Consultant et rédacteur, avec Zio Moussa, du nouveau Code de d’éthique et de déontologie des médias en Côte d’Ivoire, Alfred Dan Moussa appelle, dans cette interview, les journalistes à s’approprier le nouveau Code adopté le 23 février à la Maison de la presse d’Abidjan (Mpa) au Plateau.
Quel état des lieux faites-vous de la presse ivoirienne, dix mois après la crise postélectorale ?
Je voudrais penser et soutenir que nous sommes au stade de la nécessaire introspection tant des organisations professionnelles que des institutions. La nécessaire introspection également des rédactions et celle individuelle du journaliste face à son travail, à sa conscience et à cette actualité qui a été celle de la crise. Il faut que chaque professionnel s’interroge sur comment il a vécu cette actualité. Est-ce qu’il pense avoir bien géré l’actualité de la crise ? Est-ce qu’il pense l’avoir moins bien gérée ? Quelle est sa réaction au moment où la vie reprend ses droits, au moment où tout se remet en place ? Je pense qu’on doit passer par cette phase d’introspection. Cela participera de la réconciliation que le président de la République appelle de tous ses vœux.
Est-ce que c’était aussi urgent et important, maintenant, de doter la presse d’un nouveau Code ?
C’est le moment ou jamais de doter les médias d’un nouveau Code. Cela fait 20 ans que le premier Code existe. Après 20 ans, que l’on sorte de crise où non, il est important de s’arrêter. Il est important, au moment où l’on sort de la crise, de revisiter notre Code parce que l’introspection dont je parlais tantôt ne peut se faire qu’à la lumière d’un Code que nous avons heureusement. En 20 ans, sommes nous restés très proches du Code ou pas ? Il était aussi bon de tenir compte des forces du Code, de ses faiblesses, de notre ouverture sur l’extérieur pour voir ce qui se fait de grand et de bon à l’extérieur. Il est important que, les 20 ans coïncidant avec la fin de la crise, que nous saisissions cette opportunité pour jeter un regard critique sur notre comportement éditorial, sur notre comportement de journalistes professionnels.
Quelles sont les faiblesses de l’ancien Code qui ont milité en faveur de l’adoption du nouveau ?
En même temps qu’on parle de faiblesses, il faut se poser la question des changements qui interviennent dans le nouveau Code. Celui d’il y a 20 ans é été conçu sans qu’on ait toujours pris en compte – on n’avait aucune raison de le faire d’ailleurs – l’évolution de notre métier. On constate aujourd’hui que notre environnement est celui des technologies de l’information et de la communication. C’est notre réalité d’aujourd’hui et l’on ne peut pas ne pas en tenir compte au moment où nous entreprenons de réviser le Code. En 1992, nous étions loin de penser à une convention collective dans laquelle se reconnaissent toutes les rédactions et tous les journalistes. Aujourd’hui nous avons une convention collective que tous revendiquent et à l’élaboration de laquelle tout le monde pense avoir contribué. Il n’y a pas de raisons que cette convention ne se retrouve pas, d’une façon ou d’une autre dans la révision du Code. Pendant longtemps, on a entendu parler de la question du respect du Code si le journaliste n’a pas un juste salaire. Aujourd’hui les patrons de presse et les journalistes se sont engagés à respecter une convention collective qui a été discutée longuement et que les uns et les autres travaillent à traduire en actes. Ce sont des éléments, entre autres, que le nouveau Code prend en compte.
Lors du Forum pour l’adoption du nouveau Code, l’article 3 nouveau des droits du journaliste, qui donne la possibilité au journaliste de montrer sa source et de la poursuivre éventuellement en justice, a suscité des débats. Certains pensent que cette disposition est de nature à effaroucher les informateurs.
