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Politique Publié le vendredi 30 décembre 2011 | Le Patriote

interview exclusive/Ange Kessy Bernard, procureur militaire : “Je vais entendre Michel Amani N’guessan”

© Le Patriote Par DR
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Vendredi 14 et samedi 15 octobre 2011. Yamoussoukro. Photo: le commissaire du gouvernement, le colonel Ange Kessy Kouamé
Le commissaire du gouvernement Ange Kessy Bernard a beaucoup de dossiers sur sa table concernant des infractions commises par les militaires, gendarmes et policiers. Les enquêtes terminées sur les évènements post-électoraux, le tribunal militaire s’apprête à l’ouverture des procès dans le mois de Janvier 2012. Dans cette interview exclusive, le capitaine de frégate se prononce sur les procédures en cours et l’équité des procès à venir.

Le Patriote : Vous êtes le commissaire du gouvernement chargé de veiller sur l’éthique et la déontologie militaire au sein de l’armée. Quel est votre regard sur ces vertus dans la nouvelle armée qui se met en place après la crise post-électorale?
Ange Kessy Bernard : Il faut dire que pendant cette crise, le droit était en vacance. Pendant les périodes d’exception et de crises militaires surtout, le droit part en vacance. Il y a eu beaucoup de violations des droits humains. Quand on dit période d’exception, cela veut tout dire. La loi pénale militaire ivoirienne a prévu cette période d’exception en 1974 au moment où le législateur mettait en œuvre, le code de procédure militaire. C’est une période au cours de laquelle tout se déroule de façon dérogatoire. Certaines choses sont donc tolérées. Mais une fois que la période d’exception s’éteint pour faire place à la normalité, il y a des choses qu’on ne peut plus tolérer ou pardonner. Mon regard sur l’observation de l’éthique et de la déontologie militaire, je dirai que le juge n’a pas de regard. Je n’ai pas de regard à avoir mais je veille sur tout ce qui se passe maintenant. Tout ce que je sais, c’est que pendant une bonne période, le droit était en vacance et que maintenant, la Côte d’Ivoire se normalise et nous appliquons le droit dans toute sa plénitude et non de façon dérogatoire. Les procédures normales seront engagées contre tous ceux qui ont commis et commettront des infractions et ils seront traduits devant le tribunal militaire pour être jugés. La Côte d’Ivoire est dans la phase de normalisation et le droit également.

LP : Beaucoup d’affrontements entre militaires et populations sont signalés ces temps-ci. Ce qui a poussé le chef de l’Etat à crier son ras-le-bol. Est-ce que le tribunal militaire est décidé à suivre le président de la République dans sa démarche de restaurer la discipline et la rigueur au sein de la troupe?
AKB : Absolument ! Le tribunal est décidé plus qu’à restaurer la discipline et la rigueur, à appliquer la loi dans toute sa dimension. Nous n’allons pas être sévères, mais nous allons appliquer la loi de façon correcte. Parce que très souvent, lorsqu’une personne est condamnée à 20 ans de prison, on dit que la sanction a été sévère. Non ! Lorsque l’infraction commise mérite 20 ans, on peut vous donner moins mais pas plus. Le tribunal militaire applique la loi dans sa dimension totale. Nous ne faisons pas plus, nous ne faisons pas moins. Nous pensons que lorsque le chef d’Etat qui est le chef suprême de l’armée et de la magistrature décide de mettre en œuvre la politique criminelle, le tribunal militaire ne peut que s’en réjouir. La politique criminelle est l’ensemble d’un certain nombre de mesures pour enrayer des crimes. Lorsqu’en 1996, on a remarqué une recrudescence du banditisme en Côte d’Ivoire, le président de la République d’alors, a consolidé la loi sur le vol. Avant 1996, le vol n’était pas aggravé et n’admettait que 10 ans. Mais avec la montée en puissance du grand banditisme, une loi a été prise pour criminaliser le vol. C’est pour dire qu’à chaque époque sa décision de politique criminelle. Si le président de la République, Alassane Ouattara et le gouvernement dirigé par le Premier ministre, Guillaume Soro estiment qu’il y a un certain nombre d’infractions qui mettent en danger la société ivoirienne, ils peuvent décider que le tribunal militaire et la justice de façon générale, mettent un point d’honneur à poursuivre les auteurs de ces infractions. Par exemple, le racket était devenu récurrent en Côte d’Ivoire. Lorsque le chef de l’Etat, Alassane Ouattara est arrivé, ses premières paroles ont été : «je ne veux plus de racket». Pour nous, c’est un signal fort pour dire que la lutte contre le racket a bel et bien commencé. C’était la première fois qu’un président de la République s’engageait ouvertement dans la lutte contre l’impunité et le racket. Au paravent, le commissaire du gouvernement luttait seul contre le racket. Des gens estimaient que j’étais en train de perdre mon temps parce que ceux qui étaient en haut ne se sentaient pas dans la lutte et qu’elle était vouée à l’échec. Maintenant, je sais que ceux qui sont en haut me soutiennent. Je suis satisfait. Parce que le président de la République a déclaré lui-même la guerre contre le racket et l’impunité. Je sais désormais que cette lutte ne se limitera plus aux cérémonies ponctuées de discours creux. Je dis aux Ivoiriens de faire confiance à leur justice. Elle est là pour la société et nous avons tout ce qu’il faut maintenant pour qu’elle soit libre, indépendante afin de rendre des décisions justes et équitables.

