Troisième invité de la Tribune du GEPCI, le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, n’a pas voulu rater le coche, pour éviter d’amorcer un faux départ dans sa rentrée médiatique.
Hamed Bakayoko a abordé, sans faux-fuyant et sans langue de bois, les questions liées à la sécurité, à la prévention des sinistres, à la mise en œuvre de la politique d’administration du territoire national, à la réconciliation nationale et à la cohésion sociale. Il a également saisi l’occasion pour présenter ses perspectives en mettant un point d’honneur à la moralisation de la fonction policière. Ci-dessous, l’intégralité des propos liminaires du ministre d’Etat Hamed Bakayoko.
Je voudrais, avant tout propos, vous saluer et vous remercier. Il me plait également de saluer le Président et les différents responsables du Groupement des Editeurs de Presse de Côte d’Ivoire (GEPCI), pour l’aimable invitation qui m’offre le plaisir de retrouver la grande famille de la presse, ma famille d’origine, et l’opportunité de communiquer sur la marche de l’Etat dans le domaine de mes attributions, c`est-à-dire la Sécurité et l’Administration du Territoire.
Je salue l’initiative du GEPCI, qui nous offre cette tribune d’échanges sur les grands sujets de la Nation. La crise postélectorale a fortement désorganisé l’administration territoriale et affaibli le système sécuritaire. Au niveau du Ministère de l’Intérieur, elle a été marquée, par les pillages des commissariats de police et des brigades de gendarmeries avec vol des armes individuelles ou à usage collectif ainsi que la défection de nombreux policiers. Cette situation a été aggravée par la prolifération des armes de tous genres et l’évasion des prisonniers de la MACA (5.347). L’insécurité grandissante avec son cortège d’enlèvements et d’atrocités, générait une peur panique et une psychose parmi la population. Dans un tel contexte, il fallait prendre des mesures urgentes pour répondre aux attentes des populations.
I-Au plan sécuritaire
L’état des lieux présentait une situation de chaos généralisé à laquelle il fallait faire face avec diligence. En effet, au lendemain de la crise poste électorale vingt-trois (23) services de police dont le District de Police de Marcory et 22 Commissariats ont été incendiés ou détruits, soixante trois (63) services de Police ont été pillés et saccagés. Cette situation a entraîné une démobilisation totale du personnel de police.
Lors du premier rassemblement général des policiers à l’Ecole de Police le 14 avril 2011, seuls quelques directeurs centraux étaient présents (soit une vingtaine de personnes). Le taux de présence s’est progressivement amélioré pour atteindre aujourd’hui près de 98% des effectifs. La réorganisation et le renforcement des services de police ont été notre premier chantier, car la sécurité est la porte d’entrée de tout le processus de normalisation.
Sur financement propre, le gouvernement a engagé deux actions majeures : la réhabilitation et la mobilité des troupes :
A- La restauration du cadre de travail :
- la réhabilitation complète de 30 commissariats de Police à Abidjan et 21 à l’intérieur ;
- la réhabilitation de 5 Préfectures de Police, de 7 districts et de 5 directions centrales ;
- la réhabilitation et l’équipement du siège d’INTERPOL, afin de ne pas perdre le bureau régional installé à Abidjan ;
- la réhabilitation du siège de la Police Technique et Scientifique à Vridi ;
- Le rééquipement en matériel de bureau, en matériel informatique et en matériel de transmission de tous les services réhabilités.
B- le rétablissement de la mobilité des unités de police
- 115 véhicules neufs, 25 motos d’escorte, 16 mobylettes ont été remises aux unités de Police ;
- 20 véhicules rénovés achetés à l’ONUCI, et 57 véhicules d’occasion offerts par la coopération française ont complété le parc automobile.
Ces véhicules ont permis d’accroitre la mobilité et d’améliorer la capacité opérationnelle des unités.
Par ailleurs dans le cadre de la visite du Chef de l’Etat à l’Ouest, les différents services de sécurité de cette région vont recevoir au total 49 véhicules neufs ; ce qui fera au total 241 véhicules mis à la disposition de la Police depuis moins d’un an.
C- Le redéploiement du personnel de la police et la restauration de son image
La question de l’utilisation optimum des personnels de police a été traitée à travers :
- la nomination de Directeurs Généraux et Centraux de la Police Nationale ;
- le redéploiement de 15.949 agents sur l’ensemble du territoire dont 1723 dans l’ex zone CNO où la police était totalement absente depuis dix ans. Pour ce qui concerne précisément cette zone, ce sont le district de Bouaké, 4 préfectures de police (Bouaké-Korhogo-Man-Odienné) et les 26 commissariats de police, qui ont été rouverts.
