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Économie Publié le mercredi 11 avril 2012 | Nord-Sud

Sécheresse, baisse de production Céréales : les maliens au bord de la rupture

Malgré la fin de l’embargo décrété par la communauté internationale contre le Mali, les difficultés d’approvisionnement des produits de première nécessité existent dans la capitale de ce pays.  

Le Mali ! Un pays qui dépend à plus de 80 % de l’aide publique et de ses voisins, sous embargo. Imaginez un instant le désastre. Malgré la levée de cette mesure, Quand on se promène dans les rues de Bamako, l’on remarque que, dans certains marchés, un manque de denrées alimentaires commence à se faire ressentir. L’instabilité politique actuelle est aujourd’hui la principale cause de ce problème. Mais, les précipitations insuffisantes dans les grandes régions productrices comme San et Koulikoro contribuent également à compromettre le fragile équilibre agricole. Retour sur une semaine infernale d’embargo. Comme il fallait s’y attendre, les prix grimpent. Des commerçants sans scrupule profitent de l’occasion pour pratiquer de fortes spéculations. Ce qui vient en rajouter à l’angoisse des consommateurs. Au marché de Kalabancoura, par peur de l’inflation et de la pénurie, les clients s’approvisionnent en masse et stockent le maïs transformé en farine.

20 % du mais pas récolté

Au petit matin, de longues files se forment devant les boulangeries ouvertes dans plusieurs quartiers, tandis qu’un grand hôtel de Bamako avoue qu’il commence à ressentir un problème d’approvisionnement. «La cuisine est livrée mais, on vit sur les réserves et on a commencé à fabriquer notre pain», déclare un responsable de cet établissement situé à Medina. Pour le Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM), certes, il y a encore suffisamment de maïs, qui est l’aliment de base, pour nourrir la population, mais c’est dans les mois à venir que la baisse de production et les conséquences de la crise devraient se faire sentir. Depuis le début de la crise, 20 % du maïs planté, soit 200.000 tonnes, n’ont pas été récoltés. Selon l’organisme, ce taux pourrait atteindre 60 % si la situation politique ne s’améliore pas rapidement notamment dans les régions proches des zones de conflits. Les violences ont en effet obligé plus de 250.000 familles à quitter leurs terres et cesser leurs activités. Aujourd’hui, les grains de maïs pourrissent dans les champs. Face à la tension ambiante, les uns et les autres s’organisent. En effet, pour minimiser les conséquences de cette grave crise, de nombreux citoyens demandent à la junte militaire de plaider, au moins, l’ouverture de corridors humanitaires. «J’ai passé la journée à me tourner les pouces, incapable de satisfaire les demandes des clients», explique Malick Guindo qui tient un petit commerce près, Hamdallaye sur la rive gauche du fleuve Niger au cœur de la capitale. Au niveau du carburant, les signes avant-coureurs de la pénurie sont visibles. Des stations-service prises d’assaut par de longues files d’attente à longueur de journée, réservoirs à sec dès la mi-journée ou un peu plus tôt.

De l’avis de Birama Bagaté, gérant pour la compagnie Benco,  l’ensemble des points de distribution n’est plus toujours ravitaillé, la frontière avec Abidjan étant verrouillée. C’est dans la capitale économique ivoirienne que la quasi-totalité des distributeurs viennent s’approvisionner. En réalité, beaucoup de stations-service commencent à afficher carburants indisponibles. Tous types confondus pour certaines et seulement le super et le sans plomb pour d’autres, alors que les rares points de vente où tous les produits existent, sont littéralement envahis par les véhicules de différentes communes. C’est le cas de la station de Faladié dans la commune 6 où de nombreuses files d’attente débordent jusque sur les routes de ce carrefour giratoire causant d’énormes problèmes de circulation. Avançant au compte-gouttes, tous les clients font le plein. Certains remplissent en plus des jerricans «de secours» qu’ils mettent dans le coffre ou dans un coin de la remorque. Même s’ils ne rejettent pas à priori les répercussions de l’embargo, des professionnels évoquent un autre fait qui aurait une part de responsabilité dans les perturbations que connaît le circuit de la distribution du carburant.

A savoir un gros manque dans la flotte des camions-citernes qui livrent le produit aux points de vente. «Le parc roulant disponible est fort disproportionné avec la demande», tente de faire admettre le président de la faîtière des distributeurs, Cheik Oumar N’diaye. Mais à présent, avec le rationnement qui ne dit pas son nom, il y a comme une sorte de tarissement de la source, ce qui a pour effet un rabattement massif sur la contrebande, au grand dam des automobilistes et de l’Etat. Chez les exportateurs de bétail, le coup est tout aussi fatal. Sur la grande place du bétail de Faladié, le parc est inondé. Beaucoup de moutons cherchent, en vain, des acheteurs. Sur les étals que nous avons visités, c’est la catastrophe. Les bêtes meurent, faute de nourriture. Dans les régions de production, la disparition de la presque totalité du cheptel provoque un exode massif des populations vers les villes ou vers les pays voisins et même au-delà. Et  comme conséquence logique : la main d’œuvre risque de manquer.

Un exode de populations inquiétant

 «Tous les jeunes sont en train de fuir. A cette allure, on ne sait pas ce que l’avenir nous réserve», s’inquiète Salia Dramé, cultivateur à Kati. Evidemment, dans un contexte où la majorité des populations vivent déjà dans une situation de précarité très avancée, on peut craindre de s’acheminer vers l’implosion sociale.  Une situation qui devrait s’aggraver avec les difficultés des ban­ques et les problèmes pour la paie des fonctionnaires et les agents de l’Etat.

«Certes, nous ne sommes pas directement frappés mais, si la banque centrale est fermée, ce serait insupportable pour nous. Comment allons-nous faire les compensations ?», s’inquiète un cadre de la Banque internanationale pour le commerce et l’industrie du Mali (Bicim, une succursale de la banque française Bnp-Paribas). Malheureusement, devant la détresse des populations, la junte  observe un silence assourdissant et incompréhensible.
On peut le dire, même si depuis samedi dernier, la Cedeao a décidé de lever l’embargo, la crise alimentaire qui se profile dans ce pays de l’hinterland, est loin d’avoir pris fin. Il urge donc que la communauté internationale se mobilise autour de la cause malienne pour sortir cet Etat dans le bourbier auquel il est plongé.

Lanciné Bakayoko, envoyé spécial à Bamako 
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