Au terme de ce débat qui a eu lieu effectivement, tout le monde s’est accordé sur la question. Et l’ensemble du Code a été voté à l’unanimité. Mais, cet article précis se penche sur le sort à réserver aux manipulateurs. Tout le monde s’est mis d’accord pour dire qu’il ne s’agit pas, ici, de refuser la protection des sources. Les journalistes sont allés plus loin pour se demander ce qu’il fallait faire, s’il advenait, comme cela s’est fait ailleurs et ici, que des gens, des institutions, confectionnent du faux pour le mettre à la disposition du journaliste dans la seule intention de les ridiculiser ou de les prendre à défaut. Faut-il couvrir ces personnes qui ne méritent même pas le nom de sources ? La personne qui fournit aux rédactions des documents confectionnés avec la seule intention d’induire les rédactions et le monde entier en erreur ne mérite pas le nom de source. Et dans ce cas, il faut la dénoncer. Si à première vue, nous avons semblé être en désaccord, d’un journaliste à un autre, d’une rédaction à une autre, les explications ayant suivi, tout le monde s’est accordé pour dire que si des gens s’amusent à manipuler les médias et qu’on les y prend, il faut les dénoncer. En plus, le journaliste peut ne pas s’arrêter à la dénonciation et ester en justice. Il est aussi bon d’envoyer des messages à ceux qui sont nos interlocuteurs et qui doivent être dignes de ce nom. S’ils ne le sont pas, il faut qu’on leur montre que nous ne sommes pas contents qu’on ait tenté ou réussi à nous manipuler.
Une autre nouveauté concerne l’obligation faite au journaliste de référencer les sources qu’il utilise dans la rédaction de ses articles.
La reproduction d’un article, d’une émission qui n’est pas la propriété de celui qui rediffuse ou qui reproduit, de donner toutes les sources. De dire de quel support il s’agit, de donner le titre, l’édition, tout ce qui permet de remonter aux origines et de reconnaître l’auteur de l’article cité. C’est ce qui est honnête. Quand le journaliste cite un confrère, reprend un article et donne le sentiment que c’est sa propre création, il est en train de faire du plagiat, de se rendre malhonnête. Il n’est pas bon que le journaliste qui exerce en Côte d’Ivoire passe son temps à plagier et soit considéré comme une personne malhonnête. Le seul souci auquel répond cette disposition est de dire que la reproduction a ses règles, ses limites et qu’il faut les respecter.
A quel niveau se situe le Code par rapport à la loi de 2004 sur la presse ?
Un Code ne peut jamais être une loi. La loi, elle, prévoit des sanctions. Aujourd’hui nous avons des avancées significatives qui font de la loi de 2004 une loi qui n’envoie pas le journaliste en prison, en raison de la dépénalisation des délits de presse, même s’il y a quelques fois des volontés pour ignorer cet aspect de la loi sur la presse. Le Code quant à lui touche au moral. Il dit ce qu’il ne faut pas faire, au risque de ne plus mériter la confiance des pairs. Or, le jugement des pairs, est plus difficile que le jugement d’un tribunal. Quand des confrères ne vous reconnaissent plus comme faisant partie de la corporation, c’est plus difficile que la prison. C’est pourquoi notre Code doit être, plus que la loi, notre livre de chevet. Lorsque chaque journaliste aura fait l’effort de respecter chaque disposition de ce Code, il aura mérité son titre de journaliste professionnel.
On a l’impression, en voyant le Code, qu’il y a plus de devoirs que de droits
Du point de vue numérique, il y a moins de droits que de devoirs. Mais les droits sont tellement réaffirmés que par cette réaffirmation même, on a le sentiment quelques fois, que ce sont les droits qui l’emportent sur les devoirs. Mais, un code, c’est aussi cela. C’est un ensemble de droits et de devoirs. Nous devons travailler non seulement à promouvoir ce Code mais aussi à rester très proches des devoirs et des droits qu’il contient. Nous devons respecter ce qui a fait l’objet de consensus.
Quelle étapes ont permis d’arriver à la rédaction du Code ?
La 1ère étape a été la gestion du Code de 1992. La 2ème a été l’expérience menée à l’intérieur des instances de régulation et de l’instance d’autorégulation, qui ont a cœur de traduire au quotidien le Code de déontologie. Ensuite, il y a eu l’étape d’Accra. Un groupe de journalistes Ivoiriens a été commis pour suivre la volonté ressentie ici et là de réviser le Code. Ce comité a mis demandé à deux experts de travailler, en étant à l’écoute des patrons, des instances régulation, d’autorégulation et des rédactions. Il y a eu par la suite un 1er débat sur la 1ère mouture de ce qu’il est convenu d’appeler le Code de déontologie et d’éthique de la presse. La dernière étape a été le débat qui a permis d’adopter le Code en prenant en compte les observations des uns et des autres.