- la mise en place au niveau local par les Autorités Préfectorales de Comités Départementaux de Sécurité.
D- La formation et la maitrise des effectifs
En matière de sécurité, le niveau de compétence et la maîtrise des effectifs sont des critères importants. Dès lors, un accent a été mis sur :
- la formation continue à travers des stages initiés en collaboration avec l’ONUCI, les coopérations française, turque et allemande ; à ce titre c’est un total de 5602 policiers et gendarmes qui bénéficieront de recyclages. Actuellement, environ la moitié a déjà profité de ces formations ou séminaires.
- l’annulation des concours d’entrée à l’école de police 2010 dont les résultats définitifs ont été proclamés les 16 et 25 février 2011, décisions tombées sous le coup de l’ordonnance n° 2011-007 du 14 avril 2011 qui annulait tous les actes pris après le 04 décembre 2010 ;
- la suspension des recrutements en vue de redimensionner la taille des effectifs suite aux recrutements massifs opérés pendant 8 ans. Ceci, pour un meilleur encadrement tant au plan de la formation, de l’équipement et de la prise en charge sociale ;
- le contrôle des effectifs existants, pour vérifier que les admissions dans les différents corps de la police se sont faites dans des conditions régulières. Les premiers contrôles ont déjà révélé plus de 300 cas d’irrégularités flagrantes (faux diplômes, faux actes d’état-civil, etc.) sans parler des cas de trafic d’influence avérés.
E- La fluidité routière et la lutte contre le racket
Pour faire face aux difficultés croissantes de circulation, aux entraves et aux comportements répréhensibles de certains éléments de police qui se livrent au racket, des mesures appropriées ont été développées :
- le déploiement des agents de police à tous les grands carrefours d’Abidjan en vue d’assurer la fluidité routière ;
- la réduction du nombre de barrages sur toute l’étendue du territoire national ;
- la création le 07 octobre 2011 d’une unité de lutte contre le racket et les tracasseries routières ;
- la mise en place d’une police militaire pour mettre fin à la présence intempestive des militaires en armes à travers le district d’Abidjan ;
- la mise en place d’une unité spéciale de lutte contre les coupeurs de route ;
- la mise en œuvre du plan de lutte contre les tracasseries routières. Selon les chiffres publiés par les opérateurs de la filière bétail, et confirmés par le Ministère du Commerce, une baisse substantielle du racket a été constatée. A titre d’exemple on peut indiquer que l’évaluation du racket sur un camion de transport de 35 bovins, de la frontière du Mali jusqu’à Abidjan a été ramenée de 444.500 F à moins de 75.000 F, soit une baisse de plus de 80% ;
- la mise en place d’une réglementation sur l’utilisation des escortes et des avertisseurs sonores et lumineux plus stricte. Un texte est actuellement sur le bureau du gouvernement pour mettre fin à tous les abus constatés.
F - Le renforcement de la coopération internationale en matière de sécurité
En vue de renforcer nos capacités et d’utiliser toutes les possibilités d’appui à l’action de la police, la coopération internationale nous a permis d’obtenir :
- l’organisation d’une mission avec l’ONUCI à Daloa, Duékoué et Toulépleu pour évaluer la situation sécuritaire et humanitaire à l’Ouest ;
- l’organisation régulière de patrouilles mixtes avec l’UNPOL à Abidjan et Bouaké.
- l’audit des services de Police par l’ONUCI et la France visant à dresser un état des lieux.
G - la réactivité des forces de police face aux urgences
Pour développer une collaboration étroite entre les services de police et la population, nous avons mis en place des instruments appropriés.
Il s’agit, d’une part, du centre d’appel et d’écoute au numéro 100, mis en place le 4 juin 2011, chargé de recueillir les plaintes et alertes contre le racket et les exactions de tout genre. Les statistiques font ressortir une moyenne de 1457 appels par jour. Il est à noter que de juin à septembre 2011 (4 mois), le centre a reçu près de 410.000 appels, dont 30% très utiles, 5% pour des remerciements, 15% pour avoir des informations sur les missions du Centre d’appel, le reste étant des appels plus ou moins fantaisistes.
