Les phénomènes d’abandons et de vols de bébés inquiètent de plus en plus la Formation sanitaire urbaine Marie-Thérèse, sise à Adjamé-Liberté. Nous avons rencontré le personnel pour comprendre les raisons de cette débauche. Reportage.
Erigée sur une bande de terre coincée entre herbes et ordures, la clôture aux murs dénués de la maternité résiste encore aux intempéries. Mais l’écriteau au fronton, lui, s’efface petit à petit. On peut tout de même y lire, Formation sanitaire urbaine Marie-Thérèse. C’est ici que, dimanche dernier, une prostituée du marché du forum d’Adjamé a été conduite dare-dare à 23h, par l’Ong Cavoéquiva pour accoucher. Spécialisée dans la protection des personnes démunies, cette structure est parvenue à tisser un partenariat avec la maternité. Lundi, après son accouchement, des visiteurs étranges arrivent dans la salle pour, disent-ils, rendre visite à la nouvelle maman. Une femme parmi eux se présente à Mme Ouattara, une assistante sociale, comme la patronne de la fille. Elle demande la garde du bébé.
Des techniques ficelées
L’assistante, qui la soupçonne, refuse catégoriquement. Et lorsqu’elle s’informe auprès d’Irié Bi Clément, le président de Cavoéquiva, ils découvrent avec stupéfaction que c’est une tentative de vol d’enfant. Pour éviter que les voleurs reviennent avec d’autres techniques, l’enfant est placé dans une salle sécurisée. Ce mercredi, assise à son bureau climatisé, la Surveillante des unités de santé (Sus), Mme Blé Viviane, soupire. Ce n’est pas la première fois, dit-elle, que la maternité doit gérer ce type de cas. Avec en moyenne 10 accouchements par jour, le personnel doit aussi veiller 24h/24 sur les bébés pour ne pas qu’ils soient volés.
Car cela est fréquent. Mi-2011, une de leurs patientes qui venait de faire examiner son enfant est allée téléphoner devant la maternité. Une autre femme qui guettait ses faits et gestes a proposé de tenir son bébé pendant qu’elle conversait. Elle le lui donne. Et quand la dame finit de téléphoner, elle n’est plus mère : sa curieuse bienfaitrice a pris la tangente avec son gosse. Le mode opératoire bien musclé. Mais le troisième cas que Mme Blé Viviane donne est similaire au premier. L’année dernière, avant le début de la crise post-électorale, une fille démunie que Cavoéquiva prenait en charge, a accouché à la maternité. Après son accouchement, une femme s’est présentée comme sa tante. Et a voulu qu’on lui donne le bébé. Heureusement, au même moment, des responsables de Cavoéquiva arrivent. Instinctivement, l’assistante qui suit la fille demande à faire les présentations. Bien lui en a pris. La mystérieuse femme fait semblant de téléphoner et disparaît. Plus tard, ils se rendront compte qu’ils viennent de faire échouer une tentative de vol de bébé. Ces cas sont légion ici. Et on n’est jamais assez forgé pour les prévenir.
Les couloirs de la maternité ne désemplissent pas. Des femmes enceintes et des futures mamans vont et viennent. De par sa position stratégique, la formation sanitaire fait partie des plus fréquentées. La gratuité des soins a accéléré le phénomène. Les assistantes sociales sont donc tout le temps en contact avec un nouveau cas social qu’elles doivent gérer. Au milieu de tout ceci, un drame peut survenir à tout moment. D’autant que les cas de vol de bébés ne sont pas les seules difficultés à gérer.
Des bébés abandonnés
Selon Mme Blé, en moyenne 4 cas d’abandon de bébé par an sont enregistrés dans la maternité. Les auteurs sont en général des prostituées qui viennent du marché du forum d’Adjamé. Elles accèdent à l’hôpital grâce à l’aide de Cavoéquiva. Mais lorsqu’elles finissent d’accoucher, beaucoup ne veulent plus de leurs bébés. Elles créent des scénarii de brouille pour filer sur la pointe des pieds.
En général, la mère laisse le bébé dans la salle et fait semblant d’aller faire une course. On ne la voit plus. Ou bien, elle confie l’enfant à quelqu’un pendant quelque instant et met les voiles. « Le plus souvent, celles qui optent pour cette seconde option, sont des femmes venues faire des examens. La plupart reviennent réclamer leurs bébés après les conseils des parents », explique-t-elle. Ce qui explique l’extrême délicatesse dont fait preuve la maternité quand elle est confronté à ce type de problème. L’enfant est gardé pendant quelques semaines, nourri aux frais de l’hôpital.
Si la mère ne se montre pas, le malheureux est confié à la pouponnière qui se trouve au sein de la formation sanitaire. Le phénomène va crescendo, car le mal se trouve en amont : la prostitution à grande échelle qui sévit au marché du forum d’Adjamé. Là-bas, les filles prennent des grossesses dont elles ne peuvent s’occuper. Et sont tentées d’abandonner ou même de vendre leurs gosses. Mais il y a un autre problème très grave auquel la maternité est confrontée: le vih/sida.
Selon Mme Ouattara, l’année dernière en septembre, l’hôpital a détecté 10 cas de femmes enceintes, infectées par la maladie. Rien qu’en novembre de la même année, 22 cas ont été récensés et en décembre, ce sont 7 cas. En janvier de cette année, déjà 4 cas ont été détectés. « Dans l’année, nous pouvons recenser plusieurs centaines de femmes enceintes infectées par le vih/ sida », note-t-elle. Heureusement, les enfants sont sauvés, en général. Sur 150 cas, moins de 5 enfants sortent infectés. Mais le plus dur reste à venir. Pour éviter que l’enfant soit séropositif, il faut suivre le traitement jusqu’à l’âge de deux ans. Mais après l’accouchement, beaucoup de femmes disparaissent avec leurs enfants.
