La Commission nationale d’enquête chargée d’élucider les crimes lors de la crise post-électorale a déposé ses valises à Yopougon. Nous avons rencontré une victime, Traoré Daouda. Il rend témoignage de l’enfer vécu par les militants RDR du quartier Lacman de Locodjro.
Le Patriote : La CNE est dans votre quartier pour élucider la crise post-électorale. Peut-on savoir ce qui s’est passé ici?
Traoré Daouda : Il y a beaucoup de choses qui se sont passées ici. Notre calvaire a débuté depuis le premier tour de l’élection présidentielle. Nous avons d’abord eu des problèmes avec les Ebrié. Depuis le début des opérations électorales, ils ont été clairs. Aucun Dioula dans le quartier, selon eux, ne devrait voter. Ils ont pris des précautions dans ce sens. Le chef du village Kocrasé Luc a donné des instructions fermes dans ce sens. Il a même affirmé publiquement que si au cours de l’empêchement de vote, un jeune ébrié meurt, il faudra que 3 jeunes Dioula meurent en retour. Cette menace, ils l’ont mise à exécution pendant les deux tours de l’élection présidentielle. Mais nous avons dit que nous ne pouvons pas accepter qu’ils nous empêchent de voter. Cela a créé une tension au quartier. Ils ont recensé les noms des personnes à abattre après les élections.
LP : Qu’est ce qui s’est passé par la suite?
TD : Dès la fin du second tour, c’était l’enfer sur terre. Nous avons vécu véritablement l’enfer. Il ne se passait plus un seul jour sans que les miliciens, après des réunions avec les ébrié, ne fassent des descentes meurtrières dans le quartier. Tous les jours, des hommes en armes débarquaient et nous traquaient. A un moment donné, on ne tenait plus. J’ai donc demandé aux parents et aux jeunes de quitter le quartier. Les miliciens, les soldats et les habitants nous prenaient constamment pour cibles. Ils venaient arrêter des personnes, les ligotaient avant de les abattre froidement. Ils massacraient dans l’indifférence totale. C’était terrible. Devant cette situation, nous avons vidé le quartier pour nous retrouver en brousse et dans la lagune. Je vous dis qu’on dormait dans l’eau. On a fait cela pendant des mois. Nous avons dormi des nuits entières dans l’eau pour échapper à nos bourreaux. Malgré cela, nous avons perdu beaucoup de personnes. Le 11 avril, nous avons pensé que le calvaire avait pris fin avec l’arrestation de Laurent Gbagbo. C’était sans compter avec la barbarie des miliciens et des mercenaires. Retranchés à la base navale non loin de nous, ils se sont déchainés le mardi 12 avril. Ils ont envahi le quartier et ont fait un carnage. Un jeune nommé Issa, le vieux Zié Ouattara et j’en passe, sont morts ce jour-là. La folie meurtrière ne s’est plus arrêtée jusqu’au 27 avril 2011 où ils sont venus incendier tout le quartier. Plus de 187 habitations sont parties en fumée. Nous avons tout abandonné et ils ont tout brulé. Aujourd’hui, nous sommes là sans logis. Des familles entières revenues dorment dans une cantine. Vous-mêmes vous voyez, il n’y a plus rien ici. Tout a été brûlé. C’était l’horreur avec la caution des ébrié. Pourtant, nous vivons avec ce peuple depuis de longues années.
LP : Le président de la République demande que les victimes pardonnent. Est-ce que vous êtes prêts à pardonner et à vous inscrire dans le processus de réconciliation et de paix?
TD : Depuis que le président de la République Alassane Ouattara a demandé cela, nous avons pardonné. Sinon nous voyons et nous vivons avec ceux qui nous ont fait du mal. Nous les reconnaissons. On les voit tous les jours. Mais nous ne nous vengeons pas. Des gens qui nous ont massacrés, qui ont assassiné nos parents et que nous reconnaissons viennent ici au quartier. J’ai dit aux jeunes de tourner le dos à la vengeance et au passé. Ce qui est passé est passé. Nous, nous regardons l’avenir. Mais ce qui nous gêne, c’est le fait que nos bourreaux nous narguent. En plus de ce qu’ils ont fait, ils continuent de nous traiter d’étrangers, d’injurier le président de la République et d’appeler à la violence. Nous nous retenons. Mais pendant combien de temps nous allons tenir ? Il faut absolument que les autorités interpellent les uns et les autres afin qu’ils arrêtent de jeter de l’huile sur le feu. Nous voulons maintenant la paix. Que cessent les provocations et les injures. Il faut que les gens qui ont tué, assassiné, éventré des personnes ici et qui ont brûlé vif des êtres humains aient l’honnêteté de demander pardon. A défaut, de cesser de tenir des discours qui nous ont plongés dans la guerre. Je voudrais dire au gouvernement que nous avons souffert et que nous continuons de souffrir. Nous sommes là sans moyens. La vie est difficile. Nous avons tout perdu. Je demande aux autorités de nous aider.