II- Au plan de la prévention des sinistres
Avec l’ONPC, nous avons mené les actions et mesures suivantes :
- la conduite en 2011 de campagnes de sensibilisation et d’information auprès des populations à risque à Abidjan et dans certaines localités à l’intérieur du pays, cette campagne a été relancée, au titre de l’année 2012 depuis le 15 avril;
- la réalisation de la cartographie des zones à risques dans le district d’Abidjan. les populations de ces quartiers invitées à se loger sur d’autres sites ;
- l’activation du Plan Bleu (assistance aux victimes des inondations) avec l’octroi d’une aide au relogement et en nourriture pour une soixantaine de familles dans les communes d’Attécoubé et d’Abobo ;
- la poursuite des travaux du Centre de Secours d’Urgence de N’Zianouan ;
- le début de la réhabilitation de la caserne des pompiers à Bouaké ;
- la signature d’une convention sous forme de don de deux milliards FCFA avec le Japon pour l’équipement des Services de la Protection Civile ;
- la mise à disposition de 5 véhicules destinés aux Sapeurs Pompiers par la France ainsi que divers équipements techniques.
III-La mise en œuvre de la politique d’administration territoire
Des réformes majeures ont été engagées pour la mise en œuvre de la nouvelle politique d’administration du territoire. Celles-ci visent à :
- Une structuration plus harmonieuse des entités administratives ;
- La création d’entités ayant une vocation de développement à une échelle importante ;
- La redéfinition des termes de référence du processus de décentralisation ;
Dans cette perspective l’ordonnancement juridique a été enrichi de plusieurs textes.
A - la reforme du cadre légal
- l’ordonnance d’orientation sur l’organisation générale de l’administration territoriale qui a permis le réaménagement du territoire en cinq (05) types de circonscriptions administratives, à savoir les Districts, les Régions, les Départements, les Sous-préfectures et les Villages et en deux (02) types de collectivités décentralisées que sont les Régions et les Communes ;
- le décret portant réorganisation du territoire national en douze (12) Districts, deux (02) Districts Autonomes, trente (30) Régions, quatre vingt quinze (95) Départements,
- le décret abrogeant les communes créées entre 2001 et 2010.
B- La restauration de l’autorité de l’Etat
- l’élaboration du plan de mise en œuvre de la composante « Préfecture » du Programme Présidentiel d’Urgence (PPU) destinée à la réhabilitation sommaire et à l’équipement de certains bureaux et résidences des Autorités Préfectorales dans les régions du Haut-Sassandra, du Moyen-Comoé, du Sud-Bandama et du Zanzan ;
- signature d’une convention pour la construction des bâtiments de 13 préfectures par les partenaires au développement.
IV- La réconciliation nationale et la cohésion sociale
- Il a été mis en place des comités de réconciliation et de cohésion sociale (95 comités préfectoraux et 345 comités sous-préfectoraux) sur l’ensemble du territoire par les Autorités Préfectorales. Ces comités, composés de toutes les couches sociales locales, ont réussi à identifier les risques de conflits intercommunautaires et à les désamorcer, ou à régler définitivement les cas d’affrontements survenus dans certaines localités. Les rapports desdits comités sont transmis chaque semaine pour exploitation au niveau central par les services compétents;
- Pour rendre plus efficace les actions du corps préfectoral, un séminaire sur la gestion des conflits et la cohésion sociale a été organisé à Grand-Bassam, en collaboration avec l’ONUCI ;
- L’amorce de discussions avec l’opposition et à l’occasion de plusieurs rencontres avec les délégations du FPI et du CNRD ;
- Cette initiative soutenue par le Gouvernement et le Président de la République a permis d’enregistrer des avancées notables dans ce processus de réconciliation nationale avec notamment :
➢le dégel de nombreux avoirs ;
➢la libération de plusieurs détenus;
➢ le retour massif des déplacés et exilés (en provenance du Bénin, du Togo, du Ghana et du Liberia) organisés avec l’appui du HCR ; à ce jour sur environ 212 782 exilés, 56% sont rentrés ; 95 278 encore à l’extérieur ;
➢ le retour de centaine de militaires exilés ;
➢ l’application effective du volet militaire de l’APO relatif à la création de la nouvelle armée, à l’intégration d’éléments des FAFN à la Police et à la Gendarmerie Nationale.
