ainsi que l’examen des moyens propres à répondre aux lacunes de la liste électorale.
Le Centre Carter poursuit son observation du recensement des résultats et appelle les institutions et les autorités nationales à maintenir une stricte neutralité dans l’exercice de leurs prérogatives.
Les principales conclusions préliminaires de la mission d’observation du Centre Carter sont les suivantes :
• Le caractère ouvert du processus. Le Centre Carter relève le caractère ouvert de l`accès à la candidature. Le choix de participer à une élection relève uniquement du choix des acteurs concernés. Le Centre constate néanmoins que les élections de ce dimanche 11 décembre sont les troisièmes élections législatives consécutives caractérisées par la non participation d’un ou plusieurs politiques. Ceci devrait conduire les acteurs à se pencher sereinement sur les raisons profondes qui conduisent à ce type de choix.
• Un recul important de la participation: Les élections législatives n`ont pas suscité le même engouement que les élections présidentielles. Du point de vue du Centre Carter, les facteurs explicatifs sont multiples et il n’y a pas lieu de se livrer à des raccourcis. Le choix d`un électeur de ne pas se présenter aux urnes peut être motivé par de nombreuses considérations : le manque d’intérêt pour les élections législatives, jugées moins déterminantes, le désenchantement consécutif à la crise qui a suivit l’élection présidentielle, les dynamiques liées aux nominations des candidats par les partis politiques, une sensibilisation moins appuyée, une campagne électorale morose, etc. L’abstention du FPI est un élément important mais qui ne concourt pas seul à la baisse de la participation.
• Un cadre légal ad hoc. Le cadre légal qui régit les élections législatives résulte de l’accumulation de textes légaux, d’accords politiques et de décisions prises pour répondre à des situations spécifiques. Les dispositions relatives aux législatives comportent des lacunes, des zones grises et des contradictions. Le Centre Carter recommande qu’une révision complète du cadre légal électoral soit conduite, sur la base des enseignements tirés des élections de 2010 et 2011. Le Centre considère par ailleurs que le découpage électoral devrait être revu à la lumière du principe de l’égalité du suffrage.
• L’impartialité de l’administration électorale. En dépit des débats sur sa composition, la CEI, dans sa gestion des élections, semble avoir opéré avec impartialité. La CEI n’a pas toujours su imposer le respect de toutes les dispositions légales mais cela ne s’est pas accompagné de discriminations. Les moyens de renforcer l’autorité et les structures de l’administration électorale sont à envisager au même titre et en même temps que la révision du cadre légal. Ce renforcement passe aussi, sans doute, par une rationalisation et une professionnalisation.
• • Des lacunes dans la liste électorale. Les contraintes techniques et budgétaires ainsi que le calendrier électoral ne permettaient pas d’envisager la réouverture de la liste. Des centaines de milliers d’électeurs potentiels, pour des raisons variables, tenant essentiellement aux
• conditions de son établissement, ne figurent pas dans la liste. Le Centre Carter invite les autorités ivoiriennes à se pencher sur cette question et à identifier les moyens les plus adéquats pour assurer qu’à l’avenir, les élections soient conduites sur la base d’un fichier électoral à la fois, inclusif, fiable et à jour.
• Une campagne électorale globalement apaisée. Les candidats ont généralement pu faire campagne librement et en sécurité. Les incidents enregistrés ne remettent pas en cause cette appréciation. Le Centre Carter déplore toutefois le laxisme des autorités en matière d’encadrement des activités de campagne, en particulier vis¬à¬vis de la pratique généralisée de la pré¬campagne qui favorise les candidats doté de moyens importants et de l’utilisation des moyens de l’Etat par les candidats occupant des fonctions gouvernementales. La pratique récurrente de distribution d’argent ou de biens dans le cadre de la campagne, malgré sa prohibition par le Code pénal, est également traitée de manière laxiste.
• L’absence de réglementation en ce qui concerne le financement de la campagne. Il n’existe pas de réglementation relative aux sources de financement, au plafonnement des dépenses ou encore à la publication des comptes. Ce vide favorise également les candidats disposant de sources de financement importantes et nuit à la transparence de la compétition. Le déséquilibre en termes de moyens était particulièrement visible entre les candidats issus de partis politiques bien établis et les autres candidats, ce qu’aucun mécanisme de financement public n’est venu corriger. Le Centre Carter souligne la nécessité d’établir et de mettre en œuvre des règles sur le financement de campagne en vue d’assurer des conditions de compétition plus équitables.
• La faible participation des femmes à la compétition électorale. Le nombre réduit de femmes candidates illustre la nécessité de mettre en œuvre des mesures structurelles pour assurer une meilleure représentation des femmes dans la vie politique. Bien qu’il soit difficile d’introduire des mesures susceptibles de garantir l’équilibre dans les limites du système majoritaire en vigueur, des mesures incitatives, notamment à la faveur des partis politiques qui contribuent à la participation féminine, sont envisageables et devraient être considérées.
• Une sensibilisation peu convaincante des électeurs. Le Centre Carter regrette que l’importance de cet aspect essentiel de l’organisation des élections continue d’être sous¬estimée. Les informations et les messages de la CEI ont été principalement véhiculés à travers les médias audiovisuels, qui ne sont pas nécessairement accessibles à l’ensemble de la population. Tout en saluant les initiatives menées par les organisations de la société civile à cet égard, le Centre Carter souligne qu’elles ne peuvent, à elles seules, répondre aux besoins existants. La responsabilité première, en matière d’éducation et de sensibilisation, incombe à l’État et à l’administration électorale, qui doivent assurer que des stratégies à plus long terme soient mise en place pour atteindre ces objectifs.
• La participation des représentants des candidats et des observateurs. Le Centre Carter salue la présence significative des représentants de candidats, y compris pour les candidats indépendants, dans les bureaux de vote lors du scrutin et aussi pendant la consolidation des résultats. Les observateurs nationaux se sont déployés en nombre conséquent à travers le pays pour suivre les opérations électorales, en dépit des difficultés résultants de certains retards dans la délivrance des badges d’accréditation par la CEI.
• L’absence d’un cadre clair pour la campagne médiatique. Le Code électoral ne régule pas l’accès aux médias publics durant la campagne pour les élections législatives. Le Centre Carter note néanmoins que la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle, se fondant sur les principes généraux d’accès équitable, a – bien que tardivement – pris l’initiative de
rappeler la nécessité d’assurer un équilibre entre candidats, dans les circonscriptions faisant l’objet d’une couverture médiatique.
Contexte : Le Centre Carter a reçu une lettre d’invitation de la Commission électorale indépendante (CEI) pour observer les élections législatives. Le Centre a déployé 18 observateurs de moyen terme trois semaines avant le scrutin, et 12 observateurs de court terme la semaine précédant les élections. Les observateurs déployés à travers le pays ont visité plus de 140 bureaux de vote. La mission, forte de 19 nationalités, a été dirigée par Mme Sarah Johnson, Directrice adjointe au Programme Démocratie du Centre Carter. Le Centre Carter restera en Côte d’Ivoire pour observer la phase finale de l’agrégation des résultats, ainsi que la résolution d’éventuels contentieux.
Le Centre Carter est présent en Côte d’Ivoire depuis 2008. Le Centre a observé le processus d’identification et de recensement électoral, le contentieux de la liste électorale provisoire et les élections présidentielles de 2010. La mission du Centre Carter en Côte d’Ivoire est appuyée par un bureau à Abidjan, dirigée par Mme Sabina Vigani.
La mission évaluera le processus électoral par rapport à la Constitution et au Code électoral, ainsi que par rapport aux engagements pris dans le cadre des Accords de Ouagadougou et des accords précédents, ainsi que des engagements régionaux et internationaux de la Côte d’Ivoire. La mission d’observation du Centre conduit ses activités conformément à la Déclaration de Principes pour l’Observation Internationale d’Élections et le Code de Conduite, qui a été adoptée aux Nations Unies en 2005 et a été endossée par 37 groupes d’observation électorale. Le Centre Carter publiera des déclarations périodiques, accessibles sur son site Internet : www.cartercenter.org.
« Faire progresser la Paix. Combattre les Maladies. Construire l’Espoir ». Organisation non gouvernementale à but non lucratif, le Centre Carter a aidé à améliorer les conditions de vie des populations dans plus de 70 pays, par la résolution de conflits, la promotion de la démocratie, des droits de l`homme et des opportunités économiques, par la prévention de maladies, en améliorant les soins de santé mentale, en formant des agriculteurs à l’accroissement de la production des récoltes dans les pays en développement. Le Centre Carter a été fondé en 1982 par l`ancien Président des États¬Unis Jimmy Carter et son épouse Rosalynn en partenariat avec l’Université Emory, dans l’objectif de faire progresser la paix et la santé à travers le monde.
Conclusions préliminaires
CONTEXTE POLITIQUE
Les élections législatives du 11 décembre 2011 en Côte d’Ivoire doivent marquer la fin d’une longue période de crise. La tenue du scrutin était essentielle pour renouveler le mandat du parlement en Côte d’Ivoire1. Pour les nouvelles autorités ivoiriennes, ces consultations électorales représentent une étape importante pour rétablir l’ordre constitutionnel et la stabilité politique après plusieurs années de conflit.
Les élections présidentielles de 2010 ont fait l’objet de contestations majeures. Après le second tour du 28 novembre, la Commission électorale indépendante (CEI) a annoncé les résultats préliminaires qui donnaient gagnant Alassane Ouattara, le candidat du Rassemblement des Républicains (RDR). Toutefois, le Conseil constitutionnel, après avoir annulé les résultats de 13 départements du Nord, a proclamé le candidat de La majorité présidentielle (LMP), Laurent Gbagbo, vainqueur.
Les observateurs du Centre Carter n’ont constaté aucune irrégularité systématique de nature à modifier significativement les résultats. Les conclusions de la mission du Center indiquaient en effet que le second tour était conforme avec les standards internationaux et que le Conseil constitutionnel, en annulant partiellement les résultats, avait pris une décision non conforme au droit ivoirien.
Le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies (RSSG) en Côte d’Ivoire a certifié les résultats tels qu’annoncés par la CEI, qui ont également été reconnus par la communauté internationale. Cette situation a plongé le pays dans une intense période de violence qui s’est terminée, près de 5 mois après les élections, avec la prise d’Abidjan par les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire, principalement composées des anciennes Forces Nouvelles. L’ancien président Laurent Gbagbo a été arrêté le 11 avril 2011.
La défaite politique et militaire de l’ancien camp présidentiel a profondément modifié le paysage politique ivoirien. Le Front populaire ivoirien et quelques petits partis proches de Gbagbo – regroupés depuis 2006 au sein du Congrès national pour la résistance et la démocratie (CNRD) – ont été déstabilisés alors que nombre de leurs leaders se sont retrouvés en exil ou en prison. De nouvelles entités politiques telles que Liberté et Démocratie pour la République (LIDER) et Cap¬Unir pour la Démocratie et le Développement (Cap¬UDD) ont vu le jour à l’approche des élections législatives. Les partis du CNRD ont posé des conditions spécifiques à leur participation au processus électoral, parmi lesquelles, la libération de Gbagbo. Les négociations avec le pouvoir ne progressant pas suffisamment, de son point de vue, le FPI a décidé de boycotter les élections législatives de 2011. Dans ce contexte, le parti a suspendu ses 38 membres qui s’étaient présentés en tant que candidats indépendants. Les autres partis du CNRD
1Le mandat de l’Assemblée, d’une durée de 5 ans, s’est achevé en 2005.
ont hésité entre retrait et participation2.
Le 29 novembre, moins de 2 semaines avant la tenue des élections, Gbagbo a été transféré à la Cour pénale internationale pour répondre de quatre chefs d’accusions de crimes contre l’humanité. Certains des partis affiliés au CNRD, et qui avaient procédé à la nomination de candidats, se sont brièvement retirés du processus électoral avant de le réintégrer sur la base de négociations touchant notamment la libération des membres du parti. Côté FPI, 16 des 38 candidats indépendants se sont retirés du processus.
Pendant le deuxième tour des élections présidentielles, Ouattara a bénéficié du report des voix d’une coalition de partis réunis au sein du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP)3. Cette coalition devait procéder à la nomination de ses candidats de façon coordonnée pour les élections législatives.4 Toutefois, à l’exception de deux listes de candidats, les partis, incapables de se mettre d’accord, ont présenté leur candidature en rangs « séparés mais pas dispersés ». Cette situation a créé des tensions alors que les alliés d’hier se faisaient dorénavant face dans les circonscriptions. Au sein même des partis du RHDP, le processus de nomination a également généré des mécontentements qui se sont notamment traduits par la candidature de nombreux membres sous l’étiquette d’indépendant.
Pendant les négociations qui ont débouché sur l’Accord de Pretoria en 2005,5 les parties ivoiriennes ont invité les Nations Unies à jouer un rôle dans le cadre des élections présidentielles et législatives afin de ramener la confiance entre elles. Le mécanisme mis en place a pris la forme d’un mandat selon lequel le RSSG « certifiera que tous les stades du processus électoral fourniront toutes les garanties nécessaires pour la tenue d’élections présidentielles et législatives ouvertes, libres, justes et transparentes, conformément aux normes internationales » 6 et aux « critères arrêtés d’un commun accord » 7. En étroite collaboration avec le RSSG, le Président Blaise Compaoré, du Burkina Faso, facilitateur de l’Accord politique de Ouagadougou de 2007, a également entretenu des contacts avec les différents acteurs et a tenté de créer les conditions d’un dialogue politique.8
CADRE JURIDIQUE
La Constitution de la République de Côte d’Ivoire garantit les droits humains et politiques fondamentaux, ceci inclut, entre autre, le droit de vote pour tout citoyen âgé de 18 ans et plus, les libertés d’assemblée, d’opinion et de manifester, ainsi que le droit d’association. Les partis
2 Au final, certains partis ont décidé de nommer des candidats (par. ex. UDCY, Cap¬UDD et MNC¬Alternatives), alors que certains membres de ces partis se sont inscrits sous la bannière du Cap¬UDD (par ex. URD, UDCY, UNG, AIRD). 3 La coalition comprend le RDR, le PDCI, l’UDPCI, le MFA, une faction du PIT et l’UPCI, nouvellement créé. 4 Pour les législatives, les membres de la coalition avaient prévu de présenter leurs candidatures de façon concertées dans les zones où le RHDP avait obtenu moins de 50% des voix lors des présidentielles. 5 Signé le 6 avril 2005 6 S/RES/1765(2007) 7 S/RES/2000(2011). Les critères cadres ont initialement été élaborés dans le 16ième Rapport du Secrétaire Général sur l’ONUCI (S/2008/250, § 32). Il s’agit de la paix, de l’inclusion, des médias d’État, de la liste électorale et des résultats. 8 Du 4 mars 2007
politiques constitués sur une base régionale, religieuse ou ethnique sont interdits. L’Article 32 fonde l’obligation d’organisation des élections par une commission électorale indépendante. Les autorités publiques ont l’obligation constitutionnelle de respecter, protéger et promouvoir les droits individuels fondamentaux.
La Côte d’Ivoire a également signé et ratifié une série de traités internationaux pertinents pour la conduite des élections. Ces traités comprennent le Pacte international relatif aux droits civils et politiques9, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention sur les droits politiques de la femme, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la Femme, la Charte africaine sur la démocratie, les élections et la gouvernance, la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption, et – dans le cadre de la CEDEAO – le Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance.10
Dans le cadre de la sortie de crise, le cadre juridique a été régulièrement adapté pour prendre en compte des considérations politiques sur une base ad hoc. Le cadre en vigueur pour l’organisation des élections législatives est composé d’un ensemble de textes, à commencer par la Constitution et le Code électoral11, du cadre établi par l’Accord politique de Ouagadougou12et des amendements au cadre légal imposés par cet accord. Le résultat est un ensemble fragmenté, composé de textes divers, de niveau juridique variable, contradictoire sur certains aspects et comportant des lacunes.
Les acteurs politiques et électoraux ont régulièrement ignoré des obligations légales qui s’avéraient incompatibles avec des préoccupations ou des attentes politiques. Cette tendance peut être considérée comme résultant d’une situation politique complexe. Elle a néanmoins affaibli la loi comme instrument guidant le processus électoral. Les amendements portés au Code électoral en 2008 ont principalement visé les chapitres relatifs à l’organisation de l’élection présidentielle, laissant ceux relatifs aux élections législatives intacts.
Le Centre Carter encourage la nouvelle Assemblée Nationale élue à réviser et réformer le cadre légal actuel pour combler les vides et corriger les incohérences existantes largement en avance du prochain cycle électoral.
SYSTEME ELECTORAL
L’Assemblée Nationale est élue sur base du système majoritaire simple. Il existe 169 circonscriptions uninominales et 36 circonscriptions plurinominales, pour un total de 255 sièges. Le gouvernement a accru le nombre de sièges de 225 à 25513 . Les sièges sont alloués aux candidats ou listes de candidats qui obtiennent le plus grand nombre de suffrages valides exprimés.
