Ils sont nombreux, ceux qui attendaient de voir le lundi dernier chômé et férié. Quand il avait été annoncé que le lundi de Noël sera chômé et férié, ces mêmes personnes s’attendaient à voir le même communiqué repris pour le nouvel an. J’en connais qui croyait, dur comme fer, que le problème ne se posait même pas. Ils se mettaient à la place du gouvernement et décidaient dans leur salon. C’est une pratique habituelle dans nos contrées. On ne s’informe pas et on parle. On discute même. Comment ne pas toujours rappeler ce voyage. Un avion décolle de Paris, pour l’Afrique noire. A son bord, des Européens et des Africains. Dès que l’hôtesse annonça que les passagers pouvaient détacher leur ceinture, les hommes à peau blanche prirent des livres, des revues, des magazines et des journaux pour lire. Les passagers africains se retirèrent, pour la plupart, dans le fonds de l’avion pour bavarder, surtout critiquer. D’autres, écouter de la musique, regarder des films, dormir et attendre le repas. Le chanteur Salif Kéita, ne chantait-il pas ? : « Afrique, c’est manger beaucoup, danser beaucoup. » Ce ne fut donc pas étonnant de remarquer avec quelle lassitude et découragement certains travailleurs sont repartis à la tâche le lundi. Certains ne sont même pas venus. Une fois de plus, le problème des Africains et le travail s’est posé. Les gens aiment-ils vraiment ce qu’ils font dans leur grande majorité ? Regardons les paysans africains. Ce sont de grands bosseurs et en plus sous le soleil toute une journée. Dès l’aube, ils se préparent pour aller dans les champs et dans les plantations. Ils ne connaissent pas les jours fériés. Avec leur daba ou leur machette, ils chantent. Ils sont heureux. On rencontre le même phénomène chez les mécaniciens, les tôliers, les tailleurs, les menuisiers. Tous ceux qui pratiquent les petits métiers. Comment se fait-il alors que ceux des Africains qui sont dans les bureaux, climatisés en plus, rechignent à aller au travail ? Je me souviens encore, comme si c’était hier, d’une rencontre de Félix Houphouët-Boigny avec les travailleurs. Ces derniers lui demandaient la semaine de cinq jours. A l’époque, on travaillait le samedi matin. Le père de la nation, dans une colère contenue, leur avait dit ceci : « Vous avez de la chance qu’il y a des étrangers dans nos entreprises et nos administrations, sans quoi je vous aurais demandé de travailler même le dimanche. » Féfé n’aurait pas fait travailler ses compatriotes le dimanche, le Jour du Seigneur, mais comme le dira la suite de son discours, il voulait leur faire comprendre que travailler est une richesse et que les jours fériés sont des milliards perdus pour une nation.
Ainsi, les pays en voie de développement, s’ils veulent rattraper leur retard qui ne cesse de se creuser avec les autres, ils doivent travailler plus. C’est avec tristesse que les travailleurs quittèrent le palais. Il a fallu l’arrivée du « petit » des Coulibaly, à l’époque Premier ministre, pour obtenir la semaine de cinq jours. Ce n’est pas une légende, mais tout le monde sait que même la semaine de cinq jours est en réalité quatre jours pour ne pas dire trois. Le temps passé pour recevoir les amis, la famille, le commentaire des titres de la presse, les inévitables coups de fil, l’utilisation du portable et j’en passe. Dès que je sors un livre ou qu’on me voit à une dédicace, la réaction est souvent celle-ci : « Mais tu écris beaucoup ! » C'est-à-dire, pourquoi tu te donnes tant de mal, fais comme nous, paresse. Ne fais pas ce que tu as appris. Enfant, je voyais mes parents se réveiller à quatre heures du matin. Jusqu’aujourd’hui, je pense que quatre heures, au chant du coq, est l’heure du réveil ou du début des activités. Je suis effaré de voir des adultes se réveiller à six heures du matin et même à sept heures. On s’étonne alors de rester toujours dans le peloton de queue et de s’en prendre aux autres. Trouver un prétexte à ses déboires a été toujours