Raphaël Tanoh
Erigée sur une bande de terre coincée entre herbes et ordures, la clôture aux murs dénués de la maternité résiste encore aux intempéries. Mais l’écriteau au fronton, lui, s’efface petit à petit. On peut tout de même y lire, Formation sanitaire urbaine Marie-Thérèse. C’est ici que, dimanche dernier, une prostituée du marché du forum d’Adjamé a été conduite dare-dare à 23h, par l’Ong Cavoéquiva pour accoucher. Spécialisée dans la protection des personnes démunies, cette structure est parvenue à tisser un partenariat avec la maternité. Lundi, après son accouchement, des visiteurs étranges arrivent dans la salle pour, disent-ils, rendre visite à la nouvelle maman. Une femme parmi eux se présente à Mme Ouattara, une assistante sociale, comme la patronne de la fille. Elle demande la garde du bébé.
Des techniques ficelées
L’assistante, qui la soupçonne, refuse catégoriquement. Et lorsqu’elle s’informe auprès d’Irié Bi Clément, le président de Cavoéquiva, ils découvrent avec stupéfaction que c’est une tentative de vol d’enfant. Pour éviter que les voleurs reviennent avec d’autres techniques, l’enfant est placé dans une salle sécurisée. Ce mercredi, assise à son bureau climatisé, la Surveillante des unités de santé (Sus), Mme Blé Viviane, soupire. Ce n’est pas la première fois, dit-elle, que la maternité doit gérer ce type de cas. Avec en moyenne 10 accouchements par jour, le personnel doit aussi veiller 24h/24 sur les bébés pour ne pas qu’ils soient volés.
Car cela est fréquent. Mi-2011, une de leurs patientes qui venait de faire examiner son enfant est allée téléphoner devant la maternité. Une autre femme qui guettait ses faits et gestes a proposé de tenir son bébé pendant qu’elle conversait. Elle le lui donne. Et quand la dame finit de téléphoner, elle n’est plus mère : sa curieuse bienfaitrice a pris la tangente avec son gosse. Le mode opératoire bien musclé. Mais le troisième cas que Mme Blé Viviane donne est similaire au premier. L’année dernière, avant le début de la crise post-électorale, une fille démunie que Cavoéquiva prenait en charge, a accouché à la maternité. Après son accouchement, une femme s’est présentée comme sa tante. Et a voulu qu’on lui donne le bébé. Heureusement, au même moment, des responsables de Cavoéquiva arrivent. Instinctivement, l’assistante qui suit la fille demande à faire les présentations. Bien lui en a pris. La mystérieuse femme fait semblant de téléphoner et disparaît. Plus tard, ils se rendront compte qu’ils viennent de faire échouer une tentative de vol de bébé. Ces cas sont légion ici. Et on n’est jamais assez forgé pour les prévenir.
Les couloirs de la maternité ne désemplissent pas. Des femmes enceintes et des futures mamans vont et viennent. De par sa position stratégique, la formation sanitaire fait partie des plus fréquentées. La gratuité des soins a accéléré le phénomène. Les assistantes sociales sont donc tout le temps en contact avec un nouveau cas social qu’elles doivent gérer. Au milieu de tout ceci, un drame peut survenir à tout moment. D’autant que les cas de vol de bébés ne sont pas les seules difficultés à gérer.
Des bébés abandonnés
Selon Mme Blé, en moyenne 4 cas d’abandon de bébé par an sont enregistrés dans la maternité. Les auteurs sont en général des prostituées qui viennent du marché du forum d’Adjamé. Elles accèdent à l’hôpital grâce à l’aide de Cavoéquiva. Mais lorsqu’elles finissent d’accoucher, beaucoup ne veulent plus de leurs bébés. Elles créent des scénarii de brouille pour filer sur la pointe des pieds.
En général, la mère laisse le bébé dans la salle et fait semblant d’aller faire une course. On ne la voit plus. Ou bien, elle confie l’enfant à quelqu’un pendant quelque instant et met les voiles. « Le plus souvent, celles qui optent pour cette seconde option, sont des femmes venues faire des examens. La plupart reviennent réclamer leurs bébés après les conseils des parents », explique-t-elle. Ce qui explique l’extrême délicatesse dont fait preuve la maternité quand elle est confronté à ce type de problème. L’enfant est gardé pendant quelques semaines, nourri aux frais de l’hôpital.
Si la mère ne se montre pas, le malheureux est confié à la pouponnière qui se trouve au sein de la formation sanitaire. Le phénomène va crescendo, car le mal se trouve en amont : la prostitution à grande échelle qui sévit au marché du forum d’Adjamé. Là-bas, les filles prennent des grossesses dont elles ne peuvent s’occuper. Et sont tentées d’abandonner ou même de vendre leurs gosses. Mais il y a un autre problème très grave auquel la maternité est confrontée: le vih/sida.
Selon Mme Ouattara, l’année dernière en septembre, l’hôpital a détecté 10 cas de femmes enceintes, infectées par la maladie. Rien qu’en novembre de la même année, 22 cas ont été récensés et en décembre, ce sont 7 cas. En janvier de cette année, déjà 4 cas ont été détectés. « Dans l’année, nous pouvons recenser plusieurs centaines de femmes enceintes infectées par le vih/ sida », note-t-elle. Heureusement, les enfants sont sauvés, en général. Sur 150 cas, moins de 5 enfants sortent infectés. Mais le plus dur reste à venir. Pour éviter que l’enfant soit séropositif, il faut suivre le traitement jusqu’à l’âge de deux ans. Mais après l’accouchement, beaucoup de femmes disparaissent avec leurs enfants.
Raphaël Tanoh