9 Ratifié le 18 mars 1968. 10 Protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance, additionnel au Protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion et de résolution des conflits, au maintien de la paix et à la sécurité. 11 Loi n° 2000¬514 du 1er août 2000. Le Code électoral a été amendé suite à l’Ordonnance n° 2000¬133 du 14 avril 2008. 12 L’accord politique de Ouagadougou a été signé le 4 mars 2007. 13 Décret n° 2011¬264 de 28 sept 2011
Dans le cadre d’un système majoritaire, le découpage électoral est particulièrement critique. Selon les obligations internationales comme les principes constitutionnels, l’égalité entre électeur devrait être respectée.14 En Côte d’Ivoire, il appartient à la CEI de proposer un découpage mais la décision finale appartient au gouvernement. La proposition initiale de la CEI n’a pas été rendue publique, ce qui ne permet pas d’évaluer la portée des changements apportés par le gouvernement. Il n’existe pas de base légale contraignante en ce qui concerne le découpage. La distribution des sièges en 2011, et la carte électorale qui en découle, aurait été basée sur la population estimée, la taille des départements et le nombre de localités15ainsi que sur des critères additionnels garantissant l’allocation d’un siège par département et le maintien au minimum du nombre de sièges alloués précédemment à chaque département. Les nouvelles délimitations administratives ont également influé sur le découpage.
Le Centre Carter exprime sa grave préoccupation que le découpage perpétue les distorsions dans le niveau de représentativité de chaque siège. Les variations constatées sont de l’ordre de 1 à 50. La distribution des sièges favorise les régions du nord, à faible densité de population, et défavorise les zones urbaines. Ceci est aussi particulièrement vrai pour Abidjan, qui représente pratiquement 30% de l’électorat mais ne représente que 10% des sièges. Bien que le Centre Carter reconnaisse qu’il est difficile d’assurer une distribution équitable des sièges dans une situation ou un centre urbain domine et où la densité de population varie significativement, en particulier dans le cadre d’un système unicaméral, les obligations de l’Etat en matière de représentation ou le droit constitutionnel à l’égalité de traitement devrait prévaloir16 . Le gouvernement et la Commission devraient faire tout son possible pour prendre des décisions transparentes basées sur des critères juridiques et objectifs17 .
L’ADMINISTRATION ELECTORALE
Une autorité électorale indépendante et impartiale qui fonctionne de manière transparente et professionnelle est reconnue internationalement comme un moyen d’assurer que les citoyens soient en mesure de participer à des élections véritablement démocratiques, et que d’autres obligations internationales liées au processus électoral puissent être satisfaites.18
En tant qu’organe indépendant chargé des élections, la CEI est responsable de la mise en œuvre et de la supervision de toutes les opérations électorales et est investie d’une autorité légale considérable. La composition actuelle de la CEI a été établie en 2006, et consiste en 31 membres19 désignés sur la base de la formule de l’Accord de Pretoria. Ce dernier prévoyait deux représentants pour chacun des dix signataires de l’Accord de Linas¬Marcoussis, ainsi que
14 Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ICCPR), UN, art. 25(b). 15 La formule utilisée marie chiffre estimé de la population sur base des projections du recensement de 1998 (55%), taille des départements (25%) et nombre de localité (20%). 16 Le principe de l’égalité du vote est au fondement de l’ensemble des traités internationaux pertinents, à commencer par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’Article 33 de la Constitution stipule que « Le suffrage est universel, libre, égal et secret”. 17 Comité des droits de l’Homme, ONU, Commentaire Général 25 18 Idem, para. 20 19Le nombre actuel est de 30 membres, le poste réservé au représentant du Président de l’Assemblée Nationale étant vacant, depuis que le mandat de l’Assemblée a été déclaré terminé par le Président Ouattara.
d’autres membres représentant des ministères, le Président de la République, le Président de l’Assemblée Nationale et la magistrature20 .
Suite au changement de gouvernement après les élections présidentielles, la CEI a été remaniée en août 201121 , avec la nomination de nouveaux membres représentant le Président de la République, les ministères concernés, le Conseil Supérieur de la Magistrature. Le RDR, le PIT et les ex¬mouvements rebelles ont également saisis cette opportunité pour désigner de nouveaux représentants. Les représentants désignés par l’administration précédente dans les commissions régionales, départementales et locales n’ont pas été systématiquement remplacés22 .
Les partis d`opposition réunis dans le cadre du CNRD ainsi que le LIDER ont critiqué la composition de la CEI et ont appelé à un rééquilibrage de l’institution. Un cinquième poste de Vice¬Président destiné au FPI a été institué par ordonnance, qui est cependant resté vacant, ce parti n’ayant pas participé au processus.
Afin de mener ses travaux, la CEI a créé des commissions à chaque niveau administratif, y compris 19 commissions régionales, chacune placée sous la supervision directe d’un commissaire de la CEI, 75 commissions départementales, 45 commissions communales et 263 commissions sous¬préfectorales.23 Ces structures dupliquent essentiellement la composition de la commission centrale, et comptent un total de plus de 10.000 commissaires. La structure actuelle de la CEI est calquée sur l’ancienne organisation administrative et n’a pas été modifiée malgré la récente réorganisation. Au vu des délais serrés laissés à la CEI, il aurait été impossible de reconfigurer le niveau inférieur de l’administration électorale, y compris de l’adapter aux nouvelles circonscriptions électorales avant la tenue des élections.
La CEI a géré les incohérences entre la structure de l’administration électorale et les circonscriptions électorales récemment reconfigurées, en désignant 150 commissions comme « commissions de référence » ou « commissions sièges ». Ces commissions étaient chargées de recevoir et consolider les résultats au niveau local, avant de les transmettre aux commissions départementales et régionales. Malheureusement, la liste des 105 « commissions de référence » a été communiquée une semaine à peine avant le scrutin, rendant ainsi difficile pour les commissaires locaux de planifier les opérations en conséquence.
Dans la foulée de la crise post¬électorale, le Centre Carter avait encourage les principaux acteurs à envisager des ajustements provisoires à la CEI, afin de rétablir la confiance entre toutes les parties en prélude à la préparation des élections législatives. Bien que ce ne fut pas entrepris, la CEI semble avoir exercé ses fonctions de manière impartiale.
Alors que la CEI avait initialement suggéré la tenue des élections législatives au cours du premier trimestre de 2012, la date du 11 décembre 2011 a été motivée par des considérations
20 Vingt membres pour les signataires, avec voix délibérative, et 11 membres pour les représentants de ministères et des institutions, avec voix consultative. 21 Décret n° 2011¬207, août 2011, Nomination et remplacement des membres de la CEI 22La CEI a estimé que le processus de désignation de nouveaux représentants jusqu’au niveau local aurait été un processus trop long, incompatible avec les contraintes du calendrier électoral. 23 Commission Electorale Régionale, (CER), Commission Electoral Départementale (CED), Commission Electorale Sous¬Préfectorale (CESP), and the Commission Electoral Communale (CEC).
externes sans rapport avec l`administration électorale. Le Centre Carter constate que la CEI a dû préparer ces élections suivant un calendrier très serré, laissant peu de flexibilité.
Au cours du processus qui a mené aux élections présidentielles, la CEI a dû prendre en considération les circonstances politiques. Par conséquent, elle a souvent évité de prendre des décisions politiquement sensibles. Cette tendance était à nouveau perceptible pendant les préparatifs pour les législatives, lorsque, par exemple, la période pour l`inscription des candidats a été prorogée à deux reprises au profit de partis politiques. Les délais imposés par les grands partis politiques pendant le processus de nomination des candidats a également affecté les délais de production et livraison des bulletins de vote, ce qui a exercé une pression considérable sur la CEI et ses partenaires pour conditionner les matériaux sensibles et les acheminer à temps dans les circonscriptions locales.24 Bien qu`ils démontrent les limites de l`autonomie la CEI et les difficultés à exercer pleinement ses compétences dans un contexte politique sensible, les efforts de la Commission visaient à appuyer un processus électoral ouvert sans exacerber les tensions politiques.
Malheureusement, ces efforts ne se sont pas étendus à la communication externe efficace et à la transparence de la CEI et de ses travaux. Tant les parties prenantes au processus que le public ont eu des difficultés à recevoir des informations de la CEI sur ses travaux et ses décisions. Les réunions de la CEI étaient généralement fermées au public et l`information est rarement partagée par les voies officielles. Ce manque de transparence empêche l`accès à l`information pour mieux permettre la participation active dans les affaires civiques de son pays. Bien que la CEI ait régulièrement communiqué des informations sur le processus à travers des conférences de presse et déclarations publiques, des informations détaillées sur les décisions, les instructions et les procédures adoptées par la CEI ne sont généralement pas mis à la disposition du public.
La communication interne et la coordination entre la CEI et de ses organes subsidiaires sont également insuffisantes. Par moments, les commissaires locaux ont reçu des informations essentielles par le biais du téléphone ou lors de réunions avec les superviseurs régionaux, plutôt que les communications officielles. Selon les rapports des observateurs, les commissaires locaux ont été informés des procédures électorales, telles que le déploiement du matériel électoral sensible et le processus pour la compilation des résultats seulement sept jours avant le scrutin au cours des formations tenues par les superviseurs régionaux.
Un commissaire local a également informé les observateurs du Centre Carter qu’il avait appris à la télévision l’introduction de certains changements de procédure clés, plutôt que par une notification officielle de la CEI. C’est ainsi qu’il avait été mis au courant de la possibilité pour les électeurs qui ont perdu leur carte d’identité et carte d`électeur, de se rendre aux urnes avec une attestation d’identité. Les observateurs du Centre ont également indiqué que la CEI n`a pas donné suite à l`annonce par une campagne d`information à l`échelle locale, sapant l`occasion pour les citoyens d`obtenir des informations pouvant influencer leur capacité à voter.25
24In Bondoukou, Koun Fao and Bouna, le matériel électoral sensible est parvenu au niveau départemental moins de 48 heures avant le scrutin, contrairement aux cinq jours d’avance initialement planifiés. 25Les commissaires locaux ont également souvent travaillé dans des conditions difficiles. Pendant la crise post¬électorale, de nombreux sièges de commissions ont été détruits ou saccagés. Certains ont été relocalisés. Malgré les efforts de la CEI en coopération avec l’ONUCI pour remplacer le matériel endommagé dans les violences post¬
Contrairement à d’autres informations, les procédures de vote et de dépouillement, analogues à celles appliquées pendant les élections présidentielles, ont été établies en temps utile par la CEI. Les commissaires locaux et les membres des bureaux de vote ont reçu une formation en cascade sur ces procédures, dans la semaine précédant les élections.
Cependant, les procédures sur la transmission et la tabulation des résultats sont restées incertaines jusqu`à la veille des élections. La CEI a publié un communiqué de presse le 2 décembre en indiquant que, comme pendant les élections présidentielles, les autorités électorales allaient conduire à la fois une tabulation manuelle ainsi qu’une tabulation électronique des résultats. Le Centre Carter a demandé et obtenu un document de la CEI décrivant les procédures adoptées. Ce document était identique au protocole pour la transmission et la tabulation des résultats élaborés par la CEI entre les deux tours des élections présidentielles, simplement la date a été changée à la main. Les observateurs du Centre Carter ont relevé qu’une semaine avant le scrutin, la majorité des commissions départementales et locales étaient toujours en attente des instructions précises.
L’adoption en temps opportun et la communication des procédures par les autorités électorales est indispensable pour permettre la formation adéquate des agents électoraux, ainsi que pour informer les intervenants et le public en général. Le Centre Carter encourage vivement l’administration électorale à renforcer la communication interne et externe, ainsi que les capacités des intervenants pour suivre le processus de manière efficace. Le Centre encourage également la Commission à publier ses décisions et documents de manière plus systématique à travers une diversité de canaux et d`ouvrir les réunions à la participation du public.
LA SENSIBILISATION DES ELECTEURS
Des efforts d’éducation des électeurs sont nécessaires pour garantir un électorat bien informé et en mesure d’exercer effectivement son droit de vote26 . L’accomplissement de l’obligation internationale d’assurer le suffrage universel dépend partialement d’une sensibilisation des électeurs effective27 .
La CEI a fait peu d’efforts dans le domaine de la sensibilisation des électeurs. Dans les deux semaines précédant le scrutin, des panneaux ainsi que des affiches produites par la CEI étaient visibles en zone urbaine surtout. Toutefois, le matériel de sensibilisation était largement absent des bureaux de vote. Avec le soutien des partenaires internationaux, la CEI a produit une courte vidéo simulant les opérations de vote et dépouillement. La vidéo a été diffusée à la télévision nationale quatre fois, après le journal du soir, dans la semaine précédant les élections. Bien que cette initiative ait pu contribuer aux efforts de sensibilisation des électeurs, le Centre Carter note que la sensibilisation par les médias audiovisuels est à elle seule insuffisante pour satisfaire les besoins existants, surtout que ceux¬ci ne sont pas accessibles à l’ensemble de la population28 .
électorales, les observateurs ont rapporté des cas de commissions locales qui manquaient toujours d’équipements tel que des chaises et des ordinateurs à Gagnoa, Duékoué, Man, Bangolo, Agboville, Bouaké, Gboguhé, et Bonoua. 26 PIDCP, Art. 25; Le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unis, Commentaire générale 25, paragraphe 11. 27 Le Comité norvégien d’Helsinki, Manuel pour l’Observation Electorale, sec. 5.5 28 Les statistiques établies par la CEI après les deux tours des élections présidentielles s’agissant des bulletins nuls ont mis en lumière des différences régionales significatives. En effet, dans les régions les moins développées le
Les observateurs du Carter Center ont rencontré des organisations de la société civile qui étaient engagés dans la sensibilisation des électeurs dans plusieurs régions. Toutefois, des écarts significatifs ont été perceptibles entre les régions, nombreuses n’ayant bénéficié d’aucune activité de sensibilisation29 . A l’approche du scrutin, des partis politiques ont approché leurs partisans pour leurs expliquer comment voter.
Alors que les partis politiques et les organisations de la société civile peuvent contribuer aux efforts de sensibilisation, les bonnes pratiques internationalement reconnues indiquent qu’une sensibilisation impartiale et cohérente relève de la responsabilité première des organes d’Etat, et en particulier, des autorités électorales.
Les observateurs du Centre Carter ont fait état d’initiatives de certaines commissions électorales locales pour atteindre l’électorat, mais ces activités étaient limitées dans leur portée et étaient principalement basées sur la motivation des personnes impliquées. La CEI aurait pu faire un meilleur usage des commissions locales à travers le pays pour augmenter les efforts de sensibilisation des électeurs, bien que ces activités aient dû être inscrites au budget et les fonds mobilisé en temps opportun.
La crise qui a suivi les élections présidentielles a aussi montré que la sensibilisation des électeurs devait aller au¬delà de la mobilisation des électeurs et des informations sur les procédures de vote. Une communication accrue afin de clarifier les rôles respectifs des institutions impliquées dans le processus électoral aurait été utile, tout comme des efforts visant à améliorer la compréhension sur le rôle de l’Assemblée Nationale.
Le Centre Carter encourage le futur organe chargé des élections à accorder davantage d’attention à la sensibilisation des électeurs et recommande au gouvernement de mettre à disposition les moyens nécessaires.
LA LISTE ELECTORALE
L’inscription des électeurs est reconnue comme un moyen essentiel d’assurer le droit de vote à chaque citoyen. Lorsque l’inscription des électeurs est exigée, elle doit être facilitée et aucun obstacle ne doit être imposé à ce processus30 .
Le président de la CEI, Youssouf Bakayoko, a déclaré, dans un entretien, le 24 novembre, que la liste électorale de 2010 serait réutilisée en l’état pour les élections législatives. C’était la première fois que la question de la liste électorale a été évoquée publiquement. Le Président de la CEI a soutenu qu’il était préférable, compte tenu la crise post¬électorale, de ne pas rouvrir la liste sur laquelle tous les acteurs s’étaient entendus.
nombre de bulletins nuls était quatre fois plus élevé qu’à Abidjan. Cette statistique illustre les limites de la sensibilisation des électeurs par le biais des médias et le l’importance d’une sensibilisation de proximité. 29 Les organisations de la société civile ont été particulièrement actives dans la sensibilisation des électeurs à Abidjan et dans d’autres grandes villes telles que Bouaké, Daloa et San Pedro. Les observateurs du Centre Carter n’ont toutefois été témoin d’aucune ou de très peu de sensibilisation à Aboisso ou à Bondoukou. 30 Comité des Droits de l’Homme de l’ONU, Observation Générale 25 sur « Le droit de participer aux affaires publiques, le droit de vote et l’égal accès au service publique », para. 11.
