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Politique Publié le jeudi 9 février 2012 | Nord-Sud

Seyed Reza Nobakhti, ambassadeur d’Iran : «Le président Ouattara bientôt à Téhéran»

© Nord-Sud Par Aristide
Activités du chef de l`Etat: le retour du Président Ouattara à Abidjan
Mardi 7 février 2012. Abidjan.Le Chef de l’Etat, S.E.M. Alassane Ouattara regagne son pays après avoir effectué une visite d’Etat en France et pris part au Sommet de l’Union Africaine en Ethiopie.
Le nucléaire iranien continue de provoquer la nervosité à Washington et dans les capitales occidentales. Mais l’ambassadeur de la République islamique d’Iran à Abidjan soutient que le programme nucléaire de Téhéran est purement civil et dédié à la médecine. SEM. Seyed Reza Nobakhti évoque également, dans cette interview, la coopération ivoiro-iranienne.


L’actualité est toujours dominée par la question du nucléaire iranien. Pouvez-vous nous dire si oui ou non l’Iran veut mener son programme vers la fabrication de la bombe nucléaire ? Voulez-vous vraiment cette bombe-là ?
Je suis très heureux de rencontrer des amis journalistes à l’ambassade. Je crois que vous faites du bon travail pour le rétablissement de la réalité. Et vous faites bien de vous adresser à la bonne source. En droit, on dit que si quelqu’un a des allégations contre un autre, c’est à lui d’apporter les preuves de son accusation. Jusqu’à maintenant, le monde entier n’a pas trouvé d’arguments contre l’Iran concernant la fabrication de la bombe atomique. Bien au contraire, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA, ndlr) a 20 fois, déclaré que l’Iran n’a pas dévié de son programme nucléaire civil. Treize organisations de renseignements américains sont également allées dans ce sens.

A ce niveau, il y a des renseignements israéliens qui indiquent que d’ici un an, Téhéran pourrait avoir la bombe atomique.
Cela fait quatre ans qu’Israël dit cela sans en apporter la moindre preuve. Quel est ce régime qui parle ainsi ? Nous ne le reconnaissons pas.

Il est dit aussi que l’Iran enrichirait l’uranium à 20%.
Oui, nous travaillons sous la supervision de l’Agence internationale de l’énergie atomique. Savez-vous l’histoire de l’uranium enrichi à 20% ? Nous avons un réacteur de recherches à l’université de Téhéran dans lequel on doit utiliser l’uranium enrichi à 20%. Ce réacteur a été construit il y a 20 ans et son carburant doit être changé tous les dix ans. Cette énergie sert à soigner plus d’un million de malades par an. Et, l’année dernière son carburant était épuisé. Et comme nous sommes membres de l’AIEA, nous lui avons demandé de fournir le carburant de ce réacteur. Ce qui est son devoir. Nous avions au préalable, un an avant, prévenu que ce carburant allait être épuisé et que nous devrions en acheter.

Vous soutenez donc que l’AIEA est informée de votre programme d’enrichissement de l’uranium à 20% ?
Absolument. Nous avons demandé le carburant à l’AIEA mais n’avons pu l’avoir. Qu’est-ce que nous avons fait alors ? Nous l’avons enrichi nous-mêmes. Nous avons eu besoin de cent kilos d’uranium qui seront utilisés dans ce réacteur.

Alors que vous expliquez que votre programme nucléaire est purement civil et dédié à la médecine, les Occidents soutiennent le contraire. Pensez-vous que vous êtes incompris?
Pour le réacteur de recherches de l’université de Téhéran, personne ne dit que c’est militaire. C’est civil. Nous avons une centrale nucléaire qui va nous permettre de produire de l’électricité. Cette installation a été construite sous la supervision de l’AIEA. Et nous travaillons sous la direction de celle-ci. Alors s’ils ont des arguments, ils n’ont qu’à les démontrer.

Qu’est-ce qui explique donc la méfiance de l’Occident envers votre programme nucléaire ?
Je vous retourne la question. Pourquoi ?

