Le 40e sommet ordinaire de la Communauté Economique des Etats de l`Afrique de l`Ouest (CEDEAO) a clos ses travaux le vendredi 17 février 2012. A l`issue de cette rencontre de deux jours, le président nigérian Goodluck Jonathan a passé la main à son homologue ivoirien Alassane Ouattara. Ce passage de témoin intervient au moment où la sous- région fait face à de sérieux défis notamment aux plans politique, (mauvaise gouvernance), économique (pauvreté accrue) et surtout sécuritaire (résurgence des anciens conflits et menaces terroristes). Si l`on ne peut douter de la volonté du nouveau président en exercice de l`organisation de conduire à bien sa mission, l`ampleur de la tâche ne laisse planer aucun doute, ADO a vraiment du pain sur la planche. Les deux premiers axes prioritaires du nouveau président en exercice de la CEDEAO que sont la consolidation de la démocratie et le renforcement de la sécurité constituent à eux seuls, une véritable gageure. Aujourd`hui en Afrique et singulièrement dans la sous- région où la dictature revient au galop, plus de deux décennies après le vent de la démocratie, la mauvaise gouvernance apparaît de plus en plus comme un atavisme. Les élections présidentielles de ces dernières années dans la sous- région ont connu des fortunes diverses, notamment au Togo, au Bénin, en Côte d`Ivoire, au Burkina Faso, en Guinée, au Liberia. Dans nombre de ces pays, le scrutin a été émaillé de violences et de lourdes pertes en vies humaines, pour la simple raison que le jeu démocratique a été faussé par la volonté manifeste des tenants du pouvoir de le conserver à tout prix. En affirmant lui-même qu`il suit avec attention le processus démocratique en Afrique de l`ouest où 6 élections sont prévues cette année 2012, Alassane Ouattara est conscient de l`ampleur de sa tâche. La plus urgente est le scrutin sénégalais du 26 février prochain. La vive polémique autour de la candidature d`Abdoulaye Wade, le président sortant dont le 3e mandat qu`il veut briguer est jugé anticonstitutionnel par l`opposition, est le tout premier test pour le nouveau président en exercice de la CEDEAO. Dans ses recommandations, le sommet d`Abuja va envoyer dans les prochains jours à Dakar, une mission de bons offices conduite par l`ancien président nigérian Olusegun Obasanjo. Mais que peut véritablement faire cette délégation de « haut niveau » devant l`entêtement forcené du « pape du Sopie » (changement en ouolof, son slogan de 2000), à briguer, advienne que pourra, un autre mandat ? De peur d`être traité d`ingrat, Alassane Ouattara, malgré ses nouveaux habits de président de l`organisation sous-régionale, éprouvera beaucoup de gêne, à faire entendre raison à celui qui a été pour lui un soutien de poids pendant le bras de fer post- électoral qui l`a opposé à Laurent Gbagbo, il y a juste un an. C`est peut-être au nouveau président de la Commission, le Burkinabé Désiré Kadré Ouédraogo, que va revenir cette difficile tâche, au cas où la mission d`Obasanjo échouait. Mais, sait-on jamais, la politique étant la saine appréciation des réalités du moment, Ouattara pourrait se faire l`écho de la volonté des grandes puissances de voir son parrain sénégalais « dégager » de la scène politique sénégalaise. Le deuxième grand défi du mandat de Ouattara à la tête de la CEDEAO, est évidemment la sécurité. L`Afrique de l`ouest connaît depuis quelque temps une insécurité chronique. A l`incursion progressive et inquiétante d`Al Quaïda dans la zone sahélo- saharienne, est venue s`ajouter la rébellion touarègue. Autre zone d`instabilité, le golfe de Guinée. La principale route où s`effectue l`essentiel du trafic maritime de la région, est devenue une zone très prisée par les pirates. Devant ces défis, le nouveau président de la CEDEAO préconise un regroupement des moyens et la modernisation de l`Ecomog, la force d`intervention de l`organisation. Mais au regard des réalités sur le terrain, ce pari sera difficile à tenir. En matière de sécurité, en dehors du Nigeria, c`est le vide en matière de moyens militaires dans les autres pays. A preuve, c`est une poignée de deux centaines de rebelles qui mettent à rude épreuve depuis des semaines, l`armée malienne. Idem pour la piraterie sur les côtes nigérianes et béninoises. L`absence notoire de moyens logistiques laisse le champ libre à des groupuscules de bandits armés, qui écument à leur guise les côtes. Ouattara aura certainement à se tourner encore vers les partenaires occidentaux, notamment la France et les Etats-Unis pour solliciter un appui en matière de renseignements, d`équipement et surtout de formation des forces chargées de juguler cette insécurité qui s`enracine progressivement.
Charles d`Almeida
Charles d`Almeida