x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Afrique Publié le jeudi 5 avril 2012 | Diasporas-News

Coup d’Etat au Mali

© Diasporas-News Par DR
Bamako (Mali) : Manifestation a l`aéroport par des partisans des auteurs du coup d`Etat
Jeudi 29 mars 2012. Bamako (Mali) . La manifestation pro-junte déroulée dans la matinée sur le tarmac de l`aéroport. Photo : Amadou Sanogo chef de la junte
Le président Amadou Toumani Touré (ATT) aurait souhaité sortir de son palais de Koulouba par la grande porte mais non catimini et nuitamment. Comme on dit prosaïquement : « il était entrain de faire son créneau pour garer son camion au parking ». A un mois de son deuxième mandat, le sort en a décidé autrement !

Depuis le 22 mars, le Mali est plongé de nouveau dans une période d’instabilité politique dont nul ne peut présager l’issue.
Une junte militaire dirigée par le capitaine Amadou Haya Sanogo a annoncé la suspension de toutes les institutions de la République malienne. Un Comité National de Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat (CNRDRE) composé de militaires tente désormais de tenir les rênes du pouvoir, de contrôler l’ORTM, la Radio Télévision nationale. Il a pris l’engagement de restaurer le pouvoir aux civils et de mettre en place un gouvernement d’union nationale.
La situation est pour le moins confuse à Bamako. L’impression qui se dégage est que ce putsch a surpris tout le monde et même ceux qu’ils l’ont fomenté. Certes, des forts ressentiments et grognements sourds remontaient des casernes depuis le début de l’année face à « l’incapacité du président Amadou Toumani Touré (ATT) à gérer la crise dans le Nord » c’est-à-dire la résurgence de la rébellion touarègue. Mais la fulgurance et la facilité, avec laquelle le régime est tombé, dénotent une grande fragilité du gouvernement à quelques semaines de la fin de la mandature du président de la République. Le palais présidentiel de Koulouba, juché sur une colline, a été pris à la hussarde par des mutins en l’espace d’une nuit.

L’origine du coup d’Etat : Le bourbier de Kidal

Depuis la mi-janvier, les Forces Armées et de Sécurité (FAS) sont embourbées dans la région de Kidal et plus précisément dans la localité de Tessalit. Elles ont subi de nombreuses attaques par une coalition hétéroclite dont chaque composant a une raison d’en découdre avec l’armée malienne. D’abord le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) qui revendique une indépendance de la communauté touarègue ou au moins une certaine autonomie au sein de la République malienne. Elle a obtenu le soutien du mouvement islamique plus radical Ansar Dine qui, lui, souhaite instaurer une république islamique en appliquant la charia sur son territoire. Se rajoutent à cela, les anciens militaires démobilisés de Libye, des trafiquants de drogue qui ne veulent pas être importunés et aussi les preneurs d’otages se revendiquant d’AQMI.
Forte de leur avancée, les rebelles ont pris la ville d’Aguelhok. Des centaines de déserteurs ont trouvé refuge dans les pays voisins. Ils ont également commis un massacre atroce de prisonniers. Des corps sans vie d’une centaine de militaires maliens ont été découverts, poings ligotés et avec des traces d’impact de balles sur leurs corps. Ce qui accréditerait la thèse d’un crime horrible commis par la rébellion et porterait le mode opératoire d’AQMI ! Aujourd’hui quelques 500 familles ont fuila ville pour se réfugier sous les arbres dans un dénuement total.

Des soldats et des milliers de civils sont encerclés depuis plus d’un mois dans le camp d’Amachach. Une colonne de logistique, composée d’armes et de vivres, devrait rompre cet isolement. A la tête de ce convoi, se trouvait le colonel Ould Meidou. Il n’a jamais pu arriver à bon port pour approvisionner le fort Alamo malien. Ils ont même essuyé deux attaques donc la deuxième, plus violente, a provoqué la débandade de l’armée régulière. Dans leur précipitation, les militaires ont abandonné à l’ennemi des munitions, des missiles et mêmes des chars blindés dont les rebelles se sont emparés.
De cet épisode est né le mouvement des femmes de militaires, excédées par la débandade subie par leurs bidasses de maris. Elles finissent par obtenir une audience auprès d’ATT. Elles ont fait part de leur mécontentement, réclamé davantage d’armes pour lutter contre l’ennemi.