une spécialité africaine. Le gouvernement, cette loterie nationale qui doit toujours distribuer sans achat de ticket, est toujours la cause des malheurs, ensuite la famille, les amis, le patron. On ne se remet pas en cause. Ce manque d’ardeur, cet absentéisme, et ces retards chroniques au travail se comprennent aisément. Très peu de gens font ce qu’ils aiment. Le policier l’est-il par amour de cette profession ou du salaire à la fin du mois ? L’employé de banque, le comptable d’une entreprise ou le chauffeur d’une société exercent-ils par amour de ce travail ou par le salaire qu’ils vont percevoir à la fin du mois ou des avantages qu’ils vont en tirer ? On ne réussit dans tout ce qu’on fait qu’en se donnant par amour. On a beau en tirer de grands profits on court vers la catastrophe si on n’a pas de vocation, d’amour pour cette profession ou ce métier. Il est mieux de rester sans emploi que de se lancer dans un travail qu’on n’aime pas au risque de se faire mal tôt ou tard. Aimer son travail c’est le faire sans penser aux heures, aux jours fériés. C’est y penser à tout moment. C’est surtout le faire sans penser à son salaire, à ses primes. En ce début d’année que chacun se pose la question suivante : « Est-ce que j’aime vraiment mon travail ? » Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.
Isaïe Biton Koulibaly
Ainsi, les pays en voie de développement, s’ils veulent rattraper leur retard qui ne cesse de se creuser avec les autres, ils doivent travailler plus. C’est avec tristesse que les travailleurs quittèrent le palais. Il a fallu l’arrivée du « petit » des Coulibaly, à l’époque Premier ministre, pour obtenir la semaine de cinq jours. Ce n’est pas une légende, mais tout le monde sait que même la semaine de cinq jours est en réalité quatre jours pour ne pas dire trois. Le temps passé pour recevoir les amis, la famille, le commentaire des titres de la presse, les inévitables coups de fil, l’utilisation du portable et j’en passe. Dès que je sors un livre ou qu’on me voit à une dédicace, la réaction est souvent celle-ci : « Mais tu écris beaucoup ! » C'est-à-dire, pourquoi tu te donnes tant de mal, fais comme nous, paresse. Ne fais pas ce que tu as appris. Enfant, je voyais mes parents se réveiller à quatre heures du matin. Jusqu’aujourd’hui, je pense que quatre heures, au chant du coq, est l’heure du réveil ou du début des activités. Je suis effaré de voir des adultes se réveiller à six heures du matin et même à sept heures. On s’étonne alors de rester toujours dans le peloton de queue et de s’en prendre aux autres. Trouver un prétexte à ses déboires a été toujours une spécialité africaine. Le gouvernement, cette loterie nationale qui doit toujours distribuer sans achat de ticket, est toujours la cause des malheurs, ensuite la famille, les amis, le patron. On ne se remet pas en cause. Ce manque d’ardeur, cet absentéisme, et ces retards chroniques au travail se comprennent aisément. Très peu de gens font ce qu’ils aiment. Le policier l’est-il par amour de cette profession ou du salaire à la fin du mois ? L’employé de banque, le comptable d’une entreprise ou le chauffeur d’une société exercent-ils par amour de ce travail ou par le salaire qu’ils vont percevoir à la fin du mois ou des avantages qu’ils vont en tirer ? On ne réussit dans tout ce qu’on fait qu’en se donnant par amour. On a beau en tirer de grands profits on court vers la catastrophe si on n’a pas de vocation, d’amour pour cette profession ou ce métier. Il est mieux de rester sans emploi que de se lancer dans un travail qu’on n’aime pas au risque de se faire mal tôt ou tard. Aimer son travail c’est le faire sans penser aux heures, aux jours fériés. C’est y penser à tout moment. C’est surtout le faire sans penser à son salaire, à ses primes. En ce début d’année que chacun se pose la question suivante : « Est-ce que j’aime vraiment mon travail ? » Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.
Isaïe Biton Koulibaly