La liste électorale pour les élections présidentielles, qui comprenait 5.725.721 électeurs, a été endossée par les principaux acteurs politiques en septembre 2010, et certifiés par le RSSG. L`inscription des électeurs avait été réalisée conjointement avec un processus d`identification ad hoc, visant à délivrer de nouvelles pièces d`identité. Cette opération s`est étendue sur une période exceptionnellement longue, presque deux ans entre le lancement de l`inscription et la liste électorale définitive, et a été marquée par des difficultés dans la mise en œuvre pratique, ainsi que des blocages politiques récurrents.
Dans sa déclaration préliminaire, à l’issue du second tour de l`élection présidentielle, le Centre Carter avait pris note du consensus politique autour de la liste électorale, tout en exprimant des réserves quant aux résultats de l’opération d`inscription des électeurs, tant à la lumière des objectifs fixés au départ par les acteurs ivoiriens que des bonnes pratiques internationales. Le Centre avait également souligné qu’environ 800.000 personnes qui s’étaient enrôlées, n`ont pas été inclues, pour des raisons diverses, sur la liste électorale définitive.31 Le Centre Carter avait également souligné qu’en raisons des exigences administratives et des difficultés qui ont affecté le processus, plusieurs centaines de milliers d’électeurs potentiels n’avaient probablement pu s’enrôler32 .
La liste électorale est donc loin d’être aussi complète et inclusive qu’elle devrait l’être selon les standards internationaux. L`accord Politique de Ouagadougou fixe le 1 avril 1990 comme date de naissance limite pour les plus jeunes citoyens de participer à l`élection. Aucun ajustement n`ayant été fait, la liste ne respecte pas les droits constitutionnels des citoyens âgés de dix¬huit ans et plus pour participer aux élections. Par ailleurs, la décision de ne pas permettre aux citoyens de modifier leur adresse principale de l`enregistrement, même si l’adresse date d’avant l`élection présidentielle, pourrait effectivement priver du droit de vote de nombreuses personnes qui ont déménagé pour des raisons personnelles ou en raison de la crise post¬électorale.
Compte tenu du calendrier électoral serré ainsi que des implications techniques et financières de la réouverture de l`inscription, le Centre Carter comprend néanmoins qu`il était effectivement impossible pour la CEI de mettre à jour la liste électorale. Le Centre Carter invite le Gouvernement de Côte d`Ivoire et la CEI à envisager sérieusement la façon d`inclure ceux qui n’ont pas pu s`inscrire comme électeurs, ainsi qu’à explorer comment mettre en place un mécanisme d`inscription qui puisse s’appuyer sur la liste actuelle, tout en garantissant l`inclusion et la durabilité de l`investissement de l`Etat dans la liste.
31 Ces personnes peuvent être regroupées en quatre catégories: environ 500 000 personnes issues de la “liste grise” et qui n’ont pas pu fournir la preuve de leur nationalité; environ 207 000 personnes qui se sont enregistrés pour avoir leur carte d’identité, mais qui sont devenues majeurs depuis le 1er avril 2010; environ 55 000 personnes retirées de la liste électorale provisoire après la vérification administrative avec les registres d’état civil; environ 20 000 personnes rejetées pour des problèmes techniques concernant les données biométriques. 32 “Deuxième tour de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire: Forte Participation malgré le climat politique tendu”, Déclaration préliminaire du Centre Carter, 30 novembre 2010
LES CANDIDATS, LES PARTIS POLITIQUES ET L’ENVIRONNEMENT DE LA CAMPAGNE
Le droit des individus de participer aux affaires publiques, y compris de créer des partis politiques, et les libertés d’association, d’expression et de réunion sont des obligations en vertu du droit international33 .
Enregistrement des candidatures
Pour être éligible à l’Assemblée Nationale, un citoyen ivoirien doit être âgé de 25 ans au moins, ne pas avoir atteint l’âge de 75 ans et doit disposer du droit de vote34. Il est également exigé d’avoir résidé de manière continue pendant une période de cinq années continues en Côte d’Ivoire et le dépôt d’une caution relativement modique de 100,000 FCFA ainsi que la fourniture d’une attestation de régularité fiscale. Chaque candidat doit déposer son dossier avec celui d’un suppléant, lequel est soumis aux mêmes conditions d’éligibilité à l’exception du cautionnement. Pour certaines catégories professionnelles35il est requis de fournir une attestation de mise en disponibilité pour la durée du mandat brigué. Le cadre général pour l’enregistrement des candidatures est conforme aux principes communément admis. Il existe néanmoins des aspects problématiques : l’interdiction faite aux naturalisés de se porter candidats36 et ensuite, le fait qu’en raison des catégories diverses de citoyens qui ont été exclus de la liste électorale, certains qui auraient pu être éligible et tentés par la candidature ont été exclu de ce droit37 .
L’enregistrement des candidatures, débuté le 17 octobre, a été influencé par divers facteurs. Selon les délais légaux originaux, l’étape aurait du s’achever le 26 octobre. Cependant, les principaux partis politiques n’ayant pas réussi à déposer les dossiers de leurs candidats, la CEI a étendu la période jusqu’au 31 octobre. Le RDR et le PDCI ont, tout deux introduit leurs dossiers, tardivement, le 31. Les dossiers étaient en cours de traitement par le CEI lorsque, le 3 novembre, le Président de la CEI a annoncé que l’enregistrement serait rouvert pour une journée le 4 novembre, afin de permettre à 3 petits partis membres du CNRD de présenter des candidats. Le RHDP a également saisi l’occasion de réorganiser ses listes et le PDCI d’introduire des candidatures additionnelles suite aux désaccords intervenus au sein de la coalition. Deux ordonnances consécutives ont été adoptées pour ajuster les délais légaux. Ces prolongations illustrent un climat dans lequel les participants à l’élection ne parviennent pas à adhérer à des dispositions et des procédures claires et bien établies, plaçant la CEI dans la position peu
33 Le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, Article 25(a); art. 21, Nations Unies, Comité des Droits de l’Homme, Commentaire Général 25, para. 26. 34 Les critères d’éligibilité à la qualité d’électeurs sont liés à l’âge, la nationalité et à la situation judiciaire. Dans le présent contexte toutefois, les critères les plus significatifs sont à mettre en relation avec les conditions négociées d’établissement de la liste. Le Centre Carter a, dans le passé, divers documents portant spécifiquement sur la question du recensement électoral et de l’établissement de la liste (22 décembre 2008, 8 mai 2009 et 1er février 2010). 35 Membres de professions telles que fonctionnaires, magistrats, militaires ou autres catégories employées par l’Etat doivent fournir une attestation de mise en disponibilité pour la durée du mandat brigué. 36 Les articles 71 and 72 contiennent d’apparentes contradictions. L’article 71 exclut les naturalisés tandis que l’article 72 permet aux citoyens naturalisés depuis plus de 10 ans de concourir. 37 Le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, Article 25(b)
enviable de devoir choisir entre appliquer la loi ou tenir compte des desideratas d’acteurs politiques incontournables.
La CEI a enregistré un total de 946 candidats38 ou listes de candidats et rejeté 18 dossiers, y compris 12 cas de candidats ayant retiré leur candidature avant la clôture de l’enregistrement. La CEI a fourni des efforts notables durant son examen des candidatures pour communiquer avec les candidats et leur permettre de compléter leurs dossiers si nécessaire. Vingt¬deux requêtes ont été introduites auprès du Conseil Constitutionnel concernant 17 candidats. Le Conseil Constitutionnel a déclaré inéligibles 3 candidats, le nombre final de candidats ou listes de candidats étant de 94339 .
La période de campagne
La période de campagne électorale officielle a débuté le 3 décembre à minuit et s’est achevée le 9 décembre. Alors qu’une campagne électorale d’une semaine est très courte, de nombreux candidats ont engagé des activités de campagne avant le début de la période officielle. Deux semaines avant l’ouverture de la campagne, les observateurs ont rapporté que plusieurs partis ont organisé des réunions publiques pour présenter leurs candidats40 . Tout au long de la semaine précédant la période de campagne officielle, de nombreux candidats ont fait de la campagne porte¬à¬porte et ont tenu des réunions avec les chefs traditionnels et autres personnalités influentes.
Le code électoral interdit explicitement la propagande électorale avant la période officielle prescrite et prévoit des sanctions contre les violations. Le vice¬président de la CEI, Yacouba Bamba, a parlé explicitement des affichages installés avant la campagne, soulignant qu’ils sont interdits en vertu du code électoral. La CEI n’a pas réussi à sanctionner les candidats qui ont fait campagne en dehors de la période. Le Centre Carter reconnaît les contraintes, vue la période de campagne abrégée, mais note que les commentaires de la commission ont été le seul acte de reconnaissance des violations systématiques du code électoral.
Les activités de campagne ont augmenté avec l’ouverture de la période officielle. Le déséquilibre des ressources financières et logistiques entre les candidats a été clair, en particulier entre les indépendants et ceux qui étaient soutenus par des partis politiques. Cette tendance a été accentuée par la violation flagrante du code électoral par plusieurs candidats occupant des postes officiels. Les observateurs ont en particulier observé les ministres du gouvernement qui ont utilisé des ressources de l’état, y compris des voitures, des ressources humaines et des forces de sécurité publique, pour battre campagne41 .
Les dispositions du code pénal relatives à l’achat de voix ont également été ignorées pendant toute la campagne électorale. Les médias se sont largement fait écho de l’action de candidats qui
38 Dans 2 circonscriptions, 2 candidats du PDCI n’avaient pas d’opposants. 39 Communiqué du Conseil Constitutionnel du 23 novembre 2011. Le Conseil Constitutionnel n’a pas publié ses décisions. 40 Dans un cas notable, le RDR a organisé un tour du pays une semaine avant le début de la campagne électorale pour présenter ses candidats. A peu prés 300 personnes sont venues aux meetings de Gagnoa, 2000 à Man, et d’autres meetings ont eu lieu à Divo et Bouaké. 41 Ces actions ont été observées à Man, Agboville, Koumassi et Bondoukou.
distribuaient des cadeaux42 et donations, y compris en argent comptant, aux potentiels sympathisants. Les observateurs du Carter Center ont entendu des représentants de candidats, près de Boauké, discuter combien d’argent ils planifient de distribuer aux différents villages. Ils ont aussi rapporté la pratique largement répandue de distribution d’argent pendant les événements de la campagne 43 . Le Centre Carter encourage la future autorité électorale à sanctionner les candidats qui se livrent à l’achat des voix et autres activités qui violent le code pénal et entravent un processus électoral compétitif.
La liberté de réunion a été généralement respectée pendant toute la durée de la campagne. Toutefois, certains partis ont abusé de l’utilisation de l’espace public, monopolisant des emplacements publics fréquentés pendant la durée de la campagne. Le gouvernement et la CEI devraient prendre des mesures en vue des prochaines élections afin d’assurer l’accès égal aux lieux publics à tous les partis, en particulier si la période de campagne est aussi courte.
Malgré un environnement globalement pacifique, les tensions ont augmenté vers la fin de la campagne. Les messages de la campagne ont d’abord porté sur la réconciliation, la paix et le développement, mais ont ensuite cédé la place, dans certaines zones, à des attaques personnelles, des références à l’ethnicité des opposants et des appels à l’électorat pour ne pas voter pour des candidats n’étant pas du même groupe ethnique. Des observateurs déployés dans les régions de Tonkpi (18 Montagnes) et du Haut Sassandra ont rapporté des cas d’incidents violents liés aux élections à Man, Facobly, Bouaké, Aboisso, et aussi des cas d’intimidation et harcèlement de candidats à Abidjan, Gagnoa, Tanda, Daloa et San Pedro. Dans quelques circonscriptions, les tensions étaient palpables entre les candidats officiels, en particulier dans des cas où le candidat officiel était une personnalité influente. Le Centre Carter déplore les attaques verbales et menaces émanant de hauts responsables du parti et reprises par la presse, contre des candidats indépendants issus des rangs de certains partis.
Après la crise postélectorale, le FPI a été déstabilisé, de nombreux dirigeants du parti se retrouvant en prison ou en exil. Dans ce contexte, le parti a conditionné sa participation au processus électoral sur des demandes spécifiques. Celles¬ci incluaient la libération de Gbagbo et d’autres chefs de file, le retour pour les dirigeants exilés, la suppression du gel des avoirs des dirigeants FPI, des garanties concernant la sécurité et la restructuration de la CEI. Les négociations entre le gouvernement et le FPI ont achoppé et, le 23 novembre, le FPI a annoncé qu’il boycotterait les élections législatives de 2011.
Les observateurs du Centre Carter ont aussi observé l’impact de l’appel du FPI à boycotter les élections. Dans certaines régions, notamment le Fromager, le district d’Abidjan, le Moyen Cavally et l’Agnéby¬Tiassa, le FPI a activement fait campagne pour le boycott. Toutefois, dans d’autres zones, telles que le Haut¬Sassandra, les 18 Montagnes, le Zanzan, le mot d’ordre semble avoir été suivi de façon inégale et les observateurs n’ont pas été témoins de campagne visant à soutenir le boycott.
42 Selon les observateurs du Centre Carter, les cadeaux ont inclus soixante mille kits scolaires à Facobly, de l’argent comptant, des génératrices, des lampes, des médicaments et le paiement de frais médicaux, de nourriture, notamment. 43 La distribution d’argent a été rapportée dans la majorité des meetings à Daloa, Agboville, Man et dans d’autres à Bouaké et Gagnoa.
Le financement de la campagne
Aucune loi sur le financement de la campagne ne régule l’origine des fonds et le plafonnement des dépenses de campagne. Le gouvernement ivoirien finance toutefois sur fonds publics les partis et groupements politiques et les candidats à la présidentielle.44 La loi prévoit qu’une subvention soit affectée aux partis politiques représentés à l’Assemblée nationale.45 À titre exceptionnel, pour la législature 2000¬2005, les partis politiques non représentés à l’Assemblée Nationale ont pu recevoir un tel financement. Cette action visait à créer des conditions plus équitables pour les partis, et visait tout particulièrement à permettre au RDR, qui avait boycotté les législatives de 2000, de recevoir des fonds publics. Cette approche s’est poursuivie de 2006 à 2010. Après les élections présidentielles, le FPI, comme les autres partis politiques, n’a pas reçu le dernier versement en raison de la crise postélectorale. Le Centre Carter regrette que ce dernier versement de l’année 2010 n’ait finalement été payé au FPI que peu de temps avant l’élection.
En plus de l’absence de dispositions imposant un seuil aux dépenses de campagne et obligeant les partis et les candidats à rendre des comptes à ce sujet, si rien n’est fait pour s’attaquer à l’impunité observée s’agissant de l’usage des moyens de l’État et de l’achat des consciences, le cynisme des électeurs face à la politique ne fera que s’accroître et contribuera à distiller un climat de défiance entre les compétiteurs. Le Centre Carter souligne la nécessité d’instaurer, en vue des prochains cycles électoraux, une série de mesures réalistes visant à mettre en œuvre les principes consacrés dans la Convention internationale contre la corruption et à se donner les moyens de mettre efficacement en œuvre les dispositions légales pertinentes46 .
LA PARTICIPATION DES FEMMES
Les traités internationaux relatifs aux droits humains disposent que les femmes aient les mêmes droits que les hommes47 et que, dans certains cas, les Etats doivent prendre des mesures temporaires spéciales pour atteindre l’égalité de fait des femmes.48 Les obligations de l’Etat de promouvoir l’égalité de fait pour les femmes, découlent, en partie, d’obligations plus larges portant sur l’absence de discrimination49 et le droit de tout citoyen de participer aux affaires publiques de son pays indépendamment de son sexe50 .
Après les élections législatives de 2000, les femmes représentaient 8,9% de l’Assemblée Nationale. Les perspectives pour l’amélioration de la représentation de femmes sont toutefois
44 Décision No 2005¬07/PR, 15 juillet 2005. 45 Articles 4 à 7 de la Décision 2005¬07/PR. Un millième du budget de l’État est réparti entre les partis et groupement politiques représenté à l’Assemblée nationale sur la base d’une formule qui octroie 2/5 des fonds en fonction du nombre de suffrages exprimés lors des législatives, 2/5 affecté aux partis et groupement politiques proportionnellement au nombre de sièges et 1/5 au groupes parlementaires proportionnellement au nombre de députés inscrits en leur sein. 46 Résolution de l’Assemblée générale 58/4 Oct. 31 2003. 47 Pacte Internationale relatif aux Droits Civils et Politiques, art. 3. 48 CEDAW, art. 3 49 Pacte Internationale relatif aux Droits Civils et Politiques, art. 25; 2(1); 26. 50 DUDH, art. 21(a); Pacte Internationale relatif aux Droits Civils et Politiques, art. 25(9)
limitées, car seulement 128 candidates étaient dans la course pour les élections législatives de 2011.
