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International Publié le mardi 10 avril 2012 | Nord-Sud

Sénégal : deux semaines après sa défaite / Les tombeurs de Wade parlent...

© Nord-Sud Par Prisca
Médiation : le Président sénégalais, Me Abdoulaye Wade rencontre les acteurs de la crise ivoirienne
Vendredi 23 avril 2010. Abidjan, Aéroport international Félix Houphouët-Boigny. Départ du Président sénégalais, Me Abdoulaye Wade
Le 25 mars dernier, l’ex-chef d’Etat sénégalais, Abdoulaye Wade, a été battu dans les urnes avec 65,8% des voix. Macky Sall, son adversaire, a bénéficié du soutien de la quasi-totalité des leaders de l’opposition et de la société civile. Nord-Sud Quotidien est allé à leur rencontre à Dakar.


Fadel Barro leader du mouvement ‘’Y’en a marre’’ est l’une des révélations de la crise sénégalaise. Le quartier général de son organisation est à la cité‘’ Parcelle assainie’’ de Dakar, dans un modeste appartement. Le petit bureau où il nous reçoit, ce mardi 3 avril, est équipé d’un ordinateur devant lequel se trouve une charmante secrétaire, d’un téléviseur écran plasma accroché au mur, et d’un canapé. Le patron nous a donné rendez-vous à 16 heures avant la réunion qu’il doit tenir à partir de 17 heures avec d’autres responsables du mouvement sur le bilan de la lutte qui a fait partir Wade. Frêle dans son polo marron et son pantalon-jeans bleu, sans oublier son écharpe autour du cou, il tient un long chapelet. Après les civilités, il nous demande, avec beaucoup de courtoisie, de le laisser terminer les prières qu’il récitait à notre arrivée. Assis à sa droite, dans le canapé, notre attente ne durera pas longtemps. Fadel évoque avec passion la stratégie gagnante de son organisation. « Quand je regarde encore un peu le rétroviseur, je suis très fier. On a dit depuis le départ que ‘’Y’ en a marre’’ sera un combat intelligent. Nous avons choisi la République, c’est important. Ce que les gens ignorent, c’est que le 23 juin, nous avions les moyens de déloger Abdoulaye Wade du palais. Parce que nous étions les maîtres de la rue. Mais nous nous sommes dit ceci : du moment où il (Wade) a retiré sa loi, il fallait que la légalité continue.» La société civile entre véritablement dans le combat anti-Wade en 2011. Elle crée le mouvement du 23 juin date à laquelle l’ex-chef d’Etat a voulu modifier la constitution pour supprimer de fait un second tour avec un président qui passe avec 25%. «  Nous nous y sommes radicalement opposé. C’était un peu violent quand même, il faut le dire », avoue notre interlocuteur.
Abdoulaye Wade renonce à sa très contestée réforme constitutionnelle, mais ouvre un autre front quelques mois plus tard avec sa troisième candidature à la présidentielle. « Nous nous sommes opposés à sa candidature pour éviter une régression démocratique. C’est un combat de principe et un combat de fond qu’il fallait mener jusqu’au bout. Pendant toutes les manifestations, il n’y a jamais eu de casse de boutiques ou de bus. Au pire des cas, c’est une voiture de l’administration qui a été brûlée. Les morts d’hommes, c’est le pouvoir qui l’a cherché. Il a fait foncer des véhicules de la police sur des masses qui étaient assises. Il a battu et torturé des gens. Les manifestants n’avaient que des pierres et des pneus qu’ils brûlaient sur la route. On a su canaliser les jeunes pour foutre suffisamment la pression à Abdoulaye Wade», poursuit le journaliste de profession.

Tous contre un

L’ex-président ne cède pas. Mieux, sa candidature finit par être validée par le Conseil constitutionnel. « Quand on a su que lui aussi était têtu, on ne l’a pas suivi dans l’embrasement du Sénégal. Le Sénégal, c’est nous et non lui qui est fini. Il fallait avoir cette intelligence de s’arrêter et de demander aux jeunes de voter massivement et de sécuriser le vote. Par une citoyenneté extraordinaire, on a pu l’amener au second tour de l’élection présidentielle pour le battre », se réjouit Fadel Barro. Un autre membre actif de la société civile est le très engagé président de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (Raddho). Alioune Tine était le coordonateur du M23 qui regroupait finalement tous les partis politiques et Ong anti-Wade. Le même 3 avril, à midi, c’est avec beaucoup de chance que nous le rencontrons au siège de son organisation situé dans le prolongement du Plateau-Dakar. Il s’apprêtait, en effet, à se rendre à Bamako pour s’impliquer dans la recherche d’une issue pacifique à l’impasse malienne. « Pendant sept ou huit mois, les Sénégalais n’ont pratiquement pas travaillé. Ç’a été la lutte. Il y a eu 15 morts quand on a validé sa candidature. La grande majorité des Sénégalais n’était pas d’accord. La preuve, le juge a été rectifié par le peuple. Cela veut dire que les gens ne voulaient pas de Wade et ils l’ont montré de façon écrasante », explique-t-il. Selon Alioune Tine, le vieux s’est mépris sur leur maturité et leur détermination. « A un moment donné, il était assuré de pouvoir placer son fils à la tête du pays. Mais le Sénégalais lui ont montré que le Sénégal n’est pas le Togo », accuse-t-il.
Autre symbole et non des moindres de la révolte contre Wade, c’est la star du M’balax, Youssou N’Dour. Sa candidature rejetée au 1er tour pour défaut de signatures, il se range du côté des opposants à Wade. Présent dans divers secteurs économiques, l’artiste-chanteur jouait gros dans le combat pour le départ de Wade. En cas de victoire de l’opposition, sa popularité devait grimper dans les rangs des mélomanes. Youssou s’attendait aussi à une récompense politique comme le poste de ministre qu’il a obtenu au sein du nouveau gouvernement. Dans le cas contraire, le pouvoir Wade lui aurait fait payer cher son engagement auprès de ses adversaires. Les pressions fiscales auraient sans doute mis en danger ses nombreuses affaires. Par ailleurs, l’image d’une cause perdue aurait certainement été préjudiciable à sa brillante carrière. Voilà pourquoi Youssou a mobilisé des artistes autour du M21. Parmi ses recrues, le célèbre Secka avec qui nous échangeons au soir de l’investiture de Macky Sall. Il venait de communier avec des milliers de jeunes au cours d’un concert organisé à la Place de l’obélisque par Youssou N’Dour. Avec d’autres artistes, son rôle a consisté à chanter la souffrance des sénégalais pendant les meetings de campagne. « Avant, le Kg de riz coûtait 250F, maintenant, il est à 500F ou 600 F. Le carburant, le logement, tout coûte cher », dénonce-t-il. Durant ce concert de la victoire, Youssou a félicité la jeunesse pour sa contribution à l’alternance et promis le changement avec Macky Sall.

