Bamba Massiani, Coulibaly Fatoumata, Touré Adjara, Sylla Malon, Ouattara Gnon Rokia, Koné Mayamou et Coulibaly ne sont plus de ce monde. Il y a un an, elles ont sauvagement assassiné par la soldatesque à la solde de Laurent Gbagbo. C’était le 3 mars 2011, au rond point d’Abobo au cours d’une manifestation pacifique. Pourtant, rien ne présageait un tel carnage au cours de cette journée ensoleillée où des femmes étaient venues, par centaines de tous les quartiers d’Abobo, pour manifester à l’instar de leurs sœurs de toutes les régions de Côte d’Ivoire, contre le passage en force que le président Laurent Gbagbo tentait de faire. Ces femmes n’avaient pour armes que des bouts de bois, des feuilles d’arbres et des casseroles qu’elles brandissaient joyeusement à la vue des forces de l’ordre. Rassemblées au rond point d’Abobo en face de la mairie, les joyeuses manifestantes applaudissaient à la vue des chars et des cargos pour montrer leurs intentions pacifistes aux éléments des ex-FDS qui effectuaient régulièrement des incursions meurtrières dans la commune la plus peuplée de la Côte d’Ivoire. Mais ce jour-là, elles étaient loin de se douter qu’elles avaient rendez-vous avec la mort. Le second tour de l’élection présidentielle s’est achevé le 28 novembre 2010. Il avait opposé le président Laurent Gbagbo, candidat de l’ancienne Majorité présidentielle au candidat du RHDP, le Dr Alassane Dramane Ouattara. Après plusieurs pressions et menaces, la Commission électorale indépendante a fini par donner les résultats. Le candidat du RHDP a remporté le scrutin avec plus de 54% des suffrages exprimés contre plus de 45% pour le candidat de LMP. Des résultats que le Conseil constitutionnel conteste. Pire, il annule contre toute attente et contrairement à la loi électorale, les résultats de 4 régions et proclame le candidat Laurent Gbagbo élu. Une décision que décident de combattre le monde entier et tous les démocrates ivoiriens. Laurent Gbagbo en a cure. Il se fait investir comme président de la République le 3 décembre 2010 au palais et refuse de reconnaitre sa défaite. Son refus plonge la Côte d’Ivoire dans grave crise politique. Les Ivoiriens dans leur majorité s’opposent au coup de force de Laurent Gbagbo. La marche du 16 décembre et les quelques mouvements de contestation sont réprimés dans le sang. De janvier à février 2011, toutes les négociations diplomatiques pour ramener Laurent Gbagbo à la raisons échouent. La Côte d’Ivoire est dans l’impasse totale. C’est alors que les femmes décident de prendre les choses en main. Elles initient à travers tout le pays des marches pacifiques qu’elles baptisent « opération Gbagbo dégage ». De Koumassi à Grand Bassam en passant par Korhogo, Man, Abengourou, Marcory, Treichville, Adjamé pour ne citer que ces communes, les femmes marchent pour demander le départ de Laurent Gbagbo et exiger que leur vote soit respecté. Si dans les autres communes et villes, les manifestations se déroulent sans heurts majeurs, ce n’est pas le cas pour la commune d’Abobo. Le jeudi 3 mars, au petit matin, les femmes de cette commune décident, comme leurs camarades des autres villes, d’organiser une marche pacifique pour réclamer le départ de Laurent Gbagbo. Très tôt le matin, les braves d’Abobo se sont donné rendez-vous le 3 mars 2010. Au départ, elles étaient une poignée de femmes. Puis au fil des minutes, le petit groupe à commencer à grossir. Heureuses de se retrouver là, c’est avec beaucoup d’enthousiasme qu’elles se sont retrouvées devant la mairie d’Abobo. Elles chantaient et jubilaient quand un cortège des ex-FDS composé d’un char et de cargos était en train de passer sur l’autoroute jouxtant le lieu du rassemblement. Aux cris de joie et aux applaudissements de ces braves femmes, les éléments des ex-FDS qui étaient dans le cortège ont, malheureusement, répondu à l’arme lourde. Bilan du carnage : sept des braves femmes ont déchiqueté par les balles tirées par les tueurs de Laurent Gbagbo. La plupart d’entre elles sont mortes sans savoir ce qui leur arrivait. L’exemple le plus pathétique est celui de Touré Adjara qui ne s’étant rendu compte qu’elle venait d’avoir la gorge arrachée par les balles d’un 12,7 mm, a dans un premier temps tenté de relever avant de s’écrouler dans une marre de sang. Un réflexe guidé par l’instinct de survie que les hommes sans scrupule et sans morale du clan Gbagbo ont qualifié de grotesque mise en scène. Ils ont même poussé le cynisme jusqu’à qualifier cette boucherie de « complot du bissap ».Mais les faits sont têtus et parlent d’eux-mêmes. Un an plus tard, le massacre des femmes d’Abobo que le président des Etats Unis Barack Obama a qualifié de « faillite morale » du régime FPI continue de hanter les esprits. L’Histoire retiendra que ce jour-là, le régime FPI a osé tirer sur des femmes sans défense qui ne demandaient qu’une seule : que leur vœu de voir le président Alassane Ouattara diriger la Côte d’ivoire, soit respecté.
Jean-Claude Coulibaly
Jean-Claude Coulibaly