V- les perspectives
A – Dans le domaine de la sécurité
La moralisation de la fonction policière, avec pour objectif le seuil de tolérance zéro
- Elaboration d’une charte d’accueil dans les services de police ;
- Elaboration d’un code d’éthique et de déontologie de la fonction policière.
L’amélioration des conditions de travail et de vie des policiers par les actions suivantes :
- la mise en œuvre de la contribution de l’ONUCI pour la réhabilitation, la construction et l’équipement sommaire des Commissariats de Police de l’ex-Région du Moyen Cavally et de dix commissariats ; Peace Building Fund (PBF) – Le PBF 1 est en cours le deuxième a été validé et devrait débuter prochainement ;
- la poursuite des travaux de réhabilitation des autres commissariats, districts et préfectures de police pillés ou détruits et leurs inscriptions au Budget 2012 de l’Etat ;
- la poursuite de l’apurement des arriérés des baux Police qui a commencé par une opération de contrôle documentaire et physique des propriétaires et des maisons baillées. Il convient d’indiquer que le dossier faisait état de 13279 maisons baillées avec 6499 propriétaires. A la date du 13 avril, (après trois semaines) seulement 7.388 dossiers avaient été présentés et 6977 ont été validés, soit 50,4%.
- la rétrocession des cités policières (Yopougon, CRS Williamsville, CRS Divo et CRS Gagnoa) occupées par les FRCI ;
- le changement des tenues de travail de tous les policiers, 40.000 nouvelles tenues ont été commandées et devraient arriver au mois de juin 2012 ;
- la réforme du secteur de sécurité (RSS) par la refonte des textes régissant la Police Nationale ; un groupe de travail a été mis en place.
- la création d’une Ecole de police à l’intérieur du pays et d’une Académie de Police pour les Commissaires et Officiers ;
- la concrétisation du projet de vidéosurveillance des villes d’Abidjan et Yamoussoukro ;
- la création d’une direction centrale de la police municipale. Cette nouvelle structure devrait permettre de créer environ 12.000 emplois, notamment pour les jeunes à réinsérer et devrait pouvoir bénéficier d’un financement des partenaires au développement.
B- l’administration du territoire
- la poursuite du Programme de Modernisation de l’Etat Civil en Côte d’Ivoire (MECCI) ;
- la poursuite de la formation des autorités préfectorales à la gestion des conflits et à la cohésion sociale ;
- l’élaboration d’un plan de formation des chefs traditionnels à la bonne cohésion sociale :
- la création d’un statut spécifique pour les rois et chefs traditionnels ; un séminaire sera organisé à leur intention au mois de juin 2012.
- la poursuite de la dotation des Autorités Préfectorales en véhicules de Commandement et la réhabilitation des résidences pillées ou incendiées ; à l’occasion de la visite du Chef de l’Etat à l’ouest, 31 véhicules seront remis à ces autorités ;
- la relance du processus de structuration du territoire en communes ; au mois de mai, le travail sur le découpage des communes devrait être prêt, en règle générale, les communes devraient être calquées sur les sous-préfectures. Le nombre de communes devrait se situer autour de 500 ;
- L’organisation d’un séminaire gouvernemental sur la décentralisation.
C- La protection civile
- La recherche de solutions durables aux habitations situées dans les bassins d’orage.
En conclusion,
Il faut retenir que des efforts ont été faits même si, nous en avons conscience, beaucoup reste à faire. Les défis sont nombreux, mais notre volonté et notre détermination sont très fortes. Nous connaissons les problèmes, nous savons que le racket existe toujours, nous savons qu’il y a toujours des coupeurs de route, mais nous n’entendons pas lâcher un pouce de terrain et bien au contraire tous les jours nous progressons. Après une crise comme celle que nous avons vécue, nous devons mettre en place une réforme de grande ampleur. Toute la législation doit être revue. C’est la mission des groupes de travail sur la Réforme du Secteur de Sécurité, dont les grandes orientations sont données par le Président de la République, mais que nous devons mettre en œuvre sur le terrain au niveau de notre Ministère. Notre mission est de garantir la liberté des citoyens de pouvoir aller et venir sans aucune crainte, que les policiers soient là pour les aider et les protéger et non pour leur faire peur ou les terroriser. Pour cela, nous devons construire un policier nouveau, respectueux, qui a une haute idée de sa mission. Cette grande ambition d’une police moderne, d’un policier nouveau est possible. Je porte cette ambition avec beaucoup d’espoir car j’ai rencontré de nombreux policiers qui la partagent. Très sincèrement j’y crois, et nous allons réussir.
