Le samedi 7 janvier 2012, des échauffourées ont éclaté entre les pêcheurs autochtones d’Ayamé et leurs pairs étrangers provenant du Mali. Dépêché par le gouvernement Ouattara pour ramener le calme, le ministre de la Production animale et des Ressources halieutiques, Adjoumani Kobenan s’est heurté à la grogne de jeunes pêcheurs d’Ayamé. Dans cet entretien, Gouan Marc-Antoine, membre du conseil général d’Aboisso et fils d’Ayamé, après s’être entretenu avec les manifestants, révèle les dessous de la colère des populations d’Ayamé.
Quelles sont les raisons de la grogne des jeunes pêcheurs que vous avez rencontrés ?
Le débarcadère d’Ayamé a été construit par ma mère il y a bien longtemps. Les « Bozo » étaient les premiers à arriver sur le site. A cette époque, les populations d’Ayamé s’adonnaient à la cueillette et à l’agriculture. Les fils du village ne pêchaient que pour leur pitance quotidienne. Les « Bozo » et les populations d’Ayamé ont vécu ensemble quarante ans sans heurts. Puis, le temps passe et les jeunes d’Ayamé constatent que lorsqu’un autochtone place son filet ou sa nasse dans le lac Bia, le « Bozo » qui vit à cinq mètres de la rive, le voit en train de travailler et il (« Bozo ») vient vers le fils d’Ayamé, et lui dit : «Si tu n’avais pas mis ton filet de ce côté, le poisson aurait nagé, puisque le filet a deux faces. Si je reçois du poisson du côté droit, je devais aussi en recevoir du côté gauche. Mais tel que vous avez mis votre filet, vous empêchez le poisson d’entrer dans mon filet». Le « Bozo » vient voir dans votre pirogue, il se rend compte que celle-ci est bourrée de poissons et il fait chavirer votre pirogue. Il fait manger du poisson cru au fils du village ou il le bastonne. Et plus tard, les populations d’Ayamé ont commencé à se rendre compte qu’il y avait mort d’hommes sur le lac. Mais lorsqu’on est mort par noyade, les poumons ne sont pas vides d’eau. Une fois, le corps hors de l’eau, on se rend compte que c’est un homicide. Le mort a été privé de ses parties génitales, etc. Une, deux et trois fois, on s’est dit attention ! Il y a quelque chose qui cloche.
Ce sont de graves accusations que vous portez…
Un fils d’Ayamé qui était agent des Eaux-Forêts et contrôleur du lac, est allé demander aux pêcheurs « Bozo » de payer des taxes. Ce dernier a été retrouvé mort sur le lac le 30 décembre 1998. C’est ainsi que les populations autochtones ont réclamé le départ des pêcheurs « Bozo » du village d’Ayamé.
Apparemment, vous n’avez aucune preuve que les pêcheurs « Bozo » soient responsables de ces faits ?
Nous avons les preuves de ce que nous avançons. Nous vivons avec les pêcheurs « Bozo » et un conflit éclate. On retrouve des fils d’Ayamé morts. Les villageois ne réagissent pas tant qu’ils n’ont pas d’éléments tangibles. Que voulez-vous qu’on dise ? Et puis, si les pêcheurs « Bozo » avaient raison pourquoi avoir menti sur leur effectif à Ayamé. En 1998, ils ont déclaré être quarante-trois (43) à la mairie. Quand on leur a demandé de sortir du lac Bia, nous avons dénombré deux mille cinq cents « Bozo ». S’ils n’étaient pas en faute à cette époque et qu’on leur a demandé de sortir, les « Bozo » auraient pu dire qu’ils n’étaient pas responsables de cela.
Dans la commune d’Ayamé, vivent deux peuples pêcheurs venant du Mali à savoir les « Bozo » et les « Corobo »…
Il faut savoir qu’il y a les « Bozo » et les « Corobo » qui vivent sur les rives du lac Bia. Les pêcheurs « Corobo » sont agressifs. Ce sont eux qui jettent l’opprobre sur les pêcheurs « Bozo ». Ce sont deux peuples pêcheurs provenant du Mali mais différents. Les « Bozo » sont pacifiques. Les pêcheurs « Corobo » ont, quant à eux, profité de l’hospitalité que les villageois d’Ayamé ont offerte aux pêcheurs « Bozo ».
D’où vient alors le problème ?
Il y a eu des morts dans ce conflit qui dure depuis 1998. Personne n’a réagi, ni même les autorités ivoiriennes pour demander pardon aux populations d’Ayamé. Quand bien même les « Bozo » et les « Corobo » veulent venir, il faudrait qu’ils viennent rencontrer les autorités coutumières pour rechercher la réconciliation. Les « Bozo » débarquent dans la région en pleine nuit et ils s’installent au mépris des règles traditionnelles et même administratives. Les mesures sont claires. Trois cents personnes peuvent investir le lac mais à condition qu’ils se regroupent en coopératives et mènent des activités de pêche. Toutefois, trois cents personnes individuellement ne peuvent pas travailler sur le lac Bia. Il faut savoir qu’il y a eu trop d’affronts qui ont irrité les jeunes pêcheurs d’Ayamé.