La réunion du camp de Kati

Le 21 mars dernier, le colonel Ould Meidou et son ministre de la Défense le général Sadio Gassama sont venus faire une réunion à la caserne de Kati, située à 15km de Bamako. L’ordre du jour était le point sur de la situation dans le Nord du pays. Un dialogue de sourds s’était alors instauré. Le général Sadio Gassama semblait jouer la montre : annoncer l’envoi de renforts au front, temporiser les ardeurs en invoquant que l’acheminement de matériel et de munitions, commandés à l’extérieur, tardaient à arriver. Alors que les hommes de rang évoluaient sur un autre registre et voulaient du concret : des mesures sur la prise en charge de la veuve et l’orphelin ! La fin de l’entrevue fut houleuse ; il a fallu exfiltrer le ministre de la Défense et sa délégation face aux jets de pierres et au caillassage des voitures.
Après avoir dévalisé un dépôt d’armes, les mutins ont marché sur Bamako en tirant en l’air, semant la panique en ville.
La nuit du 21 au 22 mars, ils ont ainsi attaqué à la hussarde le palais présidentiel ; investissant l’ORTM en congédiant tout les techniciens. Aucun porte-parole ou chef de putschiste n’apparaît dans un premier temps ; la junte se contentant de quelques communiqués. Ce qui indique une organisation totalement improvisée avant l’allocution du lieutenant Amadou Konaré, désigné porte-parole du CNRDRE.

Une situation confuse

Le bilan du coup d’Etat s’est soldé par 4 morts et une trentaine de blessés, dont des civils qui ont reçu des balles perdues. Le couvre-feu a été instauré de 22 à 6 heures du matin et toutes les frontières terrestres et aériennes ont été fermées. Ce qui n’a pas empêché les pillages dont la plupart sont le fait de militaires mutins ; mais aussi d’exactions ou des réquisitions de véhicules de motos et de véhicules. Le pays et la capitale sont totalement paralysés : les commerces ont baissé pavillon ; les stations d’essence ne sont plus approvisionnées. A ce rythme-là, le Mali risque de subir une grave crise socioéconomique car il doit absolument importer des produits de première nécessité.
La junte sème la terreur par le fait qu’une quinzaine de dignitaires du régime, entre autres le ministre des Affaires Etrangères Soumeylou Boubèye Maïga ou l’ancien chef de gouvernement Modibo Sidibé, des généraux et des dirigeants politiques, sont arrêtés et mis au secret au camp de Kati. Elle promet, qu’en temps voulu, ils seront traduits en justice. Pour autant, la situation est-elle sous contrôle ? Le capitaine Amadou Haya Sanogo exhorte tous les militaires à se mettre à la disposition de leur unité respective sans que le ralliement ne soit massif. Ce mouvement spontané suscite autant de méfiance des militaires que de la part de la classe politique.

Les réactions et les condamnations

Les premières réactions des hommes politiques tardaient à venir. C’est l’Alliance pour la Démocratie au Mali (ADEMA), la majorité présidentielle qui a réagi le 22 mars au soir en la personne de Mamoutou Thiam : « les bruits de bottes résonnaient de plus en fort ces derniers temps ; mais on ne s’attendait pas à ce que le coup d’Etat soit mené par des jeunes... Et il ne faut plus parler de l’élection présidentielles pour la date de 29 avril prochain ». Et tant pis pour son candidat Dioncounda Traoré, actuel président de l’Assemblée Nationale qui a dû annuler son voyage en France pour aller à la rencontre de la diaspora et des personnalités françaises. Voudrait-il rester au Burkina Faso, où il était bloqué par l’arrêt des liaisons aériennes, ou rentrer le plus rapidement possible ?
Tout le monde était suspendu aux déclarations de l’ex-premier ministre et non moins favori des prochaines présidentielles : Ibrahim Boubacar Keita. Il ne s`est exprimé que le lendemain c’est-à-dire le 23 mars. « Je condamne ce putsch avec la plus grande fermeté… Je comprends le désarroi et la colère des soldats ; mais l’armée doit, en toute circonstance garantir, l’ordre constitutionnel »
Toute la classe politique au nombre de 38 partis, la société civile ont fait une déclaration commune sous la bannière du Front Uni pour la sauvegarde de la Démocratie (FUDR) : « pour un rétablissement de toutes les institutions de la République, un retour d’ATT au palais de Koulouba afin qu’il termine son mandat et qu’on puisse organiser les élections présidentielles ». Quelques 2.000 personnes sont descendues dans la rue de la capitale le 26 mars, date anniversaire de la chute du dictateur Moussa Traoré en 1991.


Seul le Mouvement Populaire du 22 mars (MP22) prend fait et cause pour la junte. Son créateur Oumar Mariko estime que « le coup d’Etat du 22 mars est un courageux sursaut politique et militaire, un sursaut national salutaire des forces saines et patriotiques de l’armée malienne ».
La rébellion touarègue, elle, se sent pousser des ailes. Le chargé de communication du MNLA Bakaye Ag Hamed Ahamed a ainsi déclaré : « le coup d’Etat militaire ne change en rien à la dynamique du MNLA, qui défend l’Azawad pour son autodétermination sans aucune condition vis-à-vis du Mali… ». Profitant de l’instabilité gouvernementale, elle prévoit une offensive vers le Sud et envisage de prendre les villes de Tessalit, Aguelhok et Kidal. Fort heureusement, les militaires du front essayent vaille que vaille de contrer les attaques adverses.