Le gouvernement ivoirien a débloqué un financement ad hoc pour soutenir les candidates dans l’organisation de leur campagne. Le président Ouattara a alloué 1 million de francs CFA pour chaque candidate. Alors que le Centre salue les efforts pour parvenir à une plus grande représentation des femmes dans l’Assemblée Nationale, cette aide symbolique ne s’attaque pas aux problèmes structurels et sociaux qui entravent la participation des femmes. Considérant les difficultés auxquelles les femmes font face et le nombre limité de femmes qui ont été proposées par des partis politiques (11,3%), l’idée d’introduire des mesures incitatives crédibles devrait être sérieusement envisagée dans le futur. Alors que des mesures garantissant une représentation minimale dans l’Assemblée Nationale et l’intégration effective des femmes dans la vie politique sont difficiles à mettre en œuvre dans les limites d’un système majoritaire, le soutien public pourrait agir comme facteur incitatif important pour que les partis intègrent les femmes dans leurs organismes de décision, présentent des candidates ou de réussissent à faire élire des femmes au parlement ou aux postes de direction.
L’ENVIRONNEMENT MEDIATIQUE
Une formulation précédente de la loi électorale exigeait un accès égal aux médias pendant les campagnes électorales.51 Le présent article a été amendé en 2008 pour ce qui concerne l’accès public pour les candidats à l’élection présidentielle, mais ne traite pas des élections législatives. Intentionnellement ou non, la loi amendée modifie spécifiquement les exigences d’égalité de traitement pour les élections présidentielles. Par conséquent, il n’existe pas d’obligations en ce que concerne la couverture de la campagne par la télévision publique, la radio ou les journaux. Dans le cas de la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI), le contrat de service se réfère obligations générales pour une couverture pluraliste52 . Bien que soumis à des obligations de service public, un autre obstacle à la diffusion de programmes qui traitent de la campagne électorale découle du fait que les médias publics doivent être dotés d’un budget spécifique53 .
En dépit du vide juridique, la CEI avait pourtant l’autorité d’adopter des mesures prévoyant un accès égal pour tous les candidats aux médias électroniques et écrits. Bien que difficile, compte tenu du nombre élevé de candidats pour les élections législatives, un cadre spécifique sur la couverture de ces élections aurait pu être établi. A défaut, il y a lieu de relever que la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA) a rendu quatre décisions, adoptées le 5 décembre, deux jours après le début de la période officielle de campagne. Ces décisions ont rappelé les grands principes à suivre par les medias audiovisuels pendant la campagne. Ainsi, la radio et la télévision publiques devaient assurer un accès égal aux candidats et aux partis politiques dans les circonscriptions dans lesquelles une couverture médiatique était assurée; en outre, les médias publiques étaient encouragés à couvrir les activités de campagne dans le plus grand nombre possible de circonscriptions, et devaient s’abstenir de diffuser des discours haineux ou xénophobes, incitant à la violence ou encore attaquant les candidats ou leurs
51 Article 30 de la Loi n° 2000¬514 du 1er août 2000 52 Article 3 du Contrat de Service de la RTI 53 Article 16 du Contrat se Service de la RTI
représentants. La HACA a aussi rappelé que les radios de proximité n’étaient pas autorisées à couvrir les activités de campagne ou à diffuser des débats liées aux élections.
La HACA a continué de surveiller les médias publics pendant la période de campagne. Ses responsables ont expliqué aux observateurs du Carter Center que la surveillance des radios de proximité est difficile à réaliser, étant donné que le rayon de diffusion de ces radios est local. La HACA peut néeanmoins agir lorsque des dépassements lui sont signalés. Ainsi, pendant la période de campagne, cet organe a lancé des enquêtes sur cinq radios locales qui auraient couvert des activités de campagne. La HACA a d’ailleurs convoqué les responsables de deux radios de proximités (Béoumi et Agboville).
Le Centre Carter salue les initiatives prises par la HACA pendant la période électorale et encourage l’examen et la réforme du cadre légal afin de réglémenter la couverture médiatique pendant les élections législatives, au même titre que pendant les élections présidentielles.
LA SOCIETE CIVILE ET L’OBSERVATION NATIONALE
Cinquante groups d’observateurs nationaux ont été accrédités par la CEI. Plusieurs d’entre eux, entre autres, la CSCI, COSOPCI, LIDHO, OFACI et COFEMCI avaient observé les élections présidentielles. Toutefois, le préavis relativement court dans l’annonce de la date des élections a rendu difficile l’organisation et la collecte de fonds pour les activités des organisations de la société civile. Le Centre Carter regrette que, même si un nouveau système a été mis en place par la CEI pour la production de badges d’accréditation, des retards importants dans le processus d’accréditation ont compliqué la tâche des observateurs nationaux.
LA RESOLUTION DES DIFFERENDS ELECTORAUX
Le traitement du contentieux de l’élection est du ressort du Conseil Constitutionnel, lequel est composé d’un président, nommé par le Président de la République, et de 6 membres, nommés en principe pour un mandat non révocable de 6 ans, pour moitié par le Président de la République et pour moitié par le Président de l’Assemblée Nationale54. Le Président Alassane Ouattara a, en juillet, procédé au renouvellement du Conseil. Ce renouvellement, décidé en dehors du cadre normal, fait suite à la situation exceptionnelle résultant de la décision de la direction sortante de renverser le résultat de l’élection présidentielle.
Le cadre légal en ce qui concerne le contentieux de l’élection est constitué de dispositions figurant dans la Loi organique organisant le fonctionnement du Conseil Constitutionnel et dans le Code électoral. Ce cadre comporte quelques incertitudes quant aux procédures à suivre et aux délais légaux. Le Conseil Constitutionnel et la CEI ont discuté et clarifié conjointement certaines zones grises, en particulier en ce qui concerne la computation des délais et les conséquences qui en résultent.
54 Les anciens Présidents de la République sont en principe membres de plein droit. Le Président Bédié a explicitement renoncé à ce droit pour se présenter à l’élection de 2010. Quant au Président Gbagbo, son cas est évidemment lié à sa situation judiciaire.
Certaines plaintes ont été déposées au niveau de la CEI, principalement par communication écrite, mais dans l’absence de mécanismes administratifs pour répondre aux plaintes, la CEI n`a probablement pas pu les traiter. D`autre part, le Conseil Constitutionnel, qui a compétence pour entendre les plaintes électorales, généralement entend les plaintes seulement après les élections. Dans ce cas, le plaignant doit prouver que l`accusé a causé un dommage qui aurait modifié les résultats, afin de recevoir une décision favorable.
Le Code électoral ne fixe pas de délai en ce qui concerne la proclamation des résultats provisoires. Est uniquement prévue la transmission des procès¬verbaux au Conseil Constitutionnel dans un délai maximum de 3 jours suivant les élections. La loi ne connaît qu’un seul niveau de proclamation, celui de la « circonscription administrative », une formulation qui ne correspond plus à la réalité de l’organisation du scrutin. Dans le cadre de ces élections, le Conseil Constitutionnel et la CEI se sont accordés pour prendre en compte la proclamation des résultats provisoires d’ensemble par la CEI au niveau central, laquelle servirait de point de départ pour la computation de la période de 5 jours francs pour l’introduction de requêtes par les candidats, partis, groupements de partis ou électeurs. En principe, ces requêtes peuvent être introduites directement auprès du Conseil mais aussi par l’intermédiaire de la CEI ou des préfets et sous¬préfets. Le Conseil dispose de 15 jours pour traiter les dossiers et se prononcer. A l’opposé du cas de l’élection présidentielle, le Conseil peut annuler ou réformer les résultats. Compte tenu du peu d’expérience en matière de contentieux électoral et du rôle hautement controversé joué par l’institution lors de l’élection présidentielle, le nouveau Conseil est en mesure de jouer un rôle crucial dans l’établissement des bases de la jurisprudence et dans la restauration de l’image de l’institution.
LE PROCESSUS DE VOTE
L’atmosphère le jour du scrutin a été calme et le vote a généralement eu lieu de manière ordonnée et transparente à travers le pays. Le taux de participation, qui n’a pas encore été annoncé officiellement, mais qui sera vraisemblablement peu élevé, peut être en partie attribué au boycott encouragé par le FPI, mais doit aussi être lié, parmi d’autres considérations, à la crise qui a suivi les élections présidentielles et à son lot de violences qui ont traumatisé l’électorat55 .
Malheureusement, il n’y a pas eu de vote dans cinq bureaux de vote de Beoumi, les chefs de village ayant refusé de remettre le matériel électoral qu’ils avaient gardé pour la nuit, au motif qu’ils ne souhaitaient pas la tenue des élections. La plupart des bureaux de vote ont ouvert avec environ 30 à 60 minutes de retard, qui dans de nombreux cas, était dû à l’absence des membres du bureau de vote et, dans d’autres cas, au l’arrivée tardive du matériel électoral56. Ceci étant dit, les retards dans l’ouverture n’ont pas affecté l’intégrité des élections, étant donné le faible taux de participation.
55 Une autre raison possible expliquant le taux de participation relativement faible pourrait être le manque d’intérêt pour les élections législatives, jugée moins déterminantes que les présidentielles, une méconnsaissance du rôle des députés, ainsi que le nombre de candidats en lice. 56 Les observateurs du Carter Center ont observé 62 retards de plus de 30 minutes dans l’ouverture, sur plus de 140 bureaux de vote visités. Toutefois, à Bouaké et Man des bureaux de vote ont ouvert à 16 heures à cause du manque de matériel et ont fonctionné au¬delà d’horaire normal, jusqu’à 21 heures, pour essayer de compenser le retard dans l’ouverture.
Les observateurs du Centre Carter ont évalué le processus de vote très positivement dans les 140 bureaux de vote observés. Toutefois, les procédures électorales n’ont pas été suivies de manière cohérente. Ainsi, dans certains, le matériel sensible a été laissé vulnérable à des interférences, singulièrement lorsque les urnes n’étaient pas correctement scellées57 . Par ailleurs, les observateurs ont remarqué que les membres des bureaux de vote ont souvent négligé de vérifier, avant le vote, si les mains des électeurs portaient des signes d’encre.58 Malgré ces écarts dans le suivi des procédures, les observateurs ont estimé qu’il n’y avait aucune intention manifeste d’affecter l’intégrité du processus, mais plutôt le reflet de formation et supervision insuffisantes. Un autre manque de supervision a été révélé par l’existence de deux listes électorales dans les bureaux de vote, l’usage desquelles a été très différent dans les bureaux de vote observés. Dans des cas, les électeurs ont été demandés de signer les deux listes électorales, pendant que dans des autres, une liste a été utilisée comme liste d’émargement, ou n’a pas été utilisée de tout.
Les observateurs ont évalué que les membres des bureaux de vote ont généralement rempli de manière efficace leur fonctions. Toutefois, ils n’informaient pas toujours les électeurs sur les procédures de vote. Les observateurs ont noté que les femmes occupaient près de 10% des postes de président dans les bureaux de vote, alors qu’elles officiaient comme secrétaire dans 30% des cas observés.
Aucune procédure spécifique n’a été envisagée pour les électeurs qui auraient voulu voter en dehors de la circonscription ou ils s’étaient inscrits. Ceci a posé un réel problème pour les nombreuses personnes ÙÙùdéplacées qui, pour diverses raisons, ne voulaient pas rentrer dans les régions où elles s’étaient enregistrées pour voter. Dans certains cas, les observateurs du Centre Carter ont noté que des électeurs qui souhaitent voter n’ont pas pu le faire à cause de manque de la pièce d’identité et de la carte d’électeur, spécialement dans le cas des personnes qui avaient perdus leurs documents en fuyant les violences post¬électorales de 2010 – 2011. Une semaine avant les élections, la CEI a décidé de permettre à ces électeurs de voter en utilisant une attestation d’identité. Cependant, l’obtention cette pièce n’est pas un processus simple car cela implique notamment la production d’un certificat de naissance ainsi que l’ordre d’un juge pour le certificat de nationalité.
L’environnement aux alentours des bureaux de vote a été évalué très positivement et le grand nombre de représentants de candidats présents a contribué à une plus grande transparence dans le processus électoral59. Les observateurs du Carter Center ont rencontré un total de 30 observateurs nationaux dans les bureaux de vote visités pendant la journée.
LE DEPOUILLEMENT
L`évaluation globale du dépouillement est positive dans les bureaux de vote observés. Les procédures ont été généralement respectées et dans les cas où le choix des électeurs n’avait pas
57 Les observateurs du Centre Carter ont rapporté que dans 23% des bureaux de vote visités, les urnes n’étaient pas correctement scellées. En outre, 20% des bureaux de vote n’ont pas reçu 9 scellés ou plus afin de sceller l’urne correctement, à l’ouverture du vote comme pour le transport du matériel vers la CEI de tabulation. 58 Les observateurs ont noté que dans 34% des bureaux de vote, le personnel ne vérifiait pas si les doigts des électeurs étaient encrés. 59 Les listes qui avaient le plus de représentants, dans les quelques 140 bureaux de vote visités, étaient le RDR et le PDCI avec respectivement 122 et 119 représentants.
été exprimé dans les cases prévues du bulletin de vote, les décisions de validation ou invalidation du bulletin ont été prises à l’aide des modèles et des procédures fournis par la CEI. Dans certains cas, le matériel électoral n’était pas emballé selon les règles établies, non pas par préméditation mais plutôt en raison d’une formation préalable insuffisante. Dans l’ouest du pays, des individus armés ont attaqué des membres de centres de vote et ont volé du matériel électoral, dont les bulletins de vote et les procès¬verbaux de sept centres de vote60 .
La tabulation des résultats provenant des bureaux de vote a été complétée relativement rapidement, en raison, toutefois, du fait que les commissions siège n’ont pas procédé à la vérification systématique des procès¬verbaux, en particulier pour s’assurer que les chiffres inscrits étaient mathématiquement cohérents. Cette négligence peut occasionner des retards importants au niveau central, si les résultats ne concordent pas. En général, les observateurs ont eu accès à toutes les étapes du processus de tabulation, même si, dans un cas, la commission siège n’a pas permis aux observateurs de voir le processus dans sa phase initiale61 . La tabulation se poursuit, tandis que les résultats préliminaires pour certaines circonscriptions ont déjà été annoncés.
60 A Bonon et à Duékoué, des membres de bureaux de vote transportant le matériel électoral ont été attaqués et tout le matériel a été volé. A Vavoua, une urne a été brûlée après la clôture. 61 A Koumassi, la commission a demandé aux observateurs, dans un premier temps, d’attendre pour les résultats dans une pièce adjacente à celle où se déroulait le processus de tabulation.
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Contexte : Le Centre Carter a reçu une lettre d’invitation de la Commission Electorale Indépendante (CEI) pour observer les élections législatives. Le Centre a déployé 18 observateurs de moyen terme trois semaines avant le scrutin, et 12 observateurs de court terme la semaine précédant les élections. Les observateurs déployés à travers le pays ont visité plus de 140 bureaux de vote. La mission, forte de 19 nationalités, a été dirigée par Mme Sarah Johnson, Directrice adjointe au Programme Démocratie du Centre Carter. Le Centre Carter restera en Côte d’Ivoire pour observer la phase finale de l’agrégation des résultats, la résolution d’éventuels contentieux, ainsi que l’annonce des résultats définitifs. Cette déclaration est préliminaire. Un rapport final sera publié quelques mois après la fin du processus électoral.
Le Centre Carter est présent en Côte d’Ivoire depuis 2008. Le Centre a observé le processus d’identification et de recensement électoral, le contentieux de la liste électorale provisoire et les élections présidentielles de 2010. La mission du Centre Carter en Côte d’Ivoire est appuyée par un bureau à Abidjan, dirigé par Mme Sabina Vigani.
La mission évaluera le processus électoral par rapport à la Constitution et au Code électoral, ainsi qu’aux engagements pris dans le cadre des Accords de Ouagadougou et les accords précédents, ainsi que les engagements régionaux et internationaux de la Côte d’Ivoire. La mission d’observation du Centre conduit ses activités conformément à la Déclaration de Principes pour l’Observation Internationale d’Élections et le Code de Conduite, qui a été adopté aux Nations Unies en 2005 et a été endossé par 37 groupes d’observation électorale. Le Centre Carter publiera des déclarations périodiques, accessibles sur son site Internet : www.cartercenter.org.
Les élections législatives du 11 décembre 2011 sont une étape important pour le rétablissement de la normalité institutionnelle en Côte d’Ivoire. Elles marquent aussi l’achèvement du processus de sortie de crise de l’Accord politique de Ouagadougou. Le Centre Carter tient à souligner le caractère généralement apaisé du vote et l’absence d’incidents sécuritaires majeurs lors du scrutin, qui s’est pourtant tenu dans un contexte fragilisé par les conséquences politiques et sociales de la crise post¬électorale de 2010¬2011.
La participation de l’opposition aux élections a fait l’objet de négociations entre celle¬ci et le gouvernement. Le résultat des négociations a été diversement apprécié. Des formations politiques et personnalités ont décidé de prendre part aux élections, tandis que d’autres, notamment le Front Populaire Ivoirien (FPI), ont refusé.