Hamed Bakayoko a abordé, sans faux-fuyant et sans langue de bois, les questions liées à la sécurité, à la prévention des sinistres, à la mise en œuvre de la politique d’administration du territoire national, à la réconciliation nationale et à la cohésion sociale. Il a également saisi l’occasion pour présenter ses perspectives en mettant un point d’honneur à la moralisation de la fonction policière. Ci-dessous, l’intégralité des propos liminaires du ministre d’Etat Hamed Bakayoko.
Je voudrais, avant tout propos, vous saluer et vous remercier. Il me plait également de saluer le Président et les différents responsables du Groupement des Editeurs de Presse de Côte d’Ivoire (GEPCI), pour l’aimable invitation qui m’offre le plaisir de retrouver la grande famille de la presse, ma famille d’origine, et l’opportunité de communiquer sur la marche de l’Etat dans le domaine de mes attributions, c`est-à-dire la Sécurité et l’Administration du Territoire.
Je salue l’initiative du GEPCI, qui nous offre cette tribune d’échanges sur les grands sujets de la Nation. La crise postélectorale a fortement désorganisé l’administration territoriale et affaibli le système sécuritaire. Au niveau du Ministère de l’Intérieur, elle a été marquée, par les pillages des commissariats de police et des brigades de gendarmeries avec vol des armes individuelles ou à usage collectif ainsi que la défection de nombreux policiers. Cette situation a été aggravée par la prolifération des armes de tous genres et l’évasion des prisonniers de la MACA (5.347). L’insécurité grandissante avec son cortège d’enlèvements et d’atrocités, générait une peur panique et une psychose parmi la population. Dans un tel contexte, il fallait prendre des mesures urgentes pour répondre aux attentes des populations.
I-Au plan sécuritaire
L’état des lieux présentait une situation de chaos généralisé à laquelle il fallait faire face avec diligence. En effet, au lendemain de la crise poste électorale vingt-trois (23) services de police dont le District de Police de Marcory et 22 Commissariats ont été incendiés ou détruits, soixante trois (63) services de Police ont été pillés et saccagés. Cette situation a entraîné une démobilisation totale du personnel de police.
Lors du premier rassemblement général des policiers à l’Ecole de Police le 14 avril 2011, seuls quelques directeurs centraux étaient présents (soit une vingtaine de personnes). Le taux de présence s’est progressivement amélioré pour atteindre aujourd’hui près de 98% des effectifs. La réorganisation et le renforcement des services de police ont été notre premier chantier, car la sécurité est la porte d’entrée de tout le processus de normalisation.
Sur financement propre, le gouvernement a engagé deux actions majeures : la réhabilitation et la mobilité des troupes :
A- La restauration du cadre de travail :
- la réhabilitation complète de 30 commissariats de Police à Abidjan et 21 à l’intérieur ;
- la réhabilitation de 5 Préfectures de Police, de 7 districts et de 5 directions centrales ;
- la réhabilitation et l’équipement du siège d’INTERPOL, afin de ne pas perdre le bureau régional installé à Abidjan ;
- la réhabilitation du siège de la Police Technique et Scientifique à Vridi ;
- Le rééquipement en matériel de bureau, en matériel informatique et en matériel de transmission de tous les services réhabilités.
B- le rétablissement de la mobilité des unités de police
- 115 véhicules neufs, 25 motos d’escorte, 16 mobylettes ont été remises aux unités de Police ;
- 20 véhicules rénovés achetés à l’ONUCI, et 57 véhicules d’occasion offerts par la coopération française ont complété le parc automobile.
Ces véhicules ont permis d’accroitre la mobilité et d’améliorer la capacité opérationnelle des unités.
Par ailleurs dans le cadre de la visite du Chef de l’Etat à l’Ouest, les différents services de sécurité de cette région vont recevoir au total 49 véhicules neufs ; ce qui fera au total 241 véhicules mis à la disposition de la Police depuis moins d’un an.
C- Le redéploiement du personnel de la police et la restauration de son image
La question de l’utilisation optimum des personnels de police a été traitée à travers :
- la nomination de Directeurs Généraux et Centraux de la Police Nationale ;
- le redéploiement de 15.949 agents sur l’ensemble du territoire dont 1723 dans l’ex zone CNO où la police était totalement absente depuis dix ans. Pour ce qui concerne précisément cette zone, ce sont le district de Bouaké, 4 préfectures de police (Bouaké-Korhogo-Man-Odienné) et les 26 commissariats de police, qui ont été rouverts.