LP : Après la crise post-électorale, il ya eu beaucoup de militaires arrêtés, notamment l’ancien commandant de la garde républicaine, Dogbo Blé Bruno, le commandant de la gendarmerie, Yapi Séka Anselme dit Séka Séka pour ne citer que ces deux. Aujourd’hui, l’on ne se sait pas grand-chose sur les procédures judicaires concernant ces militaires. Pouvez-vous nous dire quelque chose sur ces dossiers?
AKB : Les dossiers de ces militaires sont devant les juges. Je suis procureur, j’ai confié leurs dossiers aux juges et les enquêtes, je le pense, ont été engagées et se mènent. Le juge d’instruction doit avoir de plus amples informations. Je sais que les procédures concernant ces militaires sont en cours.

LP : Des rumeurs font état de ce que certains d’entre eux sont en route pour la cour pénale internationale. Est-ce vrai?
AKB : Je sais que les dossiers ont été confiés au juge d’instruction. Est-ce que le juge a confié certains dossiers à la CPI? Je n’en sais rien. Ce que je sais, c’est que les procédures sont en cours et que les mis en cause comparaitront, s’il le faut.

LP : Il y a eu un détournement de fonds portant sur une forte somme à la police nationale. L’affaire a fait grand bruit et depuis, plus rien. Où en est-on avec cette procédure?
AKB : Cette procédure est déjà terminée. Je l’ai sur mon bureau. Il y a des dames dans cette affaire de détournement et la prison militaire n’est pas faite pour les femmes. Nous sommes en train de réaménager des cellules pour elles. C’est pour cela que leur arrestation tarde un peu. Dans quelques jours, tous ceux qui sont concernés par cette affaire seront interpellés et arrêtés. Il s’agit de 6 personnes dont trois femmes et nous avons fait des demandes dans le sens de leur arrestation dans les prochains jours. Le dossier, comme vous le voyez, est en cours. Il parait même que le ministre de l’Intérieur a reçu d’autres avis sur ce dossier. Autre avis, c’est que toutes les personnes impliquées dans cette affaire doivent être arrêtées, écrouées, poursuivies et citées devant le tribunal militaire pour être jugées. Nous attendons l’ordre du ministère de l’Intérieur. Puisque la loi impose que pour juger un militaire, un gendarme et un policier, il faut l’ordre du ministre concerné. Ce sont des policiers dont nous attendons l’ordre du ministre de l’Intérieur. Je sais l’intérêt du ministre d’Etat, ministre de l’intérieur pour l’Etat de droit, pour la lutte contre l’impunité. Je ne doute pas du fait qu’il va délivrer l’ordre de poursuite lorsque le dossier sera sur sa table.