Interview réalisée par M’Bah Aboubakar
Quel état des lieux faites-vous de la presse ivoirienne, dix mois après la crise postélectorale ?
Je voudrais penser et soutenir que nous sommes au stade de la nécessaire introspection tant des organisations professionnelles que des institutions. La nécessaire introspection également des rédactions et celle individuelle du journaliste face à son travail, à sa conscience et à cette actualité qui a été celle de la crise. Il faut que chaque professionnel s’interroge sur comment il a vécu cette actualité. Est-ce qu’il pense avoir bien géré l’actualité de la crise ? Est-ce qu’il pense l’avoir moins bien gérée ? Quelle est sa réaction au moment où la vie reprend ses droits, au moment où tout se remet en place ? Je pense qu’on doit passer par cette phase d’introspection. Cela participera de la réconciliation que le président de la République appelle de tous ses vœux.
Est-ce que c’était aussi urgent et important, maintenant, de doter la presse d’un nouveau Code ?
C’est le moment ou jamais de doter les médias d’un nouveau Code. Cela fait 20 ans que le premier Code existe. Après 20 ans, que l’on sorte de crise où non, il est important de s’arrêter. Il est important, au moment où l’on sort de la crise, de revisiter notre Code parce que l’introspection dont je parlais tantôt ne peut se faire qu’à la lumière d’un Code que nous avons heureusement. En 20 ans, sommes nous restés très proches du Code ou pas ? Il était aussi bon de tenir compte des forces du Code, de ses faiblesses, de notre ouverture sur l’extérieur pour voir ce qui se fait de grand et de bon à l’extérieur. Il est important que, les 20 ans coïncidant avec la fin de la crise, que nous saisissions cette opportunité pour jeter un regard critique sur notre comportement éditorial, sur notre comportement de journalistes professionnels.
Quelles sont les faiblesses de l’ancien Code qui ont milité en faveur de l’adoption du nouveau ?
En même temps qu’on parle de faiblesses, il faut se poser la question des changements qui interviennent dans le nouveau Code. Celui d’il y a 20 ans é été conçu sans qu’on ait toujours pris en compte – on n’avait aucune raison de le faire d’ailleurs – l’évolution de notre métier. On constate aujourd’hui que notre environnement est celui des technologies de l’information et de la communication. C’est notre réalité d’aujourd’hui et l’on ne peut pas ne pas en tenir compte au moment où nous entreprenons de réviser le Code. En 1992, nous étions loin de penser à une convention collective dans laquelle se reconnaissent toutes les rédactions et tous les journalistes. Aujourd’hui nous avons une convention collective que tous revendiquent et à l’élaboration de laquelle tout le monde pense avoir contribué. Il n’y a pas de raisons que cette convention ne se retrouve pas, d’une façon ou d’une autre dans la révision du Code. Pendant longtemps, on a entendu parler de la question du respect du Code si le journaliste n’a pas un juste salaire. Aujourd’hui les patrons de presse et les journalistes se sont engagés à respecter une convention collective qui a été discutée longuement et que les uns et les autres travaillent à traduire en actes. Ce sont des éléments, entre autres, que le nouveau Code prend en compte.
Lors du Forum pour l’adoption du nouveau Code, l’article 3 nouveau des droits du journaliste, qui donne la possibilité au journaliste de montrer sa source et de la poursuivre éventuellement en justice, a suscité des débats. Certains pensent que cette disposition est de nature à effaroucher les informateurs.