Réalisé par Lacina Ouattara
Le Patriote : La CNE est dans votre quartier pour élucider la crise post-électorale. Peut-on savoir ce qui s’est passé ici?
Traoré Daouda : Il y a beaucoup de choses qui se sont passées ici. Notre calvaire a débuté depuis le premier tour de l’élection présidentielle. Nous avons d’abord eu des problèmes avec les Ebrié. Depuis le début des opérations électorales, ils ont été clairs. Aucun Dioula dans le quartier, selon eux, ne devrait voter. Ils ont pris des précautions dans ce sens. Le chef du village Kocrasé Luc a donné des instructions fermes dans ce sens. Il a même affirmé publiquement que si au cours de l’empêchement de vote, un jeune ébrié meurt, il faudra que 3 jeunes Dioula meurent en retour. Cette menace, ils l’ont mise à exécution pendant les deux tours de l’élection présidentielle. Mais nous avons dit que nous ne pouvons pas accepter qu’ils nous empêchent de voter. Cela a créé une tension au quartier. Ils ont recensé les noms des personnes à abattre après les élections.
LP : Qu’est ce qui s’est passé par la suite?
TD : Dès la fin du second tour, c’était l’enfer sur terre. Nous avons vécu véritablement l’enfer. Il ne se passait plus un seul jour sans que les miliciens, après des réunions avec les ébrié, ne fassent des descentes meurtrières dans le quartier. Tous les jours, des hommes en armes débarquaient et nous traquaient. A un moment donné, on ne tenait plus. J’ai donc demandé aux parents et aux jeunes de quitter le quartier. Les miliciens, les soldats et les habitants nous prenaient constamment pour cibles. Ils venaient arrêter des personnes, les ligotaient avant de les abattre froidement. Ils massacraient dans l’indifférence totale. C’était terrible. Devant cette situation, nous avons vidé le quartier pour nous retrouver en brousse et dans la lagune. Je vous dis qu’on dormait dans l’eau. On a fait cela pendant des mois. Nous avons dormi des nuits entières dans l’eau pour échapper à nos bourreaux. Malgré cela, nous avons perdu beaucoup de personnes. Le 11 avril, nous avons pensé que le calvaire avait pris fin avec l’arrestation de Laurent Gbagbo. C’était sans compter avec la barbarie des miliciens et des mercenaires. Retranchés à la base navale non loin de nous, ils se sont déchainés le mardi 12 avril. Ils ont envahi le quartier et ont fait un carnage. Un jeune nommé Issa, le vieux Zié Ouattara et j’en passe, sont morts ce jour-là. La folie meurtrière ne s’est plus arrêtée jusqu’au 27 avril 2011 où ils sont venus incendier tout le quartier. Plus de 187 habitations sont parties en fumée. Nous avons tout abandonné et ils ont tout brulé. Aujourd’hui, nous sommes là sans logis. Des familles entières revenues dorment dans une cantine. Vous-mêmes vous voyez, il n’y a plus rien ici. Tout a été brûlé. C’était l’horreur avec la caution des ébrié. Pourtant, nous vivons avec ce peuple depuis de longues années.
LP : Le président de la République demande que les victimes pardonnent. Est-ce que vous êtes prêts à pardonner et à vous inscrire dans le processus de réconciliation et de paix?
TD : Depuis que le président de la République Alassane Ouattara a demandé cela, nous avons pardonné. Sinon nous voyons et nous vivons avec ceux qui nous ont fait du mal. Nous les reconnaissons. On les voit tous les jours. Mais nous ne nous vengeons pas. Des gens qui nous ont massacrés, qui ont assassiné nos parents et que nous reconnaissons viennent ici au quartier. J’ai dit aux jeunes de tourner le dos à la vengeance et au passé. Ce qui est passé est passé. Nous, nous regardons l’avenir. Mais ce qui nous gêne, c’est le fait que nos bourreaux nous narguent. En plus de ce qu’ils ont fait, ils continuent de nous traiter d’étrangers, d’injurier le président de la République et d’appeler à la violence. Nous nous retenons. Mais pendant combien de temps nous allons tenir ? Il faut absolument que les autorités interpellent les uns et les autres afin qu’ils arrêtent de jeter de l’huile sur le feu. Nous voulons maintenant la paix. Que cessent les provocations et les injures. Il faut que les gens qui ont tué, assassiné, éventré des personnes ici et qui ont brûlé vif des êtres humains aient l’honnêteté de demander pardon. A défaut, de cesser de tenir des discours qui nous ont plongés dans la guerre. Je voudrais dire au gouvernement que nous avons souffert et que nous continuons de souffrir. Nous sommes là sans moyens. La vie est difficile. Nous avons tout perdu. Je demande aux autorités de nous aider.
Réalisé par Lacina Ouattara