La fin d’une longue bataille

En début d’après-midi du lundi 2 avril, Me Abdoulaye Wade, perdant de l’élection présidentielle du 25 mars, a cédé officiellement son fauteuil. A la sortie du palais, son véhicule est acclamé par une poignée de partisans. Il est aussi conspué par des dizaines de Dakarois attroupés non loin du portail. C’est la fin de douze ans de règne. Le vieil homme, de bientôt 86 ans, a décidé de vivre ses premiers jours d’après-pouvoir loin de son pays. Quelques heures après le palais, il prend la direction de l’aéroport. Destination, l’Arabie Saoudite, précisément la Mecque, où il va participer à la Oumra, ‘’petit pèlerinage’’ musulman. Pendant son recueillement en ce lieu saint de l’islam, un chiffre lui est certainement revenu à l’esprit : 65,8%. C’est avec ce score qu’il a été évincé dans les urnes par son élève et adversaire Macky Sall. Comment lui, Abdoulaye Wade, réclamé en 2000 par tout un peuple, en est-il arrivé à un tel rejet ?
La bataille s’est jouée en trois rounds. Le premier, le plus long, a eu lieu avant l’élection. Dans une lutte acharnée, l’opposition a contesté une troisième candidature d’Abdoulaye Wade à la présidentielle. Elle le jugeait forclos selon la constitution. L’ex-président et son clan sortent vainqueurs de ce bras de fer. Mais très affaiblis. Deuxième round : Wade va au premier tour de l’élection avec l’image d’un assoiffé du pouvoir malgré ses 85 ans d’âge. Pis, une bonne partie de l’opinion nationale et internationale le perçoit désormais comme un ennemi de l’alternance chère au pays de Senghor. Ses velléités de céder un jour le pouvoir à son fils Karim Wade sont aussi passées par là. Résultat : il rate la majorité absolue au premier tour du 26 février et se met à la merci d’une opposition qui n’attendait que cela. C’est le troisième round. Les leaders de partis politiques et de la société civile avaient déjà réussi à liguer contre l’adversaire commun un peuple sénégalais aussi étranglé par la cherté et la précarité de la vie. Il ne leur restait plus qu’à maintenir leur unité pendant l’entre-deux tours, et veiller à la transparence du scrutin pour que leur candidat, Macky Sall, obtienne le plus grand nombre de voix. La seule inconnue était l’acceptation du résultat par le grand Wade.

Le rôle des partis politiques

« Le Wade qui a reconnu sa défaite n’avait pas le choix tellement le score était clair et tellement il était loin au bas de celui de Macky Sall au second tour. 65% plus 0,80 c’est à peu près 66% », commente l’ancien Premier ministre Moustapha Niasse. Il est l’un des plus influents leaders de Benno (une coalition de partis politiques). Ce mercredi 4 avril, après avoir suivi la cérémonie officielle de la fête nationale de l’indépendance, il nous reçoit vers 13 heures à sa somptueuse résidence qui borde la corniche ouest, face à l’océan Atlantique. A 72 ans, il est l’un des plus charismatiques leaders politiques de son pays. Il se révèle au monde en 2000 lorsqu’il se classe troisième au premier tour de la dernière élection qui oppose l’ex-président Abdou Diouf, à un opposant historique appelé Abdoulaye Wade. C’est grâce au report des voix de Niasse que Wade bat Diouf. Nommé Premier ministre, il ne restera à ce poste que 11 mois en raison de ses désaccords avec Wade sur la gouvernance du président. Niasse rejoint l’opposition et ne la quitte plus. Malgré ses fonctions internationales dont celui de Secrétaire général des Nations unies en République démocratique du Congo, il garde l’intention de conquérir le pouvoir suprême dans son pays. Et, comme tous les autres leaders de l’opposition d’alors, il est actif dans la coalition Bénno avec son parti, l’Alliance des forces de progrès (Afp). Avant le début du combat contre la candidature de Wade, lui et ses compagnons dont, Macky Sall, Idrissa Seck, Cheikh Tidiane Gadio, préparent minutieusement la conquête du pouvoir. « Pendant trois ans et demi, nous avons cheminé ensemble. Nous avons organisé successivement des séminaires de cette coalition portant sur le schéma institutionnel, le programme, les modalités de désignation du candidat, de l’unité et du rassemblement », relate Moustapha Niasse.

Cissé Sindou, envoyé spécial à Dakar
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