A l’international, les condamnations sont unanimes. D’abord, la CEDEAO qui a convoqué une réunion extraordinaire des chefs d’Etat de la zone ; puis l’Union Africaine et individuellement tous les chefs d’Etat qui se drapent dans leur toge de démocrate ! Ensuite, les pays occidentaux, l’Union Européenne et les Etats-Unis y vont de leur indignation. Mention spéciale est donnée à la France par la réaction de son ministre des Affaires Etrangères Alain Juppé dès le 22 mars : « la France souhaite que le Mali se dirige très rapidement vers des élections présidentielles ». Si on voulait se débarrasser d’ATT, on ne serait pas pris autrement. Ce n’est un secret pour personne dans les milieux diplomatiques et militaires français que la France attendait avec impatience la fin de mandat du président malien, qu’il trouve trop mou pour lutter contre AQMI. La plus grande préoccupation de la France est de pouvoir libérer ses otages dans le Sahel et surtout de préserver l’approvisionnement de son uranium en plein désert touareg au Niger. Même si le ministre de la coopération Henri de Raincourt exige un retour à l’ordre constitutionnel et l’intégrité physique d’ATT, sa dernière tournée ne fut qu’un soutien du bout des lèvres au président malien. La France prône une solution du problème touarègue par le dialogue alors que le Mali a plus besoin d’affirmer son autorité sur l’ensemble de son territoire.

Les conséquences économiques

Avec les règles de bonne gouvernance décrétées par la communauté internationale, ce genre de saillie anti-démocratique se paie très chère. Oui, mais pas pour tout le monde ! La fermeture du robinet financier est généralement contre-productive et se fait au détriment de la population car la junte saura toujours ponctionner des moyens pour se financer sur les lignes budgétaires. D’emblée, les condamnations sont accompagnées de sanctions financières : arrêt de financements de projets non-humanitaires. La Banque Africaine de Développement (BAD) gèle les 270 milliards de CFA dont une partie est destinée à la nouvelle adduction d’eau potable de Bamako. Pareil pour l’engagement quinquennal (2008-2013) de la Banque Mondiale de 900 millions $ : il reste un peu plus de la moitié dont 70 millions qui rentrent directement dans le fonctionnement de l’Etat pour 2012. L’UE adoptera sans doute la même position alors qu’elle contribue à hauteur de 583 millions d’€uros sur 5 ans. Et plus modestement les subventions de l’AFD de l’ordre de 50 millions €uros seront certainement mis en attente.

Le sort d’ATT
Sa dernière apparition publique remonte au 20 mars. Il a ouvert, à côté de Jean Ping, la séance plénière des ministres des Affaires Etrangères du continent. Exfiltré par ses gardes rapprochés, il serait aujourd’hui en sécurité auprès de ses frères d’armes, au camp parachutiste de Djikoroni. Certains l’avaient logé à l’ambassade des Etats-Unis alors que d’autres sources affirment qu’il serait en détention au QG de la junte à la caserne Soundiata Keïta de Kati. Pour s’enquérir du sort d’ATT, le Président Abdoulaye Wade a pris son téléphone comme l’ambassadeur de France Christian Rouyer qui s’est déplacé personnellement à Kati pour s’entretenir avec l’homme fort de la junte, le capitaine Amadou Haya Sanogo ; ils n’ont reçu qu’une réponse évasive de la part de ce dernier.
Ces derniers temps, le président de la république a été souvent l’objet de reproches. Les militaires ne comprennent pas qu’aucune sanction n’a pu être donnée à l’encontre des généraux qui se sont personnellement enrichis. L’enquête sur Air Cocaïne, le fameux DC 10 chargé de drogue qui s’est échoué dans le désert malien en 2009 est restée lettre morte alors que des officiers sont fortement soupçonnés de collusion avec les narcotrafiquants. Comme la majeure partie de la population, les chefs d’Etat voisins, qui ont en partage leurs frontières avec le Mali, l’accuse de laxisme dans la lutte contre AQMI. Rappelons que le Mali n’a pas les moyens de surveiller ses frontières. Sur le problème touareg, il aurait prononcé cette phrase : « la résolution du problème récurrent, depuis 50 ans, incombera à mon successeur ».
Quoiqu’il advienne, les rebelles ont choisi la date de cette dernière insurrection en la calant sur l’agenda électoral. Depuis quelques semaines déjà, il semblait acquis que les élections présidentielles du 29 avril risquaient d’être remises aux calendes grecques. Mais personne n’aurait parié sur le scénario que le Mali vit en ce moment.


Alex ZAKA
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Titrologie

Toutes les vidéos Titrologie à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