La journée d’hier a été celle des folles rumeurs. Tout Abidjan était à l’affût de tout ce qui se passait et se disait du côté de la Primature et du palais présidentiel. Durant tout le long de cette journée, des bruits de démission du chef du gouvernement et de remaniement a couru. Ces rumeurs ont d’autant prospéré que certains quotidiens de la place ont barré leur Une d’une imminente démission du chef du gouvernement, Guillaume Soro et la désignation de son éventuel successeur issu du PDCI-RDA. Les rumeurs courent de plus bel lorsqu’à 8 heures le service de communication de la présidence de la République envoie des messages et appellent les rédactions pour annoncer une rencontre au sommet entre le président de la République, Alassane Ouattara et le président de la conférence des présidents du RHDP, Henri Konan Bédié. Un peu pris au dépourvu, nous décidons tout de même de nous apprêter pour nous rendre à la résidence du président Henri Konan Bédié, à Cocody Ambassade. Nous y arrivons à temps pour enregistrer les déclarations des deux présidents. Après plus d’une heure de tête à tête, les deux hommes d’Etat sont dehors. Ils sont vite happés par une forêt de micros et de caméras. Une seule question qui alimente la rumeur depuis le matin hante les journalistes. Ils l’a posent après avoir écouté le point de la rencontre fait par le chef de l’Etat. « La primature au PDCI. En avez-vous parlé », interrogent les journalistes. « Vous en saurez davantage les prochains jours », répondent les deux grands leaders du RDHP. Rien donc à se mettre sous la dent. Nos préoccupations sont restées en l’état. La rumeur ne s’apaise pas pour autant. Au moment où nous nous apprêtions à regagner notre rédaction, un confrère nous murmure à l’oreille que le président de la République a une rencontre avec le Premier ministre Guillaume Soro au palais présidentiel à 13 heures. « C’est probablement pour lui présenter sa démission », nous lance un autre confrère. Nous renchérissons : « C’est probablement cela ». Un peu ragaillardi par cette information, nous sautons dans un taxi pour le palais présidentiel. Là-bas, nous trouvons toute la presse. Nous disons en notre for intérieur que cette journée à certainement quelque chose d’exceptionnelle. Mais notre enthousiasme est vite douché par une remarque d’un membre du service communication de la présidence. « Je ne comprends pas pourquoi il y a tant de journaliste aujourd’hui au traditionnel déjeuner du mardi entre le président de la République et le Premier ministre. Pourtant, lorsqu’ils y sont d’habitude invités, ils le boudent », fait-il constater. Nous qui croyons avoir affaire à une rencontre au bout de laquelle sortira des décisions importantes qui détermineront l’avenir de la Côte d’Ivoire, sommes carrément déçu. Cette remarque a la vertu de nous ramener sur terre. Nous qui dans l’euphorie, avions oublié que le Premier ministre et le président de la République déjeunent ensemble tous les mardis précédant le mercredi du Conseil des ministres. Nous comprenons alors que cette rencontre annoncée à grands renforts médiatiques accouchera d’une souris. A 14 heures, le Premier ministre retrouve le Président de la République à son bureau. La rencontre peut commencer. L’attente peut commencer. Elle est longue. Chacun cherche à tuer le temps comme il le peut. Certains vérifient si tout le matériel de travail est en place. Tandis que d’autres spéculent sur ce qui se passe dans le « bureau ovale ivoirien ». Nous nous joignons à eux. « Le Premier ministre fera une déclaration importante aujourd’hui. Il n’est pas exclu qu’il annonce sa démission. Je tiens l’information de son entourage », soutient un confrère, malgré les doutes et les réserves que nous émettions. Nous lui expliquons que la déclaration de démission ne se fera pas maintenant, mais probablement plus tard, arguments à l’appui. Rien n’y fit. Il maintient que la déclaration est imminente. Nous nous laissons convaincre par sa foi. Et décidons d’attendre quand même. L’arrivée de certains confrères de la presse internationale dans l’entretemps finit par venir à bout des derniers foyers de résistance de notre susceptibilité. La boisson fraîche et les sandwichs distribués par le service de communication de la présidence achèvent de nous convaincre que quelque chose d’exceptionnelle se prépare dans le bureau présidentiel où le président de la République et son Premier ministre se sont enfermés pour un huis clos. Un heure plus tard, les deux hommes sortent. Tout le monde se précipite au bas de l’escalier qui mène au bureau du chef de l’Etat. Non sans jouer des coudes. « Il n’y aura pas de déclaration », lance une membre de la communication de la présidence. Tout le monde a entendu, mais ne prête aucun intérêt à cette information. Au contraire, les bousculades vont de plus bel. Le Premier ministre sort du bureau accompagné du président de la République. Au fur et à mesure qu’ils descendent les marches de l’escalier, micros, cameras et appareils photos s’avancent. Le Premier ministre et le président de la République ont le sourire. Mais un sourire amusé. « Cette fois, c’est raté. Il n’y a pas de déclaration », dit le Premier ministre. « Il y a un Conseil des ministres demain. Vous en saurez davantage », ajoute le chef de l’Etat tout se frayant un passage au milieu des micros et cameras. C’est la douche froide dans le camp des reporters. Certains accusent le coup en silence. D’autres ne peuvent s’empêcher de râler un peu face à ce non-événement. Beaucoup de bruits de couloir pour rien. C’est ainsi qu’on peut résumer cette journée que d’aucuns avaient pourtant annoncé comme historique.
Jean-Claude Coulibaly
Jean-Claude Coulibaly