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Afrique Publié le samedi 7 avril 2012 | Le Patriote

Interview /Maïga Amadou (Secrétaire général du Conseil des Maliens de Côte d’Ivoire): “Le nord du Mali n’est pas la zone d’origine des Touarègues”

Secrétaire général du Conseil des Maliens de Côte d’Ivoire, Maïga Amadou, fait ici le point de la situation dans son pays et invite la CEDEAO à agir rapidement pour restaurer l’ordre au Mali.

Le Patriote: Quelle est la situation actuelle dans votre pays?

Maïga Amadou: Depuis le 17 janvier 2012, le Mouvement national pour la Libération de l’Azawad, (MNLA) a déclenché des opérations armées dans le nord du Mali, qui ont entraîné une crise au sein de l’appareil d’Etat malien entre l’armée et le régime d’Amadou Toumani Touré. Cette crise a abouti au coup d’Etat du 22 mars et à l’occupation d’une bonne partie du nord du Mali.

LP: Pour vous, c’est la crise déclenchée par le MNLA qui a entraîné le coup d’Etat?

MA: Je pense que c’est la gestion de la crise qui a entraîné le coup d’Etat. Parce que le militaires se sont fait massacrer. Ils n’ont pas bénéficié du soutien de la hiérarchie. Ils sont eu le sentiment qu’ils ont été trahis par la hiérarchie militaire et par le Président ATT lui-même.

Les femmes des militaires sont allées dire au président de la République que leurs maris ont été massacrés parce qu’ils n’ont pas bénéficié de l’armement nécessaire et du soutien de l’Etat.

LP: Est-ce à dire que vous soutenez le coup de force?

MA: Non ! Il faut savoir que depuis la déclaration d’Alger de 1999 de l’OUA (NDLR actuelle UA), les coups d’Etat sont proscrits en Afrique. Il n’est pas concevable qu’au 21e siècle, des personnes qui détiennent des armes achetées avec l’argent du contribuable, renversent ceux qui ont été désignés par ces contribuables pour diriger le pays. On ne peut pas soutenir un coup d’Etat quel que soit le contexte dans lequel il intervient. Mais, nous avons le sentiment que les militaires ont été poussés à bout. Parce que la gestion de la crise Touarègue par ATT est critiquable. La France, la Mauritanie et différents Etats l’ont mis en garde, par rapport à son traitement de la question Touarègue. Il n’a pas réagi efficacement.

C’est ce qui nous a entraînés dans cette situation que nous vivons. La gestion est d’une légèreté inimaginable. Elle est critiquable, mais cela ne justifie pas pour autant le coup d’Etat qui devient un facteur de complexité du problème Mali.

LP: Qu’est ce qui se passe aujourd’hui au Mali?

MA: Aujourd’hui, nous avons des bandes armées dans le nord du Mali, qui sont en train de détruire ce que l’on a mis 50 ans à bâtir. Ces bandes armées prétendent être l’émanation des populations. Ce qui est faux. Le MNLA, AQMI, ANSAR DINE ne sont que les têtes d’une même hydre. A la base, le MNLA était un petit parti politique régional. Avec la crise libyenne, avec les contacts que Iyad Ag Ghaly

A eus avec des pays du Golf, il a bénéficié de soutiens financiers. Ce qui lui a permis de former des troupes qui sont le bras armé de cette rébellion. Le MNLA n’est que la partie politique du mouvement. Croire que le MNLA aurait en son sein des hommes qui seraient plus policés ou civilisés qu’AQMI, est une erreur absolument à éviter.

LP: Craignez-vous pour le Mali?

MA: Je crains, non seulement pour le Mali, mais pour toute la sous-région africaine et pour l’Afrique en général. Parce que ceux qui occupent actuellement le nord du Mali, ont toujours fait de cette région, une zone à haut risque pour les touristes. Puisque ce sont eux les ravisseurs. Iyad Ag Ghaly est connu pour être l’interface entre les groupes de preneurs d’otages et les Etats occidentaux. Aujourd’hui, ils veulent créer une zone de non droit. Il faut savoir que contrairement à ce que l’on raconte sur les chaînes étrangères, le nord du Mali n’est pas la zone d’origine des Touarègues. Tout le monde sait que cette zone qu’ils prétendent être la leur, a donné naissance à deux grands empires: l’empire du Mali et l’empire Songhaï. Cette zone n’est pas la zone des populations touarègues, qui sont des populations nomades. Aujourd’hui, elle est peuplée essentiellement de négro-africains, comme par le passé. Les Touarègues au nord du Mali sont une minorité. Le combat que le MNLA mène est un combat de terroristes. A terme, nous allons assister à une ‘’afghanisation’’ de l’Afrique de l’ouest. Tous les terroristes comme Boko haram, AQMI trouveront un sanctuaire pour déstabiliser l’Afrique de l’ouest. C’est un combat dont la légitimité est extrêmement contestable. Il ne repose pas sur l’aspiration des populations du nord du Mali qui sont majoritairement des Peuhls, des Dogons, des Bozo. Aucun Touarègue ne peut prétendre que Gao par exemple est une zone Touarègue. Dire que le MNLA a recouvré l’entièreté de sa zone géographique, est une imposture.

LP: Que faut-il faire alors?

MA: L’erreur est humaine. La persévérance dans l’erreur est diabolique, disaient les Latins.

Aujourd’hui, il faut que les militaires sachent raison garder et retournent en caserne. C’est le meilleur moyen de trouver une solution à la crise malienne. S’ils s’entêtent, les conséquences risquent d’être incalculables pour le Mali et pour toute la sous-région. Je suis ressortissant du nord du Mali. Je connais les réalités de cette région. Mon village est occupé, ma région est occupée. Ces gens n’ont aucune légitimité. Il ne faut pas qu’on essaie de leur donner une légitimité qu’ils n’ont pas et qu’ils n’auront jamais.

LP: Que pensez-vous de l’embargo décrété par la CEDEAO?

MA: L’embargo est une mesure qui avait une seule finalité: montrer aux putschistes que la CEDEAO est déterminée pour le retour à l’ordre constitutionnel. On a pensé qu’ils reculeraient. Il faut que la junte comprenne que l’on ne peut pas accepter de coup d’Etat au 21e siècle.

LP: Que pensez-vous de l’intervention militaire?

MA: Je pense que c’est la solution. Pour les bouter hors du Mali, il faut une intervention militaire. Ils ne sont pas plus d’un millier comme l’a dit Alain Juppé. Ils détruisent tout sur leur passage.

LP: Ne pensez-vous pas que l’intervention militaire va aggraver la situation au lieu de l’apaiser?

MA: Je pense au contraire que cette intervention va solutionner le problème. Il y a au sud, un pouvoir illégitime, au nord des bandes armées. Il faut rapidement mettre fin à tout ce désordre.

LP: Quel est votre part, en tant que Maliens vivant en Côte d’Ivoire, dans ce conflit?

MA: Nous avons protesté. Il faut savoir que les populations du nord du Mali se sont défendues elles-mêmes. Mais faute de moyens et pour n’avoir pas été soutenues par l’Etat central de Bamako, elles n’ont pas résisté.

Réalisée par Thiery Latt
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