Le Centre tient à saluer la population ivoirienne, tout comme les acteurs politiques, pour la retenue observée lors du scrutin, indépendamment de leurs points de vue respectifs et ce malgré les tensions observées au plan local, dans certaines circonscriptions, à l’approche du scrutin. Le taux de participation, qui n’a pas encore été communiqué mais sera vraisemblablement peu élevé, est attribuable à de multiples facteurs et ne doit pas faire l’objet d’interprétations abusives.
Le Centre Carter encourage toutes les parties ivoiriennes à poursuivre le dialogue et à s’inscrire dans une dynamique de réconciliation nationale. Le Centre estime que d’importantes réformes électorales devraient être envisagées dans un futur proche, bien que s’ouvre un nouveau cycle électoral national. Le Centre appelle aussi les acteurs ivoiriens à se saisir de l’opportunité des futures élections locales pour entretenir la réconciliation. Enfin, il rappelle que la reprise du processus d’identification des populations devra également figurer parmi les priorités ainsi que l’examen des moyens propres à répondre aux lacunes de la liste électorale.
Le Centre Carter poursuit son observation du recensement des résultats et appelle les institutions et les autorités nationales à maintenir une stricte neutralité dans l’exercice de leurs prérogatives.
Les principales conclusions préliminaires de la mission d’observation du Centre Carter sont les suivantes :
• Le caractère ouvert du processus. Le Centre Carter relève le caractère ouvert de l`accès à la candidature. Le choix de participer à une élection relève uniquement du choix des acteurs concernés. Le Centre constate néanmoins que les élections de ce dimanche 11 décembre sont les troisièmes élections législatives consécutives caractérisées par la non participation d’un ou plusieurs politiques. Ceci devrait conduire les acteurs à se pencher sereinement sur les raisons profondes qui conduisent à ce type de choix.
• Un recul important de la participation: Les élections législatives n`ont pas suscité le même engouement que les élections présidentielles. Du point de vue du Centre Carter, les facteurs explicatifs sont multiples et il n’y a pas lieu de se livrer à des raccourcis. Le choix d`un électeur de ne pas se présenter aux urnes peut être motivé par de nombreuses considérations : le manque d’intérêt pour les élections législatives, jugées moins déterminantes, le désenchantement consécutif à la crise qui a suivit l’élection présidentielle, les dynamiques liées aux nominations des candidats par les partis politiques, une sensibilisation moins appuyée, une campagne électorale morose, etc. L’abstention du FPI est un élément important mais qui ne concourt pas seul à la baisse de la participation.
• Un cadre légal ad hoc. Le cadre légal qui régit les élections législatives résulte de l’accumulation de textes légaux, d’accords politiques et de décisions prises pour répondre à des situations spécifiques. Les dispositions relatives aux législatives comportent des lacunes, des zones grises et des contradictions. Le Centre Carter recommande qu’une révision complète du cadre légal électoral soit conduite, sur la base des enseignements tirés des élections de 2010 et 2011. Le Centre considère par ailleurs que le découpage électoral devrait être revu à la lumière du principe de l’égalité du suffrage.
• L’impartialité de l’administration électorale. En dépit des débats sur sa composition, la CEI, dans sa gestion des élections, semble avoir opéré avec impartialité. La CEI n’a pas toujours su imposer le respect de toutes les dispositions légales mais cela ne s’est pas accompagné de discriminations. Les moyens de renforcer l’autorité et les structures de l’administration électorale sont à envisager au même titre et en même temps que la révision du cadre légal. Ce renforcement passe aussi, sans doute, par une rationalisation et une professionnalisation.
• • Des lacunes dans la liste électorale. Les contraintes techniques et budgétaires ainsi que le calendrier électoral ne permettaient pas d’envisager la réouverture de la liste. Des centaines de milliers d’électeurs potentiels, pour des raisons variables, tenant essentiellement aux
• conditions de son établissement, ne figurent pas dans la liste. Le Centre Carter invite les autorités ivoiriennes à se pencher sur cette question et à identifier les moyens les plus adéquats pour assurer qu’à l’avenir, les élections soient conduites sur la base d’un fichier électoral à la fois, inclusif, fiable et à jour.
• Une campagne électorale globalement apaisée. Les candidats ont généralement pu faire campagne librement et en sécurité. Les incidents enregistrés ne remettent pas en cause cette appréciation. Le Centre Carter déplore toutefois le laxisme des autorités en matière d’encadrement des activités de campagne, en particulier vis¬à¬vis de la pratique généralisée de la pré¬campagne qui favorise les candidats doté de moyens importants et de l’utilisation des moyens de l’Etat par les candidats occupant des fonctions gouvernementales. La pratique récurrente de distribution d’argent ou de biens dans le cadre de la campagne, malgré sa prohibition par le Code pénal, est également traitée de manière laxiste.
• L’absence de réglementation en ce qui concerne le financement de la campagne. Il n’existe pas de réglementation relative aux sources de financement, au plafonnement des dépenses ou encore à la publication des comptes. Ce vide favorise également les candidats disposant de sources de financement importantes et nuit à la transparence de la compétition. Le déséquilibre en termes de moyens était particulièrement visible entre les candidats issus de partis politiques bien établis et les autres candidats, ce qu’aucun mécanisme de financement public n’est venu corriger. Le Centre Carter souligne la nécessité d’établir et de mettre en œuvre des règles sur le financement de campagne en vue d’assurer des conditions de compétition plus équitables.
• La faible participation des femmes à la compétition électorale. Le nombre réduit de femmes candidates illustre la nécessité de mettre en œuvre des mesures structurelles pour assurer une meilleure représentation des femmes dans la vie politique. Bien qu’il soit difficile d’introduire des mesures susceptibles de garantir l’équilibre dans les limites du système majoritaire en vigueur, des mesures incitatives, notamment à la faveur des partis politiques qui contribuent à la participation féminine, sont envisageables et devraient être considérées.
• Une sensibilisation peu convaincante des électeurs. Le Centre Carter regrette que l’importance de cet aspect essentiel de l’organisation des élections continue d’être sous¬estimée. Les informations et les messages de la CEI ont été principalement véhiculés à travers les médias audiovisuels, qui ne sont pas nécessairement accessibles à l’ensemble de la population. Tout en saluant les initiatives menées par les organisations de la société civile à cet égard, le Centre Carter souligne qu’elles ne peuvent, à elles seules, répondre aux besoins existants. La responsabilité première, en matière d’éducation et de sensibilisation, incombe à l’État et à l’administration électorale, qui doivent assurer que des stratégies à plus long terme soient mise en place pour atteindre ces objectifs.
• La participation des représentants des candidats et des observateurs. Le Centre Carter salue la présence significative des représentants de candidats, y compris pour les candidats indépendants, dans les bureaux de vote lors du scrutin et aussi pendant la consolidation des résultats. Les observateurs nationaux se sont déployés en nombre conséquent à travers le pays pour suivre les opérations électorales, en dépit des difficultés résultants de certains retards dans la délivrance des badges d’accréditation par la CEI.
• L’absence d’un cadre clair pour la campagne médiatique. Le Code électoral ne régule pas l’accès aux médias publics durant la campagne pour les élections législatives. Le Centre Carter note néanmoins que la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle, se fondant sur les principes généraux d’accès équitable, a – bien que tardivement – pris l’initiative de
rappeler la nécessité d’assurer un équilibre entre candidats, dans les circonscriptions faisant l’objet d’une couverture médiatique.
Contexte : Le Centre Carter a reçu une lettre d’invitation de la Commission électorale indépendante (CEI) pour observer les élections législatives. Le Centre a déployé 18 observateurs de moyen terme trois semaines avant le scrutin, et 12 observateurs de court terme la semaine précédant les élections. Les observateurs déployés à travers le pays ont visité plus de 140 bureaux de vote. La mission, forte de 19 nationalités, a été dirigée par Mme Sarah Johnson, Directrice adjointe au Programme Démocratie du Centre Carter. Le Centre Carter restera en Côte d’Ivoire pour observer la phase finale de l’agrégation des résultats, ainsi que la résolution d’éventuels contentieux.
Le Centre Carter est présent en Côte d’Ivoire depuis 2008. Le Centre a observé le processus d’identification et de recensement électoral, le contentieux de la liste électorale provisoire et les élections présidentielles de 2010. La mission du Centre Carter en Côte d’Ivoire est appuyée par un bureau à Abidjan, dirigée par Mme Sabina Vigani.
La mission évaluera le processus électoral par rapport à la Constitution et au Code électoral, ainsi que par rapport aux engagements pris dans le cadre des Accords de Ouagadougou et des accords précédents, ainsi que des engagements régionaux et internationaux de la Côte d’Ivoire. La mission d’observation du Centre conduit ses activités conformément à la Déclaration de Principes pour l’Observation Internationale d’Élections et le Code de Conduite, qui a été adoptée aux Nations Unies en 2005 et a été endossée par 37 groupes d’observation électorale. Le Centre Carter publiera des déclarations périodiques, accessibles sur son site Internet : www.cartercenter.org.
« Faire progresser la Paix. Combattre les Maladies. Construire l’Espoir ». Organisation non gouvernementale à but non lucratif, le Centre Carter a aidé à améliorer les conditions de vie des populations dans plus de 70 pays, par la résolution de conflits, la promotion de la démocratie, des droits de l`homme et des opportunités économiques, par la prévention de maladies, en améliorant les soins de santé mentale, en formant des agriculteurs à l’accroissement de la production des récoltes dans les pays en développement. Le Centre Carter a été fondé en 1982 par l`ancien Président des États¬Unis Jimmy Carter et son épouse Rosalynn en partenariat avec l’Université Emory, dans l’objectif de faire progresser la paix et la santé à travers le monde.
Conclusions préliminaires
CONTEXTE POLITIQUE
Les élections législatives du 11 décembre 2011 en Côte d’Ivoire doivent marquer la fin d’une longue période de crise. La tenue du scrutin était essentielle pour renouveler le mandat du parlement en Côte d’Ivoire1. Pour les nouvelles autorités ivoiriennes, ces consultations électorales représentent une étape importante pour rétablir l’ordre constitutionnel et la stabilité politique après plusieurs années de conflit.
Les élections présidentielles de 2010 ont fait l’objet de contestations majeures. Après le second tour du 28 novembre, la Commission électorale indépendante (CEI) a annoncé les résultats préliminaires qui donnaient gagnant Alassane Ouattara, le candidat du Rassemblement des Républicains (RDR). Toutefois, le Conseil constitutionnel, après avoir annulé les résultats de 13 départements du Nord, a proclamé le candidat de La majorité présidentielle (LMP), Laurent Gbagbo, vainqueur.
Les observateurs du Centre Carter n’ont constaté aucune irrégularité systématique de nature à modifier significativement les résultats. Les conclusions de la mission du Center indiquaient en effet que le second tour était conforme avec les standards internationaux et que le Conseil constitutionnel, en annulant partiellement les résultats, avait pris une décision non conforme au droit ivoirien.
Le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies (RSSG) en Côte d’Ivoire a certifié les résultats tels qu’annoncés par la CEI, qui ont également été reconnus par la communauté internationale. Cette situation a plongé le pays dans une intense période de violence qui s’est terminée, près de 5 mois après les élections, avec la prise d’Abidjan par les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire, principalement composées des anciennes Forces Nouvelles. L’ancien président Laurent Gbagbo a été arrêté le 11 avril 2011.
La défaite politique et militaire de l’ancien camp présidentiel a profondément modifié le paysage politique ivoirien. Le Front populaire ivoirien et quelques petits partis proches de Gbagbo – regroupés depuis 2006 au sein du Congrès national pour la résistance et la démocratie (CNRD) – ont été déstabilisés alors que nombre de leurs leaders se sont retrouvés en exil ou en prison. De nouvelles entités politiques telles que Liberté et Démocratie pour la République (LIDER) et Cap¬Unir pour la Démocratie et le Développement (Cap¬UDD) ont vu le jour à l’approche des élections législatives. Les partis du CNRD ont posé des conditions spécifiques à leur participation au processus électoral, parmi lesquelles, la libération de Gbagbo. Les négociations avec le pouvoir ne progressant pas suffisamment, de son point de vue, le FPI a décidé de boycotter les élections législatives de 2011. Dans ce contexte, le parti a suspendu ses 38 membres qui s’étaient présentés en tant que candidats indépendants. Les autres partis du CNRD
1Le mandat de l’Assemblée, d’une durée de 5 ans, s’est achevé en 2005.
ont hésité entre retrait et participation2.
Le 29 novembre, moins de 2 semaines avant la tenue des élections, Gbagbo a été transféré à la Cour pénale internationale pour répondre de quatre chefs d’accusions de crimes contre l’humanité. Certains des partis affiliés au CNRD, et qui avaient procédé à la nomination de candidats, se sont brièvement retirés du processus électoral avant de le réintégrer sur la base de négociations touchant notamment la libération des membres du parti. Côté FPI, 16 des 38 candidats indépendants se sont retirés du processus.
Pendant le deuxième tour des élections présidentielles, Ouattara a bénéficié du report des voix d’une coalition de partis réunis au sein du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP)3. Cette coalition devait procéder à la nomination de ses candidats de façon coordonnée pour les élections législatives.4 Toutefois, à l’exception de deux listes de candidats, les partis, incapables de se mettre d’accord, ont présenté leur candidature en rangs « séparés mais pas dispersés ». Cette situation a créé des tensions alors que les alliés d’hier se faisaient dorénavant face dans les circonscriptions. Au sein même des partis du RHDP, le processus de nomination a également généré des mécontentements qui se sont notamment traduits par la candidature de nombreux membres sous l’étiquette d’indépendant.
Pendant les négociations qui ont débouché sur l’Accord de Pretoria en 2005,5 les parties ivoiriennes ont invité les Nations Unies à jouer un rôle dans le cadre des élections présidentielles et législatives afin de ramener la confiance entre elles. Le mécanisme mis en place a pris la forme d’un mandat selon lequel le RSSG « certifiera que tous les stades du processus électoral fourniront toutes les garanties nécessaires pour la tenue d’élections présidentielles et législatives ouvertes, libres, justes et transparentes, conformément aux normes internationales » 6 et aux « critères arrêtés d’un commun accord » 7. En étroite collaboration avec le RSSG, le Président Blaise Compaoré, du Burkina Faso, facilitateur de l’Accord politique de Ouagadougou de 2007, a également entretenu des contacts avec les différents acteurs et a tenté de créer les conditions d’un dialogue politique.8
CADRE JURIDIQUE
La Constitution de la République de Côte d’Ivoire garantit les droits humains et politiques fondamentaux, ceci inclut, entre autre, le droit de vote pour tout citoyen âgé de 18 ans et plus, les libertés d’assemblée, d’opinion et de manifester, ainsi que le droit d’association. Les partis
2 Au final, certains partis ont décidé de nommer des candidats (par. ex. UDCY, Cap¬UDD et MNC¬Alternatives), alors que certains membres de ces partis se sont inscrits sous la bannière du Cap¬UDD (par ex. URD, UDCY, UNG, AIRD). 3 La coalition comprend le RDR, le PDCI, l’UDPCI, le MFA, une faction du PIT et l’UPCI, nouvellement créé. 4 Pour les législatives, les membres de la coalition avaient prévu de présenter leurs candidatures de façon concertées dans les zones où le RHDP avait obtenu moins de 50% des voix lors des présidentielles. 5 Signé le 6 avril 2005 6 S/RES/1765(2007) 7 S/RES/2000(2011). Les critères cadres ont initialement été élaborés dans le 16ième Rapport du Secrétaire Général sur l’ONUCI (S/2008/250, § 32). Il s’agit de la paix, de l’inclusion, des médias d’État, de la liste électorale et des résultats. 8 Du 4 mars 2007
politiques constitués sur une base régionale, religieuse ou ethnique sont interdits. L’Article 32 fonde l’obligation d’organisation des élections par une commission électorale indépendante. Les autorités publiques ont l’obligation constitutionnelle de respecter, protéger et promouvoir les droits individuels fondamentaux.
La Côte d’Ivoire a également signé et ratifié une série de traités internationaux pertinents pour la conduite des élections. Ces traités comprennent le Pacte international relatif aux droits civils et politiques9, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention sur les droits politiques de la femme, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la Femme, la Charte africaine sur la démocratie, les élections et la gouvernance, la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption, et – dans le cadre de la CEDEAO – le Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance.10
Dans le cadre de la sortie de crise, le cadre juridique a été régulièrement adapté pour prendre en compte des considérations politiques sur une base ad hoc. Le cadre en vigueur pour l’organisation des élections législatives est composé d’un ensemble de textes, à commencer par la Constitution et le Code électoral11, du cadre établi par l’Accord politique de Ouagadougou12et des amendements au cadre légal imposés par cet accord. Le résultat est un ensemble fragmenté, composé de textes divers, de niveau juridique variable, contradictoire sur certains aspects et comportant des lacunes.