C’est à vous de me le dire !
Je vais vous donner la raison. Il s’agit simplement d’une question de supériorité technologique. Ils ne veulent pas que les pays du tiers-monde accèdent à la technologie. C'est-à-dire, ils ont déjà le monopole de la technologie et ne veulent pas le partager avec les autres. Mais Dieu a donné la sagesse à l’être humain. Donc, celui qui peut profiter de cette sagesse, doit le faire. L’énergie nucléaire est un présent de Dieu et pourquoi ne pas en profiter?

En signant le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (Tnp), est-ce que l’Iran ne s’est pas lié les mains?  Aujourd’hui que vous êtes en train de faire évoluer votre programme nucléaire.
L’Iran est membre de l’AIEA et signataire du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires depuis 40 ans. Cette agence de ce fait a des obligations. La première est la non-prolifération de l’arme nucléaire ; ensuite le désarmement et la promotion de l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire.  L’AIEA a donc pour obligation de favoriser l’utilisation par ses membres de l’énergie nucléaire. C’est pourquoi nous coordonnons toutes les coopérations avec cette agence. Les cameras de l’agence sont dans toutes nos installations et dans toutes nos usines. Ses observateurs viennent pour des visites périodiques. Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas été accusés de fabriquer la bombe atomique.

Mais Israël s’inquiète que vous ayez la bombe et que vous l’utilisez contre lui.
Israël est un régime d’occupation qui n’a pas d’identité réelle. Israël possède plus de 300 ogives nucléaires. Ce régime est à la recherche de la supériorité militaire qu’il veut préserver dans la région. Allant à l’encontre de toutes les résolutions des Nations Unies, il veut en profiter pour le développement de son territoire. Israël n’a appliqué aucune résolution de l’Onu. Quand il y a une résolution des 14 membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies contre Israël, l’Amérique pose toujours son veto en faveur d’Israël. Donc Israël et l’Amérique ne peuvent pas être les gendarmes du monde entier. L’Amérique a déjà utilisé deux fois la bombe atomique contre le Japon. Comment peut-elle prétendre être le gendarme du monde ?

Vous dites que votre programme nucléaire est pacifique. Comment jugez-vous alors les sanctions économiques prises contre votre pays dans le sens de vous amener à l’abandonner?
Toutes ces pressions sont totalement illégales. Parce que quand vous allez au tribunal et que les crimes dont on vous accuse sont établis, on peut vous condamner. Mais rien ne prouve que nous fabriquions la bombe atomique. Cela fait trente ans que nous sommes sous sanctions des Etats-Unis.

Ne pensez vous pas que ces sanctions ont un impact sur la population iranienne ?
Non. Parce que le monde, ce n’est pas seulement l’Occident. Nous avons de bonnes relations avec les autres pays.


Vers quel pays allez-vous vous tourner pour commercialiser votre pétrole alors que les Etats-Unis durcissent leur position et que la Chine qui est votre principal partenaire demande que les négociations s’engagent sur le dossier du nucléaire.
Non, ce n’est pas seulement la Chine qui est notre partenaire. Nous avons également de bonnes relations avec tous les pays du monde à l’exception des Occidentaux.

Pensez-vous que toute la polémique autour du nucléaire iranien sa de relents économiques ?
C’est exactement cela. Toutes les motivations sont économiques. Je vais vous en donner un exemple. Actuellement, la France tire 85% de son électricité du nucléaire. Et, ce sont 430 réacteurs qui fonctionnent dans le monde. Il faut savoir que pour la production de 1000 mégas watt au cours d’une année, vous avez besoin de sept millions de barils de pétrole dont le prix est estimé à 800 millions de dollars. Mais pour la production de la même capacité en énergie nucléaire, vous avez seulement besoin de 60 millions de dollars.

