Le Mali, longtemps membre du cercle très fermé des pays démocratiques au Sud du Sahara, a opéré une rupture dans son parcours. Il y a encore quelques jours ce pays se préparait à une –improbable – élection présidentielle. Mais, depuis le 21 mars dernier, le Mali a renoué avec les vieux souvenirs. Les militaires ayant fait intrusion dans le champs politique, suspendant la Constitution et dissolvant la plupart des institutions de la République. La CEDEAO, comme l’ensemble de la communauté internationale, a condamné sans réserve, ce coup d’Etat « inacceptable ». C’est un « recul » pour certains quand d’autres estiment que le projet du Capitaine Haya Sanogo est « anachronique ». La Communauté ouest-africaine, premier cercle politique dans lequel se trouve le Mali a donc le dossier en main. M. Kadré Ouédraogo, président de la Commission de la CEDEAO, à la tête d’une mission comprenant aussi bien l’Union Afrique que les Nations Unies, a passé plusieurs jours à Bamako, discutant et négociant avec les putschistes. Il dépose ce mardi même son rapport sur la table du sommet des Chefs d’Etat de l’organisation, convoqué en urgence par Alassane Ouattara, président en exercice. Que décideront les Chefs d’Etat ? Une chose est sûre, au lendemain de ce qui s’est passé au Sénégal où le monde entier s’accorde à réaffirmer que les élections sont la seule voie d’accession légitime au pouvoir, il ne faut pas rêver que la Communauté ouest-africaine pourrait caresser, même légèrement, la junte militaire dans le sens du poil. Ce coup d’Etat est à condamner et il le sera. Mais, face à une situation que des voix autorisées ont qualifié de « fait accompli », que faudra-t-il faire ? C’est là, en effet, que le sens de la diplomatie et de la stratégie d’Alassane Ouattara et ses pairs sera mesuré. Option militaire ou démarche diplomatique ou, pourquoi pas, les deux à la fois ? La réunion de la CEDEAO ne devrait pas s’appesantir sur la présidence d’Amadou Toumani Touré. L’avenir du Mali et au-delà, la stabilité de la sous-région, dépendent d’une gestion très rigoureuse de cette crise ouest-africaine. Faudrait-il en rajouter à l’instabilité de ce pays déjà fragilisé par une rébellion qui grignote, au fil des jours, des kilomètres sur la surface du Nord malien ? Et la présence très active de mouvements extrémistes tels Aqmi et Ansar Dine. Les Chefs d’Etat pourraient choisir de faire partir la junte pacifiquement, à condition quelle donne des gages. Sinon en la menaçant d’utiliser « l’usage de la force légitime », comme cela a été fait avec Laurent Gbagbo ou alors proposer un schéma de sortie de crise dans lequel personne ne sort perdant. Sans forcément parler de transition militaire, il faudrait une période de quelques mois pour qu’avant la fin de cette année 2012, les Maliens soient appelés aux urnes pour l’élection présidentielle à laquelle aucun membre de la junte ne pourra participer. Surtout un gouvernement civil devrait être mis en place pour conduire le processus jusqu’à la mise en place du processus électoral. Pour le reste, il reviendra au Président nouvellement élu de prendre les dispositions pour assurer la sécurité et l’intégrité du territoire malien. Quid du Général Amadou Toumani Touré ? Les Chefs d’Etat sont beaucoup embarrassés. Le lâcher, cela voudrait dire, une légitimation de coup de force. Mais s’accrocher à son sort, c’est se mettre à dos une partie de l’armée qui le dit « incompétent et incapable de combattre la rébellion ». Une autre paire de manche.
C.S.
C.S.