Combien de morts ont été enregistrés en 1998 ?
Il y a eu deux morts. Ce sont les vieux Anghui Affian et un certain Tanoh.
Aujourd’hui si les pêcheurs «Bozo» demandent pardon, est-ce que vous les laisserez mener tranquillement leurs activités ?
Il faut réparer le préjudice subi. Puis, il faut ramener la paix dans le cœur des populations d’Ayamé. Aujourd’hui, le problème est à un stade où plusieurs personnes sont incriminées à tort ou à raison. C’est un conflit qu’on pouvait régler à l’amiable entre les populations autochtones et étrangères. Nous n’arrivons pas à comprendre que dans cette affaire qui relève du domaine civil, on fasse intervenir des FRCI. Les éléments des FRCI sont intervenus environ cinq (5) fois à Ayamé. Les « Bozo » ont fait venir les FRCI. Honnêtement, les premiers groupes de FRCI qui sont venus, ont eu un langage d’apaisement. Ils ont été voir le sous-préfet et ont demandé pardon aux populations d’Ayamé. Ces éléments des FRCI ont entrepris les démarches à l’endroit du sous-préfet pour demander pardon à la chefferie d’Ayamé. Mais, ceux qui sont venus après ont semé la terreur dans le village. Ils ont tenu des propos vexant du genre : «Dieu a créé le lac et il y a mis du poisson. Tout le monde doit y pêcher. Permettez à tout le monde de pêcher sinon…».
La coopérative des pêcheurs d’Ayamé, dit-on, a disparu avec un investissement de plusieurs millions. Qu’est-elle devenue ?
La coopérative a bel et bien existé. Le ministère de tutelle sous Douaty Alphone a démissionné. Même les agents des Eaux et Forêts qui assuraient le contrôle soit des pesées soit des statistiques ont tous aussi démissionné. Les taxes municipales aussi ne rentraient plus parce qu’il n’y avait plus de rapports pour attirer l’attention sur l’abandon des activités de pêche. Après le passage des Canadiens et du ministère de la Production animale et des Ressources halieutiques qui ont fait un don de soixante (60) millions de francs CFA. Il y a des femmes qui ont payé du matériel qu’elles ont mis à la disposition des jeunes et tout, mais été détruit.
Réalisé par Patrick Krou
Quelles sont les raisons de la grogne des jeunes pêcheurs que vous avez rencontrés ?
Le débarcadère d’Ayamé a été construit par ma mère il y a bien longtemps. Les « Bozo » étaient les premiers à arriver sur le site. A cette époque, les populations d’Ayamé s’adonnaient à la cueillette et à l’agriculture. Les fils du village ne pêchaient que pour leur pitance quotidienne. Les « Bozo » et les populations d’Ayamé ont vécu ensemble quarante ans sans heurts. Puis, le temps passe et les jeunes d’Ayamé constatent que lorsqu’un autochtone place son filet ou sa nasse dans le lac Bia, le « Bozo » qui vit à cinq mètres de la rive, le voit en train de travailler et il (« Bozo ») vient vers le fils d’Ayamé, et lui dit : «Si tu n’avais pas mis ton filet de ce côté, le poisson aurait nagé, puisque le filet a deux faces. Si je reçois du poisson du côté droit, je devais aussi en recevoir du côté gauche. Mais tel que vous avez mis votre filet, vous empêchez le poisson d’entrer dans mon filet». Le « Bozo » vient voir dans votre pirogue, il se rend compte que celle-ci est bourrée de poissons et il fait chavirer votre pirogue. Il fait manger du poisson cru au fils du village ou il le bastonne. Et plus tard, les populations d’Ayamé ont commencé à se rendre compte qu’il y avait mort d’hommes sur le lac. Mais lorsqu’on est mort par noyade, les poumons ne sont pas vides d’eau. Une fois, le corps hors de l’eau, on se rend compte que c’est un homicide. Le mort a été privé de ses parties génitales, etc. Une, deux et trois fois, on s’est dit attention ! Il y a quelque chose qui cloche.
Ce sont de graves accusations que vous portez…
Un fils d’Ayamé qui était agent des Eaux-Forêts et contrôleur du lac, est allé demander aux pêcheurs « Bozo » de payer des taxes. Ce dernier a été retrouvé mort sur le lac le 30 décembre 1998. C’est ainsi que les populations autochtones ont réclamé le départ des pêcheurs « Bozo » du village d’Ayamé.
