Les législatives post-crise ont rendu leur verdict dans un concert de contestations. En attendant un autre verdict, celui du conseil constitutionnel, on peut d’ores et déjà dire que le scrutin controversé a fait des victimes de taille. En tête de cette liste, sans conteste, Mamadou Koulibaly, le président sortant de l’Assemblée nationale. En lice à Koumassi, il est arrivé en 3e position, loin derrière Cissé Ibrahim Bacongo du Rdr et Ndori Raymond du Pdci-Rda. Même si le dernier cité conteste la victoire du Rdr, le président de Lider, le dernier né des partis politiques, lui, ne devrait pas attendre grand-chose de l’institution dirigée par Francis Wodié Romain. «Nous sommes un parti jeune, et le score obtenu reflète notre niveau d’implantation», a-t-il tenté de justifier son échec qui, il faut le dire, est cuisant. Au point où des observateurs bottent en touche l’argumentaire de la jeunesse de Lider. Pour eux, si Lider est jeune, son leader, lui, a un parcours politique qui parle. Iconoclaste à souhait, Koulibaly s’est taillé une réputation d’un homme politique intègre, peu habitué à la langue de bois depuis près de 10 ans. Ce qui a forcé l’admiration de bon nombre d’Ivoiriens. En revanche, il n’avait pas que d’admis au sein de son ancienne famille politique. Les dissensions l’ont poussé à quitter le Fpi au moment même où ses camarades de lutte croupissaient dans les goulags du Nord. Son échec pourrait aussi venir cette «trahison», vue par beaucoup de militants Fpi comme une «ingratitude» envers un parti qui lui a tout donné. Va-t-il survivre politiquement à cette bérézina ? Ses proches le croient dur comme fer. Mais la réalité est tout autre. Cette élection peut bien sonner le glas de Mamadou Koulibaly. Qui, par une erreur d’appréciation, a, sans aucun doute, gâché une chance réelle de prendre les rênes de ce pays. La deuxième grande désillusion est celle d’Anaky Kobena, président du Mfa. Candidat à Cocody, il n’a pas pesé lourd devant la liste Pdci, qui a vu descendre dans la vallée, Wognin, pour porter à bout de bras sa fille. Membre de la conférence des présidents, Anaky n’a pas bénéficié du soutien de ses amis du Rhdp, Bédié et Ouattara, notamment. Donnant raison à ceux qui ont toujours pensé que ce groupement politique est fortement hétéroclite et servait de marchepied au Rdr d’Alassane Ouattara. Le Pdci et le Rdr qui avaient à cœur de se mesurer sur le terrain ont renié pour le temps des législatives leurs signatures. Du coup, les cendrillons du groupe ont été abandonnés à leur sort. Anaky qui n’a pas voulu rempilé dans sa région d’origine où il a été élu en 2000, a appris à ses dépens que les promesses politiques n’engagent que ceux qui y croient. Que va-t-il faire maintenant ? Une chose est sûre, il va tirer les leçons du manque de solidarité au Rhdp et aviser. Contrairement à Koulibaly, Anaky peut se consoler avec trois (3) élus de son parti. Ce qui lui permettra de donner de la voix dans les débats politiques majeurs, son parti étant à l’hémicycle national. Ce qui n’est le cas de Gervais Coulibaly, président de Cap-Udd, anciennement porte-parole de Laurent Gbagbo. Certes, son choix, guidé par son libre arbitre, de servir de pont entre le camp Gbagbo et celui de Ouattara a eu pour mérite de mettre provisoirement en liberté une vingtaine de prisonniers politiques proches de l’ancien chef de l’Etat. Mais son «yo-yo» politique a fini par le décrédibiliser. Tant que Laurent Gbagbo était sur le sol ivoirien, ses partisans pouvaient voir en la médiation tacite de Gervais Coulibaly une planche de salut. Hélas, la déportation de Laurent Gbagbo à la Haye a achevé de convaincre que le pouvoir Ouattara avait un agenda que le président de Cap-Udd ignorait. Du coup, sa noble mission de trait d’union s’est vidé de sa substance et l’a placé dans le camp de ceux qui «dealent» avec le pouvoir. Sa candidature est perçue comme le prolongement de la «trahison». D’où le maigre score que sa liste a récolté. Lui, qui, après la déportation de son ancien «patron», avait dit publiquement qu’il se retirait de la course, a fait volte-face sans convaincre. A-t-il encore des cartes à jouer ? Peut-être. Il a pour lui le fait de ne pas être très marqué politiquement. Sa création d’un parti politique a même surpris plus d’un. Mais il gagnerait à épouser ce qui a fait la force de celui qu’il a servi des années durant : la constance dans les actes. Dire et se dédire ne peut que conduire à l’échec. Au total, de l’un à l’autre, la défaite à ces législatives marque un tournant dans leur carrière politique. A eux de tirer toutes les leçons qui s’imposent, en appréciant sainement la réalité.
Tché Bi Tché
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