Les Sénégalais nourrissaient des griefs à l’encontre du Président Abdoulaye Wade. De prime abord, celui d’avoir voulu instituer une vice-présidence au sein de l’Exécutif, pour préparer l’avènement de son fils Karim. Secundo, la majorité des habitants du Sénégal ne voulait pas de sa candidature à la dernière élection présidentielle. Ils le lui ont signifié ouvertement, tant ils étaient convaincus que le hiatus était de taille entre l’homme du « Sopi » et celui qui a passé plus d’une décennie à la tête de son pays. Il faut le dire tout net. Abdoulaye Wade n’était plus en de bons termes avec ses gouvernés. Il était même en chute libre, dans le cœur de ses compatriotes. Heureusement pour lui, la soirée du dimanche dernier, jour du second tour du scrutin, aura été un véritable deus ex machina. En effet, en appelant son ancien élève et challenger, Macky Sall, pour le féliciter de son triomphe électoral, Wade a marqué au moins deux points. Le premier, c’est sans doute la qualité du démocrate qu’il ne voulait pas cesser d’être, qui a reconnu publiquement sa défaite et qui a salué la victoire de son adversaire. Le faisant, il s’est fortement réconcilié avec son peuple qui ne le comprenait plus. Assurément, le geste du dimanche dernier a fait oublier les dissensions et Wade est devenu un héros pour ses concitoyens, pour l’Afrique en proie à des convulsions et pour le Monde. Il a su transformer sa défaite en une victoire, celle qui le fait entrer dans le panthéon des figures emblématiques du continent noir. Par ailleurs, en annonçant son insuccès, le président sortant a mis son pays à l’abri d’une conflagration annoncée à grand renfort par les prophètes des aurores et les oiseaux de mauvais augure. Alors qu’il lui était loisible de tenter un passage en force ou de crier à des fraudes massives, le chantre du « Sopi » a fait contre mauvaise fortune, bon cœur, en privilégiant l’intérêt supérieur de son pays. Alors qu’il pouvait user et abuser de la force pour garder les rênes du pouvoir, Wade s’est fait la forte conviction qu’il y a une vie en dehors de la Présidence de la République, des délices et artifices du pouvoir. C’est en cela qu’il rentre dans l’Histoire, pour n’avoir pas accepté d’être l’homme qui aura fait basculer son pays dans la guerre. Quand on sait la force de mobilisation des confréries religieuses et leur emprise sur les fidèles, le geste du Président Wade est hautement salutaire pour la paix dans « la vitrine de la démocratie africaine ». Si par exemple, Laurent Gbagbo avait eu la posture de l’ancien Chef de l’Etat sénégalais, la Côte d’Ivoire n’aurait pas connu une crise postélectorale, avec son lot de morts, de désolation, de ruine économique. En véritable homme d’Etat, soucieux du devenir de sa nation, Wade a choisi de préserver les acquis d’un Etat qu’il a gouverné et de prendre une retraite bien méritée, en harmonie totale avec ses compatriotes. Il donne une grande leçon de démocratie et d’humilité aux despotes passés et ceux qui continuent de hanter le destin des populations africaines.
Bakary Nimaga
Bakary Nimaga