Apparemment, vous n’avez aucune preuve que les pêcheurs « Bozo » soient responsables de ces faits ?
Nous avons les preuves de ce que nous avançons. Nous vivons avec les pêcheurs « Bozo » et un conflit éclate. On retrouve des fils d’Ayamé morts. Les villageois ne réagissent pas tant qu’ils n’ont pas d’éléments tangibles. Que voulez-vous qu’on dise ? Et puis, si les pêcheurs « Bozo » avaient raison pourquoi avoir menti sur leur effectif à Ayamé. En 1998, ils ont déclaré être quarante-trois (43) à la mairie. Quand on leur a demandé de sortir du lac Bia, nous avons dénombré deux mille cinq cents « Bozo ». S’ils n’étaient pas en faute à cette époque et qu’on leur a demandé de sortir, les « Bozo » auraient pu dire qu’ils n’étaient pas responsables de cela.
Dans la commune d’Ayamé, vivent deux peuples pêcheurs venant du Mali à savoir les « Bozo » et les « Corobo »…
Il faut savoir qu’il y a les « Bozo » et les « Corobo » qui vivent sur les rives du lac Bia. Les pêcheurs « Corobo » sont agressifs. Ce sont eux qui jettent l’opprobre sur les pêcheurs « Bozo ». Ce sont deux peuples pêcheurs provenant du Mali mais différents. Les « Bozo » sont pacifiques. Les pêcheurs « Corobo » ont, quant à eux, profité de l’hospitalité que les villageois d’Ayamé ont offerte aux pêcheurs « Bozo ».
D’où vient alors le problème ?
Il y a eu des morts dans ce conflit qui dure depuis 1998. Personne n’a réagi, ni même les autorités ivoiriennes pour demander pardon aux populations d’Ayamé. Quand bien même les « Bozo » et les « Corobo » veulent venir, il faudrait qu’ils viennent rencontrer les autorités coutumières pour rechercher la réconciliation. Les « Bozo » débarquent dans la région en pleine nuit et ils s’installent au mépris des règles traditionnelles et même administratives. Les mesures sont claires. Trois cents personnes peuvent investir le lac mais à condition qu’ils se regroupent en coopératives et mènent des activités de pêche. Toutefois, trois cents personnes individuellement ne peuvent pas travailler sur le lac Bia. Il faut savoir qu’il y a eu trop d’affronts qui ont irrité les jeunes pêcheurs d’Ayamé.
Combien de morts ont été enregistrés en 1998 ?
Il y a eu deux morts. Ce sont les vieux Anghui Affian et un certain Tanoh.
Aujourd’hui si les pêcheurs «Bozo» demandent pardon, est-ce que vous les laisserez mener tranquillement leurs activités ?
Il faut réparer le préjudice subi. Puis, il faut ramener la paix dans le cœur des populations d’Ayamé. Aujourd’hui, le problème est à un stade où plusieurs personnes sont incriminées à tort ou à raison. C’est un conflit qu’on pouvait régler à l’amiable entre les populations autochtones et étrangères. Nous n’arrivons pas à comprendre que dans cette affaire qui relève du domaine civil, on fasse intervenir des FRCI. Les éléments des FRCI sont intervenus environ cinq (5) fois à Ayamé. Les « Bozo » ont fait venir les FRCI. Honnêtement, les premiers groupes de FRCI qui sont venus, ont eu un langage d’apaisement. Ils ont été voir le sous-préfet et ont demandé pardon aux populations d’Ayamé. Ces éléments des FRCI ont entrepris les démarches à l’endroit du sous-préfet pour demander pardon à la chefferie d’Ayamé. Mais, ceux qui sont venus après ont semé la terreur dans le village. Ils ont tenu des propos vexant du genre : «Dieu a créé le lac et il y a mis du poisson. Tout le monde doit y pêcher. Permettez à tout le monde de pêcher sinon…».
La coopérative des pêcheurs d’Ayamé, dit-on, a disparu avec un investissement de plusieurs millions. Qu’est-elle devenue ?
La coopérative a bel et bien existé. Le ministère de tutelle sous Douaty Alphone a démissionné. Même les agents des Eaux et Forêts qui assuraient le contrôle soit des pesées soit des statistiques ont tous aussi démissionné. Les taxes municipales aussi ne rentraient plus parce qu’il n’y avait plus de rapports pour attirer l’attention sur l’abandon des activités de pêche. Après le passage des Canadiens et du ministère de la Production animale et des Ressources halieutiques qui ont fait un don de soixante (60) millions de francs CFA. Il y a des femmes qui ont payé du matériel qu’elles ont mis à la disposition des jeunes et tout, mais été détruit.
Réalisé par Patrick Krou