- la mise en place au niveau local par les Autorités Préfectorales de Comités Départementaux de Sécurité.
D- La formation et la maitrise des effectifs
En matière de sécurité, le niveau de compétence et la maîtrise des effectifs sont des critères importants. Dès lors, un accent a été mis sur :
- la formation continue à travers des stages initiés en collaboration avec l’ONUCI, les coopérations française, turque et allemande ; à ce titre c’est un total de 5602 policiers et gendarmes qui bénéficieront de recyclages. Actuellement, environ la moitié a déjà profité de ces formations ou séminaires.
- l’annulation des concours d’entrée à l’école de police 2010 dont les résultats définitifs ont été proclamés les 16 et 25 février 2011, décisions tombées sous le coup de l’ordonnance n° 2011-007 du 14 avril 2011 qui annulait tous les actes pris après le 04 décembre 2010 ;
- la suspension des recrutements en vue de redimensionner la taille des effectifs suite aux recrutements massifs opérés pendant 8 ans. Ceci, pour un meilleur encadrement tant au plan de la formation, de l’équipement et de la prise en charge sociale ;
- le contrôle des effectifs existants, pour vérifier que les admissions dans les différents corps de la police se sont faites dans des conditions régulières. Les premiers contrôles ont déjà révélé plus de 300 cas d’irrégularités flagrantes (faux diplômes, faux actes d’état-civil, etc.) sans parler des cas de trafic d’influence avérés.
E- La fluidité routière et la lutte contre le racket
Pour faire face aux difficultés croissantes de circulation, aux entraves et aux comportements répréhensibles de certains éléments de police qui se livrent au racket, des mesures appropriées ont été développées :
- le déploiement des agents de police à tous les grands carrefours d’Abidjan en vue d’assurer la fluidité routière ;
- la réduction du nombre de barrages sur toute l’étendue du territoire national ;
- la création le 07 octobre 2011 d’une unité de lutte contre le racket et les tracasseries routières ;
- la mise en place d’une police militaire pour mettre fin à la présence intempestive des militaires en armes à travers le district d’Abidjan ;
- la mise en place d’une unité spéciale de lutte contre les coupeurs de route ;
- la mise en œuvre du plan de lutte contre les tracasseries routières. Selon les chiffres publiés par les opérateurs de la filière bétail, et confirmés par le Ministère du Commerce, une baisse substantielle du racket a été constatée. A titre d’exemple on peut indiquer que l’évaluation du racket sur un camion de transport de 35 bovins, de la frontière du Mali jusqu’à Abidjan a été ramenée de 444.500 F à moins de 75.000 F, soit une baisse de plus de 80% ;
- la mise en place d’une réglementation sur l’utilisation des escortes et des avertisseurs sonores et lumineux plus stricte. Un texte est actuellement sur le bureau du gouvernement pour mettre fin à tous les abus constatés.
F - Le renforcement de la coopération internationale en matière de sécurité
En vue de renforcer nos capacités et d’utiliser toutes les possibilités d’appui à l’action de la police, la coopération internationale nous a permis d’obtenir :
- l’organisation d’une mission avec l’ONUCI à Daloa, Duékoué et Toulépleu pour évaluer la situation sécuritaire et humanitaire à l’Ouest ;
- l’organisation régulière de patrouilles mixtes avec l’UNPOL à Abidjan et Bouaké.
- l’audit des services de Police par l’ONUCI et la France visant à dresser un état des lieux.
G - la réactivité des forces de police face aux urgences
Pour développer une collaboration étroite entre les services de police et la population, nous avons mis en place des instruments appropriés.
Il s’agit, d’une part, du centre d’appel et d’écoute au numéro 100, mis en place le 4 juin 2011, chargé de recueillir les plaintes et alertes contre le racket et les exactions de tout genre. Les statistiques font ressortir une moyenne de 1457 appels par jour. Il est à noter que de juin à septembre 2011 (4 mois), le centre a reçu près de 410.000 appels, dont 30% très utiles, 5% pour des remerciements, 15% pour avoir des informations sur les missions du Centre d’appel, le reste étant des appels plus ou moins fantaisistes.