Au terme de ce débat qui a eu lieu effectivement, tout le monde s’est accordé sur la question. Et l’ensemble du Code a été voté à l’unanimité. Mais, cet article précis se penche sur le sort à réserver aux manipulateurs. Tout le monde s’est mis d’accord pour dire qu’il ne s’agit pas, ici, de refuser la protection des sources. Les journalistes sont allés plus loin pour se demander ce qu’il fallait faire, s’il advenait, comme cela s’est fait ailleurs et ici, que des gens, des institutions, confectionnent du faux pour le mettre à la disposition du journaliste dans la seule intention de les ridiculiser ou de les prendre à défaut. Faut-il couvrir ces personnes qui ne méritent même pas le nom de sources ? La personne qui fournit aux rédactions des documents confectionnés avec la seule intention d’induire les rédactions et le monde entier en erreur ne mérite pas le nom de source. Et dans ce cas, il faut la dénoncer. Si à première vue, nous avons semblé être en désaccord, d’un journaliste à un autre, d’une rédaction à une autre, les explications ayant suivi, tout le monde s’est accordé pour dire que si des gens s’amusent à manipuler les médias et qu’on les y prend, il faut les dénoncer. En plus, le journaliste peut ne pas s’arrêter à la dénonciation et ester en justice. Il est aussi bon d’envoyer des messages à ceux qui sont nos interlocuteurs et qui doivent être dignes de ce nom. S’ils ne le sont pas, il faut qu’on leur montre que nous ne sommes pas contents qu’on ait tenté ou réussi à nous manipuler.
Une autre nouveauté concerne l’obligation faite au journaliste de référencer les sources qu’il utilise dans la rédaction de ses articles.
La reproduction d’un article, d’une émission qui n’est pas la propriété de celui qui rediffuse ou qui reproduit, de donner toutes les sources. De dire de quel support il s’agit, de donner le titre, l’édition, tout ce qui permet de remonter aux origines et de reconnaître l’auteur de l’article cité. C’est ce qui est honnête. Quand le journaliste cite un confrère, reprend un article et donne le sentiment que c’est sa propre création, il est en train de faire du plagiat, de se rendre malhonnête. Il n’est pas bon que le journaliste qui exerce en Côte d’Ivoire passe son temps à plagier et soit considéré comme une personne malhonnête. Le seul souci auquel répond cette disposition est de dire que la reproduction a ses règles, ses limites et qu’il faut les respecter.
A quel niveau se situe le Code par rapport à la loi de 2004 sur la presse ?
Un Code ne peut jamais être une loi. La loi, elle, prévoit des sanctions. Aujourd’hui nous avons des avancées significatives qui font de la loi de 2004 une loi qui n’envoie pas le journaliste en prison, en raison de la dépénalisation des délits de presse, même s’il y a quelques fois des volontés pour ignorer cet aspect de la loi sur la presse. Le Code quant à lui touche au moral. Il dit ce qu’il ne faut pas faire, au risque de ne plus mériter la confiance des pairs. Or, le jugement des pairs, est plus difficile que le jugement d’un tribunal. Quand des confrères ne vous reconnaissent plus comme faisant partie de la corporation, c’est plus difficile que la prison. C’est pourquoi notre Code doit être, plus que la loi, notre livre de chevet. Lorsque chaque journaliste aura fait l’effort de respecter chaque disposition de ce Code, il aura mérité son titre de journaliste professionnel.
On a l’impression, en voyant le Code, qu’il y a plus de devoirs que de droits
Du point de vue numérique, il y a moins de droits que de devoirs. Mais les droits sont tellement réaffirmés que par cette réaffirmation même, on a le sentiment quelques fois, que ce sont les droits qui l’emportent sur les devoirs. Mais, un code, c’est aussi cela. C’est un ensemble de droits et de devoirs. Nous devons travailler non seulement à promouvoir ce Code mais aussi à rester très proches des devoirs et des droits qu’il contient. Nous devons respecter ce qui a fait l’objet de consensus.
Quelle étapes ont permis d’arriver à la rédaction du Code ?
La 1ère étape a été la gestion du Code de 1992. La 2ème a été l’expérience menée à l’intérieur des instances de régulation et de l’instance d’autorégulation, qui ont a cœur de traduire au quotidien le Code de déontologie. Ensuite, il y a eu l’étape d’Accra. Un groupe de journalistes Ivoiriens a été commis pour suivre la volonté ressentie ici et là de réviser le Code. Ce comité a mis demandé à deux experts de travailler, en étant à l’écoute des patrons, des instances régulation, d’autorégulation et des rédactions. Il y a eu par la suite un 1er débat sur la 1ère mouture de ce qu’il est convenu d’appeler le Code de déontologie et d’éthique de la presse. La dernière étape a été le débat qui a permis d’adopter le Code en prenant en compte les observations des uns et des autres.
Interview réalisée par M’Bah Aboubakar