LP : Commissaire, il y a un militaire ivoirien, le colonel Yao N’guessan devant la justice américaine pour achat illégal d’armes. Est-ce qu’en tant que commissaire du gouvernement vous-vous intéressez à ce dossier?
AKB : Le Premier ministre, ministre de la Défense nous a instruit à l’effet d’ouvrir une enquête sur ce dossier. C’est en mai dernier que nous avons reçu l’instruction. Mais, en même temps, nous devrions mener les enquêtes sur les évènements post-électoraux. En ce qui concerne les évènements après crise, les enquêtes sont terminées. Maintenant, nous nous pencherons sur l’affaire du colonel Yao N’guessan. Depuis le 4 décembre, les enquêteurs sont à la tâche. Lui, il est aux USA mais les enquêteurs sont en train d’investiguer sur tous ceux qui sont partis avec lui et surtout ceux qui ont commandité l’opération d’achat. Il y a un certain Yapo qui était le comptable de la société qui payait les hauts-les-cœurs. C’est avec cet argent qu’on achetait tout pour les FDS et c’est lui qui gérait ce fonds. C’est avec lui que le colonel a été arrêté à Washington. Nous allons l’entendre. Nous allons entendre également le ministre de la Défense, Amani N’guessan parce que c’est lui qui a donné l’instruction d’achat. Concernant la procédure, M. Yapo nous déterminera la somme exacte qui a servi à l’achat des armes, il devra aussi nous dire aussi qui a commandé les armes. Nous allons lui demander de nous dire si l’ensemble des armes ont été livrées. En somme, il doit impérativement nous dire tout sur l’opération. C’était un marché de l’Etat ou un marché de gré à gré? Nous allons mener les enquêtes pour être situé sur toutes ces questions. Le ministre de la Défense qui était le maître d’œuvre de l’affaire, nous ferra aussi des précisions sur l’opération. Il doit nous dire ce qu’il sait de cette affaire. Le ministre de la Défense d’Alors, Amani N’guessan et M. Yapo seront entendus en attendant que nous nous déplacions aux USA pour entendre le colonel Yao. Même s’il a été jugé, il peut être jugé ici encore. Tout dépend des infractions qui lui sont imputées par les deux justices. Il faut noter que dans ce dossier, nous recevons les ordres du ministre de la Défense conformément à la loi. C’est le juge qui n’a pas d’ordre à recevoir du ministre de la Défense. Sinon le commissaire du gouvernement reçoit les ordres selon la loi. Ce n’est pas une question d’être inféodé au pouvoir. C’est la loi qui impose cette démarche. L’article 39 du code militaire est clair sur cette question.

LP : Vous avez annoncé le début des procès du tribunal militaire pour le mois de Janvier. Comment comptez-vous rassurer les populations sur l’équité des décisions qui seront prises vu qu’elles pensent que vous êtes sous les ordres du pouvoir en place?
AKB : Dans le système judicaire, il y a le parquet et le siège. Quand on parle d’un procureur, on dit le procureur près le tribunal. C’est quelqu’un qui n’a aucune influence sur les décisions des juges. Je ne donne pas d’ordres aux juges. Vous vous rappelez dans l’affaire Jean Hélène, le tribunal militaire a demandé 15 ans pour le tueur. Mais le juge a donné plus. Il a donné 17 ans. Le juge n’est pas obligé de nous suivre. Il peut aussi arriver des cas où le juge relâche complètement des gens contre qui le tribunal militaire requiert des sanctions. Pour le charnier de Yopougon, j’avais requis 20 ans de prison ferme. Le tribunal militaire a dit non et que les prévenus n’ont rien fait. Ils ont été relâchés. C’est pour dire que je ne commande pas le tribunal militaire. De ce point de vue, les décisions des juges ne peuvent pas être viciées par des ordres venant du commissaire du gouvernement. Je dis que moi, je reçois des ordres du ministre de la Défense conformément à loi mais, les juges ne reçoivent pas d’ordre. Les procès, je suis certain, seront justes et équitables.
Réalisée par Lacina Ouattara
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