Les acteurs politiques et électoraux ont régulièrement ignoré des obligations légales qui s’avéraient incompatibles avec des préoccupations ou des attentes politiques. Cette tendance peut être considérée comme résultant d’une situation politique complexe. Elle a néanmoins affaibli la loi comme instrument guidant le processus électoral. Les amendements portés au Code électoral en 2008 ont principalement visé les chapitres relatifs à l’organisation de l’élection présidentielle, laissant ceux relatifs aux élections législatives intacts.
Le Centre Carter encourage la nouvelle Assemblée Nationale élue à réviser et réformer le cadre légal actuel pour combler les vides et corriger les incohérences existantes largement en avance du prochain cycle électoral.
SYSTEME ELECTORAL
L’Assemblée Nationale est élue sur base du système majoritaire simple. Il existe 169 circonscriptions uninominales et 36 circonscriptions plurinominales, pour un total de 255 sièges. Le gouvernement a accru le nombre de sièges de 225 à 25513 . Les sièges sont alloués aux candidats ou listes de candidats qui obtiennent le plus grand nombre de suffrages valides exprimés.
9 Ratifié le 18 mars 1968. 10 Protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance, additionnel au Protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion et de résolution des conflits, au maintien de la paix et à la sécurité. 11 Loi n° 2000¬514 du 1er août 2000. Le Code électoral a été amendé suite à l’Ordonnance n° 2000¬133 du 14 avril 2008. 12 L’accord politique de Ouagadougou a été signé le 4 mars 2007. 13 Décret n° 2011¬264 de 28 sept 2011
Dans le cadre d’un système majoritaire, le découpage électoral est particulièrement critique. Selon les obligations internationales comme les principes constitutionnels, l’égalité entre électeur devrait être respectée.14 En Côte d’Ivoire, il appartient à la CEI de proposer un découpage mais la décision finale appartient au gouvernement. La proposition initiale de la CEI n’a pas été rendue publique, ce qui ne permet pas d’évaluer la portée des changements apportés par le gouvernement. Il n’existe pas de base légale contraignante en ce qui concerne le découpage. La distribution des sièges en 2011, et la carte électorale qui en découle, aurait été basée sur la population estimée, la taille des départements et le nombre de localités15ainsi que sur des critères additionnels garantissant l’allocation d’un siège par département et le maintien au minimum du nombre de sièges alloués précédemment à chaque département. Les nouvelles délimitations administratives ont également influé sur le découpage.
Le Centre Carter exprime sa grave préoccupation que le découpage perpétue les distorsions dans le niveau de représentativité de chaque siège. Les variations constatées sont de l’ordre de 1 à 50. La distribution des sièges favorise les régions du nord, à faible densité de population, et défavorise les zones urbaines. Ceci est aussi particulièrement vrai pour Abidjan, qui représente pratiquement 30% de l’électorat mais ne représente que 10% des sièges. Bien que le Centre Carter reconnaisse qu’il est difficile d’assurer une distribution équitable des sièges dans une situation ou un centre urbain domine et où la densité de population varie significativement, en particulier dans le cadre d’un système unicaméral, les obligations de l’Etat en matière de représentation ou le droit constitutionnel à l’égalité de traitement devrait prévaloir16 . Le gouvernement et la Commission devraient faire tout son possible pour prendre des décisions transparentes basées sur des critères juridiques et objectifs17 .
L’ADMINISTRATION ELECTORALE
Une autorité électorale indépendante et impartiale qui fonctionne de manière transparente et professionnelle est reconnue internationalement comme un moyen d’assurer que les citoyens soient en mesure de participer à des élections véritablement démocratiques, et que d’autres obligations internationales liées au processus électoral puissent être satisfaites.18
En tant qu’organe indépendant chargé des élections, la CEI est responsable de la mise en œuvre et de la supervision de toutes les opérations électorales et est investie d’une autorité légale considérable. La composition actuelle de la CEI a été établie en 2006, et consiste en 31 membres19 désignés sur la base de la formule de l’Accord de Pretoria. Ce dernier prévoyait deux représentants pour chacun des dix signataires de l’Accord de Linas¬Marcoussis, ainsi que
14 Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ICCPR), UN, art. 25(b). 15 La formule utilisée marie chiffre estimé de la population sur base des projections du recensement de 1998 (55%), taille des départements (25%) et nombre de localité (20%). 16 Le principe de l’égalité du vote est au fondement de l’ensemble des traités internationaux pertinents, à commencer par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’Article 33 de la Constitution stipule que « Le suffrage est universel, libre, égal et secret”. 17 Comité des droits de l’Homme, ONU, Commentaire Général 25 18 Idem, para. 20 19Le nombre actuel est de 30 membres, le poste réservé au représentant du Président de l’Assemblée Nationale étant vacant, depuis que le mandat de l’Assemblée a été déclaré terminé par le Président Ouattara.
d’autres membres représentant des ministères, le Président de la République, le Président de l’Assemblée Nationale et la magistrature20 .
Suite au changement de gouvernement après les élections présidentielles, la CEI a été remaniée en août 201121 , avec la nomination de nouveaux membres représentant le Président de la République, les ministères concernés, le Conseil Supérieur de la Magistrature. Le RDR, le PIT et les ex¬mouvements rebelles ont également saisis cette opportunité pour désigner de nouveaux représentants. Les représentants désignés par l’administration précédente dans les commissions régionales, départementales et locales n’ont pas été systématiquement remplacés22 .
Les partis d`opposition réunis dans le cadre du CNRD ainsi que le LIDER ont critiqué la composition de la CEI et ont appelé à un rééquilibrage de l’institution. Un cinquième poste de Vice¬Président destiné au FPI a été institué par ordonnance, qui est cependant resté vacant, ce parti n’ayant pas participé au processus.
Afin de mener ses travaux, la CEI a créé des commissions à chaque niveau administratif, y compris 19 commissions régionales, chacune placée sous la supervision directe d’un commissaire de la CEI, 75 commissions départementales, 45 commissions communales et 263 commissions sous¬préfectorales.23 Ces structures dupliquent essentiellement la composition de la commission centrale, et comptent un total de plus de 10.000 commissaires. La structure actuelle de la CEI est calquée sur l’ancienne organisation administrative et n’a pas été modifiée malgré la récente réorganisation. Au vu des délais serrés laissés à la CEI, il aurait été impossible de reconfigurer le niveau inférieur de l’administration électorale, y compris de l’adapter aux nouvelles circonscriptions électorales avant la tenue des élections.
La CEI a géré les incohérences entre la structure de l’administration électorale et les circonscriptions électorales récemment reconfigurées, en désignant 150 commissions comme « commissions de référence » ou « commissions sièges ». Ces commissions étaient chargées de recevoir et consolider les résultats au niveau local, avant de les transmettre aux commissions départementales et régionales. Malheureusement, la liste des 105 « commissions de référence » a été communiquée une semaine à peine avant le scrutin, rendant ainsi difficile pour les commissaires locaux de planifier les opérations en conséquence.
Dans la foulée de la crise post¬électorale, le Centre Carter avait encourage les principaux acteurs à envisager des ajustements provisoires à la CEI, afin de rétablir la confiance entre toutes les parties en prélude à la préparation des élections législatives. Bien que ce ne fut pas entrepris, la CEI semble avoir exercé ses fonctions de manière impartiale.
Alors que la CEI avait initialement suggéré la tenue des élections législatives au cours du premier trimestre de 2012, la date du 11 décembre 2011 a été motivée par des considérations
20 Vingt membres pour les signataires, avec voix délibérative, et 11 membres pour les représentants de ministères et des institutions, avec voix consultative. 21 Décret n° 2011¬207, août 2011, Nomination et remplacement des membres de la CEI 22La CEI a estimé que le processus de désignation de nouveaux représentants jusqu’au niveau local aurait été un processus trop long, incompatible avec les contraintes du calendrier électoral. 23 Commission Electorale Régionale, (CER), Commission Electoral Départementale (CED), Commission Electorale Sous¬Préfectorale (CESP), and the Commission Electoral Communale (CEC).
externes sans rapport avec l`administration électorale. Le Centre Carter constate que la CEI a dû préparer ces élections suivant un calendrier très serré, laissant peu de flexibilité.
Au cours du processus qui a mené aux élections présidentielles, la CEI a dû prendre en considération les circonstances politiques. Par conséquent, elle a souvent évité de prendre des décisions politiquement sensibles. Cette tendance était à nouveau perceptible pendant les préparatifs pour les législatives, lorsque, par exemple, la période pour l`inscription des candidats a été prorogée à deux reprises au profit de partis politiques. Les délais imposés par les grands partis politiques pendant le processus de nomination des candidats a également affecté les délais de production et livraison des bulletins de vote, ce qui a exercé une pression considérable sur la CEI et ses partenaires pour conditionner les matériaux sensibles et les acheminer à temps dans les circonscriptions locales.24 Bien qu`ils démontrent les limites de l`autonomie la CEI et les difficultés à exercer pleinement ses compétences dans un contexte politique sensible, les efforts de la Commission visaient à appuyer un processus électoral ouvert sans exacerber les tensions politiques.
Malheureusement, ces efforts ne se sont pas étendus à la communication externe efficace et à la transparence de la CEI et de ses travaux. Tant les parties prenantes au processus que le public ont eu des difficultés à recevoir des informations de la CEI sur ses travaux et ses décisions. Les réunions de la CEI étaient généralement fermées au public et l`information est rarement partagée par les voies officielles. Ce manque de transparence empêche l`accès à l`information pour mieux permettre la participation active dans les affaires civiques de son pays. Bien que la CEI ait régulièrement communiqué des informations sur le processus à travers des conférences de presse et déclarations publiques, des informations détaillées sur les décisions, les instructions et les procédures adoptées par la CEI ne sont généralement pas mis à la disposition du public.
La communication interne et la coordination entre la CEI et de ses organes subsidiaires sont également insuffisantes. Par moments, les commissaires locaux ont reçu des informations essentielles par le biais du téléphone ou lors de réunions avec les superviseurs régionaux, plutôt que les communications officielles. Selon les rapports des observateurs, les commissaires locaux ont été informés des procédures électorales, telles que le déploiement du matériel électoral sensible et le processus pour la compilation des résultats seulement sept jours avant le scrutin au cours des formations tenues par les superviseurs régionaux.
Un commissaire local a également informé les observateurs du Centre Carter qu’il avait appris à la télévision l’introduction de certains changements de procédure clés, plutôt que par une notification officielle de la CEI. C’est ainsi qu’il avait été mis au courant de la possibilité pour les électeurs qui ont perdu leur carte d’identité et carte d`électeur, de se rendre aux urnes avec une attestation d’identité. Les observateurs du Centre ont également indiqué que la CEI n`a pas donné suite à l`annonce par une campagne d`information à l`échelle locale, sapant l`occasion pour les citoyens d`obtenir des informations pouvant influencer leur capacité à voter.25
24In Bondoukou, Koun Fao and Bouna, le matériel électoral sensible est parvenu au niveau départemental moins de 48 heures avant le scrutin, contrairement aux cinq jours d’avance initialement planifiés. 25Les commissaires locaux ont également souvent travaillé dans des conditions difficiles. Pendant la crise post¬électorale, de nombreux sièges de commissions ont été détruits ou saccagés. Certains ont été relocalisés. Malgré les efforts de la CEI en coopération avec l’ONUCI pour remplacer le matériel endommagé dans les violences post¬
Contrairement à d’autres informations, les procédures de vote et de dépouillement, analogues à celles appliquées pendant les élections présidentielles, ont été établies en temps utile par la CEI. Les commissaires locaux et les membres des bureaux de vote ont reçu une formation en cascade sur ces procédures, dans la semaine précédant les élections.
Cependant, les procédures sur la transmission et la tabulation des résultats sont restées incertaines jusqu`à la veille des élections. La CEI a publié un communiqué de presse le 2 décembre en indiquant que, comme pendant les élections présidentielles, les autorités électorales allaient conduire à la fois une tabulation manuelle ainsi qu’une tabulation électronique des résultats. Le Centre Carter a demandé et obtenu un document de la CEI décrivant les procédures adoptées. Ce document était identique au protocole pour la transmission et la tabulation des résultats élaborés par la CEI entre les deux tours des élections présidentielles, simplement la date a été changée à la main. Les observateurs du Centre Carter ont relevé qu’une semaine avant le scrutin, la majorité des commissions départementales et locales étaient toujours en attente des instructions précises.
L’adoption en temps opportun et la communication des procédures par les autorités électorales est indispensable pour permettre la formation adéquate des agents électoraux, ainsi que pour informer les intervenants et le public en général. Le Centre Carter encourage vivement l’administration électorale à renforcer la communication interne et externe, ainsi que les capacités des intervenants pour suivre le processus de manière efficace. Le Centre encourage également la Commission à publier ses décisions et documents de manière plus systématique à travers une diversité de canaux et d`ouvrir les réunions à la participation du public.
LA SENSIBILISATION DES ELECTEURS
Des efforts d’éducation des électeurs sont nécessaires pour garantir un électorat bien informé et en mesure d’exercer effectivement son droit de vote26 . L’accomplissement de l’obligation internationale d’assurer le suffrage universel dépend partialement d’une sensibilisation des électeurs effective27 .
La CEI a fait peu d’efforts dans le domaine de la sensibilisation des électeurs. Dans les deux semaines précédant le scrutin, des panneaux ainsi que des affiches produites par la CEI étaient visibles en zone urbaine surtout. Toutefois, le matériel de sensibilisation était largement absent des bureaux de vote. Avec le soutien des partenaires internationaux, la CEI a produit une courte vidéo simulant les opérations de vote et dépouillement. La vidéo a été diffusée à la télévision nationale quatre fois, après le journal du soir, dans la semaine précédant les élections. Bien que cette initiative ait pu contribuer aux efforts de sensibilisation des électeurs, le Centre Carter note que la sensibilisation par les médias audiovisuels est à elle seule insuffisante pour satisfaire les besoins existants, surtout que ceux¬ci ne sont pas accessibles à l’ensemble de la population28 .
électorales, les observateurs ont rapporté des cas de commissions locales qui manquaient toujours d’équipements tel que des chaises et des ordinateurs à Gagnoa, Duékoué, Man, Bangolo, Agboville, Bouaké, Gboguhé, et Bonoua. 26 PIDCP, Art. 25; Le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unis, Commentaire générale 25, paragraphe 11. 27 Le Comité norvégien d’Helsinki, Manuel pour l’Observation Electorale, sec. 5.5 28 Les statistiques établies par la CEI après les deux tours des élections présidentielles s’agissant des bulletins nuls ont mis en lumière des différences régionales significatives. En effet, dans les régions les moins développées le
Les observateurs du Carter Center ont rencontré des organisations de la société civile qui étaient engagés dans la sensibilisation des électeurs dans plusieurs régions. Toutefois, des écarts significatifs ont été perceptibles entre les régions, nombreuses n’ayant bénéficié d’aucune activité de sensibilisation29 . A l’approche du scrutin, des partis politiques ont approché leurs partisans pour leurs expliquer comment voter.
Alors que les partis politiques et les organisations de la société civile peuvent contribuer aux efforts de sensibilisation, les bonnes pratiques internationalement reconnues indiquent qu’une sensibilisation impartiale et cohérente relève de la responsabilité première des organes d’Etat, et en particulier, des autorités électorales.
Les observateurs du Centre Carter ont fait état d’initiatives de certaines commissions électorales locales pour atteindre l’électorat, mais ces activités étaient limitées dans leur portée et étaient principalement basées sur la motivation des personnes impliquées. La CEI aurait pu faire un meilleur usage des commissions locales à travers le pays pour augmenter les efforts de sensibilisation des électeurs, bien que ces activités aient dû être inscrites au budget et les fonds mobilisé en temps opportun.
La crise qui a suivi les élections présidentielles a aussi montré que la sensibilisation des électeurs devait aller au¬delà de la mobilisation des électeurs et des informations sur les procédures de vote. Une communication accrue afin de clarifier les rôles respectifs des institutions impliquées dans le processus électoral aurait été utile, tout comme des efforts visant à améliorer la compréhension sur le rôle de l’Assemblée Nationale.
Le Centre Carter encourage le futur organe chargé des élections à accorder davantage d’attention à la sensibilisation des électeurs et recommande au gouvernement de mettre à disposition les moyens nécessaires.
LA LISTE ELECTORALE
L’inscription des électeurs est reconnue comme un moyen essentiel d’assurer le droit de vote à chaque citoyen. Lorsque l’inscription des électeurs est exigée, elle doit être facilitée et aucun obstacle ne doit être imposé à ce processus30 .
