Ce reportage aurait dû passer dans ces colonnes depuis longtemps. Malheureusement, votre quotidien a été frappé d’une suspension au moment même où nous étions encore sur le sol ghanéen. Nous vous le proposons aujourd’hui, espérant qu’il n’a rien perdu de sa saveur. Abidjan. Il est 9 heures ce mardi 6 décembre 2011 lorsque la Land Rover qui transporte les journalistes de l’Expression, de le Temps, de l’Intelligent d’Abidjan et de Vox of Africa franchit le corridor de Port-Bouët pour se lancer à vive allure sur la route de Grand-Bassam. Lorsqu’il s’immobilise au poste frontalier de Noé, il est 11 heures 30. L’endroit grouille de monde au milieu des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci). Les formalités de routes remplies, nous voilà en territoire ghanéen. Là, au service de l’immigration, nous sommes face au premier test d’aptitude au maniement de la langue de Shakespeare. Vérifications d’identités, de carnets de vaccinations et établissement de laissez-passer dont les frais sont payés, non pas aux agents de la police de l’immigration, mais à la banque. Histoire peut-être de minimiser les fraudes. Environ une heure s’écoule. Puis, le voyage vers Accra, la capitale ghanéenne, peut commencer. Les premiers kilomètres ne sont pas à la dimension de ce que cette voie fait entrer comme devises dans les caisses de l’Etat ghanéen. Le bitume a cédé par endroit, donnant naissance à des nids de poule. Notre pilote manœuvre jusqu’au deuxième camp des réfugiés ivoiriens, après celui d’Elubu. Les tentes et autres abris de fortune s’étendent à perte de vue, signe de l’importance de la concentration des compatriotes en ce lieu. On n’a pas le temps de s’apitoyer sur leur sort, tirés qu’on est, brutalement, par le bruit assourdissant d’un camion remorque. Le bolide avale des kilomètres de route, devenue, au fil de l’avancée, praticable jusqu’à un carrefour où elle se ramifie. Quelques instants d’hésitations, et hop on se lance sur une voie qui va s’avérer la mauvaise. Etait-ce pour cela qu’un groupe de Ghanéens nous hélait ? Hélas, on n’a pas été attentif à cette interpellation. Une trentaine de minutes plus tard, point de Takoradi, la ville repère sur la voie d’Accra. Renseignements pris, nous étions sur la mauvaise voie. Il fallait rebrousser chemin. Et comme le malheur n’arrive jamais seul, nous voilà dans le filet de la police ghanéenne. Notre crime, c’est d’avoir voulu passer alors qu’elle (police) avait stoppé tous les véhicules pour faire traverser des élèves, non loin de leur barrage. Emportés par le raté de la route, nous devions faire vite. Cette précipitation va nous conduire à une infraction. Nous décidons de négocier. Mais nous butons sur l’intransigeance de la police ghanéenne qui fixe l’amende à 50 000 Fcfa. Les éléments se montrent soudés et intraitables. La prétention revue à la baisse, nous laissons un billet de 10 000 Fcfa, avant de poursuivre la route. Grâce à de bonnes volontés, avec « Go straight » (Allez tout droit), nous atteignons Takoradi aux alentours de 15 heures. La traversée est un véritable parcours du combattant. Au rythme d’escargot, nous atteignons l’autre bout de la ville. Puis la célèbre ville côtière Cape Coast, avec sa prestigieuse Université qui s’étend sur des hectares. Lorsque nous entrons à Accra, il est 19 heures. De Kansoa, entrée de la ville, jusqu’à The lok hotel, deux heures se sont écoulés. Essentiellement dues à une méconnaissance de la ville, et surtout à cause de la légèreté de nos hôtes. Le lendemain, mercredi 7 décembre 2011, Freedom centre, sis au quartier Kokomlemle, à des encablures de « Nkrumah circle », était animée. La galaxie patriotique, dans sa diversité était présente. Watchard Kédjébo du Comité de la libération de Bouaké (Clb). Idriss Ouattara des Agoras et Parlements. Nado Clément de la Sorbonne Plateau. Mais aussi, Bouazo Yoco Yoco, celui-là même qui a écrit les dernières notes du Groupement des patriotes pour la paix (Gpp). Le Fondateur du Gpp, Touré Zéguen Moussa, et le président de la