II- Au plan de la prévention des sinistres
Avec l’ONPC, nous avons mené les actions et mesures suivantes :
- la conduite en 2011 de campagnes de sensibilisation et d’information auprès des populations à risque à Abidjan et dans certaines localités à l’intérieur du pays, cette campagne a été relancée, au titre de l’année 2012 depuis le 15 avril;
- la réalisation de la cartographie des zones à risques dans le district d’Abidjan. les populations de ces quartiers invitées à se loger sur d’autres sites ;
- l’activation du Plan Bleu (assistance aux victimes des inondations) avec l’octroi d’une aide au relogement et en nourriture pour une soixantaine de familles dans les communes d’Attécoubé et d’Abobo ;
- la poursuite des travaux du Centre de Secours d’Urgence de N’Zianouan ;
- le début de la réhabilitation de la caserne des pompiers à Bouaké ;
- la signature d’une convention sous forme de don de deux milliards FCFA avec le Japon pour l’équipement des Services de la Protection Civile ;
- la mise à disposition de 5 véhicules destinés aux Sapeurs Pompiers par la France ainsi que divers équipements techniques.
III-La mise en œuvre de la politique d’administration territoire
Des réformes majeures ont été engagées pour la mise en œuvre de la nouvelle politique d’administration du territoire. Celles-ci visent à :
- Une structuration plus harmonieuse des entités administratives ;
- La création d’entités ayant une vocation de développement à une échelle importante ;
- La redéfinition des termes de référence du processus de décentralisation ;
Dans cette perspective l’ordonnancement juridique a été enrichi de plusieurs textes.
A - la reforme du cadre légal
- l’ordonnance d’orientation sur l’organisation générale de l’administration territoriale qui a permis le réaménagement du territoire en cinq (05) types de circonscriptions administratives, à savoir les Districts, les Régions, les Départements, les Sous-préfectures et les Villages et en deux (02) types de collectivités décentralisées que sont les Régions et les Communes ;
- le décret portant réorganisation du territoire national en douze (12) Districts, deux (02) Districts Autonomes, trente (30) Régions, quatre vingt quinze (95) Départements,
- le décret abrogeant les communes créées entre 2001 et 2010.
B- La restauration de l’autorité de l’Etat
- l’élaboration du plan de mise en œuvre de la composante « Préfecture » du Programme Présidentiel d’Urgence (PPU) destinée à la réhabilitation sommaire et à l’équipement de certains bureaux et résidences des Autorités Préfectorales dans les régions du Haut-Sassandra, du Moyen-Comoé, du Sud-Bandama et du Zanzan ;
- signature d’une convention pour la construction des bâtiments de 13 préfectures par les partenaires au développement.
IV- La réconciliation nationale et la cohésion sociale
- Il a été mis en place des comités de réconciliation et de cohésion sociale (95 comités préfectoraux et 345 comités sous-préfectoraux) sur l’ensemble du territoire par les Autorités Préfectorales. Ces comités, composés de toutes les couches sociales locales, ont réussi à identifier les risques de conflits intercommunautaires et à les désamorcer, ou à régler définitivement les cas d’affrontements survenus dans certaines localités. Les rapports desdits comités sont transmis chaque semaine pour exploitation au niveau central par les services compétents;
- Pour rendre plus efficace les actions du corps préfectoral, un séminaire sur la gestion des conflits et la cohésion sociale a été organisé à Grand-Bassam, en collaboration avec l’ONUCI ;
- L’amorce de discussions avec l’opposition et à l’occasion de plusieurs rencontres avec les délégations du FPI et du CNRD ;
- Cette initiative soutenue par le Gouvernement et le Président de la République a permis d’enregistrer des avancées notables dans ce processus de réconciliation nationale avec notamment :
➢le dégel de nombreux avoirs ;
➢la libération de plusieurs détenus;
➢ le retour massif des déplacés et exilés (en provenance du Bénin, du Togo, du Ghana et du Liberia) organisés avec l’appui du HCR ; à ce jour sur environ 212 782 exilés, 56% sont rentrés ; 95 278 encore à l’extérieur ;
➢ le retour de centaine de militaires exilés ;
➢ l’application effective du volet militaire de l’APO relatif à la création de la nouvelle armée, à l’intégration d’éléments des FAFN à la Police et à la Gendarmerie Nationale.
V- les perspectives
A – Dans le domaine de la sécurité
La moralisation de la fonction policière, avec pour objectif le seuil de tolérance zéro
- Elaboration d’une charte d’accueil dans les services de police ;
- Elaboration d’un code d’éthique et de déontologie de la fonction policière.