Le président de la CEI, Youssouf Bakayoko, a déclaré, dans un entretien, le 24 novembre, que la liste électorale de 2010 serait réutilisée en l’état pour les élections législatives. C’était la première fois que la question de la liste électorale a été évoquée publiquement. Le Président de la CEI a soutenu qu’il était préférable, compte tenu la crise post¬électorale, de ne pas rouvrir la liste sur laquelle tous les acteurs s’étaient entendus.
nombre de bulletins nuls était quatre fois plus élevé qu’à Abidjan. Cette statistique illustre les limites de la sensibilisation des électeurs par le biais des médias et le l’importance d’une sensibilisation de proximité. 29 Les organisations de la société civile ont été particulièrement actives dans la sensibilisation des électeurs à Abidjan et dans d’autres grandes villes telles que Bouaké, Daloa et San Pedro. Les observateurs du Centre Carter n’ont toutefois été témoin d’aucune ou de très peu de sensibilisation à Aboisso ou à Bondoukou. 30 Comité des Droits de l’Homme de l’ONU, Observation Générale 25 sur « Le droit de participer aux affaires publiques, le droit de vote et l’égal accès au service publique », para. 11.
La liste électorale pour les élections présidentielles, qui comprenait 5.725.721 électeurs, a été endossée par les principaux acteurs politiques en septembre 2010, et certifiés par le RSSG. L`inscription des électeurs avait été réalisée conjointement avec un processus d`identification ad hoc, visant à délivrer de nouvelles pièces d`identité. Cette opération s`est étendue sur une période exceptionnellement longue, presque deux ans entre le lancement de l`inscription et la liste électorale définitive, et a été marquée par des difficultés dans la mise en œuvre pratique, ainsi que des blocages politiques récurrents.
Dans sa déclaration préliminaire, à l’issue du second tour de l`élection présidentielle, le Centre Carter avait pris note du consensus politique autour de la liste électorale, tout en exprimant des réserves quant aux résultats de l’opération d`inscription des électeurs, tant à la lumière des objectifs fixés au départ par les acteurs ivoiriens que des bonnes pratiques internationales. Le Centre avait également souligné qu’environ 800.000 personnes qui s’étaient enrôlées, n`ont pas été inclues, pour des raisons diverses, sur la liste électorale définitive.31 Le Centre Carter avait également souligné qu’en raisons des exigences administratives et des difficultés qui ont affecté le processus, plusieurs centaines de milliers d’électeurs potentiels n’avaient probablement pu s’enrôler32 .
La liste électorale est donc loin d’être aussi complète et inclusive qu’elle devrait l’être selon les standards internationaux. L`accord Politique de Ouagadougou fixe le 1 avril 1990 comme date de naissance limite pour les plus jeunes citoyens de participer à l`élection. Aucun ajustement n`ayant été fait, la liste ne respecte pas les droits constitutionnels des citoyens âgés de dix¬huit ans et plus pour participer aux élections. Par ailleurs, la décision de ne pas permettre aux citoyens de modifier leur adresse principale de l`enregistrement, même si l’adresse date d’avant l`élection présidentielle, pourrait effectivement priver du droit de vote de nombreuses personnes qui ont déménagé pour des raisons personnelles ou en raison de la crise post¬électorale.
Compte tenu du calendrier électoral serré ainsi que des implications techniques et financières de la réouverture de l`inscription, le Centre Carter comprend néanmoins qu`il était effectivement impossible pour la CEI de mettre à jour la liste électorale. Le Centre Carter invite le Gouvernement de Côte d`Ivoire et la CEI à envisager sérieusement la façon d`inclure ceux qui n’ont pas pu s`inscrire comme électeurs, ainsi qu’à explorer comment mettre en place un mécanisme d`inscription qui puisse s’appuyer sur la liste actuelle, tout en garantissant l`inclusion et la durabilité de l`investissement de l`Etat dans la liste.
31 Ces personnes peuvent être regroupées en quatre catégories: environ 500 000 personnes issues de la “liste grise” et qui n’ont pas pu fournir la preuve de leur nationalité; environ 207 000 personnes qui se sont enregistrés pour avoir leur carte d’identité, mais qui sont devenues majeurs depuis le 1er avril 2010; environ 55 000 personnes retirées de la liste électorale provisoire après la vérification administrative avec les registres d’état civil; environ 20 000 personnes rejetées pour des problèmes techniques concernant les données biométriques. 32 “Deuxième tour de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire: Forte Participation malgré le climat politique tendu”, Déclaration préliminaire du Centre Carter, 30 novembre 2010
LES CANDIDATS, LES PARTIS POLITIQUES ET L’ENVIRONNEMENT DE LA CAMPAGNE
Le droit des individus de participer aux affaires publiques, y compris de créer des partis politiques, et les libertés d’association, d’expression et de réunion sont des obligations en vertu du droit international33 .
Enregistrement des candidatures
Pour être éligible à l’Assemblée Nationale, un citoyen ivoirien doit être âgé de 25 ans au moins, ne pas avoir atteint l’âge de 75 ans et doit disposer du droit de vote34. Il est également exigé d’avoir résidé de manière continue pendant une période de cinq années continues en Côte d’Ivoire et le dépôt d’une caution relativement modique de 100,000 FCFA ainsi que la fourniture d’une attestation de régularité fiscale. Chaque candidat doit déposer son dossier avec celui d’un suppléant, lequel est soumis aux mêmes conditions d’éligibilité à l’exception du cautionnement. Pour certaines catégories professionnelles35il est requis de fournir une attestation de mise en disponibilité pour la durée du mandat brigué. Le cadre général pour l’enregistrement des candidatures est conforme aux principes communément admis. Il existe néanmoins des aspects problématiques : l’interdiction faite aux naturalisés de se porter candidats36 et ensuite, le fait qu’en raison des catégories diverses de citoyens qui ont été exclus de la liste électorale, certains qui auraient pu être éligible et tentés par la candidature ont été exclu de ce droit37 .
L’enregistrement des candidatures, débuté le 17 octobre, a été influencé par divers facteurs. Selon les délais légaux originaux, l’étape aurait du s’achever le 26 octobre. Cependant, les principaux partis politiques n’ayant pas réussi à déposer les dossiers de leurs candidats, la CEI a étendu la période jusqu’au 31 octobre. Le RDR et le PDCI ont, tout deux introduit leurs dossiers, tardivement, le 31. Les dossiers étaient en cours de traitement par le CEI lorsque, le 3 novembre, le Président de la CEI a annoncé que l’enregistrement serait rouvert pour une journée le 4 novembre, afin de permettre à 3 petits partis membres du CNRD de présenter des candidats. Le RHDP a également saisi l’occasion de réorganiser ses listes et le PDCI d’introduire des candidatures additionnelles suite aux désaccords intervenus au sein de la coalition. Deux ordonnances consécutives ont été adoptées pour ajuster les délais légaux. Ces prolongations illustrent un climat dans lequel les participants à l’élection ne parviennent pas à adhérer à des dispositions et des procédures claires et bien établies, plaçant la CEI dans la position peu
33 Le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, Article 25(a); art. 21, Nations Unies, Comité des Droits de l’Homme, Commentaire Général 25, para. 26. 34 Les critères d’éligibilité à la qualité d’électeurs sont liés à l’âge, la nationalité et à la situation judiciaire. Dans le présent contexte toutefois, les critères les plus significatifs sont à mettre en relation avec les conditions négociées d’établissement de la liste. Le Centre Carter a, dans le passé, divers documents portant spécifiquement sur la question du recensement électoral et de l’établissement de la liste (22 décembre 2008, 8 mai 2009 et 1er février 2010). 35 Membres de professions telles que fonctionnaires, magistrats, militaires ou autres catégories employées par l’Etat doivent fournir une attestation de mise en disponibilité pour la durée du mandat brigué. 36 Les articles 71 and 72 contiennent d’apparentes contradictions. L’article 71 exclut les naturalisés tandis que l’article 72 permet aux citoyens naturalisés depuis plus de 10 ans de concourir. 37 Le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, Article 25(b)
enviable de devoir choisir entre appliquer la loi ou tenir compte des desideratas d’acteurs politiques incontournables.
La CEI a enregistré un total de 946 candidats38 ou listes de candidats et rejeté 18 dossiers, y compris 12 cas de candidats ayant retiré leur candidature avant la clôture de l’enregistrement. La CEI a fourni des efforts notables durant son examen des candidatures pour communiquer avec les candidats et leur permettre de compléter leurs dossiers si nécessaire. Vingt¬deux requêtes ont été introduites auprès du Conseil Constitutionnel concernant 17 candidats. Le Conseil Constitutionnel a déclaré inéligibles 3 candidats, le nombre final de candidats ou listes de candidats étant de 94339 .
La période de campagne
La période de campagne électorale officielle a débuté le 3 décembre à minuit et s’est achevée le 9 décembre. Alors qu’une campagne électorale d’une semaine est très courte, de nombreux candidats ont engagé des activités de campagne avant le début de la période officielle. Deux semaines avant l’ouverture de la campagne, les observateurs ont rapporté que plusieurs partis ont organisé des réunions publiques pour présenter leurs candidats40 . Tout au long de la semaine précédant la période de campagne officielle, de nombreux candidats ont fait de la campagne porte¬à¬porte et ont tenu des réunions avec les chefs traditionnels et autres personnalités influentes.
Le code électoral interdit explicitement la propagande électorale avant la période officielle prescrite et prévoit des sanctions contre les violations. Le vice¬président de la CEI, Yacouba Bamba, a parlé explicitement des affichages installés avant la campagne, soulignant qu’ils sont interdits en vertu du code électoral. La CEI n’a pas réussi à sanctionner les candidats qui ont fait campagne en dehors de la période. Le Centre Carter reconnaît les contraintes, vue la période de campagne abrégée, mais note que les commentaires de la commission ont été le seul acte de reconnaissance des violations systématiques du code électoral.
Les activités de campagne ont augmenté avec l’ouverture de la période officielle. Le déséquilibre des ressources financières et logistiques entre les candidats a été clair, en particulier entre les indépendants et ceux qui étaient soutenus par des partis politiques. Cette tendance a été accentuée par la violation flagrante du code électoral par plusieurs candidats occupant des postes officiels. Les observateurs ont en particulier observé les ministres du gouvernement qui ont utilisé des ressources de l’état, y compris des voitures, des ressources humaines et des forces de sécurité publique, pour battre campagne41 .
Les dispositions du code pénal relatives à l’achat de voix ont également été ignorées pendant toute la campagne électorale. Les médias se sont largement fait écho de l’action de candidats qui
38 Dans 2 circonscriptions, 2 candidats du PDCI n’avaient pas d’opposants. 39 Communiqué du Conseil Constitutionnel du 23 novembre 2011. Le Conseil Constitutionnel n’a pas publié ses décisions. 40 Dans un cas notable, le RDR a organisé un tour du pays une semaine avant le début de la campagne électorale pour présenter ses candidats. A peu prés 300 personnes sont venues aux meetings de Gagnoa, 2000 à Man, et d’autres meetings ont eu lieu à Divo et Bouaké. 41 Ces actions ont été observées à Man, Agboville, Koumassi et Bondoukou.
distribuaient des cadeaux42 et donations, y compris en argent comptant, aux potentiels sympathisants. Les observateurs du Carter Center ont entendu des représentants de candidats, près de Boauké, discuter combien d’argent ils planifient de distribuer aux différents villages. Ils ont aussi rapporté la pratique largement répandue de distribution d’argent pendant les événements de la campagne 43 . Le Centre Carter encourage la future autorité électorale à sanctionner les candidats qui se livrent à l’achat des voix et autres activités qui violent le code pénal et entravent un processus électoral compétitif.
La liberté de réunion a été généralement respectée pendant toute la durée de la campagne. Toutefois, certains partis ont abusé de l’utilisation de l’espace public, monopolisant des emplacements publics fréquentés pendant la durée de la campagne. Le gouvernement et la CEI devraient prendre des mesures en vue des prochaines élections afin d’assurer l’accès égal aux lieux publics à tous les partis, en particulier si la période de campagne est aussi courte.
Malgré un environnement globalement pacifique, les tensions ont augmenté vers la fin de la campagne. Les messages de la campagne ont d’abord porté sur la réconciliation, la paix et le développement, mais ont ensuite cédé la place, dans certaines zones, à des attaques personnelles, des références à l’ethnicité des opposants et des appels à l’électorat pour ne pas voter pour des candidats n’étant pas du même groupe ethnique. Des observateurs déployés dans les régions de Tonkpi (18 Montagnes) et du Haut Sassandra ont rapporté des cas d’incidents violents liés aux élections à Man, Facobly, Bouaké, Aboisso, et aussi des cas d’intimidation et harcèlement de candidats à Abidjan, Gagnoa, Tanda, Daloa et San Pedro. Dans quelques circonscriptions, les tensions étaient palpables entre les candidats officiels, en particulier dans des cas où le candidat officiel était une personnalité influente. Le Centre Carter déplore les attaques verbales et menaces émanant de hauts responsables du parti et reprises par la presse, contre des candidats indépendants issus des rangs de certains partis.
Après la crise postélectorale, le FPI a été déstabilisé, de nombreux dirigeants du parti se retrouvant en prison ou en exil. Dans ce contexte, le parti a conditionné sa participation au processus électoral sur des demandes spécifiques. Celles¬ci incluaient la libération de Gbagbo et d’autres chefs de file, le retour pour les dirigeants exilés, la suppression du gel des avoirs des dirigeants FPI, des garanties concernant la sécurité et la restructuration de la CEI. Les négociations entre le gouvernement et le FPI ont achoppé et, le 23 novembre, le FPI a annoncé qu’il boycotterait les élections législatives de 2011.
Les observateurs du Centre Carter ont aussi observé l’impact de l’appel du FPI à boycotter les élections. Dans certaines régions, notamment le Fromager, le district d’Abidjan, le Moyen Cavally et l’Agnéby¬Tiassa, le FPI a activement fait campagne pour le boycott. Toutefois, dans d’autres zones, telles que le Haut¬Sassandra, les 18 Montagnes, le Zanzan, le mot d’ordre semble avoir été suivi de façon inégale et les observateurs n’ont pas été témoins de campagne visant à soutenir le boycott.
42 Selon les observateurs du Centre Carter, les cadeaux ont inclus soixante mille kits scolaires à Facobly, de l’argent comptant, des génératrices, des lampes, des médicaments et le paiement de frais médicaux, de nourriture, notamment. 43 La distribution d’argent a été rapportée dans la majorité des meetings à Daloa, Agboville, Man et dans d’autres à Bouaké et Gagnoa.
Le financement de la campagne
Aucune loi sur le financement de la campagne ne régule l’origine des fonds et le plafonnement des dépenses de campagne. Le gouvernement ivoirien finance toutefois sur fonds publics les partis et groupements politiques et les candidats à la présidentielle.44 La loi prévoit qu’une subvention soit affectée aux partis politiques représentés à l’Assemblée nationale.45 À titre exceptionnel, pour la législature 2000¬2005, les partis politiques non représentés à l’Assemblée Nationale ont pu recevoir un tel financement. Cette action visait à créer des conditions plus équitables pour les partis, et visait tout particulièrement à permettre au RDR, qui avait boycotté les législatives de 2000, de recevoir des fonds publics. Cette approche s’est poursuivie de 2006 à 2010. Après les élections présidentielles, le FPI, comme les autres partis politiques, n’a pas reçu le dernier versement en raison de la crise postélectorale. Le Centre Carter regrette que ce dernier versement de l’année 2010 n’ait finalement été payé au FPI que peu de temps avant l’élection.
En plus de l’absence de dispositions imposant un seuil aux dépenses de campagne et obligeant les partis et les candidats à rendre des comptes à ce sujet, si rien n’est fait pour s’attaquer à l’impunité observée s’agissant de l’usage des moyens de l’État et de l’achat des consciences, le cynisme des électeurs face à la politique ne fera que s’accroître et contribuera à distiller un climat de défiance entre les compétiteurs. Le Centre Carter souligne la nécessité d’instaurer, en vue des prochains cycles électoraux, une série de mesures réalistes visant à mettre en œuvre les principes consacrés dans la Convention internationale contre la corruption et à se donner les moyens de mettre efficacement en œuvre les dispositions légales pertinentes46 .
LA PARTICIPATION DES FEMMES
Les traités internationaux relatifs aux droits humains disposent que les femmes aient les mêmes droits que les hommes47 et que, dans certains cas, les Etats doivent prendre des mesures temporaires spéciales pour atteindre l’égalité de fait des femmes.48 Les obligations de l’Etat de promouvoir l’égalité de fait pour les femmes, découlent, en partie, d’obligations plus larges portant sur l’absence de discrimination49 et le droit de tout citoyen de participer aux affaires publiques de son pays indépendamment de son sexe50 .