Voix du Nord, Fofana Youssouf étaient aussi au rendez-vous. Beaucoup d’autres ivoiriens dont le ministre Charles Dosso Rodel et même des ghanéens ne voulaient rater cette conférence publique de la Coalition de patriotes ivoiriens en exil (Copie). Le menu, à savoir la déportation du Président Laurent Gbagbo à la Cpi, n’a laissé personne indifférent. La presse écrite et audio a fait massivement le déplacement. On notait la présence de journaux ivoiriens, notamment Le Temps, l’Expression, l’Intelligent d’Abidjan. Mais des confrères internationaux tels que Zeal Tv, Vox of Africa, Daily Graphic (journal gouvernemental), French Press, etc. La salle est pleine à craquer. On se délecte du nouvel opus de Gedéon, intitulé, « c’est dur, mais ça ne va pas durer ». Ce n’est point une invite à la déstabilisation des institutions incarnées par Alassane Ouattara, s’empresse-t-on de préciser, mais un véritable « opium » pour les exilés qui y trouvent les ressources pour tenir le coup, loin de la mère patrie. En tout cas, il y a un beau monde ce jour à Freedom centre lorsque Damana Adia Pickas, président de la Copie, fait son entrée, sous le coup de 11 heures, dans une salle qui a refusé du monde. « Nous sommes là pour parler de notre pays. Que tout ce qui n’est pas esprit de paix soit chassé de ces lieux », confie celui qui a la charge de placer ce rassemblement sous la coupole du tout-puissant. Puis, l’hymne national, l’Abidjanaise, déchire, avec une chaleur émotionnelle, la salle. Qui laisse vite la place à tristesse. Gnan Raymond, Pca de Sodertour-Lacs, ancien Ddc de Laurent Gbagbo à Facobly, puissant homme d’affaires, a rendu l’âme, la veille, au Togo, dans un dénuement total, ses avoirs ayant été gelés par le pouvoir Ouattara. Il a succombé à un mal qui le rongeait, mêlé à un sentiment d’angoisse de voir de l’exil sa résidence occupée par les soldats de Ouattara qui la partage avec sa femme et ses enfants. Cette annonce plonge la salle dans un silence de cathédrale, brusquement interrompu par « Eh Dieu ! ». Signe de dépit, mais surtout d’une société ivoirienne qui se déshumanise à l’avènement de Ouattara au pouvoir. Et ce n’est pas Paul Madys qui dira le contraire. Appelé à égayer les patriotes, le dernier né se son répertoire discographique est simplement hypnotisant. « En seulement quelques temps de gestion, tu as fait pire que tes prédécesseurs. Si au Nord il y a des cadres, sache qu’au Sud, à l’Est, au Centre, à l’Ouest, il y a aussi des cadres. On ne dirige pas un pays avec la vengeance, on ne dirige pas un pays avec la haine… », lâche-t-il, à la grande joie du public qui n’en demandait pas mieux. Le décor ainsi planté, Idriss Ouattara, Secrétaire général de la Copie peut lancer les premières salves. « Ça fait huit (8) mois que nous sommes en exil, huit mois de souffrance, huit mois de dignité, huit mois de non renonciation au combat pour la démocratie et des libertés », martèle-t-il. Le peuple de Côte d’Ivoire, de l’avis de Damana Pickas, conférencier principal, est engagé dans une bataille pour restaurer sa dignité. Pour ce faire, le guide idéal, pour lui, c’est Laurent Gbagbo, qui, à l’en croire, fait face à un système mafieux. « Le monde ne retiendra pas de Laurent Gbagbo, ce que Sarkozy veut qu’on retienne », charge l’orateur, avant de faire une profession de foi : « Gbagbo va revenir de la Haye de façon triomphale. Parce que le monde entier va réaliser que c’est lui qui a gagné les élections ». Pour atteindre cet objectif, les patriotes ont lancé l’opération « Laurent Gbagbo à la Haye, j’y vais » dont le point focal sera des manifestations éclatées devant les ambassades françaises à travers le monde pour réclamer à Sarkozy, la libération du Président Gbagbo. C’est dans une ambiance bon enfant que les patriotes exilés au Ghana ont regagné leur domicile respectif, à Accra, non sans échanger avec les journalistes ivoiriens sur les nouvelles « fraiches » du pays qu’ils ont hâte de retrouver.
Tché Bi Tché
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