L’amélioration des conditions de travail et de vie des policiers par les actions suivantes :
- la mise en œuvre de la contribution de l’ONUCI pour la réhabilitation, la construction et l’équipement sommaire des Commissariats de Police de l’ex-Région du Moyen Cavally et de dix commissariats ; Peace Building Fund (PBF) – Le PBF 1 est en cours le deuxième a été validé et devrait débuter prochainement ;
- la poursuite des travaux de réhabilitation des autres commissariats, districts et préfectures de police pillés ou détruits et leurs inscriptions au Budget 2012 de l’Etat ;
- la poursuite de l’apurement des arriérés des baux Police qui a commencé par une opération de contrôle documentaire et physique des propriétaires et des maisons baillées. Il convient d’indiquer que le dossier faisait état de 13279 maisons baillées avec 6499 propriétaires. A la date du 13 avril, (après trois semaines) seulement 7.388 dossiers avaient été présentés et 6977 ont été validés, soit 50,4%.
- la rétrocession des cités policières (Yopougon, CRS Williamsville, CRS Divo et CRS Gagnoa) occupées par les FRCI ;
- le changement des tenues de travail de tous les policiers, 40.000 nouvelles tenues ont été commandées et devraient arriver au mois de juin 2012 ;
- la réforme du secteur de sécurité (RSS) par la refonte des textes régissant la Police Nationale ; un groupe de travail a été mis en place.
- la création d’une Ecole de police à l’intérieur du pays et d’une Académie de Police pour les Commissaires et Officiers ;
- la concrétisation du projet de vidéosurveillance des villes d’Abidjan et Yamoussoukro ;
- la création d’une direction centrale de la police municipale. Cette nouvelle structure devrait permettre de créer environ 12.000 emplois, notamment pour les jeunes à réinsérer et devrait pouvoir bénéficier d’un financement des partenaires au développement.
B- l’administration du territoire
- la poursuite du Programme de Modernisation de l’Etat Civil en Côte d’Ivoire (MECCI) ;
- la poursuite de la formation des autorités préfectorales à la gestion des conflits et à la cohésion sociale ;
- l’élaboration d’un plan de formation des chefs traditionnels à la bonne cohésion sociale :
- la création d’un statut spécifique pour les rois et chefs traditionnels ; un séminaire sera organisé à leur intention au mois de juin 2012.
- la poursuite de la dotation des Autorités Préfectorales en véhicules de Commandement et la réhabilitation des résidences pillées ou incendiées ; à l’occasion de la visite du Chef de l’Etat à l’ouest, 31 véhicules seront remis à ces autorités ;
- la relance du processus de structuration du territoire en communes ; au mois de mai, le travail sur le découpage des communes devrait être prêt, en règle générale, les communes devraient être calquées sur les sous-préfectures. Le nombre de communes devrait se situer autour de 500 ;
- L’organisation d’un séminaire gouvernemental sur la décentralisation.
C- La protection civile
- La recherche de solutions durables aux habitations situées dans les bassins d’orage.
En conclusion,
Il faut retenir que des efforts ont été faits même si, nous en avons conscience, beaucoup reste à faire. Les défis sont nombreux, mais notre volonté et notre détermination sont très fortes. Nous connaissons les problèmes, nous savons que le racket existe toujours, nous savons qu’il y a toujours des coupeurs de route, mais nous n’entendons pas lâcher un pouce de terrain et bien au contraire tous les jours nous progressons. Après une crise comme celle que nous avons vécue, nous devons mettre en place une réforme de grande ampleur. Toute la législation doit être revue. C’est la mission des groupes de travail sur la Réforme du Secteur de Sécurité, dont les grandes orientations sont données par le Président de la République, mais que nous devons mettre en œuvre sur le terrain au niveau de notre Ministère. Notre mission est de garantir la liberté des citoyens de pouvoir aller et venir sans aucune crainte, que les policiers soient là pour les aider et les protéger et non pour leur faire peur ou les terroriser. Pour cela, nous devons construire un policier nouveau, respectueux, qui a une haute idée de sa mission. Cette grande ambition d’une police moderne, d’un policier nouveau est possible. Je porte cette ambition avec beaucoup d’espoir car j’ai rencontré de nombreux policiers qui la partagent. Très sincèrement j’y crois, et nous allons réussir.