Après les élections législatives de 2000, les femmes représentaient 8,9% de l’Assemblée Nationale. Les perspectives pour l’amélioration de la représentation de femmes sont toutefois
44 Décision No 2005¬07/PR, 15 juillet 2005. 45 Articles 4 à 7 de la Décision 2005¬07/PR. Un millième du budget de l’État est réparti entre les partis et groupement politiques représenté à l’Assemblée nationale sur la base d’une formule qui octroie 2/5 des fonds en fonction du nombre de suffrages exprimés lors des législatives, 2/5 affecté aux partis et groupement politiques proportionnellement au nombre de sièges et 1/5 au groupes parlementaires proportionnellement au nombre de députés inscrits en leur sein. 46 Résolution de l’Assemblée générale 58/4 Oct. 31 2003. 47 Pacte Internationale relatif aux Droits Civils et Politiques, art. 3. 48 CEDAW, art. 3 49 Pacte Internationale relatif aux Droits Civils et Politiques, art. 25; 2(1); 26. 50 DUDH, art. 21(a); Pacte Internationale relatif aux Droits Civils et Politiques, art. 25(9)
limitées, car seulement 128 candidates étaient dans la course pour les élections législatives de 2011.
Le gouvernement ivoirien a débloqué un financement ad hoc pour soutenir les candidates dans l’organisation de leur campagne. Le président Ouattara a alloué 1 million de francs CFA pour chaque candidate. Alors que le Centre salue les efforts pour parvenir à une plus grande représentation des femmes dans l’Assemblée Nationale, cette aide symbolique ne s’attaque pas aux problèmes structurels et sociaux qui entravent la participation des femmes. Considérant les difficultés auxquelles les femmes font face et le nombre limité de femmes qui ont été proposées par des partis politiques (11,3%), l’idée d’introduire des mesures incitatives crédibles devrait être sérieusement envisagée dans le futur. Alors que des mesures garantissant une représentation minimale dans l’Assemblée Nationale et l’intégration effective des femmes dans la vie politique sont difficiles à mettre en œuvre dans les limites d’un système majoritaire, le soutien public pourrait agir comme facteur incitatif important pour que les partis intègrent les femmes dans leurs organismes de décision, présentent des candidates ou de réussissent à faire élire des femmes au parlement ou aux postes de direction.
L’ENVIRONNEMENT MEDIATIQUE
Une formulation précédente de la loi électorale exigeait un accès égal aux médias pendant les campagnes électorales.51 Le présent article a été amendé en 2008 pour ce qui concerne l’accès public pour les candidats à l’élection présidentielle, mais ne traite pas des élections législatives. Intentionnellement ou non, la loi amendée modifie spécifiquement les exigences d’égalité de traitement pour les élections présidentielles. Par conséquent, il n’existe pas d’obligations en ce que concerne la couverture de la campagne par la télévision publique, la radio ou les journaux. Dans le cas de la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI), le contrat de service se réfère obligations générales pour une couverture pluraliste52 . Bien que soumis à des obligations de service public, un autre obstacle à la diffusion de programmes qui traitent de la campagne électorale découle du fait que les médias publics doivent être dotés d’un budget spécifique53 .
En dépit du vide juridique, la CEI avait pourtant l’autorité d’adopter des mesures prévoyant un accès égal pour tous les candidats aux médias électroniques et écrits. Bien que difficile, compte tenu du nombre élevé de candidats pour les élections législatives, un cadre spécifique sur la couverture de ces élections aurait pu être établi. A défaut, il y a lieu de relever que la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA) a rendu quatre décisions, adoptées le 5 décembre, deux jours après le début de la période officielle de campagne. Ces décisions ont rappelé les grands principes à suivre par les medias audiovisuels pendant la campagne. Ainsi, la radio et la télévision publiques devaient assurer un accès égal aux candidats et aux partis politiques dans les circonscriptions dans lesquelles une couverture médiatique était assurée; en outre, les médias publiques étaient encouragés à couvrir les activités de campagne dans le plus grand nombre possible de circonscriptions, et devaient s’abstenir de diffuser des discours haineux ou xénophobes, incitant à la violence ou encore attaquant les candidats ou leurs
51 Article 30 de la Loi n° 2000¬514 du 1er août 2000 52 Article 3 du Contrat de Service de la RTI 53 Article 16 du Contrat se Service de la RTI
représentants. La HACA a aussi rappelé que les radios de proximité n’étaient pas autorisées à couvrir les activités de campagne ou à diffuser des débats liées aux élections.
La HACA a continué de surveiller les médias publics pendant la période de campagne. Ses responsables ont expliqué aux observateurs du Carter Center que la surveillance des radios de proximité est difficile à réaliser, étant donné que le rayon de diffusion de ces radios est local. La HACA peut néeanmoins agir lorsque des dépassements lui sont signalés. Ainsi, pendant la période de campagne, cet organe a lancé des enquêtes sur cinq radios locales qui auraient couvert des activités de campagne. La HACA a d’ailleurs convoqué les responsables de deux radios de proximités (Béoumi et Agboville).
Le Centre Carter salue les initiatives prises par la HACA pendant la période électorale et encourage l’examen et la réforme du cadre légal afin de réglémenter la couverture médiatique pendant les élections législatives, au même titre que pendant les élections présidentielles.
LA SOCIETE CIVILE ET L’OBSERVATION NATIONALE
Cinquante groups d’observateurs nationaux ont été accrédités par la CEI. Plusieurs d’entre eux, entre autres, la CSCI, COSOPCI, LIDHO, OFACI et COFEMCI avaient observé les élections présidentielles. Toutefois, le préavis relativement court dans l’annonce de la date des élections a rendu difficile l’organisation et la collecte de fonds pour les activités des organisations de la société civile. Le Centre Carter regrette que, même si un nouveau système a été mis en place par la CEI pour la production de badges d’accréditation, des retards importants dans le processus d’accréditation ont compliqué la tâche des observateurs nationaux.
LA RESOLUTION DES DIFFERENDS ELECTORAUX
Le traitement du contentieux de l’élection est du ressort du Conseil Constitutionnel, lequel est composé d’un président, nommé par le Président de la République, et de 6 membres, nommés en principe pour un mandat non révocable de 6 ans, pour moitié par le Président de la République et pour moitié par le Président de l’Assemblée Nationale54. Le Président Alassane Ouattara a, en juillet, procédé au renouvellement du Conseil. Ce renouvellement, décidé en dehors du cadre normal, fait suite à la situation exceptionnelle résultant de la décision de la direction sortante de renverser le résultat de l’élection présidentielle.
Le cadre légal en ce qui concerne le contentieux de l’élection est constitué de dispositions figurant dans la Loi organique organisant le fonctionnement du Conseil Constitutionnel et dans le Code électoral. Ce cadre comporte quelques incertitudes quant aux procédures à suivre et aux délais légaux. Le Conseil Constitutionnel et la CEI ont discuté et clarifié conjointement certaines zones grises, en particulier en ce qui concerne la computation des délais et les conséquences qui en résultent.
54 Les anciens Présidents de la République sont en principe membres de plein droit. Le Président Bédié a explicitement renoncé à ce droit pour se présenter à l’élection de 2010. Quant au Président Gbagbo, son cas est évidemment lié à sa situation judiciaire.
Certaines plaintes ont été déposées au niveau de la CEI, principalement par communication écrite, mais dans l’absence de mécanismes administratifs pour répondre aux plaintes, la CEI n`a probablement pas pu les traiter. D`autre part, le Conseil Constitutionnel, qui a compétence pour entendre les plaintes électorales, généralement entend les plaintes seulement après les élections. Dans ce cas, le plaignant doit prouver que l`accusé a causé un dommage qui aurait modifié les résultats, afin de recevoir une décision favorable.
Le Code électoral ne fixe pas de délai en ce qui concerne la proclamation des résultats provisoires. Est uniquement prévue la transmission des procès¬verbaux au Conseil Constitutionnel dans un délai maximum de 3 jours suivant les élections. La loi ne connaît qu’un seul niveau de proclamation, celui de la « circonscription administrative », une formulation qui ne correspond plus à la réalité de l’organisation du scrutin. Dans le cadre de ces élections, le Conseil Constitutionnel et la CEI se sont accordés pour prendre en compte la proclamation des résultats provisoires d’ensemble par la CEI au niveau central, laquelle servirait de point de départ pour la computation de la période de 5 jours francs pour l’introduction de requêtes par les candidats, partis, groupements de partis ou électeurs. En principe, ces requêtes peuvent être introduites directement auprès du Conseil mais aussi par l’intermédiaire de la CEI ou des préfets et sous¬préfets. Le Conseil dispose de 15 jours pour traiter les dossiers et se prononcer. A l’opposé du cas de l’élection présidentielle, le Conseil peut annuler ou réformer les résultats. Compte tenu du peu d’expérience en matière de contentieux électoral et du rôle hautement controversé joué par l’institution lors de l’élection présidentielle, le nouveau Conseil est en mesure de jouer un rôle crucial dans l’établissement des bases de la jurisprudence et dans la restauration de l’image de l’institution.
LE PROCESSUS DE VOTE
L’atmosphère le jour du scrutin a été calme et le vote a généralement eu lieu de manière ordonnée et transparente à travers le pays. Le taux de participation, qui n’a pas encore été annoncé officiellement, mais qui sera vraisemblablement peu élevé, peut être en partie attribué au boycott encouragé par le FPI, mais doit aussi être lié, parmi d’autres considérations, à la crise qui a suivi les élections présidentielles et à son lot de violences qui ont traumatisé l’électorat55 .
Malheureusement, il n’y a pas eu de vote dans cinq bureaux de vote de Beoumi, les chefs de village ayant refusé de remettre le matériel électoral qu’ils avaient gardé pour la nuit, au motif qu’ils ne souhaitaient pas la tenue des élections. La plupart des bureaux de vote ont ouvert avec environ 30 à 60 minutes de retard, qui dans de nombreux cas, était dû à l’absence des membres du bureau de vote et, dans d’autres cas, au l’arrivée tardive du matériel électoral56. Ceci étant dit, les retards dans l’ouverture n’ont pas affecté l’intégrité des élections, étant donné le faible taux de participation.
55 Une autre raison possible expliquant le taux de participation relativement faible pourrait être le manque d’intérêt pour les élections législatives, jugée moins déterminantes que les présidentielles, une méconnsaissance du rôle des députés, ainsi que le nombre de candidats en lice. 56 Les observateurs du Carter Center ont observé 62 retards de plus de 30 minutes dans l’ouverture, sur plus de 140 bureaux de vote visités. Toutefois, à Bouaké et Man des bureaux de vote ont ouvert à 16 heures à cause du manque de matériel et ont fonctionné au¬delà d’horaire normal, jusqu’à 21 heures, pour essayer de compenser le retard dans l’ouverture.
Les observateurs du Centre Carter ont évalué le processus de vote très positivement dans les 140 bureaux de vote observés. Toutefois, les procédures électorales n’ont pas été suivies de manière cohérente. Ainsi, dans certains, le matériel sensible a été laissé vulnérable à des interférences, singulièrement lorsque les urnes n’étaient pas correctement scellées57 . Par ailleurs, les observateurs ont remarqué que les membres des bureaux de vote ont souvent négligé de vérifier, avant le vote, si les mains des électeurs portaient des signes d’encre.58 Malgré ces écarts dans le suivi des procédures, les observateurs ont estimé qu’il n’y avait aucune intention manifeste d’affecter l’intégrité du processus, mais plutôt le reflet de formation et supervision insuffisantes. Un autre manque de supervision a été révélé par l’existence de deux listes électorales dans les bureaux de vote, l’usage desquelles a été très différent dans les bureaux de vote observés. Dans des cas, les électeurs ont été demandés de signer les deux listes électorales, pendant que dans des autres, une liste a été utilisée comme liste d’émargement, ou n’a pas été utilisée de tout.
Les observateurs ont évalué que les membres des bureaux de vote ont généralement rempli de manière efficace leur fonctions. Toutefois, ils n’informaient pas toujours les électeurs sur les procédures de vote. Les observateurs ont noté que les femmes occupaient près de 10% des postes de président dans les bureaux de vote, alors qu’elles officiaient comme secrétaire dans 30% des cas observés.
Aucune procédure spécifique n’a été envisagée pour les électeurs qui auraient voulu voter en dehors de la circonscription ou ils s’étaient inscrits. Ceci a posé un réel problème pour les nombreuses personnes ÙÙùdéplacées qui, pour diverses raisons, ne voulaient pas rentrer dans les régions où elles s’étaient enregistrées pour voter. Dans certains cas, les observateurs du Centre Carter ont noté que des électeurs qui souhaitent voter n’ont pas pu le faire à cause de manque de la pièce d’identité et de la carte d’électeur, spécialement dans le cas des personnes qui avaient perdus leurs documents en fuyant les violences post¬électorales de 2010 – 2011. Une semaine avant les élections, la CEI a décidé de permettre à ces électeurs de voter en utilisant une attestation d’identité. Cependant, l’obtention cette pièce n’est pas un processus simple car cela implique notamment la production d’un certificat de naissance ainsi que l’ordre d’un juge pour le certificat de nationalité.
L’environnement aux alentours des bureaux de vote a été évalué très positivement et le grand nombre de représentants de candidats présents a contribué à une plus grande transparence dans le processus électoral59. Les observateurs du Carter Center ont rencontré un total de 30 observateurs nationaux dans les bureaux de vote visités pendant la journée.
LE DEPOUILLEMENT
L`évaluation globale du dépouillement est positive dans les bureaux de vote observés. Les procédures ont été généralement respectées et dans les cas où le choix des électeurs n’avait pas
57 Les observateurs du Centre Carter ont rapporté que dans 23% des bureaux de vote visités, les urnes n’étaient pas correctement scellées. En outre, 20% des bureaux de vote n’ont pas reçu 9 scellés ou plus afin de sceller l’urne correctement, à l’ouverture du vote comme pour le transport du matériel vers la CEI de tabulation. 58 Les observateurs ont noté que dans 34% des bureaux de vote, le personnel ne vérifiait pas si les doigts des électeurs étaient encrés. 59 Les listes qui avaient le plus de représentants, dans les quelques 140 bureaux de vote visités, étaient le RDR et le PDCI avec respectivement 122 et 119 représentants.
été exprimé dans les cases prévues du bulletin de vote, les décisions de validation ou invalidation du bulletin ont été prises à l’aide des modèles et des procédures fournis par la CEI. Dans certains cas, le matériel électoral n’était pas emballé selon les règles établies, non pas par préméditation mais plutôt en raison d’une formation préalable insuffisante. Dans l’ouest du pays, des individus armés ont attaqué des membres de centres de vote et ont volé du matériel électoral, dont les bulletins de vote et les procès¬verbaux de sept centres de vote60 .
La tabulation des résultats provenant des bureaux de vote a été complétée relativement rapidement, en raison, toutefois, du fait que les commissions siège n’ont pas procédé à la vérification systématique des procès¬verbaux, en particulier pour s’assurer que les chiffres inscrits étaient mathématiquement cohérents. Cette négligence peut occasionner des retards importants au niveau central, si les résultats ne concordent pas. En général, les observateurs ont eu accès à toutes les étapes du processus de tabulation, même si, dans un cas, la commission siège n’a pas permis aux observateurs de voir le processus dans sa phase initiale61 . La tabulation se poursuit, tandis que les résultats préliminaires pour certaines circonscriptions ont déjà été annoncés.
60 A Bonon et à Duékoué, des membres de bureaux de vote transportant le matériel électoral ont été attaqués et tout le matériel a été volé. A Vavoua, une urne a été brûlée après la clôture. 61 A Koumassi, la commission a demandé aux observateurs, dans un premier temps, d’attendre pour les résultats dans une pièce adjacente à celle où se déroulait le processus de tabulation.
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Contexte : Le Centre Carter a reçu une lettre d’invitation de la Commission Electorale Indépendante (CEI) pour observer les élections législatives. Le Centre a déployé 18 observateurs de moyen terme trois semaines avant le scrutin, et 12 observateurs de court terme la semaine précédant les élections. Les observateurs déployés à travers le pays ont visité plus de 140 bureaux de vote. La mission, forte de 19 nationalités, a été dirigée par Mme Sarah Johnson, Directrice adjointe au Programme Démocratie du Centre Carter. Le Centre Carter restera en Côte d’Ivoire pour observer la phase finale de l’agrégation des résultats, la résolution d’éventuels contentieux, ainsi que l’annonce des résultats définitifs. Cette déclaration est préliminaire. Un rapport final sera publié quelques mois après la fin du processus électoral.
Le Centre Carter est présent en Côte d’Ivoire depuis 2008. Le Centre a observé le processus d’identification et de recensement électoral, le contentieux de la liste électorale provisoire et les élections présidentielles de 2010. La mission du Centre Carter en Côte d’Ivoire est appuyée par un bureau à Abidjan, dirigé par Mme Sabina Vigani.
La mission évaluera le processus électoral par rapport à la Constitution et au Code électoral, ainsi qu’aux engagements pris dans le cadre des Accords de Ouagadougou et les accords précédents, ainsi que les engagements régionaux et internationaux de la Côte d’Ivoire. La mission d’observation du Centre conduit ses activités conformément à la Déclaration de Principes pour l’Observation Internationale d’Élections et le Code de Conduite, qui a été adopté aux Nations Unies en 2005 et a été endossé par 37 groupes d’observation électorale. Le Centre Carter publiera des déclarations périodiques, accessibles sur son site Internet : www.cartercenter.org.