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Politique Publié le jeudi 16 février 2012 | L’intelligent d’Abidjan

Reportage / Arrah, une ville réduite en cendres : Comment la politique a divisé Agni et Malinké

Ce n’était pas la grande sérénité chez certains voyageurs, le mardi 14 février 2012, au lendemain des affrontements entre autochtones Agni et allogènes Malinké à Arrah. Avant le départ de la gare d’Abobo à destination de cette localité de la région du N’zi, chacun des 18 passagers du minicar essayait, qui d’entrer en contact avec des proches pour leur dire qu’ils sont en route, qui pour avoir des « nouvelles fraîches » de la ville. Le minicar « avale » les 207 kms en deux heures de temps et nous voici à Arrah.

A l’entrée ouest de la ville, en provenance de Bonahouin, la gendarmerie nationale est présente. Des éléments armés en faction au corridor, sont appuyés par les militaires de l’ONUCI. Un char de la mission onusienne en Côte d’Ivoire y est stationné. Des baraques calcinées ou défenestrées défilent tout le long de la voie principale qui traverse la ville et mène à Bongouanou, traduisant du coup l’intensité des affrontements entre la communauté Agni, propriétaire terrien d’Arrah et les allogènes Malinké. Certains habitants de la ville ont décidé d’éloigner leurs familles. L’attente à la gare routière est longue. Il faut attendre les minicars en provenance d’Abidjan où de Bongouanou pour sortir de la ville. Les commerces étaient fermés à notre passage, le marché était désert, mais le propriétaire d’un kiosque à café a eu l’ingénieuse idée de mettre le drapeau de son pays, le Mali, en évidence comme pour dire : « Attention, je n’ai rien à voir avec tout ça ». A Agnikro et dans les quartiers voisins, les Agni discutent par petits groupes. Le calme est certes revenu, mais chacun est sur le qui-vive. Pas question pour les Agni de s’aventurer à Dioulakro, le fief des Malinké, qui se trouve presqu’à la sortie de la ville. « Quand ils (les Malinké) nous voient venir, ils nous agressent. Il y a des familles Agni là-bas, on ne sait pas où elles sont », raconte un sexagénaire assis en compagnie de quelques jeunes devant une cour. Après des minutes de réflexion, il accepte de raconter les faits. « Les FRCI ont été refoulées de Kotobi et elles sont venues se réfugier ici au foyer. Quand les jeunes gens ont appris cela, ils n’étaient pas contents. Il fallait que ces FRCI soient dégagées. Pourquoi Arrah sera une poubelle, alors qu’il n’y a pas de FRCI dans les autres communes. Mais la raison principale, c’est que les FRCI qui sont à Arrah continuent de tenir des corridors. Nous avons reçu une lettre de la jeunesse de Bongouanou, dans laquelle ils nous informaient que le dimanche, ils vont venir pour déloger ceux qui se sont réfugiés à Arrah. Ils sont effectivement arrivés le dimanche matin, mais dès que le roi d’Arrah l’a appris, il est intervenu pour leur demander pardon. Ils n’ont rien voulu comprendre, ils sont allés au foyer mais ils ont été dispersés. Le soir vers 18 heures, ceux qui revenaient des champs ont été lynchés par les jeunes Dioula. Ils ont réussi à s’échapper, mais c’est quand les jeunes Agni ont vu leur état que tout a dégénéré », a-t-il expliqué en ajoutant que l’affaire est maintenant devenue politique. « On indique maintenant les cours des militants LMP. Ils vont là-bas, ils brûlent tout. La maison du roi a été brûlée, celle d’un cadre du FPI, Dongo Assanvoh, a été brûlée. Au quartier Château, une veuve qui venait d’enterrer son époux a été tuée. On ne peut pas dire exactement le nombre de morts, parce qu’il y a des cas isolés où les corps ont été enterrés », confie-t-il.

Difficile mariage entre politique et cohésion sociale
La cohabitation, naguère pacifique entre les autochtones Agni et la communauté allogène, s’est transformée en guerre fratricide. Trois morts officiellement, une dizaine de blessés, tel est le triste bilan de deux jours d’affrontements entre ces deux communautés. A chacune des familles éplorées, le ministre Paul Koffi Koffi a remis, au nom du président de la République et du Premier ministre, 500.000 FCFA et 500.000 FCFA pour tous les blessés, soit en tout 2 millions de FCFA. Touré Issa n’a pas manqué de le signifier à la délégation du ministre Paul Koffi Koffi. « L’attaque de Kotobi, le mardi 7 février dernier, a été préparée avec la complicité du chef du village. Les jeunes de Kotobi en voulaient particulièrement à un FRCI du nom de Oumar, parce que selon eux, il est méchant avec eux. Ils disaient aussi que chez eux à Kotobi, Gbagbo est toujours président et que les FRCI qui sont là sont des miliciens qui doivent retourner d’où ils viennent (…) Je pense qu’on aurait pu éviter tout ce qui est arrivé ici à Arrah, parce que les jeunes qui étaient venus au camp des FRCI n’étaient pas nombreux. On pouvait les contenir s’il n’y avait pas eu la négligence des uns et des autres », a-t-il dit. Le député indépendant nouvellement élu dans le département d’Arrah, Ané Boni Siméon n’a pas cherché longtemps pour trouver le mal dont souffre Arrah, après avoir écouté les différentes explications. « Les Dioula disent que Alassane Ouattara est au pouvoir, si quelqu’un touche un FRCI, il les a touchés. Les Agni quant à eux, pensent que les FRCI sont des rebelles venus du Burkina Faso pour installer Alassane Ouattara au pouvoir, donc il faut qu’ils partent, alors qu’il y a des FRCI Baoulé, Bété… Le problème d’Arrah est un problème politique et il faut le régler politiquement pour mettre fin à ce genre de crise », a expliqué l’élu, rejoint en cela par le général de brigade Kouassi Gervais, commandant supérieur de la gendarmerie nationale. «Rentrez dans la République !», a-t-il asséné à ses parents d’Arrah.

Olivier Dion, envoyé spécial à Arrah
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