Parlons maintenant de la coopération entre votre pays et la Côte d’Ivoire. La crise post-électorale est aujourd’hui derrière nous. Mais pendant les heures chaudes, on ne vous a pas entendu. Votre silence a vite été assimilé à un soutien à l’ancien chef de l’Etat Laurent Gbagbo dans son bras de fer avec le vainqueur des élections Alassane Ouattara. Qu’en est-il  exactement?
Les journalistes m’avaient posé la question de savoir qui de Laurent Gbagbo ou d’Alassane Ouattara je soutenais. Et je leur avais dit que je ne soutenais personne. Nous avons de bonnes relations avec tout le monde. Avant les élections présidentielles, j’ai rencontré et échangé avec l’actuel président de la République Son Excellence Monsieur Alassane Dramane Ouattara. Nous disons simplement que les problèmes politiques de la Côte d’Ivoire sont internes et seuls les Ivoiriens peuvent les régler. Mais les relations entre nos deux pays existent depuis longtemps et sont en cours de renforcement. Je me réjouis du retour à la normalité et de la fin définitive de la crise. La situation du pays s’améliore et l’Iran se tient aux côtés de la Côte d’Ivoire pour le processus de réconciliation et de reconstruction.

La société Iran-Khodro avait un marché avec la Sotra pour le renouvellement de son parc. Mais on constate qu’elle est en passe d’être supplantée par la société française Renault. Est-ce que cela vous inquiète?
Nous avons fourni 140 bus à la Sotra et elle en est très satisfaite. Je sais que la Sotra veut acheter des bus d’occasion à la France. Mais notre intention n’est pas de vendre des bus à la Côte d’Ivoire mais de transférer la technologie c’est-à-dire implanter des usines de montages de bus en Côte d’Ivoire. A cet effet, 500 millions  de FCFA ont été alloués pour l’achat des équipements de l’atelier.

Est-ce qu’il est prévu une visite du président Alassane Ouattara à Téhéran ou du président Mahmoud Ahmadinejad à Abidjan?
Au mois de septembre 2012, se tiendra à Téhéran la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Organisation de la conférence islamique. La Côte d’Ivoire étant membre de cette organisation, le président Ouattara sera donc invité à y participer.

En dehors du domaine de coopération portant sur les bus, dans quel autre domaine comptez-vous aider la Côte d’Ivoire  pour sa reconstruction après la crise?
Nous avons une polyclinique à Adjouffou. Nous avons échangé avec les responsables du ministère de la Santé afin qu’ils nous octroient un bâtiment pour implanter la seconde polyclinique. Récemment, nous avons fait don d’un lot de médicaments d’une valeur de 35 millions de FCFA et nous avons l’intention de passer une deuxième commande. Nous avons prévu également une aide au développement d’un million de dollar en faveur de la Côte d’Ivoire. Nous avons également consacré 150 millions de dollar comme ligne de crédit à la Côte d’Ivoire. Concernant l’échangeur de la Riviera, c’est une entreprise iranienne qui exécute le contrat. Et nous allons aussi organiser dans quatre mois une foire à Abidjan. Nous voulons aussi faire le lancement d’un centre commercial iranien en Côte d’Ivoire. Tout cela devrait nous permettre de renforcer notre coopération bilatérale.

A quand la réalisation de la polyclinique d’Abobo que vous avez annoncée, il y a quelques mois?
La réalisation de cette polyclinique dépend du ministère ivoirien de la Santé. Nous demandons un espace où elle sera implantée. Dès qu’il nous sera octroyé, nous allons démarrer les travaux.

Que représente la fête du 10 février pour les Iraniens?
Cette cérémonie commémore le 33ème anniversaire de la victoire de la Révolution islamique en Iran. C’est-à-dire qu’il y a 33 ans que le peuple iranien a mis fin au régime royal et installé une République démocratique. C’est un peu comme ce qui s’est passé en Egypte et en Tunisie lors du printemps arabe, sauf que les Iraniens l’ont fait il y a 33 ans.

Est-ce qu’on peut dire aujourd’hui que l’Iran est à l’abri des menaces des intégristes d’Al-Qaïda ?
L’Iran a un système démocratique très fort. Et l’infiltration des terroristes dans cette société démocratique est généralement très difficile. Par ailleurs, il n’y a rien de commun entre l’Iran et Al-Qaïda. En Iran, le système de sécurité est très performant parce que le peuple est avec le gouvernement.

Interview réalisée par Bakayoko Youssouf, coll. K.D. (stagiaire)
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